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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE L'UKRAINE

08 Mai 2007

Comité contre la torture

8 mai 2007


Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du cinquième rapport périodique de l'Ukraine sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, Mme Valeryia Lutkovska, Vice-Ministre de la justice de l'Ukraine, a indiqué que le pays a ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. Elle a aussi fait valoir que des équipes mobiles d'inspection des lieux de détention ont été créées dans chaque région, et que le pays s'est dotée d'un programme pour la reconstruction des prisons visant à les mettre en conformité avec les normes du Conseil de l'Europe, a par ailleurs fait valoir Mme Lutkovska.

La délégation ukrainienne était également composée de M. Valerii Bidnyi, Vice-Ministre de la santé, du Procureur général adjoint et de représentants du Ministère de l'intérieur, du Ministère de la justice et du bureau du Commissaire parlementaire pour les droits de l'homme; ainsi que de la Mission permanente de l'Ukraine auprès des Nations Unies à Genève.

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport ukrainien, Mme Felice Gaer, a relevé des lacunes s'agissant de la définition de la torture. Elle a aussi souligné que, pour qu'une personne soit privée de liberté, il faut une décision d'un tribunal en ce sens, et elle s'est inquiétée qu'il semble qu'en Ukraine, des personnes soient détenues en l'absence de décision de justice.

M. Alexander Kovalev, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport ukrainien, a pour sa part a relevé que l'Ukraine ne reste pas inactive pour éradiquer la torture. Pour autant, dans la réalité, les principes d'interdiction de la torture et des mauvais traitements seraient enfreints, notamment s'agissant de la superficie allouée à chaque détenu et la recevabilité des aveux obtenus sous la torture. M. Kovalev s'est par ailleurs inquiété de la situation des Roms en Ukraine.

Le Comité entendra demain après-midi, à 15 heures, les réponses de la délégation ukrainienne aux questions que lui ont posées les experts ce matin.


À sa séance de cet après-midi, à partir de 15 heures, le Comité entendra les réponses de la délégation des Pays-Bas aux questions qui lui ont été posées hier matin.



Présentation du rapport de l'Ukraine

MME VALERIYA LUTKOVSKA, Vice-Ministre de la justice de l'Ukraine, a indiqué que l'Ukraine a ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. À partir de 2005, des équipes mobiles d'inspection des lieux de détention ont été créées dans chaque région, a-t-elle ajouté. Mme Lutkovska a assuré le Comité que, depuis 2004, les forces de l'ordre portent une attention croissante aux questions relatives aux droits de l'homme. Elle a par ailleurs fait part de l'existence d'un mécanisme de conseil social, dont les deux tiers des membres sont des représentants des organisations de défense des droits de l'homme, qui a été créé auprès de l'administration responsable de l'exécution des peines. Elle a également fait état de la création d'un conseil de tutelle pour les mineurs.

Depuis 2004, l'Ukraine s'est dotée d'un programme pour la reconstruction des prisons, dont l'objectif est de mettre ces dernières en conformité avec les normes du Conseil de l'Europe, a par ailleurs indiqué Mme Lutkovska.

La Vice-Ministre a en outre fait part de la mise en service d'une ligne téléphonique permettant aux soldats d'exprimer leurs doléances.

Fournissant des renseignements complémentaires sur la base d'une liste de questions écrites, la délégation ukrainienne a indiqué que depuis le 12 janvier 2005, l'article du Code pénal consacré à la torture a été modifié. Désormais, la définition a été complétée en affirmant que les actions visées, si elles sont accomplies par un agent de l'État, sont passibles d'une peine de prison de 10 à 15 ans. Une responsabilité aggravée a donc été prévue dans les cas où la torture est le fait d'un agent des forces de l'ordre. Tout cela témoigne de la volonté des autorités ukrainiennes de se débarrasser du fléau de la torture, a souligné la délégation.

Les procureurs, à tous les niveaux, s'efforcent de contrôler le respect de la loi dans les décisions judiciaires et dans l'application des sanctions de privation de liberté, a en outre assuré la délégation. Pour surveiller ce qui se passe dans les cellules de la police et des prisons, des enquêtes sont menées et des doléances sont reçues. La surveillance exercée par le Procureur permet de régler les questions évoquées dans les plaintes des citoyens. En 2006, sur plus de 500 plaintes reçues de détenus, 6 ont été jugées fondées et trois fonctionnaires ont été poursuivis en justice, a précisé la délégation.

Le Médiateur exerce en outre un contrôle parlementaire des droits et libertés; il est indépendant des organes de l'État, a ajouté la délégation.

Un contrôle social de l'exécution des peines est également exercé par des commissions d'observation, a poursuivi la délégation. Le Conseil social travaille avec ces commissions pour contrôler la situation dans les établissements pénitentiaires, a-t-elle précisé.

Le système actuel d'assistance juridique gratuite n'est pas idéal, a reconnu la délégation. Aussi, un projet de loi est-il à l'étude concernant cette assistance gratuite dans les affaires pénales, a-t-elle précisé.

Des mesures ont été prises pour lutter contre le bizutage dans l'armée, le Code pénal prévoyant en la matière des sanctions en cas d'infraction, de menace et d'abus d'autorités, a par ailleurs souligné la délégation. Au vu des statistiques, on constate que le Code pénal a un effet dissuasif préventif, a-t-elle fait valoir. Des mesures disciplinaires sont prises à l'encontre de la chaîne de commandement lorsqu'elle n'est pas parvenue à faire respecter l'ordre et des officiers peuvent alors être rétrogradés, a précisé la délégation. Il n'y a pas de suicide signalé dans l'armée, a poursuivi la délégation. En 2004, il y a eu un meurtre au sein de l'armée, dont le coupable a été condamné à une peine de prison. Il n'y a eu aucun cas de meurtre en 2005, a-t-elle ajouté.

Les activités des unités spéciales sont soumises au règlement du code d'application des peines, a par ailleurs souligné la délégation. Tous les membres de ces unités spéciales opèrent dans le cadre de la législation ukrainienne, a-t-elle assuré. Aucun abus d'autorité de leur part n'a été enregistré, a-t-elle ajouté. Les membres de ces unités bénéficient d'une formation spéciale, a-t-elle précisé.

Le nombre de victimes de violence au sein de la famille a chuté d'environ un quart, a par ailleurs fait valoir la délégation.

Conformément à la Constitution, chacun peut faire appel d'une décision de justice et il va ainsi pour les décisions d'extradition, a souligné la délégation. L'appel en la matière est suspensif de la décision d'extradition.

La délégation a par ailleurs rappelé qu'un accord a été signé entre l'Ukraine et l'Ouzbékistan pour lutter contre la criminalité. Les autorités ukrainiennes ont été informées que les personnes qu'elles ont transférées récemment vers l'Ouzbékistan à la demande de ce pays ont refusé l'aide judiciaire qui leur était proposée dans ce pays; elles ont été condamnées à 8, 12 et 15 années de réclusion. Ces personnes étaient accusées de crimes graves et n'encouraient aucun risque au sens des normes internationales en cas d'extradition vers leur pays; c'est pourquoi l'Ukraine a décidé de ne pas leur accorder l'asile.

La délégation a affirmé que le Code pénal ukrainien, en son article 127, définit la torture de manière conforme à l'article premier de la Convention contre la torture.

Les détenus mineurs doivent être séparés des adultes et s'il arrive qu'ils soient détenus avec des adultes, ce ne peut être qu'avec des adultes détenus pour des délits mineurs.

En Ukraine, la garde à vue ne doit pas dépasser 72 heures, a par ailleurs indiqué la délégation.

Cinq nouveaux établissements pour la détention préventive ont été construits et la norme actuelle est de mettre à disposition de chaque détenu une superficie de 4 mètres carrés, a par ailleurs indiqué la délégation.

La délégation a fait état de programmes de lutte contre la propagation du sida et contre la tuberculose, qui concernent tant la population civile en général que la population carcérale elle-en particulier.

Dans les cellules, les fouilles se font sur la base de l'article 7 de la loi sur la détention préventive, a en outre fait savoir la délégation. Aucun fait n'a été signalé de comportement illégal de fonctionnaires dans ce contexte, a-t-elle assuré.

D'autre part, la délégation a attiré l'attention sur le programme d'envergure lancé par l'Ukraine afin de lutter contre la traite de personnes.

La délégation a souligné que la législation ukrainienne prévoit désormais que si des aveux ont été obtenus sous la coercition, il y a motif à les considérer comme nuls et non avenus.

Le cinquième rapport périodique de l'Ukraine (CAT/C/81/Add.1), qui couvre la période allant de 2000 à 2003, indique que pendant la période considérée, la politique ukrainienne en matière d'exécution des peines a subi d'importantes modifications. Le Code pénal, entré en vigueur le 1er septembre 2001, prévoit une série de peines alternatives à la privation de liberté (emprisonnement rigoureux de courte durée, peine restrictive de liberté, travaux d'intérêt général). Le 1er janvier 2004, est entré en vigueur le Code d'application des peines dont tous les articles visent à permettre aux condamnés d'exécuter et de purger leur peine dans des conditions plus humaines et démocratiques. Le rapport souligne en outre que, dans l'esprit de la Convention contre la torture, la Constitution ukrainienne dispose que «chacun a droit au respect de sa dignité» et que «nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants». Cette garantie constitutionnelle est directement applicable et constitue l'indispensable point de départ de toute nouvelle amélioration de la législation ukrainienne. En outre, l'article 127 du nouveau Code pénal ukrainien, entrée en vigueur le 1er septembre 2001, réprime la torture et la définit comme un acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à la victime ou à une autre personne aux fins de la contraindre à accomplir un acte contraire à sa volonté. En vertu dudit article, le crime de torture est punissable d'une peine de trois à cinq ans de privation de liberté. En cas de récidive ou si l'acte est commis en réunion, la durée de la peine est portée de 5 à 10 ans. Les tribunaux ukrainiens ont prononcé 13 condamnations en 2002 et 8 au cours du premier semestre 2003, à l'encontre de personnes ayant commis le crime visé à l'article 127 du Code pénal.

L'entrée en vigueur de la loi du 7 février 2002 sur l'organisation judiciaire ukrainienne a changé les modalités d'application de la mesure de détention à titre préventif, poursuit le rapport. Cette mesure d'intervention préventive ne peut être prise que sur décision d'un tribunal, dont il peut être interjeté appel devant une instance supérieure. En vertu du Code de procédure pénale, indique le rapport, la durée totale d'une détention provisoire ne doit pas dépasser deux mois. En 2002, indique par ailleurs le rapport, 29 agents des organes chargés de faire respecter les lois ont été condamnés pour recours à la violence à l'encontre de délinquants, de suspects ou d'inculpés. Les préjudices corporels avaient été, dans la majorité des cas, causés au cours de l'arrestation de ces personnes. En 2002, le nombre de personnes atteintes de tuberculose évolutive à leur arrivée dans un centre de détention provisoire était cinq fois plus élevé qu'en 1993, indique en outre le rapport.


Examen du rapport

MME FELICE GAER, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport ukrainien, a pris acte des changements considérables qu'a connus l'Ukraine depuis la présentation de ses précédents rapports. Elle a salué la ratification par l'Ukraine du Protocole facultatif se rapportant à la Convention.

En ce qui concerne la définition de la torture, Mme Gaer s'est félicitée de constater que des changements ont été apportés à la législation, en particulier au nouveau Code pénal. Elle a toutefois souhaité savoir en quoi, selon la délégation, cette définition est conforme à l'article premier de la Convention. Il semble en effet qu'il y ait des lacunes en la matière et tel est également l'avis de certaines organisations non gouvernementales, a affirmé Mme Gaer. Dans la définition retenue par l'Ukraine, on parle en effet d'actes violents mais pas de souffrances psychologiques; en outre, la définition de la torture retenue par le pays semble s'appliquer aux agents des forces de l'ordre et pas aux autres agents de l'État.

Quand une personne privée de sa liberté de mouvement a-t-elle le droit de se prévaloir des services d'un avocat, a d'autre part demandé Mme Gaer? Est-ce dès le début de son arrestation ou dès le moment où la personne est déférée dans un centre de détention voire accusée?

Pour qu'une personne soit privée de liberté, il faut une décision d'un tribunal en ce sens; mais il semble, selon certaines informations, qu'il existe en Ukraine des cas de détentions non décidées par un tribunal, s'est par ailleurs inquiétée Mme Gaer, insistant sur les dangers inhérents à la période durant laquelle une personne est en situation de privation de liberté sans intervention de la justice.

Prenant note de la capacité des juges de prononcer des renvois d'audience, Mme Gaer a souhaité disposer de statistiques et de précisions concernant ces renvois d'audience.

Combien d'arrestations ont-elles été opérées dans le cadre des «missions spéciales», a par ailleurs demandé Mme Gaer?

Mme Gaer a par ailleurs jugé peu crédible le tableau statistique fourni par les autorités ukrainiennes concernant les violences contre les femmes, en particulier les violences sexuelles. Sur 506 plaintes, 6 ont été reconnues comme fondées, aboutissant à la condamnation de 3 agents publics, a relevé Mme Gaer.

Mme Gaer a par ailleurs fait état d'allégations de mauvais traitements dont auraient été victimes une dizaine de requérants d'asile ouzbeks après avoir été extradés d'Ukraine vers l'Ouzbékistan.

M. ALEXANDER KOVALEV, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport ukrainien, a relevé que l'Ukraine ne reste pas inactive pour éradiquer la torture, ce qui permet de nourrir l'espoir de voir se réaliser le vœu de la communauté internationale d'une éradication totale de la torture et des mauvais traitements. M. Kovalev a par ailleurs noté avec satisfaction les mesures prises par le pays en matière de formation aux droits de l'homme et ce, dès le niveau scolaire. Pour autant, dans la réalité, les principes d'interdiction de la torture et des mauvais traitements sont enfreints.

Qu'est-il fait en Ukraine pour que, dans le contexte du contrôle des foules, il ne soit pas recouru à la matraque, par exemple?

Se sert-on en Ukraine du Protocole d'Istanbul pour que les médecins sachent reconnaître quand il y a eu acte de torture, a également demandé M. Kovalev?

M. Kovalev a en outre souhaité en savoir davantage sur les groupes mobiles chargés de veiller à la manière dont sont respectés les droits et libertés des personnes.

Combien de fonctionnaires ont-ils été punis pour avoir attenté aux droits et libertés des citoyens, a demandé l'expert?


M. Kovalev a par ailleurs souhaité en savoir davantage sur les conditions de détention. En fait, selon les organisations non gouvernementales, la superficie allouée à chaque détenu serait dans la réalité de 2,5 mètres carrés 2 et non de 4 mètres carrés comme l'exigent les normes en la matière, a-t-il fait observer.

Depuis 2002, il y aurait eu 1400 plaintes déposées par des détenus, a poursuivi M. Kovalev. Qui a enquêté sur ces plaintes, a-t-il demandé?

Selon des organisations non gouvernementales, les aveux sont souvent obtenus sous la torture en Ukraine, a relevé M. Kovalev. Or, en Ukraine – comme en Fédération de Russie – l'aveu occupe une place capitale dans la procédure, a-t-il souligné.

M. Kovalev s'est par ailleurs inquiété de la situation des Roms en Ukraine. Les autorités enquêtent-elles sur certaines déclarations publiées dans la presse ukrainienne selon lesquelles, par exemple, les Roms ne seraient pas des êtres humains et ne sont pas les bienvenus dans les lieux où ils se trouvent.


Un autre membre du Comité a relevé que, dans la pratique, lorsque le Procureur général refuse de donner suite à une plainte ou à une investigation, les choses en restent là; il peut alors y avoir une forme d'impunité qui porte préjudice à l'État de droit. Le juge semble donc être le parent pauvre du système judiciaire, ce qui amène d'ailleurs à se poser la question de la manière dont l'ombudsman peut s'acquitter de son travail.

Un expert s'est enquis de l'existence d'un éventuel protocole associé aux techniques d'interrogatoire, notamment pour la police.

Est-il déjà arrivé à l'Ukraine de demander des assurances diplomatiques dans le cadre de demandes d'extradition, s'est enquis un membre du Comité?
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