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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L’EXAMEN DU RAPPORT DES ÉTATS-UNIS

05 Mai 2006

Comité contre la torture

5 mai 2006

Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du deuxième rapport périodique des États-Unis sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, M. Barry F. Lowenkron, Secrétaire adjoint pour la démocratie, les droits de l'homme et l'emploi au Département d'État des États-Unis, a déclaré que les États-Unis ne tolèreront nulle part la torture. Des abus tels que ceux qui se sont produits à Abou Ghraib ont écœuré le peuple américain, tout comme ils ont consterné tous les peuples du monde; ils sont inexcusables, a-t-il insisté. Il a précisé, à cet égard, que le Gouvernement des États-Unis a procédé à plus de 600 enquêtes au pénal face à des allégations de mauvais traitements; plus de 250 personnes ont été considérées comme responsables d'actes abusifs envers des détenus et les peines qui leur ont été infligées ont inclus des peines de prison allant jusqu'à 10 ans et des réprimandes officielles voire la cessation de service au sein des forces armées. Plus de mille journalistes internationaux se sont rendus à Guantánamo et un groupe parlementaire de l'OSCE s'y est également rendu, l'un de ses membres affirmant à l'issue de cette visite qu'il s'agissait d'une prison modèle, a par ailleurs fait valoir M. Lowenkron. En outre, le Président du Comité international de la Croix-rouge a récemment déclaré que les conditions dans cette installation s'étaient considérablement améliorées et que le CICR était satisfait de son accès aux détenus dans cet endroit.

M. John B. Bellinger, Conseiller juridique du Département d'État des États-Unis, a notamment a rappelé le point de vue des États-Unis selon lequel les opérations de détention à Guantánamo, en Afghanistan et en Iraq relèvent du droit des conflits armés - qui est la lex specialis applicable à ces opérations. M. Bellinger a par ailleurs rappelé qu'à la conclusion des négociations sur la Convention contre la torture, les États-Unis avaient clairement déclaré que la Convention n'avait jamais visé à s'appliquer aux conflits armés.

La délégation des États-Unis, également composée d'une trentaine de conseillers des ministères des affaires étrangères (Département d'État), de la défense et de l'intérieur, a notamment souligné que la Convention définit la torture en son article premier puis fait référence, en son article 16, aux traitements cruels, inhumains ou dégradants, ce qui reflète la reconnaissance du fait que les obligations concernant les traitements cruels, inhumains et dégradants sont beaucoup plus limitées que celles associées à la torture. Elle a pailleurs indiqué, en réponse aux questions du Comité, qu'au total 120 décès se sont produits en détention en Afghanistan et en Iraq, et aucun à Guantánamo. Elle a précisé que la grande majorité de ces décès étaient dus à des facteurs tels que causes naturelles, blessures subies sur le champ de bataille ou violence entre détenus.

Le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport des États-Unis, M. Fernando Mariño Menéndez, a rappelé la position du Comité selon laquelle la Convention s'applique bien aux conflits armés. Il a également souligné que les activités des services de renseignements relèvent du Gouvernement et peuvent donc être attribuées à l'État lui-même en tant que sujet de droit international. Il a par ailleurs rappelé que la définition de la torture énoncée par la Convention inclut aussi les souffrances mentales; or, les États-Unis ont émis une réserve à ce sujet, a-t-il fait observer. Les États-Unis considèrent-ils que la pratique de violences sexuelles telles qu'intervenues dans une prison comme celle d'Abou Ghraib constitue une forme de torture, a demandé l'expert ?

Le co-rapporteur du Comité pour l'examen du rapport des États-Unis, M. Guibril Camara, a souligné que, pour qu'il y ait de l'ordre dans la communauté internationale, il faudrait que ce soit l'interprétation de la Convention donnée par le Comité et non celle des États-Unis qui s'impose. Il ne faudrait pas donner l'impression à la communauté internationale qu'aux États-Unis, l'état de droit s'applique aux nationaux et l'état de lois aux étrangers, a souligné M. Camara.


Le Comité entendra lundi 8 mai, à 15 heures, les réponses de la délégation des États-Unis aux questions des experts. Cet après-midi, à 15 heures, il entendra les réponses de la délégation guatémaltèque aux questions que lui ont posées les membres du Comité hier matin.



Présentation du rapport des États-Unis

M. BARRY F. LOWENKRON, Secrétaire adjoint pour la démocratie, les droits de l'homme et l'emploi au Département d'État des États-Unis, a souligné que le droit pénal des États-Unis et les obligations découlant des traités interdisent la torture. Il a assuré que les États-Unis ne la tolèreront nulle part. Comme le Président Bush l'a déclaré en 2004, la torture est inacceptable où qu'elle se produise et les États-Unis continueront de lutter pour l'éliminer partout. L'obligation d'éradication et de prévention de la torture est non seulement juridique mais aussi morale, a souligné M. Lowenkron. Il a par ailleurs rappelé que le huitième amendement de la Constitution des États-Unis interdit les châtiments cruels. Les États-Unis ont une longue tradition de chef de file international contre la torture, a-t-il dit.

Lorsqu'il y a allégations de torture, y compris des allégations portées à l'encontre d'agents du Gouvernement, elles font l'objet d'enquêtes et, si elles sont avérées, de poursuites, a déclaré M. Lowenkron. Il a souligné que des abus tels que ceux qui se sont produits notoirement à Abou Ghraib ont écœuré le peuple américain, tout comme ils ont consterné tous les peuples du monde; ils sont inexcusables. Le Gouvernement et le peuple américain regrettent sincèrement ces incidents et ont agi pour en présenter les responsables à la justice. En fait, le Gouvernement a procédé à plus de 600 enquêtes au pénal face à des allégations de mauvais traitements; plus de 250 personnes ont été considérées comme responsables d'actes abusifs envers des détenus et les peines qui leur ont été infligées ont inclus des peines de prison allant jusqu'à 10 ans et des réprimandes officielles voire la cessation de service au sein des forces armées, a précisé M. Lowenkron. Les enquêtes et les accusations se poursuivent, a-t-il ajouté. Comme les acquis du pays le prouvent, lorsqu'ils commettent des erreurs, les États-Unis apportent des mesures correctives, a-t-il fait valoir.

Notre société est une société ouverte, a poursuivi M. Lowenkron, évoquant le débat public animé qui s'est déroulé aux États-Unis au sujet des allégations d'abus et sur la meilleure façon de prévenir de futurs problèmes. Plus de mille journalistes internationaux se sont rendus à Guantánamo et un groupe parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) s'y est également rendu, l'un de ses membres affirmant à l'issue de cette visite qu'il s'agissait d'une prison modèle. Le Président du Comité international de la Croix-rouge (CICR) a récemment déclaré que les conditions dans cette installation s'étaient considérablement améliorées et que le CICR était satisfait de son accès aux détenus dans cet endroit, a rappelé M. Lowenkron. Il a par ailleurs attiré l'attention sur l'adoption de la loi sur le traitement des détenus.

M. Lowenkron a rappelé que son Gouvernement prend part à des activités multilatérales visant à réduire et éliminer la torture au niveau mondial. Les États-Unis n'ont eu de cesse que d'appuyer le travail du Rapporteur spécial sur la torture, qu'ils ont invité, ainsi que plusieurs de ses collègues, à se rendre dans les installations militaires des États-Unis à Guantánamo - invitation qui a malheureusement été refusée, a-t-il poursuivi. Bien que les États-Unis ne briguent pas de siège au Conseil des droits de l'homme cette année, ils entendent rester en relation étroite avec cet organe, appuyer des résolutions, contribuer à son financement et veiller à ce qu'il puisse jouer un rôle positif sur un certain nombre de questions clefs telles que la disparition de la torture.

Poursuivant la présentation du rapport de son pays, M. JOHN B. BELLINGER, Conseiller juridique du Département d'État des États-Unis, a réitéré l'engagement absolu du Gouvernement des États-Unis de respecter ses obligations nationales et internationales d'éradiquer la torture et de prévenir tout traitement cruel, inhumain ou dégradant à travers le monde. Rappelant que les lois pénales des États-Unis interdisent la torture, il a souligné qu'il ne saurait y avoir de quelconque exception à cette interdiction. Aux États-Unis, les 50 États et le Gouvernement fédéral interdisent les conduites qui pourraient constituer une forme de torture en vertu de leurs droits civil et pénal. Le Congrès des États-Unis a également adopté des lois qui prévoient de sévères sanctions, au niveau fédéral, tant au civil qu'au pénal, contre les personnes qui recourent à la torture en dehors du territoire des États-Unis. La législation est même allée plus loin, car l'attention portée à l'éradication de la torture serait incomplète sans effort parallèle pour aider les victimes à se réadapter suite aux abus qu'elles ont subis.

L'an dernier, a poursuivi M. Bellinger, le Président des États-Unis a paraphé la Loi sur le traitement des détenus qui inclut une disposition codifiant en loi la politique que suivaient déjà les États-Unis contre le recours aux traitements cruels, inhumains ou dégradants.

M. Bellinger a dit avoir conscience que les membres du Comité poseront de nombreuses questions sur les mesures prises par les États-Unis en réponse aux attaques terroristes qui ont frappé le pays le 11 septembre 2001. Aussi, a-t-il rappelé que certains des sujets évoqués dans ces questions font actuellement l'objet de procédures en justice, ce qui, chacun le comprendra, restreint la capacité des États-Unis de commenter en détails ces sujets. Comme d'autres gouvernements, celui des États-Unis n'est pas en mesure de faire des commentaires publics sur de prétendues activités des services de renseignement, a ajouté M. Bellinger. Il a en outre rappelé le point de vue des États-Unis selon lequel les opérations de détention à Guantánamo, en Afghanistan et en Iraq relèvent du droit des conflits armés - qui est la lex specialis applicable à ces opérations. M. Bellinger a par ailleurs rappelé que lors de la conclusion des négociations sur la Convention contre la torture, les États-Unis avaient clairement déclaré que la Convention n'a jamais visé à s'appliquer aux conflits armés; aucun pays n'avait alors émis d'objection face à cette façon de voir les choses. Quoi qu'il en soit, a ajouté M. Bellinger, indépendamment de toute analyse juridique, la torture est clairement et catégoriquement interdite tant en vertu des traités relatifs aux droits de l'homme qu'en vertu du droit des conflits armés.

Tout en se disant parfaitement conscient des innombrables allégations apparues dans la presse et ailleurs concernant diverses actions des États-Unis, M. Bellinger a appelé les membres du Comité à ne pas croire toutes les allégations qu'ils entendent. Les allégations concernant les activités militaires ou les activités des services de renseignement des États-Unis sont devenues si «hyperboliques» qu'elles en deviennent absurdes, a-t-il déclaré. Sans vouloir minimiser les quelques cas réels d'abus qui se sont produits dans le contexte du conflit armé que mènent les États-Unis contre Al-Qaida, M. Bellinger a suggéré au Comité de ne pas perdre de vue le fait que ces incidents ne relèvent pas d'un système érigé en tant que tel.

Répondant aux questions écrites adressées aux autorités des États-Unis par le Comité, la délégation a notamment assuré que rien dans un mémorandum d'août 2002 - concluant que la torture couvre uniquement les actes extrêmes - ne modifie la définition de la torture qui gouverne les obligations des États-Unis en vertu de la Convention, par rapport à ce que le pays avait accepté au moment de la ratification de la Convention.

Le fait que la Convention définisse la torture en son article premier, puis fasse ensuite référence, en son article 16, aux traitements cruels, inhumains ou dégradants reflète la reconnaissance que la torture s'applique à des actes plus sévères de cruauté et d'abus que ceux auxquels se réfère la notion de traitement cruel, inhumain ou dégradant, a par ailleurs affirmé la délégation. Du fait de ce caractère aggravé de la torture, les États parties avaient décidé de mesures complètes en vue de l'interdire en vertu de leur droit pénal, de poursuivre les responsables de tels actes sur le territoire relevant de leur juridiction et de ne pas expulser d'individu vers un État tiers où il y aurait des motifs sérieux de croire qu'il risquerait d'y être soumis à la torture. En comparaison, les obligations concernant les traitements cruels, inhumains et dégradants sont beaucoup plus limitées, a affirmé la délégation.

Aux États-Unis, a poursuivi la délégation, il n'y a pas de crime fédéral spécifique expressément qualifié de «torture» pour des actes qui se produisent sur le territoire national; cela s'explique par le fait que tout acte de torture tombant sous le coup de la définition énoncée dans la Convention est déjà pénalisé en vertu des lois fédérales et des lois des États des États-Unis.

S'agissant de prétendus lieux de détention secrets qui seraient placés sous le contrôle de facto des États-Unis, la délégation - tout en rappelant que les États-Unis ont pour politique de ne pas commenter les allégations portant sur les services de renseignement - a souligné que toutes les composantes du Gouvernement des États-Unis sont tenues d'agir conformément à la loi, y compris aux obligations constitutionnelles, statutaires et conventionnelles relatives à la torture et aux traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Gouvernement des États-Unis ne permet pas ni ne tolère les pratiques illégales de la part de son personnel ou de ses employés (y compris contractuels) et ce, quelles que soient les circonstances, a souligné la délégation.

En réponse à une question portant sur les nombreuses allégations de torture et de mauvais traitements de personnes placées en détention sous la juridiction des États-Unis et du cas de la prison d'Abu Ghraib, la délégation a indiqué que, si les États-Unis sont conscients des allégations de torture et de mauvais traitements et les prennent avec beaucoup de sérieux, ils s'opposent fermement à l'assertion selon laquelle ces actes seraient largement répandus ou systématiques. Ces allégations portent sur un très faible pourcentage du nombre total de personnes qui ont été détenues, a souligné la délégation. En outre, tout ce qui est allégué n'est pas vrai, a-t-elle rappelé, ajoutant que l'on sait bien que les membres d'Al-Qaida sont formés pour mentir.

La délégation a par ailleurs fait valoir que le Comité international de la Croix-Rouge a accès aux installations de détention en internement relevant du théâtre d'intervention du Département de la défense, notamment à Guantánamo, en Iraq et en Afghanistan et rencontre les détenus en privé. Le Département de la défense rend pleinement compte des détenus qui se trouvent sous son contrôle et fournit une notification de détention au CICR dès que possible - normalement dans les 14 jours qui suivent la capture. Le CICR transmet ses communications confidentielles à de hauts responsables du Gouvernement des États-Unis, y compris ceux du Département de la défense, et aux commandants militaires en Afghanistan, en Iraq et à Guantánamo. Le Département de la défense a mis en place des procédures pour s'assurer que les communications du CICR sont communiquées comme il convient en haut lieu et traitées dans les délais, a indiqué la délégation. Elle a précisé que le dialogue des États-Unis avec le CICR est confidentiel et que les autorités prennent au sérieux les points que soulève le CICR.

Interrogée sur le nombre de personnes qui sont mortes alors qu'elles étaient sous contrôle du Département de la défense et sur les cas impliquant des violences sur des détenus en Afghanistan, en Iraq et à Guantánamo, la délégation a indiqué qu'au total 120 décès en détention se sont produits en Afghanistan et en Iraq - et aucun à Guantánamo. La grande majorité de ces décès étaient dus à des facteurs tels que cause naturelle, blessures endurées sur le champ de bataille ou violence entre détenus, a affirmé la délégation. Tout récemment, a-t-elle ajouté, l'Armée a accusé un officier de haut rang - l'ancien chef du centre d'interrogatoire de la prison d'Abu Ghraib - pour son implication présumée dans les abus perpétrés contre des détenus et pour avoir peut-être interféré dans l'enquête concernant ces abus.

La délégation a souligné que les États-Unis reconnaissent que les Conventions de Genève s'appliquent à la guerre en Iraq. Pour ce qui est des détenus talibans, le Président Bush a établi que la Troisième Convention de Genève s'applique à eux mais qu'ils ne répondent pas aux exigences de l'article 4 de cette convention et ne sont donc pas habilités au statut de prisonniers de guerre. Quant aux détenus d'Al-Qaida, la Convention de Genève ne s'applique pas à eux puisqu'Al-Qaida n'est pas partie à cet instrument.

La délégation a par ailleurs déclaré sans équivoque qu'il n'existe aucune dérogation, en vertu de la loi des États-Unis, à l'interdiction expresse de la torture. Comme pour toute autre agence gouvernementale, toute activité de la CIA serait le cas échéant soumise au statut pénal extraterritorial de la torture et à l'interdiction des traitements cruels, inhumains ou dégradants associée à la Loi sur le traitement des détenus, a indiqué la délégation.

Conformément à leurs obligations en vertu de l'article 3 de la Convention, a poursuivi la délégation, les États-Unis ne transfèrent pas de personnes vers des pays où ils estiment qu'il est fort probable qu'elles seraient soumises à la torture.

Le Comité ayant fait état d'informations selon lesquelles les États-Unis ont pour politique d'envoyer ou de contribuer à envoyer des personnes vers des pays tiers, soit depuis leur territoire, soit depuis des zones placées sous leur juridiction, la délégation a rappelé que la Secrétaire d'État Condoleezza Rice avait récemment expliqué que les États-Unis et d'autres pays recourent depuis longtemps à la pratique des restitutions (renditions) pour transférer des suspects terroristes du pays où ils ont été capturés vers leur pays d'origine ou vers d'autres pays où ils peuvent être interrogés, détenus ou traduits en justice. Cette pratique est un outil essentiel dans la lutte internationale contre le terrorisme, a souligné la délégation. Les États-Unis ne transportent ni n'ont transporté de détenus d'un pays vers un autre à des fins d'interrogatoire utilisant la torture, a précisé la délégation. Les États-Unis n'ont transporté personne et ne transporteront personne vers un pays s'ils pensent que cette personne sera torturée, a-t-elle insisté. La délégation a assuré que les assurances diplomatiques sont utilisées avec retenue. Des procédures sont en place qui permettent aux États-Unis, le cas échéant, de rechercher de telles assurances afin de s'assurer qu'il est «plus probable que l'inverse» que l'individu en question ne sera pas torturé à son retour. Les assurances diplomatiques ne constituent pas un substitut à un examen au cas par cas visant à déterminer si cette norme est respectée, a précisé la délégation.

La délégation a par ailleurs souligné que l'article 3 de la Convention (qui stipule qu' «aucun État partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture») n'interdit pas le renvoi ou le transfert d'un individu vers des pays ayant un bilan déficient en matière de droits de l'homme, pas plus qu'il ne s'applique aux renvois susceptibles d'impliquer un «mauvais traitement» n'équivalant pas à de la torture.

La délégation a d'autre part assuré qu'il n'y aucune impunité pénale pour des crimes de torture en vertu du droit des États-Unis. En outre, bien qu'aucune poursuite pénale n'ait été engagée à ce jour en vertu du statut pénal extraterritorial de la torture, des poursuites ont été engagées, en vertu d'autres dispositions statutaires (notamment en vertu du Code de justice militaire), pour des délits commis en dehors des États-Unis, a précisé la délégation.

Depuis le 1er octobre 1999, a par ailleurs indiqué la délégation, 432 agents chargés de l'application des lois ont été condamnés pour avoir des statuts de droits civils fédéraux; la plupart de ces agents ont été accusés de recours excessif à la force.

La délégation a d'autre part indiqué que le Bureau des prisons ne recourt pas à la détention en isolement dans ses établissements.

La délégation a par ailleurs indiqué que les États-Unis n'envisagent pas de faire la déclaration prévue à l'article 22 de la Convention (concernant la procédure de plaintes individuelles) ni de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention.

Le deuxième rapport périodique des États-Unis (CAT/C/48/Add.3/Rev.1) rappelle que depuis le rapport initial (présenté oralement au Comité en mai 2000), en raison des attentats perpétrés contre les États-Unis le 11 septembre 2001, le terrorisme mondial a bouleversé notre univers. En luttant contre le terrorisme, les États-Unis restent déterminés à respecter la légalité, notamment la Constitution des États-Unis, les lois fédérales et les obligations conventionnelles internationales, dont la Convention contre la torture. Le Président des États-Unis a clairement indiqué que les États-Unis s'opposent à la torture et ne la tolèreront en aucune circonstance. À la demande du Comité, les États-Unis présentent en annexe du rapport un exposé et divers renseignements sur la situation d'individus sous le contrôle des forces armées des États-Unis en Iraq, capturés au cours d'opérations militaires. Ils présentent des informations analogues sur la détention d'individus sous le contrôle des forces armées des États-Unis en Afghanistan et à «Guantanamo Bay (Cuba)». Les États-Unis n'ignorent pas les allégations selon lesquelles des individus détenus sous leur garde dans le cadre de la guerre mondiale contre le terrorisme ont été soumis à la torture et à d'autres mauvais traitements. Lorsque sont portées des allégations de torture ou d'autres traitements illicites, elles donnent lieu à enquête et, si elles sont avérées, à des poursuites. Les allégations concernant les activités des services de renseignement font actuellement l'objet d'un examen par l'Inspecteur général du Service central du renseignement (CIA), lequel a communiqué et continuera de communiquer ses constatations au Directeur de la CIA et aux commissions du Congrès chargées du contrôle du renseignement, et continuera de transmettre les cas d'abus avérés au Département de la justice, aux fins d'enquête et de poursuite.

Du 1er octobre 1999 au 1er janvier 2005, 284 fonctionnaires ont été reconnus coupables d'infractions aux lois fédérales sur les droits civils, indique par ailleurs le rapport. La plupart d'entre eux étaient accusés d'avoir utilisé une force excessive. Les États-Unis continuent de reconnaître l'obligation qui leur incombe de n'expulser, ni refouler, ni extrader une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture. Les États-Unis ont connaissance des allégations selon lesquelles ils auraient transféré des personnes vers un pays où elles auraient été torturées. Les États-Unis ne transfèrent aucune personne vers un pays où, selon eux, «il est fort probable qu'elle sera soumise à la torture». Cette politique vaut pour toutes les composantes de l'administration.

Le rapport rappelle que les États-Unis et leurs partenaires de la coalition livrent une guerre contre Al-Qaida, les Talibans, leurs associés et ceux qui les soutiennent. Il ne fait aucun doute qu'en vertu du droit des conflits armés, les États-Unis sont habilités à détenir des personnes qui ont commis des actes illicites de belligérance jusqu'à la fin des hostilités. Comme cela est souvent le cas lorsqu'une guerre commence, nul ne sait quand elle se terminera. «Nous pouvons néanmoins détenir des combattants jusqu'à la fin de la guerre», affirme le rapport. Il précise que les États-Unis détiennent quelque 505 personnes à Guantánamo. Depuis le début de la guerre en Afghanistan, les États-Unis ont capturé, contrôlé et relâché plus de 10 000 personnes et ils ont transféré à Guantánamo moins de 10% des personnes contrôlées. «Nous avons commis des erreurs: parmi les détenus que nous avons libérés, nous en avons ultérieurement repris ou tué 5% environ alors qu'ils se livraient à des actions hostiles contre les forces des États-Unis». Le Président Bush est parvenu à la conclusion que la Convention de Genève s'applique aux détenus talibans mais pas aux terroristes internationaux d'Al-Qaida, parce que l'Afghanistan est un État partie à la Convention de Genève alors qu'Al-Qaida - un groupe terroriste international - ne l'est pas. Le Président Bush a également conclu qu'en vertu de l'article 4 de la Convention de Genève, certains détenus n'ont pas droit au statut de prisonnier de guerre; les Talibans ne se sont pas effectivement distingués de la population civile d'Afghanistan et, de plus, ils n'ont pas conduit leurs opérations conformément aux lois et coutumes de guerre. «Puisqu'il n'y a aucun doute en droit international quant au statut d'Al-Qaida, des Talibans, de leurs associés et de ceux qui les soutiennent, il n'est ni nécessaire ni impératif d'examiner individuellement si chaque combattant ennemi détenu à Guantánamo a droit au statut de prisonnier de guerre.

D'août 2004 à janvier 2005, plusieurs tribunaux d'examen du statut de combattant ont examiné le statut de tous les individus détenus à Guantánamo, en se fondant sur les faits, pour déterminer si chacun d'eux doit encore être classé comme combattant ennemi. Du 12 au 14 juillet 2004, les États-Unis ont avisé tous les détenus alors présents à Guantánamo qu'ils avaient la possibilité de contester leur statut de combattant ennemi dans le cadre de ce processus et qu'une juridiction fédérale avait compétence pour examiner une requête en habeas corpus déposée en leur nom. La détention de chaque détenu de Guantánamo est réexaminée chaque année par un conseil de révision administrative créé en mai 2004. Il précise qu'au 26 septembre 2005, les États-Unis ont transféré 246 personnes de Guantánamo - 178 transférées aux fins de libération et 68 remises à la garde d'autres gouvernements aux fins de leur maintien en détention, d'une instruction, de poursuites ou de contrôle. Sur les 68 détenus qui ont été remis à d'autres gouvernements, 29 ont été transférés au Pakistan, 7 en Fédération de Russie, 5 au Maroc, 9 au Royaume-Uni, 6 en France, 4 en Arabie saoudite, 2 en Belgique, 1 au Koweït, 2 en Espagne, 1 en Australie, 1 au Danemark et 1 en Suède. Dans certains cas, il a été difficile de trouver des lieux vers lesquels transférer en toute sécurité des détenus de Guantánamo lorsqu'ils ne veulent pas retourner dans leur pays de nationalité si leur nationalité ne peut pas être confirmée ou s'ils ont exprimé des craintes raisonnables pour le cas où ils y seraient renvoyés.

En réponse à des plaintes spécifiques de mauvais traitements en Afghanistan et à Guantánamo, le Département de la défense a fait entreprendre un certain nombre d'enquêtes portant notamment sur les opérations de détention et les méthodes d'interrogatoire, pour déterminer si ces plaintes étaient fondées. Certes, ces enquêtes poussées ont mis au jour des problèmes et débouché sur des recommandations; mais aucune n'a conclu à l'existence d'une politique gouvernementale ordonnant ces abus, les encourageant ou les tolérant. En réponse aux allégations de mauvais traitements infligés aux détenus de la prison d'Abu Ghraib en Iraq, le Gouvernement des États-Unis a entrepris rapidement d'enquêter sur ces actes et de prendre les mesures requises pour y répondre. Si les enquêtes ont mis au jour des problèmes et abouti à des recommandations, aucune n'a conclu à l'existence d'une politique gouvernementale ordonnant, encourageant ou tolérant les abus qui ont eu lieu. Malgré la réserve qui s'impose quant au détail des enquêtes en cours, on peut dire qu'au 1er octobre 2005, plus de 190 cas de mauvais traitements à l'encontre de détenus en Iraq avaient été avérés; les peines vont des sanctions administratives aux sanctions pénales, y compris 65 passages en cour martiale.


Examen du rapport des États-Unis

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport des États-Unis, M. Fernando Mariño Menéndez, a souligné que le défi lancé par le terrorisme international est une source de problèmes graves pour bien des pays, notamment pour les États-Unis qui ont subi un grave attentat le 11 septembre 2001.

M. Mariño Menéndez a cru comprendre que, pour les États-Unis, la Convention ne s'applique pas dans les cas de conflits armés. Aussi, l'expert a-t-il souhaité savoir si les États-Unis considèrent qu'il y a encore aujourd'hui conflit armé contre les terroristes ? La position du Comité est que la Convention contre la torture s'applique bien aux conflits armés, a rappelé M. Mariño Menéndez. Il a également souligné que les activités des services de renseignements relèvent du Gouvernement et peuvent donc être attribuées à l'État lui-même en tant que sujet de droit international.

Le rapporteur a rappelé qu'en règle générale, le Comité recommande à tous les États d'incorporer dans leur législation la définition de la torture telle qu'énoncée à l'article premier de la Convention. Dans le contexte de la définition de la torture, il n'a pas jugé approprié l'ajout, par les États-Unis, de l'adverbe «extrêmement» accolé à l'adjectif «grave» pour qualifier la souffrance assimilable à la torture. M. Mariño Menéndez a par ailleurs rappelé que la définition de la torture énoncée par la Convention inclut aussi les souffrances mentales; or, les États-Unis ont émis une réserve à ce sujet, a-t-il fait observer.

La disparition forcée constitue une forme de torture, a par ailleurs rappelé M. Mariño Menéndez. Les États-Unis considèrent-ils que la pratique de violences sexuelles telles qu'intervenues dans une prison comme celle d'Abou Ghraib constitue une forme de torture, a demandé l'expert ?

S'agissant de Guantánamo, M. Mariño Menéndez a pris note de l'explication fournie par les États-Unis selon laquelle le CICR, des ONG et des journalistes ont affirmé eux-mêmes que ce lieu ne peut pas être critiqué du point de vue de la torture et des traitements cruels ou inhumains. Il n'en demeure pas moins que les rapporteurs spéciaux concernés des Nations Unies n'ont pu se rendre dans ces lieux pour s'y entretenir avec les détenus, a rappelé M. Mariño Menéndez. Aussi, s'est-il demandé si certaines des pratiques à Guantánamo ne vont pas à l'encontre des objectifs de la Convention.

Des sources dignes de foi, à savoir l'ONG Human Rights Watch, ont fait état de 330 cas documentés dans lesquels des personnels civils et militaires des États-Unis auraient - en Afghanistan, en Iraq et à Guantánamo - exercé des violences et même tué des détenus, a poursuivi M. Mariño Menéndez. Or seule une dizaine de personnes a été condamnée à un an ou plus de prison, a-t-il relevé.

M. Mariño Menéndez a rappelé que le Parlement européen, entre autres, a engagé une procédure d'enquête sur les vols non contrôlés censés avoir procédé à des transferts de détenus en Europe. Dans ce domaine, a-t-il ajouté, il faut laisser les enquêtes suivre leur cours.

Les prisons secrètes sont une pratique contraire au droit international et s'accompagnent d'un phénomène de disparition, a poursuivi M. Mariño Menéndez. Aussi, serait-il souhaitable de savoir si ces prisons secrètes existent ou non, même s'il n'est pas du ressort du Comité de le vérifier, a-t-il affirmé.

M. GUIBRIL CAMARA, co-rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport des États-Unis, a souligné que, pour qu'il y ait de l'ordre dans la communauté internationale, il faudrait que ce soit l'interprétation de la Convention donnée par le Comité et non celle des États-Unis qui s'impose. M. Camara a par ailleurs indiqué s'être interrogé sur le fondement juridique de la pratique des réserves aux États-Unis. Sur ces questions, a insisté l'expert, il faudra bien que l'une des parties cède; et celle qui doit céder, c'est bien entendu les États-Unis, qui doivent céder à l'interprétation du Comité.

M. Camara a rappelé que le paragraphe 2 de l'article 16 de la Convention stipule que «les dispositions de la présente Convention sont sans préjudice des dispositions de tout autre instrument international ou de la loi nationale qui interdisent les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou qui ont trait à l'extradition ou à l'expulsion».

Le co-rapporteur a par ailleurs indiqué avoir lu dans le Courrier International un article concernant un jeune britannique d'origine zambienne qui est resté en prison pendant plusieurs mois à Guantánamo avant d'être libéré. Après quoi, ce jeune a affirmé avoir été non seulement torturé - à des fins d'extorsion d'aveux - mais aussi victime d'insultes racistes de la part de son gardien. Il n'y a eu, à ma connaissance, ni enquête ni dédommagement dans cette affaire, a relevé M. Camara.

Il ne faudrait pas donner l'impression à la communauté internationale qu'aux États-Unis, l'état de droit s'applique aux nationaux et l'état de lois aux étrangers, a conclu M. Camara.

Un autre membre du Comité a relevé que le nombre de cas de violences sexuelles dans les prisons des États-Unis reste alarmant. Quelles autres mesures les autorités envisagent-elles pour prévenir les violences sexuelles en prison, a demandé cet expert ? Les personnes qui s'adonnent à de telles violences sur les détenus sont-elles poursuivies ?

Un membre du Comité a fait état d'informations émanant d'ONG selon lesquelles des enfants se trouveraient détenus à Guantánamo; ces enfants sont-ils à ce point dangereux qu'il faille les détenir en un tel site ?

Un expert a souhaité savoir si les États-Unis considéraient les méthodes dites de la «baignoire» ou du «sous-marin» comme des actes de torture ou comme des traitements inhumains. Les États-Unis ont-ils vraiment dit qu'il y avait des gens qui ne méritaient pas d'être traités comme des êtres humains ou bien ces propos ont-ils été retirés de leur contexte, a également demandé cet expert ?

Non seulement les États-Unis n'ont pas ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, mais ils ont en plus retiré leur signature de ce Statut, a rappelé un autre expert.

Le Président du Comité, M. Andreas Mavrommatis, s'est réjoui d'avoir entendu dire qu'il est prévu de cesser les activités du centre de Guantánamo; pour autant, que va-t-il advenir des personnes qui y sont détenues, a-t-il demandé ? En ce qui concerne la prison d'Abu Ghraib - dans laquelle M. Mavrommatis a rappelé s'être rendu à l'époque de Saddam Hussein, à une époque où y étaient pratiquées des exécutions - le Président du Comité a dit avoir été choqué par les photographies qui ont circulé sur les actes commis dans cette prison. Il y a eu manquement à l'obligation de prévenir de tels faits, a-t-il estimé. Aussi, M. Mavrommatis a-t-il souhaité en savoir davantage sur la chaîne de commandement et les instructions données en matière d'interrogatoire.

Soulignant la nécessité de veiller à ce que Guantánamo et Abu Ghraib ne détournent pas le Comité de ce qui se passe dans la grande démocratie que sont les États-Unis, M. Mavrommatis a fait état du cas d'un ancien commandant des forces de police de Chicago qui aurait, entre 1972 et 1991, torturé 155 Afro-américains. Or, il semble qu'à ce jour, cette affaire n'ait toujours pas été tranchée.

M. Mavrommatis a par ailleurs recommandé aux États-Unis de revenir sur la suspension qu'ils ont prononcée s'agissant du droit à l'habeas corpus.

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