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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTEND LES RÉPONSES DE LA DÉLÉGATION DU TCHAD

01 Mai 2009

Comité contre la torture
30 avril 2009

Le Comité contre la torture a entendu, cet après-midi, les réponses apportées par la délégation du Tchad aux questions que lui ont été adressées hier après-midi par les membres du Comité s'agissant des mesures prises par le pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

La délégation, menée par M. Abderaman Djasnabaille, Ministre chargé des droits de l'homme et de la promotion des libertés, a indiqué que si la torture n'est pas explicitement incriminée dans le cadre du droit interne, une réforme de la loi était actuellement en cours qui prévoyait une définition conforme aux dispositions de la Convention. En vertu de ce projet de loi, des peines de prisons de 5 à 6 ans d'emprisonnement sont prévues pour qui pratiquerait des actes de torture, qui peuvent se monter jusqu'à 20 ans de travaux forcés lorsque ces actes sont pratiqués par un fonctionnaire ou contre une personne mineure. Évoquant les victimes du règne de Hissène Habré, le Ministre a indiqué que, faute de moyens pour conduire l'enquête, le juge d'instruction n'avait pas encore pu rendre d'ordonnance. Pour pallier ce manquement, les élus nationaux ont élaboré une proposition de loi qui vise à l'indemnisation de toutes les victimes, a-t-il déclaré. La délégation a par ailleurs indiqué que la plupart des responsables de l'ancienne Direction de la documentation et de sécurité (DDS) ont été démis de leurs fonctions. Le Ministre a reconnu qu'il existe encore au Tchad un vide qu'il convient de combler au niveau législatif et administratif et a assuré que le Gouvernement allait s'y attaquer.

Rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Tchad, Mme Essadia Belmir a exprimé sa vive reconnaissance pour les informations de haut niveau fournies par la délégation tchadienne. Revenant sur les affirmations de la délégation niant l'existence de lieux de détention secrets, Mme Belmir a affirmé que de nombreuses informations font état du contraire et que la persistance de cette pratique laisse à penser qu'il y a dans le pays un problème d'impunité. Certaines sources citent en outre des brigades se livrant à des violences à l'égard de la population et l'experte a demandé au Tchad de vérifier ces dires et de prendre des mesures pour y mettre fin. S'agissant de la situation des réfugiés, Mme Belmir l'a qualifiée d'alarmante et a enjoint le Gouvernement à accorder plus d'importance à la détresse de ces personnes. Elle a salué, par ailleurs, la création d'une Commission d'enquête sur les crimes commis sous le régime d'Hissène Habré, tout en soulignant qu'elle ne disposait pas de suffisamment de moyens, comme le montre le fait qu'aucune personne mise en cause n'ait été jugée. Le corapporteur, M. Claudio Grossman a lui aussi salué la création d'un Comité de suivi faisant suite aux événements de février 2008, mais a souhaité savoir quelles étaient les recommandations émises par ce Comité et l'issue qui leur a été réservée.

Les observations finales du Comité sur le rapport du Tchad seront rendues publiques à l'issue de la session, le vendredi 15 mai.


Demain matin, à 10 heures, le Comité entendra les réponses du Nicaragua aux questions posées par les experts suite à la présentation de son rapport initial. L'après-midi, le Comité entendra la présentation du rapport de la Nouvelle Zélande.


Réponses de la délégation du Tchad

M. ABDERAMAN DJASNABAILLE, Ministre chargé des droits de l'homme et de la promotion des libertés, répondant aux questions des experts, a indiqué que si la torture n'est pas explicitement incriminée dans le cadre du droit interne, une réforme de la loi était actuellement en cours qui prévoyait une définition conforme aux dispositions de la Convention. En vertu de ce projet de loi, des peines de prisons de 5 à 6 ans d'emprisonnement sont prévues pour qui pratiquerait des actes de torture, qui pourraient se monter jusqu'à 20 ans de travaux forcés lorsque ces actes sont pratiqués par un fonctionnaire ou contre une personne mineure. Le chef de délégation a fait valoir que, dans l'intervalle, la Constitution assure une protection contre des sévices ou traitements dégradants, en particulier lorsqu'ils sont exécutés par des fonctionnaires ou des agents du Gouvernement.

Il n'existe pas au Tchad de lieux de détention secrets depuis la chute du régime de Hissène Habré, a affirmé le Ministre, sauf de rares cas qui ont suscité l'intervention des autorités et la libération des victimes. La torture fait partie des pratiques que la conscience collective n'admet pas, et même s'il n'existe pas de définition explicite, interdiction est faite aux agents des forces de l'ordre sous peine de poursuites de pratiquer tout acte assimilé à de la torture, a affirmé M. Djasnabaille, répétant que le principe d'obéissance ne peut être invoqué pour pratiquer un acte de torture. Il a encore cité les textes de loi relatifs aux peines encourues par une personne exerçant l'autorité qui exercerait une tentative d'acte de torture.

Le Ministre tchadien a par ailleurs expliqué que pendant les événements d'avril 2006, l'état d'urgence a du être institué dans plusieurs régions troublées pour rétablir l'ordre public.

S'agissant de l'extradition et du refoulement des personnes vers un pays où il risque de subir la torture, le Ministre a notamment cité le cas d'un réfugié iranien qui, ayant fait l'objet d'une expulsion, a saisi la Cour suprême qui lui a donné raison. Le Tchad n'a pas encore harmonisé sa législation pour se conformer aux dispositions de plusieurs articles de la Convention, a-t-il par ailleurs reconnu.

Dans l'affaire Arche de Zoé, le Gouvernement français a demandé et obtenu l'extradition de ses nationaux condamnés au Tchad pour enlèvement et séquestration des enfants au nom de l'accord franco-tchadien du 6 mars 1976, a déclaré M. Djasnabaille.

Les victimes hésitent à porter à la connaissance de la justice des actes de torture par peur de représailles, a reconnu le chef de la délégation tchadienne, confirmant qu'il n'y a pas de réglementation garantissant la protection des victimes. En e qui concerne les victimes du règne de Hissène Habré, il a indiqué que, faute de moyens pour conduire l'enquête, le juge d'instruction n'avait pas encore pu rendre d'ordonnance. Pour pallier ce manquement, les élus nationaux ont élaboré une proposition de loi qui vise à l'indemnisation de toutes les victimes de Hissène Habré. De même en ce qui concerne les événements de 2008, le Gouvernement a mis en place une Commission d'enquête composée de représentants de la société civile et d'observateurs internationaux, qui a recommandé l'indemnisation des victimes des violations qui ont été perpétrées à cette occasion.

Les aveux obtenus par la torture ne sont pas recevables, a affirmé le Ministre tchadien des droits de l'homme et de la promotion des libertés, citant l'affaire Mariam Daoud dans le cadre de laquelle le Ministre de la justice, le Directeur général de la Gendarmerie et le Secrétaire particulier du chef d'État ont été démis de leur fonction.

Répondant aux questions spécifiques du Comité, la délégation a indiqué que la plupart des responsables de l'ancienne DDS ont été démis de leur fonction, notant toutefois en ce qui concerne les trois responsables mentionnés par Mme Belmir, que ceux-ci bénéficient de la présomption d'innocence.

Pour ce qui est du surpeuplement des prisons, la délégation a reconnu qu'il s'agissait d'un problème d'actualité et que cette question ferait l'objet de mesures dans le cadre de la convention qui vient d'être signée avec l'Union européenne, qui prévoit notamment la construction de maisons d'arrêt.

La délégation a également apporté des informations concernant la formation des représentants de l'autorité. En ce qui concerne le dysfonctionnement dans les maisons d'arrêt, elle a dit qu'une formation spécifique est prévue pour les personnes engagées comme gardiens de prison.
Une brigade spéciale de la Gendarmerie qui est affectée à enquêter sur les violations commises par la police, a par ailleurs indiqué la délégation.

Pour ce qui est de la procédure intentée contre la personne d'Hissène Habré, la délégation a fait savoir que les victimes et les ayant droits ont saisi le juge d'instruction tchadien pour poursuivre l'enquête et entendre les témoins.

Un médiateur existe bel et bien au Tchad et son statut est à l'examen en ce moment même, a encore indiqué la délégation.

En ce qui concerne les droits de l'enfant, la délégation a dit qu'en collaboration avec l'UNICEF pour mettre en place des programmes et notamment la question de l'enrôlement des enfants dans des groupes armés. La délégation a aussi indiqué que plusieurs juges ont été formés pour assumer la fonction de juge des enfants au niveau des tribunaux et de la cour d'appel.

Le chef de délégation a conclu en reconnaissant qu'il existe encore au Tchad un vide qu'il convient de combler au niveau législatif et administratif et que le Gouvernement allait s'y attaquer. Il a également invité les membres du Comité à se rendre au Tchad pour se rendre compte de la situation sur place.


Complément d'examen

MME ESSADIA BELMIR, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Tchad, a exprimé sa vive reconnaissance pour les informations de haut niveau fournies par la délégation.
Concernant la détention préventive, l'experte a noté que le droit de visite ne semble pas être appliqué de manière régulière, alors que l'exercice régulier du droit de visite permettrait de diminuer les abus, que reconnaît d'ailleurs la délégation elle-même. La rapporteuse a aussi évoqué le dépassement du délai de détention de 48 heures, demandant quelles sanctions sont prononcées contre les autorités qui ne respectent pas ce délai, dans le cas de la détention préventive.

Bien que la délégation nie l'existence de lieux de détention secrets, Mme Belmir a affirmé que de nombreuses informations font état du contraire et que la persistance de cette pratique et laisse à penser qu'il y a dans le pays un problème d'impunité.

L'experte a relevé par ailleurs que plusieurs brigades citées par les organisations non gouvernementales se livreraient à des violences à l'égard de la population. Elle a demandé au Tchad de vérifier ces dires et de prendre des mesures pour y mettre fin.

Mme Belmir a qualifié d'alarmante la situation des réfugiés au Tchad et a enjoint le Gouvernement à accorder plus d'importance à la détresse de ces personnes.

Pour ce qui est des pratiques du régime d'Hissène Habré, une Commission a été créée, a salué l'experte, mais elle ne dispose que de peu de moyens. Que fait cette Commission dans la pratique puisque les personnes mises en cause n'ont pas été jugées. Si l'on ne veut pas juger, il faut procéder autrement et créer une commission de vérité et réconciliation, a suggéré la rapporteuse.

M. CLAUDIO GROSSMAN, corapporteur du Comité pour le rapport du Tchad et Président du Comité, a souhaité savoir si l'état d'urgence qui a été décrété pour préserver l'ordre public a fait l'objet de mesures pour éviter les abus. Comment fonctionnent les différents pouvoirs dans ce cadre, en particulier le pouvoir judiciaire, a-t-il demandé.
La délégation tchadienne a affirmé que le Procureur de la République et les juges d'instruction peuvent visiter les prisons et recevoir des plaintes. Est-ce que suite au dépôt de plaintes, ces personnes sont vraiment habilitées à enquêter et les autorités, si tel n'est pas le cas, ont-elles l'intention de prendre des mesures concrètes pour que cette procédure soit appliquée?

Je n'ai pas constaté de réglementation concernant la protection des victimes, a dit M. Grossman, ce qui explique peut-être que celles-ci hésitent à porter plainte. Cette situation est-elle amenée à progresser, a-t-il encore demandé, et quelle est la direction prise par le pays ?

Tout en saluant la création du Comité de suivi à la suite des événements de février 2008, le corapporteur a voulu en savoir d'avantage sur les recommandations émises par ce Comité et l'issue qui leur a été réservées.
Lorsque des violations ont été sanctionnées, comme dans le cas de Mariam Daoud, a dit le corapporteur, l'État partie a indiqué que des personnes ont été démises de leur fonction; mais ont-elles été sanctionnées comme le prévoient les dispositions de la Convention? M. Grossman a demandé s'il y a eu des cas de condamnation, au Tchad, sur la base des articles cités et qui couvriraient actuellement en partie la définition de la torture.

Les membres du Comité ont encore souhaité disposer d'informations plus spécifiques s'agissant, notamment, de l'intention du Tchad de ratifier les traités existants sur l'adoption internationale, de la situation des réfugiés politiques, de la question de l'invocation de l'ordre d'un supérieur pour justifier la pratique d'un acte de torture.


Réponses complémentaires de la délégation

M. DJASNABAILLE, Ministre des droits de l'homme et de la promotion des libertés, a indiqué qu'un Forum se tiendra au Tchad au mois de juin, auquel les membres du Comité seraient conviés, tout comme les membres de la société civile, afin de faire le point sur les faiblesses existantes en matière des droits de l'homme et réfléchir aux moyens de pallier. Il a déploré l'existence au Tchad d'une culture de la violence et souligné la nécessité de changer les mentalités par la formation et la sensibilisation aux droits de l'homme.

S'agissant des victimes du régime d'Hissène Habré, le chef de la délégation tchadienne a déclaré que le Gouvernement avait décidé récemment d'octroyer au Juge d'instruction les moyens nécessaires pour faire avancer les procès. Il a relevé toutefois un désintérêt des victimes qui ne se manifestent pas. Il a noté à cet égard que le Sénégal avait reçu des moyens conséquents de la part de la communauté internationale pour poursuivre les exactions commises par Hissène Habré, alors que le Tchad manquait de moyens.

Évoquant les événements du 2 février 2008, M. Djasnabaille a expliqué que personne ne maîtrisait rien au moment de l'intervention de la rébellion et que les autorités n'ont pas été en mesure de faire quoi que ce soit sur le moment. Des cas de disparitions ont été constatés après les événements, que le Gouvernement souhaite élucider.

Le Ministre a enfin invité les membres du Comité à se rendre au Tchad, notamment à l'occasion du cadre du Forum sur les droits de l'homme qui sera organisé en juin 2009.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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