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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ACHÈVE LES TRAVAUX DE SA TRENTE-TROISIÈME SESSION

26 Novembre 2004

Comité contre la torture
COMMUNIQUÉ FINAL 26 novembre 2004



Il adopte ses conclusions sur les rapport présentés par
l'Argentine, le Royaume-Uni et la Grèce


Le Comité contre la torture a achevé ce matin les travaux de sa trente troisième-session, qui se tenait au Palais des Nations à Genève depuis le 15 novembre dernier. Il rend publiques les conclusions et recommandations qu'il a adoptées concernant les trois rapports qu'il a examinés au cours de la session et qui étaient présentés par l'Argentine, le Royaume-Uni et la Grèce.

Le Comité se félicite des efforts déployés par l'Argentine pour combattre l'impunité des crimes contre l'humanité commis lors de la dictature militaire. Il se réjouit en outre de la ratification, en novembre 2004, du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. Le Comité recommande à l'Argentine de prendre des mesures énergiques pour mettre fin à l'impunité des auteurs d'actes de torture et de mauvais traitements commis par les forces de police. Il recommande en outre à l'Argentine de réviser sa législation et de modifier sa pratique en matière de détention provisoire afin qu'une telle mesure ne soit appliquée qu'à titre exceptionnel.

S'agissant du Royaume-Uni, le Comité se félicite notamment de la reconnaissance de la compétence des tribunaux anglais pour connaître d'actes de torture commis à l'étranger. Il se félicite de l'assurance donnée que les forces armées britanniques impliquées dans des opérations à l'étranger sont, à tout moment, tenues au respect du droit pénal anglais. Il souligne toutefois que les protections prévues par la Convention s'appliquent à l'ensemble des territoires placés de facto sous la juridicition de l'État partie. Le Comité recommande par ailleurs au Royaume-Uni le renforcement de l'indépendance des mécanismes chargés de l'examen périodique de la légitimité des dispositions d'urgence prévues par les lois antiterroristes. Le Royaume-Uni devrait se saisir de toute urgence de la question de l'adoption de mesures alternatives aux détentions illimitées prévues par la loi de 2001 sur l'antiterrorisme, la criminalité et la sécurité.

Le Comité se félicite de l'entrée en vigueur en Grèce d'un nouveau Code pénitentiaire et de textes de lois relatifs à l'aide juridictionnelle, à l'usage des armes à feu par les forces de police et à la lutte contre la traite d'êtres humains. Il se réjouit de la volonté affirmée par la délégation grecque de coopérer davantage avec les organisations non gouvernementales. Le Comité recommande par ailleurs à la Grèce de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre sur pied un mécanisme efficace, sûr et indépendant de plaintes concernant les allégations de mauvais traitements ou actes de torture commis par les forces de police. Le Comité recommande à la Grèce d'assurer que toutes les opérations menées par les agents de la force publique soient mises en œuvre de manière non-discriminatoire.


Le Comité tiendra sa prochaine session du 2 au 21 mai 2005 pour examiner les rapports de la Finlande, de la Suisse, de l'Albanie, du Canada, du Togo, de Barheïn et de l'Ouganda.


Conclusions et recommandations sur les rapports examinés au cours de la session

Dans ses conclusions et recommandations sur le rapport de l'Argentine, examiné les 16 et 17 novembre derniers, le Comité contre la torture se félicite des efforts déployés par l'État partie pour combattre l'impunité des crimes contre l'humanité commis lors de la dictature militaire. Le Comité se réjouit par ailleurs de la ratification par l'Argentine, en novembre 2004, du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, ainsi que de la ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale en février 2001. Le Comité se réjouit en outre de l'entrée en vigueur, en janvier 2004, de la nouvelle loi sur l'immigration aux termes de laquelle un étranger ne peut être détenu qu'en vertu d'une décision judiciaire. Le Comité se réjouit enfin du travail accompli par la Commission nationale pour le droit à l'identité.

Tout en prenant note des difficultés de l'Argentine aux plans économique et social, le Comité exprime sa préoccupation face aux allégations de torture et de mauvais traitements commis de manière répandue et habituelle par les forces de sécurité et les institutions de l'État, à la fois dans les provinces et dans la capitale fédérale. Le Comité exprime également sa préoccupation face à l'écart entre le nombre d'informations sur des actes de torture et mauvais traitements et le faible nombre de peines prononcées pour de tels faits, ainsi que des lenteurs injustifiables des enquêtes relatives aux cas de torture. Aussi, le Comité recommande-t-il à l'Argentine de prendre des mesures énergiques afin de mettre fin à l'impunité des auteurs d'actes de torture et de mauvais traitements; en menant des enquêtes rapides, impartiales et complètes; en traduisant en justice et en punissant les coupables; et en procédant à l'indemnisation des victimes. Le Comité est également préoccupé par la pratique répétée consistant à requalifier les crimes de torture en infractions moins graves, assorties de peines moins lourdes.

Ainsi qu'il a pu l'affirmer lors de l'examen de précédents rapports de l'Argentine, le Comité note que les informations fournies par l'État partie sur le respect des obligations imposées par la Convention ne reflètent toujours pas la situation du pays dans sa globalité. Il recommande à l'Argentine de garantir que les obligations découlant de la Convention seront toujours respectées par les tribunaux provinciaux. Le Comité note que le registre national sur la jurisprudence afférente à des cas de torture et de mauvais traitement n'a toujours pas été établi. Le Comité est également préoccupé par les informations faisant état de la détention d'enfants n'ayant pas atteint la majorité pénale avec des adultes, ainsi que des cas allégués de torture et de mauvais traitements subis par ces enfants, ayant dans certains cas entraîné la mort. Le Comité recommande à l'Argentine, ainsi que l'a promis la délégation pour le cas de la province de Buenos Aires, d'interdire immédiatement l'incarcération de mineurs dans les locaux de la police et de transférer les mineurs actuellement détenus dans des établissements spéciaux. Le Comité exprime en outre sa préoccupation quant au surpeuplement et aux mauvaises conditions d'hygiène dans les prisons pouvant être apparentées à un traitement inhumain ou dégradant. Le Comité est également préoccupé par le grand nombre de personnes placées en détention provisoire, avoisinant 80% du total des personnes incarcérées à Buenos Aires. Le Comité recommande à l'Argentine de réviser sa législation et de modifier sa pratique en matière de détention provisoire, afin qu'une telle mesure ne soit appliquée qu'à titre exceptionnel.

Dans ses conclusions et recommandations sur le rapport du Royaume-Uni, examiné les 17 et 18 novembre, le Comité se félicite de la considération accordée par l'État partie aux précédentes recommandations faites par le Comité, avec notamment la fermeture de certains établissements pénitentiaires qui posaient problème. Le Comité se réjouit également de la décision du 24 mars 1999 du Comité judiciaire de la Chambre des Lords par laquelle est reconnue la compétence des tribunaux anglais pour connaître d'actes de torture commis à l'étranger et l'absence d'impunité pour les anciens chefs d'État impliqués dans de tels crimes. Le Comité se réjouit par ailleurs de la mise en place d'une Commission de recours indépendante au sein de la Police en Angleterre et au Pays de Galles et la création en Irlande du Nord d'une Commission nationale des droits de l'homme et d'un Ombudsman de la police. Le Comité se réjouit en outre de l'assurance donnée par le Royaume-Uni que des forces armées britanniques et autres agents publics impliqués dans des opérations à l'étranger sont, à tout moment, tenus au respect du droit pénal anglais, y compris aux dispositions relatives à l'interdiction de la torture et des mauvais traitements. Le Comité se félicite en outre de l'affirmation selon laquelle toute preuve obtenue au moyen de n'importe quel acte de torture par des agents britanniques ou avec la complicité des autorités britanniques, ne sauraient être recevables dans le cadre de procédures civiles ou pénales au Royaume-Uni.

Le Comité est toutefois préoccupé par la conception restrictive de l'État partie concernant l'applicabilité de la Convention aux actions menées par ses forces armées à l'étranger. Le Comité fait remarquer que les protections prévues par la Convention s'appliquent à l'ensemble des territoires placés sous la juridiction de l'État partie et considère que ce principe s'applique à tous les territoires placés de facto sous le contrôle effectif des autorités de l'État partie. En outre, le Comité recommande au Royaume-Uni de rendre publics les résultats de toutes les enquêtes visant des allégations concernant le comportement de ses forces armées en Iraq et en Afghanistan , particulièrement lorsqu'elles concernent des manquements à la Convention, tout en prévoyant un réexamen indépendant des conclusions auxquelles elles sont parvenues. Préoccupé par un certain nombre d'incompatibilités entre les exigences de la Convention et la législation anglaise, le Comité recommande au Royaume-Uni de prendre les mesures nécessaires pour que les moyens de défense au titre de l'article 134(1) de la loi sur la justice pénale soient conformes avec les exigences de la Convention contre la torture. Le Comité recommande par ailleurs au Royaume-Uni le renforcement de l'indépendance des mécanismes chargés d'examiner de manière périodique le bien fondé des dispositions d'urgence prévues par les lois de 2001 sur l'antiterrorisme, la criminalité et la sécurité et de l'an 2000 sur le terrorisme. Le Royaume-Uni devrait se saisir de toute urgence de la question des mesures alternatives aux détentions illimitées prévues par la loi de 2001 sur l'antiterrorisme, la criminalité et la sécurité. Par ailleurs, le Royaume-Uni devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour réouvrir les enquêtes encore non élucidées, relatives à des cas de décès provoqués par des armes à feux en Irlande du Nord selon des modalités qui suscitent la confiance de toute la communauté.

Dans ses conclusions et recommandations sur le rapport de la Grèce, examiné les 22 et 23 novembre, le Comité se réjouit de l'entrée en vigueur d'un nouveau Code pénitentiaire dont certaines dispositions visent à améliorer les conditions de détention et à prévenir les traitements inhumains des prisonniers. Le Comité se félicite de l'entrée en vigueur de la loi sur l'aide juridictionnelle qui prévoit la désignation d'avocats pour constituer et soumettre des plaintes relatives à des actes de torture ainsi que le devoir du procureur pénitentiaire de fournir un conseil juridique aux détenus. Le Comité se réjouit en outre de la nouvelle loi sur la possession et l'usage des armes à feu par les forces de police et de la promulgation d'une loi relative à la lutte contre la traite d'êtres humains. Le Comité accueille également avec satisfaction la création d'un Département des droits des enfants au sein de la Commission nationale des droits de l'homme. Il se réjouit de la volonté affirmée par la délégation grecque de coopérer davantage avec les organisations non gouvernementales. Enfin, le Comité se félicite de la ratification par la Grèce du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Le Comité recommande à la Grèce de renforcer les efforts qu'elle déploie actuellement pour réduire les cas de mauvais traitements commis par les forces de police et autres agents de l'administration, notamment lorsque ces actes sont fondés sur la race. Le Comité recommande à la Grèce de faire en sorte que tous les personnels impliqués dans la détention de personnes, l'interrogatoire et le traitement des détenus bénéficient d'une formation relative à l'interdiction de la torture et des mauvais traitements. La Grèce devrait par ailleurs prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre sur pied un mécanisme efficace, sûr et indépendant de plaintes permettant des enquêtes rapides et impartiales, y compris de nature médico-légale, concernant les allégations de mauvais traitements ou d'actes de torture commis par des forces de police ou des agents de l'administration. Le Comité recommande en outre à la Grèce de punir les auteurs de tels actes. Le Comité souligne que si la Grèce reconnaît le principe de l'indépendance du judiciaire, il est de sa responsabilité de veiller à son bon fonctionnement.

La Grèce devrait par ailleurs faire en sorte que toutes les personnes faisant état d'actes de torture et de mauvais traitements bénéficient d'une protection appropriée et que leurs allégations fassent l'objet d'enquêtes rapides. Le Comité souhaiterait en outre être tenu informé des possibilités d'indemnisation accordées aux victimes de la torture et à leurs ayant droits. Reconnaissant les efforts déployés par la Grèce pour réduire sur le long terme le surpeuplement dans les prisons en construisant de nouveaux établissements pénitentiaires, le Comité recommande à l'État partie d'envisager, à titre de mesures d'urgence, des moyens supplémentaires de réduire la surpopulation carcérale. Le Comité recommande à la Grèce d'assurer que toutes les opérations menées par les agents de la force publique, particulièrement lorsqu'elles concernent les roms ou autres groupes marginaux, soit mises en œuvre de manière non-discriminatoire. Le Comité recommande également à la Grèce de fournir dans son prochain rapport périodique des données statistiques ventilées par crime, appartenance ethnique et sexe, s'agissant des plaintes relatives à des mauvais traitements imputables aux agents chargés de l'application de la loi. Le Comité recommande enfin à la Grèce de ratifier le Protocole facultatif à la Convention contre la torture.


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