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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE EXAMINE LA SITUATION DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ

14 Mai 2002



CAT
28ème session
14 mai 2002
Matin



Il décide par neuf voix contre une de recommander que
le futur rapporteur chargé du suivi des conclusions
et recommandations du Comité de porter son attention à la question



Le Comité contre la torture a tenu, ce matin, une discussion sur la situation dans le territoire palestinien occupé, à la lumière de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. À l'issue de cette discussion, il a décidé, par neuf voix contre une, de recommander au rapporteur du Comité chargé du suivi, dans le cadre des activités générales qui lui sont confiées, de porter son attention à cette question et de tenir dûment compte des antécédents et du débat qui s'est déroulé ce matin au sein du Comité. Selon une nouvelle règle de procédure récemment établie, un rapporteur sera bientôt nommé parmi ses membres pour assurer le suivi des conclusions et recommandations adoptées par le Comité.
Le Président du Comité ayant invité M. Sayed Kassem el Masry, membre du Comité, à indiquer sur quelle base, au regard des compétences du Comité, devait se tenir la discussion sur la situation dans le territoire palestinien occupé, l'expert a souligné qu'il existe de nombreux rapports alarmants sur la poursuite de la politique menée par Israël dans le territoire palestinien occupé, que le Comité a déjà condamnée lors de sa dernière session, en novembre 2001, et au sujet de laquelle il a adressé nombre de lettres à cet État partie à la Convention contre la torture. M. el Masry a souligné que le représentant d'Amnesty International a lui-même déclaré que ce qu'il a vu à l'intérieur du camp de Djénine est l'une des pires scènes de dévastation qu'il ait jamais vues. Aussi, a estimé l'expert, le Comité devrait-il envoyer une lettre à Israël afin de lui rappeler ses engagements au titre de la Convention et de lui demander de répondre aux nombreuses allégations de violations des droits de l'homme reçues récemment.
Mme Felice Gaer a contesté la compétence et la capacité du Comité à tenir ce genre de discussions. Elle a regretté que l'exposé de M. el Masry donne l'impression que l'armée israélienne a soudainement décidé, du jour au lendemain, de lancer une attaque contre un camp de réfugiés. Mme Gaer a rappelé que, depuis septembre 2000, il y a eu plus de 12 000 attaques violentes contre les Israéliens, a-t-elle indiqué. Aussi, l'attitude d'Israël constitue-t-elle une réponse proportionnelle face à la menace qui pèse sur sa démocratie. La proposition dont est aujourd'hui saisi le Comité revient donc à condamner une seule des parties alors que la communauté internationale demande aux deux parties de faire cesser la violence. Mme Gaer a mis en garde contre une politisation du travail des comités.
Les autres membres du Comité ont ensuite pris la parole pour exprimer leurs points de vue sur la compétence du Comité à tenir une telle discussion et sur la suite à lui donner.
Le Comité entendra cet après-midi, à 15 heures, les réponses de la délégation de la Fédération de Russie aux questions que lui ont posées les experts hier matin.

Discussion sur la situation dans le territoire palestinien occupé
Le Président du Comité, M. Peter Thomas Burns, a invité M. Sayed Kassem el Masry à prendre la parole pour indiquer sur quelle base, au regard des compétences du Comité, il entendait voir se tenir la discussion sur la situation dans le territoire palestinien occupé.
En réponse à l'invitation du Président du Comité, M. el Masry a rappelé que le Comité a déjà pris une décision, au début de la présente session, quant à la nécessité de tenir une discussion sur la situation dans le territoire palestinien occupé à la lumière de la Convention, et qu'il ne saurait être question de revenir sur la décision d'inscrire cette question à l'ordre du jour du Comité en remettant en question la compétence du Comité pour tenir une telle discussion.
L'expert a souligné qu'il existe de nombreux rapports alarmants sur la poursuite de la politique menée par Israël, que le Comité a déjà condamnée lors de sa dernière session, en novembre 2001, et au sujet de laquelle il a adressé nombre de lettres à l'État partie concerné. Le représentant d'Amnesty International a lui-même déclaré que ce qu'il a vu à l'intérieur du camp de Djénine est l'une des pires scènes de dévastation qu'il ait jamais vue. Des témoignages ont indiqué que des missiles ont été lancés aveuglément depuis des hélicoptères, prenant de nombreux civils au dépourvu. Quatre mille personnes, soit un quart de la population du camp, sont désormais sans abri. Les exécutions extrajudiciaires se poursuivent encore aujourd'hui, a affirmé M. el Masry. Human Rights Watch a présenté un rapport le 2 mai dernier dans lequel il est dit que lors de l'attaque contre le camp de Djénine, l'armée israélienne a bloqué pendant 11 jours, du 4 au 15 avril 2002, la circulation des véhicules médicaux de secours. Le rapport d'Amnesty International en date du 12 avril dernier souligne que l'armée israélienne tue le personnel médical, tire sur les ambulances et tire aveuglément sur les gens dans les rues et dans leurs habitations, dans une démarche qui vise incontestablement à punir collectivement l'ensemble de la population. Human Rights Watch et d'autres ont dénoncé l'utilisation, par l'armée israélienne, de civils palestiniens comme de boucliers humains.
M. el Masry a souligné que si la responsabilité première en ce qui concerne les enquêtes à mener sur tous ces agissements incombe à Israël, la communauté internationale ne saurait abdiquer ses propres responsabilités en la matière. De nombreux Palestiniens ont été détenus pour la simple raison qu'ils étaient là au moment des rafles de l'armée israélienne, a affirméé l'expert. En outre, l'armée refusait de notifier les noms des personnes détenues ou les lieux où elles étaient détenues, laissant sans nouvelle les familles des personnes ainsi détenues. Toutes ces pratiques équivalent bien à un traitement cruel, inhumain ou dégradant, a affirmé M. el Masry. Les habitants de Djénine souhaitent être entendus par la communauté internationale, mais Israël persiste dans son refus de voir une mission d'enquête internationale pénétrer dans le camp.
En novembre dernier, a rappelé l'expert, le Comité avait déjà conclu que la politique de démolition de logements équivalait à un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Mais Israël a ignoré les recommandations du Comité et a même continué, voire intensifié sa politique. Il est donc important que le Comité réaffirme aujourd'hui les obligations qui incombent au Gouvernement d'Israël au titre de la Convention. Le Comité devrait ainsi envoyer une lettre à cet État partie afin de lui rappeler ses engagements au titre de la Convention et de lui demander de répondre aux nombreuses allégations de violations des droits de l'homme qu'il a reçues récemment.
Mme Felice Gaer a regretté la discussion qui s'est engagée. En effet, qui peut penser aux événements tragiques de ces derniers mois sans éprouver un sentiment de frustration face à l'interruption du processus de paix et à l'irruption du terrorisme au quotidien avec les attentats qu frappent à l'aveugle. Mme Gaer a contesté la compétence et la capacité du Comité à tenir ce genre de discussions. Elle s'est dit d'autant plus attristée qu'on a l'impression, à l'écoute de l'exposé qui vient d'être fait par M. el Masry, que l'armée israélienne a décidé, du jour au lendemain, de lancer une attaque contre un camp de pauvres réfugiés. Il conviendrait de replacer les choses dans leur contexte : depuis septembre 2000, il y a eu plus de 12 000 attaques violentes contre les Israéliens. Aussi, l'attitude d'Israël constitue-t-elle une réponse proportionnelle face à la menace qui pèse sur sa démocratie. La proposition dont est aujourd'hui saisi le Comité revient donc à condamner une seule des parties alors que la communauté internationale demande aux deux parties de faire cesser la violence.
Mme Gaer a souligné que, contrairement à ce qui a été dit par certains qui ont chiffré à quatre cents le nombre de morts palestiniens suite aux événements de Djénine, le Bureau de coordination de l'aide humanitaire (OCHA) et le Gouverneur de Djénine lui-même ont parlé de 52 morts et de moins d'une dizaine de personnes portées disparues. Aujourd'hui, la question est de savoir si le Comité doit examiner cette question alors que la délégation de l'État partie n'est pas là et qu'aucun rapport n'a été envoyé au Comité. La question de la responsabilité du Comité doit être sérieusement abordée. La question qui est posée est celle de savoir si l'on peut prendre le risque de politiser le travail des comités et d'adopter une approche déséquilibrée. En effet, la situation est préoccupante dans de nombreux pays qui n'ont jamais présenté de rapports au Comité sans que cela entraîne une discussion comme celle de ce matin, a relevé Mme Gaer, qui a évoqué les situations en Colombie, en Ouganda, en République démocratique du Congo où deux millions de personnes seraient mortes dans les territoires occupés, en Algérie où des dizaines de milliers de personnes sont mortes suite à la violence terroriste et où des émeutes sont en cours à l'heure actuelle, et au Sénégal où les combats font rage entre rebelles et forces gouvernementales et où de nombreuses personnes sont en fuite. Sans parler du Venezuela, dont le premier rapport, qui devait être présenté au cours de la présente session, ne le sera qu'à la prochaine session du Comité. Le Comité n'a décidé de tenir une discussion sur la situation d'aucun de ces pays, a insisté Mme Gaer. Les motivations politiques ne doivent pas être à la base des activités du Comité, a déclaré Mme Gaer. L'experte a déclaré que si le Comité décidait d'envoyer une lettre à Israël, alors elle présenterait une liste de 28 pays auquel des lettres similaires pourraient être envoyées.
M. Alexander Yakovlev s'est dit profondément impressionné par les deux exposés qui viennent d'être faits. Nous avons ici à faire à une situation qui dépasse de loin le cadre de la Convention contre la torture, a-t-il déclaré. Dans ce contexte, il importe de conserver une attitude impartiale et objective, a-t-il souligné. M. Yakovlev a déclaré que personnellement, il n'est pas disposé à examiner cette question sans la présence de l'État partie concerné.
M. Guibril Camara a déclaré que si Israël avait fait la déclaration prévue au titre de l'article 21 de la Convention, il est évident que le Comité aurait été à l'aise car sans doute un autre État partie l'aurait saisi de la question en vertu de cet article. Il n'en demeure pas moins que la véritable question est purement juridique et consiste à savoir si le Comité peut ou non se saisir d'une question soulevée par un de ses membres, ce qui, pour M. Camara, ne fait aucun doute. Par le passé, le Comité a toujours admis qu'il peut se saisir de la situation dans les territoires palestiniens occupés, a rappelé M. Camara.
M. Andreas Mavrommatis a déclaré que, comme base de discussion, le Comité ne peut que partir de l'examen du rapport récent d'Israël et des recommandations qu'il avait présentées à l'issue de cet examen. Aujourd'hui, il faudrait permettre à l'État partie concerné d'enquêter sur les allégations portées à son attention et de fournir des réponses au Comité. Certains événements montrent qu'il devrait y avoir une amélioration de la situation sur le terrain, a déclaré M. Mavrommatis, avant de rappeler qu'une réunion a eu lieu en Égypte au cours de laquelle d'importantes dénonciations ont été prononcées. En outre, les États-Unis semblent prendre l'initiative de la convocation d'une conférence pour débattre de la question, a noté M. Mavrommatis.
M. Fernando Mariño Menéndez a rappelé que le Comité se trouve face à deux parties qui, toutes deux, peuvent faire l'objet de reproches. Le Comité pourrait notamment faire référence au Premier protocole à la Convention de Genève qui s'applique aux parties à un conflit armé et non pas seulement aux États. À ce stade, il faudrait que le Comité s'abstienne de prononcer une condamnation.
M. Yu Mengjia a souligné qu'en ce qui concerne la question débattue ce matin, le Comité ne peut bien sûr qu'espérer la fin du conflit et le rétablissement de la paix sur le terrain. Selon M. Yu, il ne serait toutefois pas approprié que le Comité évite toute discussion sur la question. L'expert a mis l'accent sur la question de la crédibilité du Comité qui doit rendre des comptes aux États parties. La question posée est de savoir ce que peut faire ou pas le Comité. À cet égard, M. Yu a indiqué qu'il n'était pas opposé à ce que se tienne une discussion sur les questions de fond en l'absence de l'État partie concerné.
M. Ole Vedel Rasmussen a déploré qu'Israël n'ait pas permis à la mission d'enquête du Conseil de sécurité de se rendre sur le terrain pour enquêter sur les événements qui se sont déroulés dans le camp de Djénine. Pour autant, M. Rasmussen a dit partager l'argument avancé par Mme Gaer qui se demande en somme «pourquoi Israël et pas les autres pays».
M. Alejandro González Poblete a rappelé que le Comité, à la différence de la Commission des droits de l'homme, n'est pas un organe politique, c'est un organe technique. Le Comité n'a juridiction que sur l'une des parties à la question examinée ce matin, a souligné M. González Poblete, l'autre partie n'ayant pas la qualité d'État et ne pouvant donc être partie à la Convention contre la torture. Quoi qu'il en soit, si quelque chose le préoccupe, le Comité se doit d'entendre l'État partie concerné. Adopter maintenant une décision par laquelle seraient demandés des renseignements exceptionnels reviendrait à prendre position sans avoir écouté l'État concerné. Si vraiment nous sommes préoccupés par une situation, demandons à cet État de venir à une date ultérieure présenter des informations sur cette situation, a suggéré l'expert.
M. Peter Thomas Burns, Président du Comité, a rappelé que dans toute situation de conflit il existe des divergences d'opinions concernant le déroulement, voire la nature même des événements en cause. Quoi qu'il en soit, la question à l'examen ce matin relève bel et bien du suivi des décisions du Comité. Ce sera donc au rapporteur qui sera chargé du suivi de vérifier si les préoccupations et recommandations du Comité ont été prises en compte par l'État partie concerné. M. Burns s'est dit favorable à l'idée de faire savoir à Israël que lorsque le Comité examinera le prochain rapport d'Israël, il s'attend à y voir figurer certaines informations précises.
Un échange de vues s'est ensuite engagé à l'issue duquel a été soumise une motion visant à ce que le Comité recommande au rapporteur sur le suivi, dans le cadre des activités générales qui lui sont confiées, de tenir dûment compte des antécédents de la question et du débat qui s'est déroulé ce matin au sein du Comité.
Cette motion a été adoptée à l'issue d'un vote par neuf voix pour et une contre (Mme Gaer).



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