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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ACHÈVE L'EXAMEN DU RAPPORT DE L'OUZBÉKISTAN
02 mai 2002
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CAT
28ème session
2 mai 2002
Après-midi
Le Comité contre la torture a achevé, cet après-midi, l'examen du deuxième rapport périodique de l'Ouzbékistan en entendant les réponses apportées par la délégation de ce pays aux questions que lui avaient adressées, hier matin, les experts, s'agissant, entre autres, de l'indépendance du pouvoir judiciaire; de la définition de la torture; de la détention préventive; de l'inspection des lieux de détention et des conditions de détention; des fonctions du Centre national des droits de l'homme; et de l'examen des plaintes.
Le Comité présentera, le mercredi 8 mai à 15 heures, ses conclusions et recommandations sur la mise en œuvre en Ouzbékistan de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Cet après-midi, la délégation ouzbèke, dirigée par M. Akmal Saidov, Directeur du Centre national des droits de l'homme de la République d'Ouzbékistan, a notamment indiqué ne pas comprendre que le Comité accorde davantage d'importance aux informations émanant des organisations non gouvernementales qu'aux informations émanant des autorités. Tout au moins le Comité devrait-il accorder une égalité de traitement à ces deux types de sources, a estimé la délégation. À cet égard, un membre du Comité a souligné que lorsque les experts font état d'informations émanant des organisations non gouvernementales, cela ne signifie pas qu'ils les reprennent à leur compte.
La délégation a par ailleurs affirmé qu'après l'entrée en vigueur du Code de procédure pénale actuel, une évolution positive a pu être constatée en ce qui concerne les conditions de détention dans le pays. Elle a également indiqué qu'après examen des plaintes adressées au Bureau de l'Ombudsman, il a été constaté que se produisent en Ouzbékistan de graves violations du principe de la présomption d'innocence et du droit du citoyen à la défense. Des actes de torture et des violations des droits de l'homme ont également été constatés, notamment dans les régions rurales, a reconnu la délégation.
Le Comité entamera demain matin, à 10 heures, l'examen du deuxième rapport périodique du Venezuela (CAT/C/33/Add.5).
Examen du rapport de l'Ouzbékistan
La délégation de l'Ouzbékistan a notamment émis le souhait, pour l'avenir, de pouvoir recevoir, avant sa comparution devant le Comité, les rapports concernant la situation dans le pays qu'il obtient de telle ou telle organisation non gouvernementale, de manière à pouvoir être en mesure d'en étudier le contenu à l'avance. La délégation a indiqué ne pas comprendre que le Comité accorde davantage d'importance aux informations émanant des organisations non gouvernementales qu'aux informations fournies par les autorités. Tout au moins le Comité devrait-il accorder une égalité de traitement à ces deux types de sources, a estimé la délégation.
À cet égard, un membre du Comité a fait observer que lorsque les experts font état d'informations émanant des organisations non gouvernementales et les portent à la connaissance de la délégation, cela ne signifie pas qu'ils les reprennent systématiquement à leur compte mais plutôt qu'ils souhaitent obtenir le point de vue de la délégation sur ces informations afin de se forger une opinion.
La délégation a par ailleurs rejeté l'analyse d'un membre du Comité qui a qualifié de déportation de masse voire de génocide les déplacements de population survenus en Ouzbékistan alors que ces déplacements de population n'ont concerné qu'un peu plus d'un millier de personnes qui risquaient, sans cela, d'être prises en otage par des fondamentalistes islamistes.
Plusieurs experts ayant, hier, souhaité obtenir davantage d'informations sur l'indépendance du pouvoir judiciaire, la délégation a rappelé que le Président de l'Ouzbékistan a réitéré à plusieurs reprises sa ferme détermination à créer dans le pays un pouvoir judiciaire fortement indépendant. À cette fin, la Loi sur les tribunaux a été adoptée l'an dernier qui reprend, entre autres, les principes fondamentaux régissant l'indépendance des organes judiciaires et qui se fonde sur le principe de la spécialisation. Ainsi, existe-t-il dans le pays des tribunaux spécialisés en droit civil et d'autres spécialisés en droit pénal, a précisé la délégation. L'indépendance des juges est un principe constitutionnel important en Ouzbékistan, a-t-elle poursuivi. Aux termes de l'article 112 de la Constitution, les juges sont en effet indépendants et ne se soumettent qu'à la loi. L'article 236 du Code pénal prévoit une responsabilité pénale passible d'une peine d'emprisonnement de plusieurs années pour ingérence dans la procédure judiciaire, a par ailleurs indiqué la délégation. Après l'adoption de la Constitution de 1992, il a été décidé que les juges seraient désormais nommés pour cinq ans par le Président, a ajouté la délégation. L'inamovibilité des juges n'exclut pas la possibilité de les démettre de leurs fonctions s'ils se rendent coupables d'un délit, a-t-elle toutefois précisé. La délégation a reconnu que le Code pénal ouzbek ne contient pas de définition de la torture.
Le délai maximum fixé par la législation ouzbèque pour la détention préventive constitue une garantie importante des droits de l'individu, faute de quoi la bureaucratie pourrait entraîner des retards et des délais inacceptables, a poursuivi la délégation. Ce délai, qui pouvait auparavant aller jusqu'à deux ans a désormais été ramené à un an. La détention préventive initiale ne peut actuellement être prolongée que de neuf mois et uniquement dans des circonstances exceptionnelles avec l'approbation du Procureur général.
En ce qui concerne la surveillance et l'inspection des lieux de détention, la délégation a indiqué que cette fonction incombe à la fois au bureau du Procureur, à une commission parlementaire et à l'Ombudsman, ainsi qu'à certaines organisations non gouvernementales habilitées à procéder à un tel contrôle. En 2000, la commission parlementaire et l'Ombudsman ont examiné la manière dont était appliqué le nouveau Code de procédure pénale au sein de l'administration pénitentiaire. Ils ont constaté qu'après entrée en vigueur du code actuel, l'administration pénitentiaire avait pris des mesures pour se conformer à la nouvelle réglementation et une évolution positive en ce qui concerne les conditions de détention dans le pays a pu être constatée. Il n'en demeure pas moins que des lacunes subsistent dans certains domaines, notamment en matière de programmes de formation à l'intention des détenus.
La délégation a par ailleurs indiqué qu'au cours des années 2000-2001, le Centre national des droits de l'homme, en collaboration avec le Bureau de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) à Tachkent, ont organisé une série de séminaires de formation sur le thème de l'administration de la justice pénale.
La délégation a précisé que le Centre national des droits de l'homme a été créé par décret présidentiel en 1996. Le Centre est notamment chargé d'élaborer un plan national de droits de l'homme; de promouvoir la coopération du pays avec les institutions internationales de droits de l'homme; d'élaborer des rapports sur le respect des droits de l'homme dans le pays et de les présenter, entre autres, aux instances internationales adéquates. Le Centre fait également office d'organe consultatif auprès du pouvoir et présente aux organes de l'État des recommandations sur la manière dont ils pourraient s'y prendre pour améliorer leur action en faveur des droits de l'homme.
La délégation a par ailleurs indiqué qu'après examen des plaintes adressées au Bureau de l'Ombudsman, il a été constaté que se produisent en Ouzbékistan de graves violations du principe de la présomption d'innocence et du droit du citoyen à la défense. Ont également été constatés des actes de torture et des violations des droits de l'homme, notamment dans les régions rurales, a reconnu la délégation. Beaucoup de plaintes ont révélé, au nombre des causes des violations de droits de l'homme, un manque de qualification et d'éducation en matière de droits de l'homme; des lacunes dues à la bureaucratie ou liées au comportement de personnes responsables du maintien de l'ordre; des problèmes en ce qui concerne la capacité à appliquer les normes des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme.
La délégation a exposé les suites données à deux affaires récentes intéressant le Comité. L'une de ces affaires, qui remonte au mois de janvier dernier, impliquait trois fonctionnaires du ministère de l'intérieur et s'est soldée par des peines allant jusqu'à vingt ans d'emprisonnement. Quant à l'autre affaire, qui remonte à la fin de l'année 2001, elle concernait également trois personnes dont, une fois encore, un fonctionnaire du ministère de l'intérieur. Le tribunal a examiné cette affaire et a condamné les trois individus à six ans de prison pour détention illégale et autres violations du Code pénal, a précisé la délégation.
Un membre du Comité a demandé s'il n'existait pas un danger de voir la détention administrative utilisée de manière à ce qu'en dehors de la procédure pénale, des aveux soient extorqués. Quelles sont les garanties entourant la détention administrative, a demandé cet expert. Un autre expert a jugé insuffisantes les réponses apportées par la délégation s'agissant des garanties d'indépendance du pouvoir judiciaire.
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