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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE L'UKRAINE

14 Novembre 2001



CAT
27ème session
14 novembre 2001
Matin




Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du quatrième rapport périodique de l'Ukraine sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de l'Ukraine, M. A. Zayets, Premier secrétaire adjoint auprès du Ministère de la justice, a déclaré que depuis la présentation du précédent rapport, le Parlement ukrainien a apporté de nombreuses modifications importantes à la législation pénale ukrainienne. Un nouveau code pénal est en effet entré en vigueur le 1er septembre dernier, le code de procédure pénale a été remanié, la législation régissant les tribunaux a été révisée et la peine de mort abolie. Les différentes réformes visent à donner à la législation pénale un visage plus humain en tenant compte de l'expérience internationale, des principes humanitaires et de l'équité, a déclaré M. Zayets.

La délégation ukrainienne est également composée de M. M. Skuratovskyi, Représentant permanent de l'Ukraine auprès de l'Office des Nations Unies à Genève; M. V. Lyovochkin, Directeur du Département d'État pour l'exécution des sentences; M. L. Bykov; Chef adjoint de la Division de la loi et de la justice auprès du cabinet des ministres; M. V. Demchenko; Directeur du Département de droit international auprès du Ministère de la justice; M. I. Zhylka, Directeur du Département de contrôle des enquêtes auprès du Bureau du Procureur général; M. Chyzhov, du Ministère des affaires étrangères et de Mme I. Markina, de la Mission permanente de l'Ukraine auprès de l'Office des Nations Unies à Genève.

Le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport de l'Ukraine, M. Sayed Kassem el Massry, s'est félicité des progrès enregistrés par l'Ukraine dans certains domaines, et notamment dans le domaine de la justice pénale. Toutefois, il a regretté que la torture ne soit toujours pas spécifiquement définie dans la législation ukrainienne, bien que le Comité ait suggéré, lors de la présentation du rapport précédent, l'adoption d'un plan global d'abolition de la torture. Les informations selon lesquelles des aveux obtenus par la torture ou des mauvais traitements seraient présentés devant les tribunaux et auraient valeur de preuves inquiètent également le rapporteur

M. Ole Vedel Rasmussen, corapporteur pour l'examen du rapport de l'Ukraine, a émis de vives préoccupations s'agissant des promotions accordées aux policiers qui ont obtenu un nombre important d'aveux. Il a attiré l'attention sur le cas de deux personnes qui, d'après Amnesty International, ont été battues à mort par des policiers. Il a également souhaité connaître le nombre de plaintes pour torture parvenues au Commissaire aux droits de l'homme ainsi que la suite qui leur a été donné.

Le Comité poursuivra l'examen du rapport de l'Ukraine demain après-midi, à partir de 15 heures. Il entendra alors les réponses de la délégation ukrainienne aux questions qui lui ont été posées ce matin. Cet après-midi, à 15 heures, le Comité se réunira à huis clos afin d'examiner des plaintes qui lui sont soumises par des particuliers. Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport initial du Bénin (CAT/C/21/Add.3).


Présentation du rapport de l'Ukraine

Le quatrième rapport périodique de l'Ukraine (CAT/C/55/Add.1) en date du 17 novembre 2000, indique que, depuis la présentation de son précédent rapport périodique, le pays a retiré les réserves qu'il avait formulées lors de la signature de la Convention, le 27 février 1986, concernant la reconnaissance de la compétence du Comité en matière d'examen des plaintes individuelles et étatiques (articles 21 et 22 de la Convention). En outre, l'Ukraine a scrupuleusement observé une ligne de conduite visant à promouvoir les intérêts de l'individu et à accorder la primauté au droit international, comme en témoignent la Constitution et une législation en perpétuelle évolution. Des mesures importantes ont été prises afin de rendre les peines plus humaines, renforcer l'état de droit et stabiliser la situation dans les établissements pénitentiaires. À cet égard, partant du principe que le système pénitentiaire doit être une entité sociale indépendante et conforme au plan de réforme et aux recommandations des experts du Conseil de l'Europe, un Département national de l'administration pénitentiaire, ne relevant pas de la tutelle du Ministère de l'intérieur et ayant un fonctionnement autonome, a été créé.

À la suite de visites d'établissements pénitentiaires ukrainiens en février 1998 et juillet 1999, une délégation du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants a jugé positives les initiatives prises par les autorités pour améliorer les conditions de détention. Néanmoins, le Comité a formulé un certain nombre de recommandations concernant le régime appliqué aux condamnés à la peine capitale et les conditions générales de détention provisoire. À cet égard, le rapport assure que le Département de l'administration pénitentiaire s'efforce de mettre en œuvre ces recommandations et regrette que des problèmes économiques et sociaux aient eu pour conséquence que certaines personnes détenues pour une courte période ou à titre provisoire soient restées emprisonnées plus longtemps que la loi ne le prévoit. Il indique par ailleurs que l'Ukraine a signé et ratifié le Protocole No 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui prévoit l'abolition de la peine de mort en temps de paix.

La torture n'est pas actuellement définie au regard du droit pénal ukrainien en tant qu'infraction pénale spécifique, mais le rapport indique qu'un projet de loi est en cours d'examen. Une disposition spéciale du Code pénal stipule toutefois que les agents de l'État qui obtiennent des informations par la contrainte sont passibles de poursuites pénales. En outre, la loi sur la détention provisoire du 30 juin 1993 interdit tout acte de nature à causer des souffrances physiques, psychiques ou à porter atteinte à la dignité humaine. Afin de prévenir le recours à la torture et à d'autres formes de violence dans les installations spéciales de la police, le règlement du Ministère de l'intérieur stipule que les policiers qui travaillent dans ces installations ne peuvent avoir recours à la force physique ou à des moyens spéciaux de contrainte contre les délinquants que dans des circonstances exceptionnelles dont la liste est restreinte. En 1999, les contrôles effectués par le Parquet ont fait apparaître 5507 violations diverses de la loi dans des installations de détention (contre 4 626 en 1998). Toutefois, les statistiques officielles ne peuvent être ventilées en vue de savoir s'il s'agissait de violations de la Convention contre la torture.

Présentant le rapport de son pays, M. A. ZAYETS, Premier secrétaire adjoint auprès du Ministère de la justice, a déclaré que depuis la présentation du précédent rapport, le Parlement ukrainien a apporté de nombreuses modifications importantes à la législation pénale ukrainienne. Un nouveau code pénal est en effet entré en vigueur le 1er septembre dernier, le code de procédure pénale a été remanié et la législation régissant les tribunaux a été révisée. La peine de mort entre désormais en contradiction avec l'art. 28 de la Constitution, qui s'inspire directement de l'article 2 de la Convention contre la torture, et elle a été remplacée par la réclusion criminelle à perpétuité. En outre, toute personne ayant infligé des traitements dégradants ou inhumains est passible d'une peine privative de liberté de 3 à 5 ans. La réforme du système pénitentiaire a pour sa part permis de renforcer la surveillance des lieux de détention. Une des nouvelles dispositions prévoit que le procureur a l'obligation d'effectuer un contrôle régulier des conditions de détention et il doit s'assurer que les droits des détenus sont strictement respectés. Il doit accorder une audience à tout détenu qui le souhaite et aucun contrôle administratif ne peut être effectué concernant la correspondance qu'il échange avec les détenus. «Les différentes réformes visent à donner à la législation pénale un visage plus humain en tenant compte de l'expérience internationale, des principes humanitaires et de l'équité», a indiqué M. Zayets. Il a par ailleurs rappelé aux membres du Comité qu'en vertu de la loi du 23 décembre 1997, le Commissaire aux droits de l'homme veille, au nom du Parlement, au respect des libertés et droits fondamentaux de l'homme garantis par la Constitution.

M. Zayets a déclaré que l'Ukraine a réalisé de véritables progrès dans le domaine des droits de l'homme, de nombreuses mesures ayant été prises afin de parfaire sa législation et mettre le pays sur la voie de la démocratie. L'Ukraine a adhéré à plusieurs instruments internationaux afin de bénéficier de l'expérience internationale dans le domaine des droits de l'homme et des libertés fondamentales. À titre d'exemple, M. Zayets a rappelé aux membres du Comité que le pays a signé et ratifié la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi les Protocoles qui s'y rapportent.


Examen du rapport de l'Ukraine

M. Sayed Kassem el Massry, rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport de l'Ukraine, s'est félicité des progrès enregistrés par l'Ukraine dans un certain nombre de domaines, et notamment dans le domaine de la justice pénale. Il a salué le processus de réforme vigoureux qui a été entrepris, l'adoption du nouveau code pénal ainsi que l'abolition de la peine de mort. Par ailleurs, le fait que l'Ukraine ait déclaré accepter les dispositions de l'article 22 de la Convention et se soit engagée à retirer ses réserves à l'article 20 démontre la volonté du pays de s'engager dans un processus de démocratisation.

Toutefois, M. El Massry a regretté que la torture ne soit toujours pas spécifiquement définie dans la législation ukrainienne, bien que le Comité ait suggéré, lors de la présentation du rapport précédent, l'adoption d'un plan global d'abolition de la torture. Néanmoins, il se réjouit qu'un projet de loi sur ce sujet soit à l'examen. Ayant, par ailleurs, examiné le projet de loi, il s'est dit préoccupé par l'absence de disposition précisant que les aveux obtenus sous la torture ne peuvent pas constituer la base d'une accusation et ne sont pas admissibles devant les tribunaux. En outre, la définition de la torture s'éloignerait de celle prévue à l'article 1 de la Convention car il n'est précisé que les souffrances doivent être infligées par une personne ayant un statut officiel pour qu'elles soient qualifiées de torture. Faut-il considérer qu'un citoyen ne relevant pas de l'État peut être l'auteur de torture ?

M. El Massry a émis des préoccupations concernant les 127 cas de personnes brutalisées par la police portés à la connaissance du Comité par différentes ONG. Les informations selon lesquelles des aveux obtenus par la torture ou des mauvais traitements seraient présentés devant les tribunaux et serviraient de preuves inquiètent également le rapporteur. Par ailleurs, plus de 30 % des détenus seraient victimes de traitements inhumains et dégradants. Un prévenu qui exprime le souhait de bénéficier de la présence d'un avocat encourt apparemment le risque d'être battu. Le rapporteur s'est également déclaré inquiet de la banalisation des violences exercées par les supérieurs hiérarchiques militaires à l'encontre de leurs subordonnés. Il a souhaité obtenir davantage d'informations sur les cas exceptionnels pouvant justifier des restrictions temporaires de certains droits et libertés individuels.

M. Ole Vedel Rasmussen, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Ukraine, a pour sa part tenu à féliciter l'Ukraine pour la ratification de nombreux instruments internationaux. Il a souhaité savoir si les rapports du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, qui a visité des établissements pénitentiaires ukrainiens, allaient être publiés. Le Comité ayant précédemment recommandé que soit mis en place une formation spécifique à l'attention du personnel pénitentiaire, M. Rasmussen s'est enquis des moyens mis en œuvre pour se conformer à ces recommandations et aux dispositions de la Convention sur ce point. Par ailleurs, il a émis de vives préoccupations s'agissant des promotions accordées aux policiers qui obtiennent un nombre important d'aveux. Il a attiré l'attention sur le cas de deux personnes qui, d'après Amnesty International, ont été battu à mort par des policiers. Le corapporteur a souhaité connaître le nombre de plaintes pour torture parvenues au Commissaire aux droits de l'homme ainsi que la suite qui leur a été donné. Existe-t-il un mécanisme pour procéder à des vérifications dans les commissariats de police afin de favoriser l'élimination de la pratique de la torture ? Des cas de torture ont-ils été constatés? L'Ombudsman lui-même a-t-il la possibilité de procéder à de telles inspections ? M. Rasmussen a également souhaité obtenir de plus amples détails sur la suite donnée à la recommandation du Comité selon laquelle la détention provisoire ne devait pas dépasser une période de 18 mois.

Plusieurs experts se sont également inquiétés de la situation concernant le bizutage des nouvelles recrues au sein de l'armée. Un membre du Comité a souligné que ce phénomène a retenu l'attention de plusieurs institutions internationales ainsi que de plusieurs ONG.

Un membre du Comité a demandé si les tribunaux appliquent le principe de la présomption d'innocence, la législation ne le stipulant pas expressément. Le Président du Comité a par ailleurs souligné que l'insulte à un membre de la force publique est une justification largement utilisée par les policiers pour justifier leur brutalité et les arrestations. Il a également voulu savoir pourquoi un policier jouit d'une protection plus importante que tout autre citoyen lorsqu'il considère qu'il est victime de diffamation.




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