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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA ZAMBIE

19 Novembre 2001



CAT
27ème session
19 novembre 2001
Matin





Des compléments d'information sont demandés notamment
sur les questions d'extradition, la recevabilité des preuves
obtenues sous la torture et la lutte contre l'impunité



Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du rapport initial de la Zambie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de la Zambie, M. B. C. Mutale, Procureur général, a indiqué que la rédaction du rapport a fait prendre conscience aux autorités zambiennes des lacunes qui existaient au niveau législatif et institutionnel, et a permis de prendre les mesures nécessaires pour les combler. À cet égard, un programme de réforme de la police a été adopté qui porte sur ses méthodes de travail et le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le chef de la délégation a rappelé aux membres du Comité que la Zambie a bénéficié d'une aide financière de près de 260 000 dollars de la part du programme en faveur des pays pauvres très endettés afin d'améliorer les structures des établissements pénitentiaires. Il a assuré que le gouvernement est conscient du grave problème de surpeuplement carcéral qui demeure et, afin d'y remédier, il tente actuellement de trouver des alternatives à l'emprisonnement.

La délégation zambienne est également composée de M. R. C. Sampa, de Mme M. Mapani et M. P. Mulonda du Ministère de la justice, de M. B. M. Bowa, Représentant permanent de la Zambie auprès de l'Office des Nations Unies à Genève; et de Mme I. B. Fundafunda et Mme E. T. Sinjela de la Mission permanente.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Zambie, M. Andreas Mavrommatis, s'est félicité de la volonté politique du Gouvernement zambien d'améliorer le respect des droits de l'homme dans le pays, en dépit des difficultés auxquelles il est confronté. Il a insisté sur la nécessité de définir la torture au sens de l'article premier de la Convention. M. Mavrommatis a rappelé l'importance de la compétence juridictionnelle universelle dans la lutte contre la torture. En effet, tout doit être mis en œuvre pour que les auteurs d'actes de torture ne puissent trouver refuge dans aucun pays. Ainsi, si la Zambie ne procède pas à l'extradition, elle doit prendre les mesures nécessaires pour que les auteurs d'actes de torture soient jugés sur son territoire.

M. Ole Vedel Rasmussen, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Zambie, a relevé que le système judiciaire favorise la torture des suspects car les agents des services de police savent que toute preuve obtenue sous la torture sera recevable devant les tribunaux. En n'incriminant pas la torture, le droit zambien tend à créer un sentiment d'impunité parmi les agents des services de police car ils savent qu'ils ne seront pas poursuivis s'ils commettent des actes de torture, a estimé l'expert.

Le Comité entendra les réponses de la délégation de la Zambie demain après-midi, à 15 heures. Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entendra les réponses de la délégation indonésienne aux questions posées par le Comité vendredi matin.



Présentation du rapport

Le rapport initial de la Zambie (CAT/C/47/Add.2), en date du 26 mars 2001, indique que la Convention contre la torture n'a pas encore été incorporée en droit interne par le biais de l'adoption de dispositions réglementaires, qui sont pourtant indispensables pour rendre exécutoires les instruments internationaux ratifiés par le pays. En outre, contrairement aux dispositions de l'article 4 de la Convention, le code pénal zambien n'érige pas les actes de torture en infraction pénale. L'article 15 de la Constitution prévoit néanmoins que nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants, mais ne définit pas expressément la torture. Les personnes victimes d'actes de torture peuvent, aux termes de l'article 28 de la Constitution, adresser une requête à la Haute Cour pour solliciter un jugement déclaratif ainsi que des dommages et intérêts. La torture n'étant pas définie dans la Constitution et les actes de torture n'étant pas incriminés, le rapport reconnaît qu'il est difficile d'inculper les auteurs de ces actes.

Le rapport indique qu'il n'existe aucune consigne interdisant spécifiquement aux agents des services de détention et de répression de recourir à la torture dans l'exercice de leurs fonctions. Ces services manquent, en effet, de moyens humains et financiers pour former leurs agents à la question de l'interdiction de la torture et pour procéder rapidement à des enquêtes impartiales. Faute de ressources financières, les règles, méthodes et pratiques d'interrogatoire ne font pas non plus l'objet d'une surveillance systématique. Le rapport reconnaît qu'une méconnaissance des droits de l'homme et des dispositions de la Convention contre la torture persiste parmi la population zambienne, ce qui a notamment pour conséquence de la rendre vulnérable face aux abus des agents des services de polices qui n'ont pas été formés à respecter les libertés et les droits fondamentaux.

La Commission nationale des droits de l'homme, impartiale et autonome, a pour but de protéger les citoyens et recommande aux autorités compétentes les mesures à prendre afin de remédier à une violation des droits de l'homme. Le rapport regrette néanmoins que cette Commission n'ait pas les capacités institutionnelles suffisantes aux niveaux du pays, des provinces et des districts pour s'acquitter efficacement de son mandat. Elle ne dispose notamment pas de bureaux ni de personnel permanent et ses effectifs ne sont pas suffisamment formés en matière des droits de l'homme. Par ailleurs, les citoyens étant peu sensibilisés aux droits de l'homme, les victimes d'actes de torture n'engagent généralement pas de poursuites.

Présentant le rapport de son pays, M. B. C. Mutale, Procureur général de la Zambie, a tenu à préciser que la rédaction du rapport n'a été rendue possible que grâce à un don accordé du Gouvernement suédois à la Zambie pour l'aider à s'acquitter de ses obligations conventionnelles. Par ailleurs, il a déclaré que le Gouvernement zambien a retiré les réserves qu'il avait émises à l'égard de l'article 20 de la Convention (autorisant le Comité à mener des enquêtes in situ). Néanmoins, la Zambie se fondant sur un système judiciaire dualiste, la promulgation d'une législation est indispensable afin d'intégrer les instruments internationaux dans la législation nationale. Or, en raison de l'absence de législation spécifique, la Convention contre la torture n'a pas encore été incorporée en droit interne, a précisé M. Mutale.

M. Mutale a indiqué que la rédaction du présent rapport a fait prendre conscience aux autorités zambiennes des lacunes qui existaient au niveau législatif et institutionnel, et a permis de prendre les mesures nécessaires pour les combler. Dans ce cadre, un programme de réforme de la police a été adopté en 1994 - qui fut par la suite intégré dans un plan de développement stratégique de cinq ans mis en place entre 1995 et 2000 – qui porte sur les méthodes de travail et le respect des droits de l'homme et les libertés fondamentales. Ce programme prévoit notamment la nomination, dans chaque commissariat, d'un fonctionnaire chargé des détentions. Afin d'assurer l'efficacité de cette mesure, des séminaires à l'intention des officiers de police expliquant les devoirs et obligations de ces fonctionnaires chargés de la détention ont été organisés dans l'ensemble du pays. Une autorité habilitée à recevoir les plaintes pour brutalités policières sera par ailleurs opérationnelle dès 2002, a ajouté M. Mutale.

M. Mutale a indiqué que des amendements au Code pénal, au Code de procédure pénale et à la législation sur les prisons ont récemment été adoptés. Ces amendements visent, entre autres, à donner aux tribunaux autorité pour condamner les délinquants à des peines d'utilité publique plutôt qu'à des peines privatives de liberté, et ce afin de se désengorger les prisons. La nouvelle loi sur les prisons prévoit, quant à elle, la mise en place de services médicaux dans les prisons et la libération de détenus en fin de vie, notamment ceux atteints du VIH/sida. Par ailleurs, un vaste programme de rénovation des établissements pénitentiaires est en cours afin que les conditions de détention respectent la dignité des détenus. Des centres de rééducation pour les délinquants juvéniles ont également été mis en place, le gouvernement souhaitant que l'emprisonnement des délinquants mineurs soit une mesure de dernier recours.

Des initiatives ont également été prises au niveau institutionnel et administratif, a indiqué M. Mutale. À cet égard, il a mentionné la nouvelle disposition du code disciplinaire de la police prévoyant la suspension et la condamnation pénale des officiers de police qui se sont rendus coupables de violations des droits de l'homme. Des laboratoires de médecine légale, qui apportent une aide précieuse pour recueillir des preuves, ont été mis en place dans les commissariats, ce qui a permis de réduire le nombre de plaintes à l'encontre de la police car les enquêtes ne s'appuient plus uniquement sur des témoignages, mais également sur des preuves scientifiques.

La formation du personnel policier au respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales est une priorité pour le Gouvernement zambien, a assuré M. Mutale; près de 600 agents de police ont reçu une formation dans ce domaine depuis 1999. Par ailleurs, un second Plan de développement stratégique pour les années 2001 à 2006 a été établi. Il impose, notamment, le respect des normes professionnelles et éthiques, et des conditions de détentions plus humaines. Le chef de la délégation a rappelé aux membres du Comité que la Zambie a bénéficié d'une aide financière de près de 260 000 dollars de la part du programme en faveur des pays pauvres très endettés afin d'améliorer les structures des établissements pénitentiaires. Il a assuré que le gouvernement est conscient du grave problème de surpeuplement carcéral qui demeure et que, afin d'y remédier, il tente actuellement de trouver des alternatives à l'emprisonnement. Par ailleurs, en collaboration avec le Royaume-Uni, il met en place une politique de lutte contre la corruption, a conclu M. Mutale.


Examen du rapport

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Zambie, M. Andreas Mavrommatis, s'est félicité de la volonté politique du Gouvernement zambien d'améliorer le respect des droits de l'homme dans le pays en dépit des difficultés auxquelles il est confronté. Par ailleurs, il a salué la franchise et la sincérité du rapport ainsi que la participation d'organisations non gouvernementales (ONG) à sa rédaction. Le rapporteur a noté avec satisfaction qu'il est mentionné dans le rapport que les conditions économiques, sociales et culturelles du pays ont des incidences sur la pratique de la torture. Une vue d'ensemble est en effet nécessaire pour pouvoir lutter contre la torture.

M. Mavrommatis a demandé si la Zambie a adopté des lois à la suite de recommandations formulées par les organes chargés de la surveillance des traités. Il a insisté sur la nécessité d'intégrer rapidement les instruments internationaux dans le droit interne, et notamment la Convention contre la torture, afin que la Zambie puisse respecter les engagements qu'elle a contractés. Par ailleurs, les allégations de torture et de violations des droits de l'homme commises à l'occasion de la tentative du coup d'État doivent faire l'objet d'un examen par un tribunal, a déclaré le rapporteur, qui a également émis des préoccupations concernant la réalité de l'indépendance du pouvoir judiciaire . Il a également souhaité savoir si un système d'aide juridique était disponible pour les personnes défavorisées victimes d'une violation de leurs droits.

Le rapporteur a insisté sur la nécessité de définir la torture au sens de l'article premier de la Convention. D'autre part, une enquête appropriée doit être menée lorsqu'un agent de police se rend coupable d'une violation des droits de l'homme. Les tribunaux doivent pouvoir ordonner une enquête lorsque, durant l'audience, il apparaît que des aveux auraient pu être extorqués sous la torture. Le fait que la Commission nationale des droits de l'homme n'intervient qu'au niveau national et non au niveau des provinces ou des districts en raison de son budget de fonctionnement limité inquiète également le rapporteur.

M. Mavrommatis a rappelé l'importance de la compétence juridictionnelle universelle dans la lutte contre la torture. En effet, tout doit être mis en œuvre pour que les auteurs d'actes de torture ne puissent trouver refuge dans aucun pays. Ainsi, si la Zambie ne procède pas à l'extradition, elle doit prendre les mesures nécessaires pour que les auteurs d'actes de torture soient jugés sur son territoire. Le rapporteur a estimé que la loi sur l'extradition mérite d'être revue et corrigée.

Afin d'illustrer les dysfonctionnements qui demeurent au niveau des autorités de police, le rapporteur a cité l'exemple d'une petite fille envoyée au commissariat pour avoir triché aux examens: elle a été placée en détention et est morte par la suite de façon inexpliquée. Il a souhaité de plus amples informations sur les résultats de l'enquête et sur les mesures prises pour lutter contre de tels accidents à l'avenir. D'autre part, le rapporteur s'est enquis de l'existence de programmes de lutte contre le phénomène des enfants des rues. Enfin, il a émis des inquiétudes s'agissant de la situation des femmes, qui souffrent notamment de violence conjugale. Par ailleurs, des allégations selon lesquelles des lois tribales autorisent la polygamie et obligent les épouses à avoir des relations sexuelles avec des membres de la famille de l'époux sont parvenues au Comité. Le rapporteur a souhaité connaître la véracité de ces allégations et l'ampleur de ces pratiques.

M. Ole Vedel Rasmussen, membre du Comité et corapporteur pour l'examen du rapport de la Zambie, a estimé que le système judiciaire zambien favorise la torture des suspects car les agents des services de police savent que toute preuve obtenue sous la torture sera recevable devant les tribunaux. En outre, en n'incriminant pas la torture, le droit zambien tend à créer un sentiment d'impunité parmi les agents des services de police car ils savent qu'ils ne seront pas poursuivis s'ils commettent des actes de torture. Une surveillance des méthodes et des pratiques lors des interrogatoires doit impérativement être mise en place, comme la Convention le prévoit d'ailleurs. Le corapporteur s'est par ailleurs enquis du nombre de plaintes adressées à l'inspection générale de la police et des suites données.

En 1998, le Président de la République a constitué une commission d'enquête en vue d'enquêter et de faire un rapport sur les allégations figurant dans le rapport du 30 mars 1998 de la Commission des droits de l'homme concernant les actes de torture ou violations des droits fondamentaux qui auraient été perpétrés par les membres des forces de sécurité et de police à l'encontre de personnes soupçonnées d'avoir participé à la tentative de coup d'État du 28 octobre 1997. M. Rasmussen a demandé à la délégation de l'informer des résultats de cette enquête.

Le corapporteur a rappelé que les châtiments corporels constituent une violation patente de la Convention et il a suggéré qu'il soit mis fin à ces pratiques. Il a souhaité savoir si les détenus mineurs sont susceptibles d'être battus et a demandé un complément d'information s'agissant des prisons à ciel ouvert.

Un membre du Comité a émis des inquiétudes concernant les 700 plaintes pour viols déposées par an. Ce chiffre ne représentant sûrement que 10 % du nombre de cas, a estimé l'expert, qui en a conclu que les viols seraient donc très répandus en Zambie.




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