Communiqués de presse Organes conventionnels
LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT INITIAL DE LA RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA
08 mai 2003
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CAT
30ème session
8 mai 2003
Après-midi
Le rapport est présenté par le
Vice-Ministre des affaires étrangères
Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du rapport initial de la République de Moldova sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
M. Vitalie Slonovschi, Vice-Ministre des affaires étrangères de la République de Moldova, a annoncé que, le 1er juillet 2003, entrerait en vigueur dans son pays un nouveau code pénal qui, s'il ne contient pas de définition de la torture telle qu'énoncée dans la Convention, prévoit d'autres dispositions incriminant la torture et autres traitements inhumains ou dégradants. Il a par ailleurs expliqué que l'arrestation d'une personne se fait sur la base d'un mandat d'arrêt émis par un juge pour une durée maximale de 30 jours et que la durée de détention peut être portée à douze mois au maximum. En outre, les preuves obtenues en enfreignant le Code de procédure pénale ne peuvent pas constituer le fondement de la sentence ou d'une quelconque décision judiciaire. Le Vice-Ministre a reconnu qu'il est plus difficile de protéger l'individu contre la torture et les autres traitements inhumains ou dégradants dans les prisons mais a souligné que la principale cause en est, non pas une absence de volonté de la part des autorités, mais plutôt les difficultés économiques que connaît le pays.
La délégation moldove est également composée de M. Dumitru Croitor, Représentant permanent de la République de Moldova auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants du Ministère des affaires intérieures, du Ministère de la justice et du Ministère des affaires étrangères.
Le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport de la République de Moldova, M. Ole Vedel Rasmussen, a notamment affirmé qu'il serait urgent pour le pays de publier des directives énonçant un code de conduite à observer durant les interrogatoires. Il a également recommandé aux autorités moldoves de faire respecter les normes relatives à la bonne tenue des registres de détention. Il s'est en outre inquiété des conditions carcérales prévalant dans le pays.
Le co-rapporteur pour l'examen du rapport moldove, M. Peter Thomas Burns, a regretté qu'alors que l'actuel Code pénal de la République de Moldova contient une définition de la torture, ce ne sera plus le cas de celui qui entrera en vigueur cet été. De toute évidence, des mauvais traitements, certains relevant de la torture, sont pratiqués de manière endémique en Moldova, en particulier lors des détentions aux mains de la police. Il a ajouté que selon les informations dont il dispose, le pouvoir judiciaire ne serait pas indépendant dans le pays.
En début de séance, le Comité a examiné, au titre des questions relatives à ses méthodes de travail, la possibilité d'envoyer aux États parties une liste de questions en vue de l'examen du rapport qu'ils doivent lui présenter, conformément à la pratique adoptée par d'autres organes conventionnels dans le domaine des droits de l'homme.
Le Comité entendra demain après-midi, à 15 heures, les réponses de la délégation moldove aux questions que lui ont adressées les experts ce matin.
Présentation du rapport de la République de Moldova
Présentant le rapport de son pays, M. VITALIE SLONOVSCHI, Vice-Ministre des affaires étrangères de la République de Moldova, a rappelé que la Convention contre la torture est entrée en vigueur en Moldova en décembre 1995. Il a précisé qu'au cours de la décennie écoulée, son pays a connu, parallèlement au processus de réforme législative et judiciaire, une démocratisation de la vie sociopolitique ainsi que l'émancipation de la population. La suprématie du droit international (notamment de la Convention contre la torture) sur le droit interne est garantie par la Constitution, a poursuivi M. Slonovschi. Il a précisé que le code pénal actuel définit la torture comme une infraction engageant la responsabilité pénale. Le 1er juillet 2003, a-t-il annoncé, entrera en vigueur le nouveau code pénal qui, s'il ne contient pas de définition de la torture telle qu'énoncée dans la Convention, n'en prévoit pas moins d'autres dispositions incriminant la torture et autres traitements inhumains ou dégradants.
La garantie législative relative à l'inviolabilité des droits des personnes arrêtées, qu'elles soient soumises aux mesures préventives de détention ou condamnées à la privation de liberté, constitue un aspect particulier de l'interdiction de la torture, a par ailleurs affirmé le Vice-Ministre. La détention préventive ou l'arrestation d'une personne sont permises seulement dans les cas prévus par la loi, a-t-il insisté. Il a expliqué que l'arrestation d'une personne se fait sur la base d'un mandat d'arrêt émis par un juge pour une durée maximale de 30 jours. Il est possible de faire appel de la légalité de la décision d'arrestation auprès de l'instance judiciaire hiérarchiquement supérieure. La durée de détention peut être prolongée - uniquement par un juge ou un tribunal - à douze mois au maximum. Les motifs de la détention ou de l'arrestation sont communiqués immédiatement à la personne détenue ou arrêtée et l'accusation lui est notifiée dans les plus courts délais. Après avoir fait valoir que le Code pénal contient des dispositions légales sanctionnant la contrainte par menaces ou autres actes illicites aux fins d'obtenir des aveux, le Vice-Ministre a souligné que les preuves obtenues en enfreignant le Code de procédure pénale ne peuvent pas constituer le fondement de la sentence ou d'une quelconque décision judiciaire. M. Slonovschi a par ailleurs indiqué qu'un nouveau Code de procédure pénale a été adopté en première lecture par le Parlement et devrait lui aussi entrer en vigueur le 1er juillet prochain.
Le Vice-Ministre moldove a reconnu qu'il est plus difficile de protéger l'individu contre la torture et les autres traitements inhumains ou dégradants dans les prisons mais a souligné que la principale cause en est, non pas une absence de volonté de la part des autorités, mais plutôt les difficultés économiques que connaît le pays. Il a affirmé que la situation de surpopulation carcérale que connaît le pays est également due à l'absence de ressources financières suffisantes pour accroître l'espace alloué à chaque détenu, qui se limite actuellement à 1,7 mètre carré. La situation à cet égard pourrait être améliorée par le nouveau code pénal qui entrera en vigueur cet été et qui prévoit d'étendre l'application de peines non privatives de liberté, a-t-il fait valoir. Il a ajouté que le code d'exécution des peines approuvé en première lecture prévoit des mesures progressives visant à améliorer le statut juridique des condamnés ainsi que les conditions de détention. M. Slonovschi a précisé que le problème de la tuberculose reste aigu puisqu'à ce jour, il reste 765 détenus atteints de tuberculose dans les prisons moldoves.
Le Vice-Ministre a par ailleurs déclaré que «le problème de la violation des droits de l'homme est très actuel sur la rive gauche du Nistru (Transnistrie)». «Une solution positive de ce problème va contribuer à la réduction du degré de criminalité, qui représente un péril pour la vie, l'intégrité physique et psychique des citoyens», a-t-il affirmé.
Le rapport initial de la République de Moldova (CAT/C/32/Add.4) précise que la Constitution du pays dispose, en son article 24, que «l'État garantit à toute personne le droit à la vie et à l'intégrité physique et psychique» La torture de l'être humain est interdite au même article dont le paragraphe 2 dispose que «nul ne peut être soumis à la torture, ni à aucune peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant». La législation moldove fait de la torture un acte illicite qui engage la responsabilité pénale de l'auteur du délit. L'article 101 du Code pénal dispose que le terme de «torture» désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont délibérément infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'un tiers des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte que ladite personne ou un tiers a commis ou est soupçonné d'avoir commis, d'intimider ladite personne ou un tiers, ou bien à toutes autres fins reposant sur la discrimination quand cette douleur ou ces souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou par une tierce personne agissant officiellement, ou bien à l'instigation ou avec le consentement exprès ou tacite dudit agent ou de ladite tierce personne. Le délit de torture répondant à la définition ci-dessus est passible d'une peine privative de liberté de sept ans au maximum, précise le rapport.
Le rapport moldove souligne par ailleurs que le principe de primauté des actes internationaux a été confirmé par la Cour suprême de justice qui a adopté en janvier 1996 une décision qui fait obligation aux instances judiciaires d'appliquer les dispositions des actes internationaux auxquels le pays est partie quand le droit interne contrevient à l'acte international. Le rapport indique notamment que le nombre de personnes sanctionnées en vertu de l'article 101 du Code pénal s'établit à 216 pour 1995, 519 pour 1997 et 444 pour 1999. Pendant la période écoulée entre 1994 et 2000, les magistrats ont été saisis de 20 126 pétitions correspondant à des plaintes contre des actes ou des mesures illicites imputables à la police; 2 365 pétitions ont été reconnues comme fondées. Le rapport reconnaît par ailleurs que les conditions d'incarcération en Moldova ne répondent pas aux normes européennes. Le surpeuplement des établissements pénitentiaires crée un problème qu'il faudrait résoudre de toute urgence, insiste le rapport. La situation créée par le manque de médicaments antituberculeux s'est légèrement améliorée, ajoute-t-il. D'après les informations émanant des établissements pénitentiaires relevant du ministère de la justice, il n'y a pas eu entre 1994 et 2001 de cas de torture ou de traitement cruel dirigé contre des détenus qui soient imputables au personnel du système pénitentiaire, sauf pour un seul cas (en novembre 1999).
Examen du rapport
Le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport de la République de Moldova, M. OLE VEDEL RASMUSSEN, a rappelé que l'article 11 de la Convention stipule que tout État partie exerce une surveillance systématique sur les règles, instructions, méthodes et pratiques d'interrogatoire et sur les dispositions concernant la garde et le traitement des personnes arrêtées, détenues ou emprisonnées de quelque façon que ce soit. Au vu des lacunes existantes en Moldova dans ce domaine, il serait urgent que le pays publie des directives énonçant un code de conduite à observer durant les interrogatoires.
M. Rasmussen a par ailleurs fait état d'allégations selon lesquelles aucune nourriture ni aucune boisson ne serait mise à disposition des détenus dans les commissariats de police et ce, parfois, durant toute la durée de leur détention. Il a recommandé aux autorités moldoves de faire respecter les normes relatives à la bonne tenue des registres de détention. Il s'est en outre inquiété des conditions générales de détention prévalant dans le pays.
M. Rasmussen s'est également fait l'écho d'allégations graves selon lesquelles les autorités moldoves n'accordent pas aux plaintes qui leur sont adressées l'attention qu'elles requièrent.
Le co-rapporteur pour l'examen du rapport moldove, M. PETER THOMAS BURNS, par ailleurs Président du Comité, a relevé qu'alors que l'actuel Code pénal de la République de Moldova contient une définition de la torture, ce ne sera plus le cas de celui qui entrera en vigueur cet été, la définition de la torture étant remplacée par une énumération de crimes spécifiques. La République de Moldova est le seul pays qui, disposant d'une définition de la torture, choisit de la supprimer, a fait observer M. Burns, s'interrogeant sur le sens de cette décision.
Reconnaissant que la République de Moldova est un pays pauvre doté de maigres ressources, M. Burns a souligné que cela ne saurait en aucun cas servir de prétexte au Gouvernement pour se soustraire aux obligations qui lui incombent. De toute évidence, des mauvais traitements, certains relevant de la torture, sont pratiqués de manière endémique en Moldova, en particulier lors des détentions aux mains de la police, a par ailleurs déclaré M. Burns. Relevant l'existence dans le pays d'un régime pénal et d'un régime administratif, il a affirmé que la notion de détention administrative est dérangeante car ce type de détention relève de la police seule et n'est pas soumis à la supervision prévue en vertu du Code pénal. D'ailleurs, l'essentiel des brutalités dont sont victimes les citoyens a lieu durant la détention administrative opérée par la police, a souligné M. Burns. Il semble que la police soit autorisée à détenir une personne pendant trente jours, s'est-il inquiété. Pendant cette période, le détenu fait-il l'objet d'une supervision judiciaire; a-t-il le droit d'accéder à un avocat et à un médecin; a-t-il le droit de contacter ses proches, a demandé M. Burns?
Le co-rapporteur chargé de l'examen du rapport moldove a souhaité savoir s'il vrai que le salaire d'un officier de police dépend du nombre de charges qu'il parvient à faire retenir contre des inculpés. Il a ajouté que, selon les informations dont il dispose, le pouvoir judiciaire ne serait pas indépendant dans le pays. Comment les juges sont-ils nommés, a-t-il notamment demandé? Il s'est étonné que le seul contrôle exercé sur la police semble provenir de la police elle-même.
M. Burns a souhaité savoir si la République de Moldova s'est dotée d'une compétence universelle pour ce qui est de la poursuite du crime de torture.
Un autre membre du Comité a relevé que, selon les informations contenues dans le rapport initial de la République de Moldova, il est possible dans ce pays de récuser un juge ou un procureur pour garantir leur impartialité. Cet expert a souligné que cette possibilité est étonnante pour quiconque est habitué à un système où les procureurs n'interviennent pas dans un procès et où il n'est donc pas nécessaire de se soucier de leur impartialité dans le cadre d'un procès.
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