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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ACHÈVE SON DIALOGUE AVEC LA DÉLÉGATION DE LA RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA

09 Mai 2003



CAT
30ème session
9 mai 2003
Après-midi




Il adopte un projet de déclaration en vue de
la Journée internationale des Nations Unies
pour le soutien aux victimes de la torture




Le Comité contre la torture a achevé, cet après-midi, l'examen du rapport initial de la République de Moldova. Il a en outre adopté un projet de déclaration en vue de la Journée internationale des Nations Unies pour le soutien aux victimes de la torture, le 26 juin, dans lequel il rappelle le caractère indérogeable des obligations des États parties concernant l'impossibilité d'invoquer une quelconque circonstance exceptionnelle pour justifier la torture et l'interdiction de toute peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant.
Ce texte étant une déclaration conjointe, il doit encore être approuvé par le Rapporteur spécial sur la question de la torture, le Conseil d'administration du Fonds de contributions volontaires pour les victimes de la torture et le Haut Commissaire aux droits de l'homme.
Dans le cadre de l'examen du rapport de la République de Moldova, le Comité a entendu les réponses fournies par la délégation aux questions soulevées hier matin par les experts s'agissant, notamment, de l'exclusion de l'infraction de torture dans le nouveau code pénal qui doit entrer en vigueur cet été; de l'irrecevabilité des preuves obtenues sous la torture; de l'indépendance du pouvoir judiciaire; de la manière dont est déterminé le salaire des policiers; de la détention administrative; des règles régissant les interrogatoires; du surpeuplement carcéral; de la tuberculose en prison et dans l'ensemble du pays; des mineurs emprisonnés.
Dirigée par M. Vitalie Slonovschi, Vice-Ministre des affaires étrangères de la République de Moldova, la délégation a notamment indiqué que l'interrogatoire d'un suspect ne peut se dérouler qu'en présence de son avocat et que, selon les instructions existantes, les suspects doivent également avoir accès à un médecin. Affirmant que la question du surpeuplement carcéral est douloureuse pour le pays, elle a reconnu qu'aujourd'hui, les cellules créées dans les années 1970 ne correspondent plus aux normes de détention et de garde à vue. La délégation a par ailleurs annoncé que le Ministère de la justice travaille actuellement à une nouvelle loi d'amnistie qui pourrait être promulguée durant le deuxième semestre 2003.
Le Président du Comité, M. Peter Thomas Burns, a affirmé ne pas être très satisfait des réponses apportées par la délégation moldove et avoir l'impression qu'il n'y a pas eu de réel dialogue aujourd'hui, «les experts parlant d'une chose et la délégation d'une autre».
Le Comité présentera ses conclusions et recommandations sur le rapport moldove le jeudi 15 mars à 15h30.
En fin de séance, M. Sayed Kassem el Masry a attiré l'attention sur la situation qui prévaut dans le camp de détention à Guantanamo qui, a-t-il affirmé, constitue depuis plus d'un an et demi le seul endroit au monde où aucun tribunal n'a de compétence claire. Une discussion s'est nouée autour de cette question et a été close sans qu'aucune décision formelle n'ait été adoptée.
Le Comité reprendra ses travaux en séance publique lundi matin, à 10 heures, pour tenir une réunion informelle avec les États parties à la Convention. Lundi après-midi, à 15 heures, le Comité présentera ses conclusions et recommandations concernant les rapports du Cambodge et de l'Azerbaïdjan, examinés durant la présente session.

Examen du rapport de la République de Moldova
Certains experts s'étant inquiétés de l'exclusion de l'infraction de torture dans le nouveau Code pénal qui doit entrer en vigueur en Moldova le 1er juillet prochain, la délégation a souligné que les éléments constitutifs de torture en vertu de la Convention ont été prévus dans plusieurs articles du nouveau Code pénal. C'est à l'autorité judiciaire qu'il incombe d'évaluer si un acte de torture a été commis ou non, a souligné la délégation. Elle a néanmoins indiqué que les autorités moldoves sont disposées à prendre en considération les observations du Comité à ce sujet.
Les preuves obtenues en enfreignant le Code de procédure pénale ne peuvent pas constituer l'élément central de la sentence ou d'une quelconque décision judiciaire, a par ailleurs rappelé la délégation. Les principales preuves permettant de se prononcer sur la culpabilité d'un prévenu ne sont pas, comme cela a pu être dit, les aveux, mais plutôt l'ensemble des preuves matérielles rassemblées au cours de l'instruction, a-t-elle par ailleurs assuré.
Plusieurs experts ayant fait part hier de leur préoccupation face au manque d'indépendance du pouvoir judiciaire, la délégation a indiqué que les juges sont nommés par le Président sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature pour une période de cinq ans. Après écoulement de cette période, le Président a le droit de nommer un juge à vie. La loi sur la magistrature prévoit en outre que peut être nommé procureur tout citoyen licencié en droit et résidant sur le territoire de la République de Moldova qui n'a commis aucune infraction, parle la langue du pays et a passé avec succès l'examen de qualification devant la Commission d'attestation, a précisé la délégation.
Un membre du Comité s'est inquiété qu'un juge puisse être nommé pour cinq ans puis, à la discrétion de l'exécutif, puisse ensuite être nommé à vie. Comment penser qu'un juge dont l'avenir professionnel dépend à ce point de l'Exécutif puisse être indépendant, s'est demandé cet expert?
La délégation a par ailleurs rappelé que la République de Moldova a signé le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Il lui reste désormais à présenter le projet de loi de modification de la législation nationale afin de finaliser la ratification de ce Statut, a précisé la délégation.
En réponse à un expert qui faisait hier état d'informations selon lesquelles le salaire des policiers dépendrait en fait du nombre de charges qu'ils parviennent à faire retenir contre des individus, la délégation a assuré que le salaire des policiers ne dépend nullement du nombre d'affaires découvertes par eux; il se fonde sur l'ancienneté, les états de service et le poste occupé, a-t-elle affirmé.
Il y a effectivement deux types de sanctions dans le régime juridique moldove, a poursuivi la délégation: les sanctions pénales et les sanctions administratives. Ce sont les juges qui prennent une décision sur la peine administrative (30 jours maximum) qui peut être prononcée. Le contrôle exercé sur la légalité des mesures prises dans le cadre des détentions administratives, incombe au Procureur et au Ministère des affaires intérieures, a par ailleurs indiqué la délégation.
L'interrogatoire d'un suspect ne peut se dérouler qu'en présence de son avocat, a également assuré la délégation. Selon les instructions existantes, les suspects doivent également avoir accès à un médecin, a-t-elle précisé.
Depuis 1990, la Moldova a réorganisé les commissariats de police en axant son travail sur la prévention, en particulier la prévention de la toxicomanie, a par ailleurs indiqué la délégation. Il n'y a pas de lieux de détention spécialisés dans les locaux de la police, a-t-elle ajouté.
Interrogée sur ce que les autorités comptaient faire pour éviter le surpeuplement carcéral, la délégation a souligné qu'il s'agit là d'une question douloureuse pour le pays. Il est vrai qu'aujourd'hui, les cellules créées dans les années 1970 ne correspondent pas aux normes de détention et de garde à vue, a reconnu la délégation. Elles sont souvent souterraines, a-t-elle précisé. Régler le problème coûterait extrêmement cher, a poursuivi la délégation. Il n'en demeure pas moins que des mesures vont être prises pour améliorer les conditions de détention, a-t-elle assuré. Seules deux prisons sont à proprement parler véritablement surpeuplées, notamment celle où sont regroupés les prisonniers ayant commis des crimes particulièrement graves (prison de Cricova), a ajouté la délégation. Des mesures ont été prises afin de retirer les jalousies aux fenêtres des cellules dans lesquelles les détenus sont placés en isolement, de manière à permettre une meilleure ventilation, a par ailleurs indiqué la délégation.
La délégation a par ailleurs indiqué que tous les établissements pénitentiaires du pays disposent d'un service médical doté d'un personnel dûment formé. Il est vrai qu'il existe un problème en ce qui concerne le financement des médicaments dans ces services, a reconnu la délégation. L'an dernier, il y avait quelque 600 tuberculeux parmi les prisonniers du pays et cette année, ce nombre est tombé à 400, a précisé la délégation. Elle a ajouté que le nombre de tuberculeux dans l'ensemble du pays, qui s'établissait l'an dernier à 1300, est tombé cette année à environ 700. En ce qui concerne le traitement de cette maladie, c'est la méthode DOTS, conformément aux directives de l'OMS, qui est appliquée grâce à l'assistance d'une organisation du Luxembourg (Caritas-Luxembourg).
La délégation a indiqué que les mineurs délinquants de 14 à 18 ans sont détenus dans des établissements pénitentiaires pour mineurs qui sont dotés d'écoles.
La loi d'amnistie adoptée en 2002 pour célébrer le dixième anniversaire de l'indépendance de la République de Moldova a notamment permis la libération de 309 détenus, au total, et de nombreux autres ont été transférés vers des colonies ouvertes. Le Ministère de la justice travaille actuellement à une nouvelle loi d'amnistie qui pourrait être promulguée durant le deuxième semestre 2003, a indiqué la délégation.
Le Président du Comité, M. Peter Thomas Burns, a affirmé ne pas être très satisfait des réponses apportées par la délégation et avoir eu l'impression qu'il n'y a pas eu de dialogue aujourd'hui, «les experts parlant d'une chose et la délégation d'une autre». La délégation n'a par exemple pas répondu aux divers cas individuels mentionnés par des experts.

Discussion à l'initiative d'un membre du Comité sur la situation des détenus de Guantanamo
En fin de séance, M. Sayed Kassem el Masry a attiré l'attention sur la situation qui prévaut dans le camp de détention à Guantanamo qui, depuis plus d'un an et demi, constitue selon lui le seul endroit au monde où aucun tribunal n'a de compétence claire. Il a déclaré que plus de 140 détenus, dont certains sont mineurs, ne peuvent contester la légitimité de leur détention devant un organe judiciaire. M. el Masry a affirmé que plusieurs articles de la Convention contre la torture sont violés dans ce contexte. Le Gouvernement des États-Unis refuse d'accorder l'assistance d'un avocat à ces détenus et leur refuse aussi le droit de contester la légalité de leur détention, a insisté l'expert. Les accusations dont font l'objet ces détenus ne sont pas étayées et le Gouvernement bafoue la présomption d'innocence, a-t-il ajouté.
Selon M. el Masry, le Comité contre la torture ne peut ignorer une telle situation et doit exercer des pressions sur le Gouvernement des États-Unis afin d'y remédier. Étant donné que le rapport des États-Unis est attendu depuis un an et demi maintenant, M. el Masry a proposé que le Comité adresse une lettre au Gouvernement afin qu'il présente son rapport en incluant des informations concernant la situation à Guantanamo.
Réagissant à l'intervention de M. el Masry, un autre membre du Comité a estimé qu'il serait inopportun pour l'instant de soulever cette question sous cette forme. Un autre expert a affirmé qu'il y a bien d'autres questions au monde sur lesquelles il aimerait que le Comité intervienne et que le Comité n'a en outre pas mandat pour traiter de cette question de la sorte. Un expert a fait observer qu'il semble, selon certaines informations que, sous la pression internationale, les États-Unis s'apprêtent à libérer certains des détenus de Guantanamo. Il a ajouté qu'il semblerait, sur la base de certaines allégations, que les dispositions de la Convention sont violées dans le contexte de Guantanamo, et a estimé que le Comité a le droit de demander à un État partie de présenter son rapport à une date donnée.
Le Président du Comité, M. Peter Thomas Burns, a tenu à souligner que, «si des informations nous poussent à avoir des soupçons, nous ne pouvons actuellement affirmer que les États-Unis sont en violation de la Convention». Pourquoi ne pas traiter de la même manière d'autres pays, a demandé M. Burns? En outre, de quel article de la Convention relèverait une lettre que le Comité adresserait aux États-Unis dans la forme que propose M. el Masry, a demandé le Président? Le Président a invité les experts à laisser cette question de côté étant entendu que, lorsque les États-Unis se présenteront devant le Comité, ils pourront leur adresser toutes les questions qu'ils souhaitent.
La discussion s'est terminée sans que le Comité ne prenne de décision sur cette question.

Déclaration conjointe à l'occasion de la Journée internationale des Nations Unies pour le soutien aux victimes de la torture
Le Comité a adopté un projet de déclaration qu'il soumet pour approbation au Rapporteur spécial sur la question de la torture, au Conseil d'administration du Fonds de contributions volontaires pour les victimes de la torture et au Haut Commissaire aux droits de l'homme.
À la lumière des conflits armés internes et internationaux largement répandus dans le monde d'aujourd'hui, le Comité contre la torture, le Rapporteur spécial sur la question de la torture, le Conseil d'administration du Fonds de contributions volontaires pour les victimes de la torture et le Haut Commissaire aux droits de l'homme ont décidé, à l'occasion de la Journée internationale des Nations Unies pour le soutien aux victimes de la torture, le 26 juin 2003, de faire une déclaration conjointe rappelant que la torture est un crime international qui, lorsqu'il est pratiqué systématiquement ou lorsqu'il est largement répandu et dirigé contre la population civile, constitue aussi un crime contre l'humanité et qui, lorsqu'il est pratiqué en période de conflit armé, constitue un crime de guerre. Ils rappelleraient aux États parties à la Convention contre la torture le caractère indérogeable des obligations énoncées aux articles 2 et 16 de la Convention (concernant respectivement l'impossibilité d'invoquer une quelconque circonstance exceptionnelle pour justifier la torture et l'interdiction de toute peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant). Dans cette déclaration conjointe, il serait demandé à tous les autres États et parties à des conflits internationaux, régionaux ou internes de respecter les normes énoncées dans les articles 2 et 16 de la Convention. Il serait également demandé à tous de soutenir les États et organisations qui sont engagés en faveur de l'élimination de la torture, de sa prévention et de la réadaptation des victimes.



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