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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ACHÈVE SON DIALOGUE AVEC LA DÉLÉGATION DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE

14 Mai 2002



CAT
28ème session
14 mai 2002
Après-midi




Le Comité contre la torture a achevé, cet après-midi, son dialogue avec la délégation de la Fédération de Russie en entendant les réponses apportées par ce pays aux questions qui lui ont été posées hier par les experts s'agissant, notamment, de la situation dans la République de Tchétchénie; de la surpopulation carcérale et des conditions de détention; des poursuites contre les fonctionnaires accusées de mauvais traitements et d'abus de pouvoir; des violences au sein de l'armée; de l'application de la justice militaire; de la situation des réfugiés.
La délégation dirigée par le Vice-Ministre de la justice de la Fédération de Russie, M. Yuri Kalinin, a notamment déclaré que l'histoire de la société russe au cours du XXe siècle a été marquée par la culture de l'arbitraire et de l'impunité et a estimé qu'il faudrait un certain temps pour se débarrasser de cette culture.
La délégation a par ailleurs indiqué que 405 000 personnes sont détenues dans le système pénitentiaire du pays, dont 30 000 sont atteintes du VIH/sida alors qu'un nombre bien supérieur - environ 90 000 - sont atteintes de tuberculose. Le taux de mortalité de la tuberculose est de 135 pour mille cas dans le milieu pénitentiaire alors qu'il est de 17 pour mille dans l'ensemble de la population russe, a souligné la délégation.
Le Comité présentera jeudi 16 mai, à 15 heures, ses conclusions et recommandations sur le troisième rapport périodique de la Fédération de Russie.
Demain matin, à l'issue d'une séance privée, le Comité devrait tenir une réunion avec le Rapporteur spécial sur la torture, M. Theo van Boven.

Examen du rapport de la Fédération de Russie
M. YURI KALININ, Vice-Ministre de la justice de la Fédération de Russie, a rappelé que l'histoire de la société russe au cours du XXe siècle a été marquée par la culture de l'arbitraire et de l'impunité. Il est certain, a-t-il ajouté, que cela prendra un certain temps pour se débarrasser de cette culture héritée de l'histoire.
La violence qui a cours dans la République de Tchétchénie risque de se reproduire ailleurs dans la Fédération de Russie si l'on ne s'efforce pas de rétablir la légalité et d'assurer la primauté du droit, a par ailleurs estimé la délégation. Le processus de rétablissement de l'état de droit dans la République de Tchétchénie est notamment lié à la normalisation des relations socioéconomiques au sein de cette République, a-t-elle précisé. Elle a d'autre part indiqué que le Bureau chargé des personnes disparues dans la République de Tchétchénie dispose d'une liste de 874 personnes portées disparues, y compris des cas de personnes disparues sans qu'aucune indication ne permette d'engager une procédure pénale.
En réponse aux questions posées par des membres du Comité s'agissant de l'existence de fosses communes dans la République de Tchétchénie, la délégation a indiqué que, le 24 février 2001, huit corps sans documents d'identité mais en habits civils étaient découverts près de Grozny. Une enquête a alors été engagée par le Procureur et, au 1er mai 2001, 48 corps avaient été retrouvés dans cette localité attestant de morts violentes, a précisé la délégation.
Il faut absolument prendre des mesures pour mettre un terme à l'utilisation routinière de la torture au sein de la société russe, a par ailleurs admis un membre de la délégation, membre de la Douma. Il a précisé qu'un projet de loi visant à renforcer la responsabilité pénale des fonctionnaires qui auraient eu recours à la torture avait été déposé devant la Douma, mais que le gouvernement s'est opposé à ce projet de loi «avec virulence» de sorte que ce projet n'a pu être adopté. Il faut espérer qu'il pourra l'être ultérieurement.
La délégation a indiqué qu'entre les années 2000 et 2001, plus de 5 000 personnes ont été accusées de mauvais traitements au titre de l'article 117 du Code pénal. Durant cette période, le nombre d'accusations d'abus de pouvoir de la part de fonctionnaires s'est élevé à 1848.
La criminalité continue d'augmenter en Fédération de Russie, a par ailleurs souligné la délégation. En réponse aux préoccupations exprimées par certains membres du Comité eu égard au nombre élevé de personnes détenues dans le pays, la délégation a fait observer qu'il y a aujourd'hui deux millions de détenus aux États-Unis, soit 20% de la population carcérale mondiale pour un pays qui ne représente que 5% de la population mondiale. Il conviendrait donc de se demander si c'est aujourd'hui la Fédération de Russie qui doit être condamnée pour l'importance de sa population carcérale.
Le Président du Comité, M. Peter Thomas Burns, est intervenu afin de rappeler à la délégation que ce n'est pas la situation aux États-Unis qui est examinée aujourd'hui.
La délégation a indiqué que le transfert de compétence du Ministère de l'intérieur au Ministère de la justice s'agissant des questions pénales a incontestablement eu une influence sur la réforme du système pénitentiaire. L'an dernier, il y a eu plus de deux millions de délits constatés dans le pays. Le nombre total de condamnations a été de 1 646 000, et 304 000 condamnés ont été privés de liberté. Aujourd'hui, 405 000 personnes sont détenues dans le système pénitentiaire du pays, dont 30 000 sont atteintes du VIH/sida, alors qu'un nombre bien supérieur sont atteintes de tuberculose. Le taux de mortalité de la tuberculose est de 135 pour mille cas dans le milieu pénitentiaire alors qu'il est de 17 pour mille dans l'ensemble de la population russe. Il n'en demeure pas moins que le nombre de détenus atteints de la tuberculose est passé de 92 000 l'an dernier à 87 000 cette année, a fait valoir la délégation.
La délégation a précisé que le nombre de femmes détenues dans le pays a doublé ces dix dernières années, passant de 19 600 en 1992 à 40 700 aujourd'hui.
La délégation a par ailleurs indiqué que le pays compte 807 institutions pour mineurs ayant besoin d'une réinsertion sociale. Chaque année, ce sont quelque 300 000 mineurs qui passent par ces institutions, a-t-elle précisé.
Un problème grave se pose en ce qui concerne les orphelins, et le Président de la Fédération de Russie s'occupe personnellement de cette question, a d'autre part indiqué la délégation. À l'heure actuelle, le travail effectué a permis l'adoption en juin 1999 d'une loi créant des opportunités complémentaires de protection sociale des enfants orphelins.
Aucune expérience n'est effectuée sur les malades des hôpitaux psychiatriques du pays, a par ailleurs assuré la délégation.
Les citoyens russes ont désormais la possibilité de s'adresser à la Cour européenne des droits de l'homme, a également rappelé la délégation.
En ce qui concerne les violences au sein de l'armée, la délégation a indiqué que 700 plaintes relatives à de telles violences ont été examinées en 2001, dont la grande majorité étaient déposées par les membres des familles de militaires. Cette situation, que l'on pouvait qualifier de criminogène, a pu être combattue grâce à l'adoption de mesures disciplinaires visant à faire respecter les règlements militaires.
S'agissant de la justice militaire, la délégation a indiqué que les tribunaux militaires relèvent de la Constitution. Les juges militaires sont indépendants et ne peuvent être destitués. L'ensemble du personnel de justice militaire dépend de la Cour suprême de la Fédération de Russie pour toute la durée de son mandat, a souligné la délégation.
Interrogée sur la situation des réfugiés, eu égard notamment à la législation qui leur est applicable, la délégation a notamment rappelé que la Fédération de Russie a récemment adopté la Convention relative au statut de réfugié. Au cours de la deuxième moitié des années 90, la Fédération de Russie a connu une très forte immigration en provenance des pays voisins, à la recherche d'un travail illégal. Les problèmes d'immigration sont alors devenus un problème de sécurité nationale. Aussi, la Fédération de Russie a-t-elle pris une série de mesures conformes aux normes internationales, parmi lesquelles on peut citer l'adoption de la Loi sur les réfugiés. Il existe un statut de réfugié provisoire octroyé pour un an et renouvelable pour une année supplémentaire à chaque échéance. Le statut de réfugié politique est quant à lui octroyé aux personnes qui fuient une persécution ou une menace réelle de persécution dans leur pays. Les personnes qui se voient refuser le statut de réfugié ont droit de faire appel de la décision devant des instances administratives supérieures ou devant des tribunaux. Si le refus est confirmé, ces personnes doivent alors quitter d'elles-mêmes le territoire de la Fédération de Russie, faute de quoi, le Procureur peut appliquer à leur encontre une sanction de détention ou d'expulsion.
Au cours des années 2000-2001, 22 000 personnes étrangères et apatrides ont été expulsées du pays, a précisé la délégation. Les migrants illégaux représentent aujourd'hui 85% des citoyens étrangers ou apatrides présents sur le territoire russe. Ces migrants illégaux se trouvent dans le pays pour diverses raisons: à titre d'exemple, on peut dire que 40 000 d'entre eux s'y trouvent parce qu'ils souhaitent obtenir le statut de réfugié; pour 60 000 d'entre eux (essentiellement originaires du Vietnam, de la Chine et de la République démocratique de Corée), c'est parce qu'ils y étaient sous contrat de travail du temps de l'Union soviétique et qu'ils y sont restés à l'échéance de leur contrat. Cinq millions de personnes relèvent en outre de la catégorie des travailleurs illégaux, a déclaré la délégation. Désormais, toutes les questions relatives aux migrations relèvent d'un bureau spécial du Ministère des affaires intérieures, a-t-elle précisé.



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