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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE DISCUTE DE LA SITUATION DANS LES TERRITOIRES PALESTINIENS OCCUPÉS

16 Mai 2001



CAT
26ème session
16 mai 2001
Matin






Il décide de consulter les services juridiques de l'ONU
au sujet de la compétence juridictionnelle
d'Israël sur les territoires occupés
au regard de la Convention



Le Comité contre la torture a examiné, ce matin, une proposition de l'un de ses membres, M. Sayed Kassem El Masry, visant à ce que le Comité se prononce sur la question de l'applicabilité de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans les territoires palestiniens et de la responsabilité d'Israël en la matière.

Le Comité a décidé, après un vote à main levé de cinq voix pour (sur les neuf experts présents) de consulter les services juridiques des Nations Unies au sujet de la compétence juridictionnelle d'Israël sur les territoires occupés. Il a également décidé d'envoyer une lettre à la Mission permanente d'Israël auprès des Nations Unies à Genève afin de lui indiquer que la délégation israélienne qui présentera le troisième rapport périodique d'Israël en novembre prochain se verra poser des questions au sujet des territoires palestiniens occupés.

M. El Masry a fait observer que la situation dans les territoires occupés s'est considérablement détériorée depuis la dernière session du Comité, en novembre 2000, au détriment des Palestiniens et du processus de paix. Il a rappelé que 27% des Palestiniens qui ont perdu la vie étaient des enfants de moins de 18 ans. Il a ajouté que les manifestations dans les territoires occupés sont imputables à l'humiliation et aux frustrations que ces enfants et leurs familles ressentent après tant d'années d'occupation israélienne.

En fin de séance, le Comité a par ailleurs arrêté la liste des rapports qu'il examinera lors de sa prochaine session, en novembre 2001. Il s'agit des rapports initiaux de l'Arabie saoudite, du Bénin, de l'Indonésie et de la Zambie, ainsi que le troisième rapport périodique d'Israël et le quatrième rapport périodique de l'Ukraine.


Le Comité devrait reprendre ses travaux en séance publique cet après-midi pour se pencher sur des questions d'organisation. Les conclusions et recommandations du Comité concernant le Costa Rica, le Brésil et le Kazakhstan seront présentées demain après-midi, à 15 heures.



Discussion sur la situation des territoires palestiniens occupés

Présentation de M. El Masry

Depuis novembre dernier, a affirmé M. Sayed Kassem El Masry, la situation dans les territoires occupés s'est considérablement détériorée, au détriment des Palestiniens et du processus de paix. En ce qui concerne l'emploi excessif de la force par Israël, la Commission d'enquête créée l'an dernier par la Commission des droits de l'homme a constaté que la plupart des victimes parmi les Palestiniens ont été atteintes de balles réelles, appelées «balles en caoutchouc», qui sont en fait des balles en métal recouvertes de caoutchouc. Au mois de février dernier, le nombre de victimes s'élevait à 311 morts du côté palestinien et à 47 morts du côté israélien. Nous ne sommes qu'à la mi-mai et les chiffres ont doublé depuis, a souligné M. El Masry. Parmi les Palestiniens qui ont perdu la vie, 27% étaient des enfants de moins de 18 ans. Selon Israël, cela résulte du fait que l'Autorité palestinienne aurait endoctriné ces enfants contre Israël: mais cela justifie-t-il qu'Israël les tue, a demandé l'expert?

M. El Masry a déclaré que les manifestations dans les territoires occupés sont imputables à l'humiliation et aux frustrations que ces enfants et leurs familles ressentent après tant d'années d'occupation israélienne. Des rapports troublants ont en outre été reçus qui indiquent que plus de 300 enfants palestiniens sont détenus dans des centres pénitentiaires israéliens où leur vie se trouve parfois en péril. Ces enfants sont détenus en compagnie de prisonniers adultes israéliens. Des rapports indiquent que les enfants sont soumis à la torture lors de leur interrogatoire et durant leur détention, a insisté l'expert.

Le bouclage des territoires palestiniens constitue une forme de punition collective contraire à l'article 16 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, a par ailleurs affirmé M. El Masry (selon l'article 16, «Tout État partie s'engage à interdire dans tout territoire sous sa juridiction d'autres actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui ne sont pas des actes de torture telle qu'elle est définie à l'article premier»). En ce qui concerne les exécutions extrajudiciaires, conformément aux informations recueillies par le Rapporteur spécial M. Giorgio Giacomelli, elles auraient coûté la vie à au moins 13 personnes victimes d'Israéliens déguisés en arabes. Ces meurtres ont officiellement été exécutés et défendus aux échelons les plus élevés du Gouvernement israélien, a souligné M. El Masry.

Aussi, M. El Masry a-t-il suggéré que le Comité se prononce sur la question de l'applicabilité de la Convention dans les territoires palestiniens occupés et la responsabilité d'Israël en la matière. Israël prétend en effet ne pas exercer de juridiction sur ces territoires et estime que sa responsabilité en vertu de la Convention ne peut être engagée dans ces territoires. Rappelant qu'Israël a soumis en mars dernier son troisième rapport périodique au secrétariat du Comité et que, comme d'habitude, ce rapport ne porte pas sur les territoires occupés, M. El Masry a estimé que le Comité devrait demander à ce pays de lui fournir un rapport complémentaire sur la situation dans les territoires.

Selon M. El Masry, le Comité devrait en outre demander à Israël de s'abstenir de toute politique de châtiment collectif, y compris en ce qui concerne le bouclage des territoires palestiniens; de s'abstenir d'utiliser des armes mortelles; de s'abstenir de recourir à un usage excessif de la force; de s'abstenir de procéder à des exécutions extrajudiciaires; de donner des instructions à toutes les autorités concernées afin qu'elles ne tirent pas sur les ambulances et n'entravent pas la fourniture de soins médicaux; et de donner des instructions afin qu'il ne soit pas tiré sur des enfants sans armes.


Discussion de la proposition de M. El Masry

La plupart des membres du Comité ont fait valoir qu'il existe à travers le monde d'autres situations aussi graves voire plus graves que celle que vient d'exposer M. El Masry et que le Comité doit s'abstenir de traiter différemment les situations. Aussi, les experts ont-ils estimé que c'est lors de l'examen du troisième rapport périodique d'Israël que le Comité pourra soulever les questions, certes préoccupantes, que vient d'évoquer M. El Masry. Un membre du Comité a toutefois souligné qu'invoquer l'existence d'autres situations similaires est une argumentation politique et non pas juridique et que s'il existe de telles situations, le Comité devrait s'y intéresser.

Un expert a insisté sur le caractère purement juridique du problème auquel le Comité est confronté: il s'agit de déterminer si Israël exerce ou non une juridiction sur les territoires occupés. Le Président a estimé qu'en la matière, le Comité se doit d'adopter l'approche qu'il a toujours préconisée, à savoir que les États doivent répondre de tout acte constituant une violation de la Convention, indépendamment du lieu où ils les ont commis. Ainsi, le fardeau de la preuve incombera à Israël qui devra démontrer que la force utilisée par ses soldats n'est pas excessive.

Selon M. El Masry, on peut incontestablement affirmer qu'Israël exerce une juridiction sur les territoires palestiniens occupés puisque ce pays contrôle totalement la zone C de ces territoires; partage le contrôle de la zone B de ces territoires avec la police palestinienne; et contrôle des secteurs tels que les impôts ou les routes dans la zone A - qui n'est totalement sous contrôle de l'Autorité palestinienne que pour ce qui relève du pouvoir municipal.

Le Comité a finalement décidé par un vote à main levé de cinq voix pour (sur les neuf experts présents) de consulter les services juridiques des Nations Unies au sujet de la compétence juridictionnelle d'Israël sur les territoires occupés. Un expert a fait observer que le Comité comprend plusieurs juristes et que, s'il peut certes demander à consulter un expert juridique, il peut en dernier ressort se faire sa propre opinion et finalement prendre une décision en son nom propre.

Un membre du Comité a reconnu l'existence d'un faisceau de présomptions graves et concordantes qui portent à penser qu'il se produit actuellement dans les territoires occupés de graves violations des droits de l'homme et, plus précisément, de graves violations des droits énoncés dans la Convention. Il n'en demeure pas moins que le Comité se doit de fonder son action sur des principes juridiques et juridictionnels incontestables, a rappelé cet expert. Il semble en outre difficile de ne pas respecter le principe du débat contradictoire qui veut que la partie concernée doit pouvoir défendre son point de vue.


Le Président du Comité, M. Peter Thomas Burns, a souligné que M. El Masry demande en fait au Comité d'entreprendre une démarche au titre de l'article 19 de la Convention (concernant la présentation de rapports par les États parties) alors même que le Comité n'a pas encore examiné le rapport qu'Israël lui a soumis il y a deux mois. En début de séance, M. Burns a fait part de sa crainte de voir le Comité - organe d'experts - se transformer en organe politique.



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