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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DU MEXIQUE

08 novembre 2006

Comité contre la torture

8 novembre 2006



Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du quatrième rapport périodique du Mexique sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, Mme María del Refugio González Domínguez, Sous-Secrétaire aux affaires multilatérales et aux droits de l'homme au Ministère des relations extérieures du Mexique, a notamment indiqué que le pouvoir exécutif fédéral a présenté une ambitieuse proposition de réforme judiciaire que la législature actuelle devra examiner et, le cas échéant, approuver. Elle a par ailleurs indiqué que le Mexique a engagé un processus de dialogue et de consultation en vue de la création d'un mécanisme national de prévention de la torture, conformément au Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Elle a souligné que le Mexique œuvre à l'éradication de la pratique de la torture depuis plusieurs années, reconnaissant toutefois qu'il reste encore beaucoup à faire pour atteindre cet objectif.

À cet égard, M. Mario Álvarez Ledesma, Sous-Procureur aux droits de l'homme, à l'aide aux victimes et aux services communautaires du bureau du Procureur général, a reconnu que la pratique de la torture et les mauvais traitements sont des violations des droits de l'homme qui subsistent au Mexique, principalement au niveau des États fédérés et des municipalités. Le bureau du Procureur général a connaissance d'allégations relatives à de tels actes à travers les plaintes déposées devant la Commission nationale des droits de l'homme et par le biais des plaintes directement déposées devant le Ministère public, a-t-il précisé. Il a en outre rappelé qu'en août 2003, le Journal officiel publiait l'accord définissant les lignes directrices institutionnelles que doivent suivre les médecins légistes pour le diagnostic médial et psychologique visant à relever l'existence éventuelle de délits de torture ou de mauvais traitements sur des victimes.

L'importante délégation mexicaine était également composée de M. José Luis Lagunes López, Sous-Secrétaire à la prévention et à la participation citoyenne au Ministère de la sécurité publique du Mexique, de Mme Alicia Elena Pérez Duarte, Procureur spécial pour les délits en rapport avec la violence contre les femmes, et d'autres représentants du Bureau du Procureur général, du Ministère de la sécurité publique, et de l'Institut fédéral d'accès à l'information.

Le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport du Mexique, M. Claudio Grossman, a relevé avec satisfaction que les représentants de l'État mexicain font preuve d'une réelle volonté de dialogue avec le Comité. Il a relevé un problème dans les diverses législations en vigueur au Mexique s'agissant de la définition de la torture. Ainsi, cette définition se base dans certains cas sur la présence de lésions qui mettent plus de 15 jours pour guérir, excluant ainsi le viol, qui est pourtant une forme de torture, ainsi que la torture psychologique. Il a aussi relevé que les certificats médicaux délivrés face à un cas allégué de torture n'établissent, le cas échéant, qu'une présomption de torture et a demandé pourquoi la charge de la preuve n'est pas portée sur l'accusé. Le co-rapporteur M. Fernando Mariño Menéndez, s'est pour sa part félicité de l'abolition de la peine de mort au Mexique. Il s'est toutefois inquiété qu'un immigrant en situation irrégulière semble pouvoir être expulsé du Mexique sans autre forme de procès. Il a en outre indiqué avoir reçu des informations faisant état de cas de harcèlement à l'encontre des défenseurs de droits de l'homme.


Le Comité entendra demain après-midi, à 15 heures, les réponses de la délégation du Mexique aux questions soulevées ce matin par les experts. Cet après-midi, à 15 heures, il entendra les réponses de la délégation du Tadjikistan aux questions que lui avaient adressées hier matin les membres du Comité.


Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, MME MARÍA DEL REFUGIO GONZÁLEZ DOMÍNGUEZ, Sous-Secrétaire aux affaires multilatérales et aux droits de l'homme au Ministère des relations extérieures du Mexique, a souligné que le Gouvernement mexicain continue de déployer de grands efforts pour respecter ses obligations au titre de la Convention contre la torture, notamment par le biais de programmes et de plans visant à lutter contre la torture et par le biais de l'élaboration de propositions de réforme du cadre juridique national. En 2004, a poursuivi Mme González Domínguez, le pouvoir exécutif fédéral a présenté une ambitieuse proposition de réforme judiciaire que la législature actuelle devra examiner et, le cas échéant, approuver. Dans le cadre d'un État fédéral, a-t-elle ajouté, le régime antérieur a progressé de manière inégale dans chacun des États composant la Fédération; dans l'État de Chihuahua, par exemple, une réforme a déjà été engagée qui va entrer en vigueur en janvier 2007 et qui répond aux recommandations émanant de différents organismes nationaux et internationaux en matière, entre autres, de jugements oraux et mécanismes alternatifs de résolution des conflits.

Rappelant que le Mexique a ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture le 11 avril 2005, Mme González Domínguez a indiqué que cette ratification oblige le pays à créer un mécanisme national de prévention avant le 22 juin 2007. Elle a précisé que le Gouvernement mexicain a déjà engagé le processus de dialogue et de consultation en vue de la création d'un tel mécanisme.

Le Mexique a engagé le processus d'éradication de la pratique de la torture il y a déjà plusieurs années, a conclu Mme González Domínguez. Il est évident qu'il reste encore beaucoup à faire pour atteindre cet objectif, a-t-elle admis. Cependant, l'un des défis que l'administration mexicaine est sur le point d'avoir relevé est celui qui a vu cette administration travailler de concert avec la communauté internationale pour améliorer les conditions d'administration de la justice.

Complétant cette présentation, M. MARIO ÁLVAREZ LEDESMA, Sous-Procureur aux droits de l'homme, à l'aide aux victimes et aux services communautaires, a reconnu que la pratique de la torture et les mauvais traitements sont des violations des droits de l'homme qui subsistent au Mexique, principalement au niveau des entités fédératives et municipales. Le bureau du Procureur général a connaissance d'allégations relatives à de tels actes à travers les plaintes déposées devant la Commission nationale des droits de l'homme et par le biais des plaintes directement déposées devant le Ministère public, a-t-il précisé. Entre 2001 et le 31 octobre 2006, 4041 plaintes ont été déposées devant la Commission nationale des droits de l'homme pour violations présumées des droits de l'homme, dont 92 seulement - soit 2,27% - se rapportaient à des cas allégués de torture.

En août 2003, a rappelé M. Álvarez Ledesma, a été publié au Journal officiel de la République l'accord définissant les lignes directrices institutionnelles que doivent suivre les médecins légistes pour le diagnostic médial et psychologique visant à relever l'existence éventuelle de délits de torture ou de mauvais traitements sur des victimes. Au total, 75 personnes, dont 25 agents relevant de la Procurature générale de la République (agents chargés des enquêtes, agents du Ministère public..), 48 fonctionnaires publics et deux agents d'un centre de réadaptation sociale, ont été mises en cause suite à de tels diagnostics, a indiqué M. Álvarez Ledesma. Attirant l'attention sur la nécessité d'harmoniser les dispositifs pénaux de lutte contre la torture avec les dispositions pertinentes des instruments internationaux proscrivant la torture que le Mexique a ratifiés, M. Álvarez Ledesma a souligné que le délit de maltraitance n'a pas été défini comme tel au Mexique et qu'il est donc important pour le pays de remédier à cette situation. Il convient en outre pour l'ensemble des procuratures mexicaines qui ne l'ont pas encore fait, notamment celle en charge de la justice militaire, d'adopter le Protocole d'Istanbul, le manuel de l'ONU pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants, adopté en 1999.

M. JOSÉ LUIS LAGUNES LÓPEZ, Sous-Secrétaire à la prévention et à la participation citoyenne au Ministère de la sécurité publique du Mexique, a pour sa part souligné que depuis 2001, le Ministère de la sécurité publique applique un programme national de formation aux droits de l'homme à l'intention de ses agents et de ceux d'un grand nombre d'autres organes et institutions.

MME ALICIA ELENA PÉREZ DUARTE, Procureur spécial pour les délits en rapport avec la violence contre les femmes, a, quant à elle, fait état de la création d'un parquet spécial chargé de traiter de la violence contre les femmes. Ce parquet peut exercer son autorité en matière de délits de droit commun fédéraux, en coopération avec les parquets locaux. Ce parquet a proposé au pays une vision nouvelle pour prévenir et éradiquer la violence contre les femmes.

Le quatrième rapport périodique du Mexique (CAT/C/55/Add.12) rappelle que le 28 août 2002, le Président de la République a présenté un rapport intitulé «Bilan et défis à relever pour le Gouvernement fédéral en matière de droits de l'homme», dans lequel sont définis quatre objectifs prioritaires, au premier desquels celui d'éliminer totalement la torture, la discrimination et les mauvais traitements physiques et psychologiques. La torture et les mauvais traitements sont interdits par la Constitution politique des États-Unis du Mexique. Selon l'article 20, dans tout procès pénal, l'inculpé ne peut pas être contraint de faire une déclaration; toute mise au secret, intimidation ou torture est interdite et réprimée par la loi pénale; les aveux faits devant toute autorité autre que le ministère public et le juge, ou bien devant ceux-ci sans l'assistance du défenseur n'ont aucune valeur de preuve. Selon l'article 22, sont interdites les peines de mutilation et les peines infamantes, la flagellation, la bastonnade, la torture de quelque sorte qu'elle soit, l'amende excessive, la confiscation des biens et toutes autres peines inusitées et aux conséquences graves. La loi fédérale de 1991 visant à prévenir et réprimer la torture définit la torture comme suit: «se rend coupable du délit de torture tout agent public qui, dans l'exercice de ses fonctions, inflige à une personne des douleurs ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, afin d'obtenir de la personne torturée ou d'un tiers des renseignements ou des aveux ou de punir l'intéressé pour un acte qu'il a commis ou est soupçonné d'avoir commis ou bien de le contraindre à accomplir ou à cesser d'accomplir un acte déterminé». Les peines prévues s'appliquent également à l'agent public qui contraint ou autorise un tiers ou se sert de ce dernier pour infliger à une personne des douleurs ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales; ou n'empêche pas que ces douleurs ou souffrances soient infligées à une personne confiée à sa garde par un tiers qui, en vue d'une finalité quelconque, est incité ou autorisé de façon explicite ou implicite par un agent public à infliger des douleurs ou souffrances aiguës, physiques ou mentales, à un détenu».

En outre, une série d'activités ont été approuvées pour assurer l'application d'un document intitulé «25 actions de lutte contre la torture». Le principe de base retenu est que ces actions vont être le point de départ d'un renforcement d'une politique de lutte contre la torture. Parmi ces 25 mesures, il convient de mentionner celles qui consistent à inciter vivement les États de la fédération à procéder rapidement à la définition de la torture conformément aux normes internationales en vigueur au Mexique. En décembre 2003, est entrée en vigueur la loi visant à prévenir et réprimer la torture de l'État du Yucatan, indique le rapport. À partir de cette loi, les 31 États de la Fédération et le District fédéral lui-même ont défini des normes visant à prévenir, réprimer et éradiquer la torture. De 1990 à 2001, précise le rapport, 57 fonctionnaires de l'administration publique ont été accusés de torture et les juges fédéraux ont délivré 39 mandats d'arrestation, dont 24 ont été exécutés. Dans huit affaires seulement les accusés ont été condamnés, ajoute le rapport. Les organisations de la société civile indiquent que, dans la pratique, les personnes portant plainte contre des faits de torture continuent de s'estimer menacées de sorte que les personnes qui seraient disposées à porter plaintes et les victimes de torture ont peur des représailles dont elles pourraient faire l'objet, rapporte-t-il par ailleurs. Le rapport fait également état de l'initiative présentée par le pouvoir exécutif fédéral qui consiste à apporter un amendement à la Constitution tendant à ce que seuls les aveux faits devant un juge en présence du défenseur de l'accusé aient valeur probante pour la décision à rendre et tendant à supprimer par ailleurs la faculté conférée au ministère public de recueillir des déclarations faites hors la présence du juge.

En conclusion, le Gouvernement mexicain estime qu'il a réalisé des progrès importants dans la lutte contre la torture, tout en reconnaissant qu'il persiste dans le pays une dichotomie marquée entre l'abondant arsenal juridique et administratif mis en place pour mettre fin à la torture d'une part, et, de l'autre, la réalité; c'est-à-dire que la torture est toujours pratiquée au Mexique, reconnaît le rapport.


Examen du rapport

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Mexique, M. CLAUDIO GROSSMAN, a relevé avec satisfaction que les représentants mexicains ont fait montre et continuent de faire montre d'une volonté de dialogue avec le Comité contre la torture. Il s'est félicité de cet esprit d'ouverture que manifestent les autorités mexicaines face aux divers mécanismes internationaux et dont témoigne notamment la visite qu'a effectuée dans le pays le Rapporteur spécial sur la torture. M. Grossman s'est également félicité que le Mexique ait ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture.

S'agissant de la définition de la torture, a poursuivi le rapporteur, il semble y avoir un problème dans les diverses législations en vigueur au Mexique. Il y est notamment affirmé que la torture est une douleur ou une souffrance grave et qu'on utilise la notion de gravité de la lésion pour déterminer si l'on est en présence ou non d'un acte de torture, en estimant qu'il y a torture lorsque la lésion met plus de 15 jours pour guérir. Le viol, qui est une forme de torture, ainsi que la torture psychologique se trouvent alors écartés par une telle définition de la torture, a fait observer M. Grossman. En ce qui concerne la justice militaire, a-t-il relevé, le Code de justice militaire ne qualifie pas spécifiquement le délit de torture infligé à un membre du personnel militaire.

Comment est assurée l'indépendance du personnel délivrant le certificat médical face à un cas allégué de torture, a demandé M. Grossman? Quels programmes ont-ils été mis en place pour former des personnels médicaux de l'État et combien de personnes ont-elles ainsi été formées, a-t-il également demandé? Relevant que les certificats délivrés dans ce contexte n'établissent, le cas échéant, qu'une présomption de torture et qu'il incombe à la victime de fournir davantage de preuves, M. Grossman a souhaité savoir pourquoi le Mexique n'a pas préféré, dans les cas où un certificat médical conclut à une présomption de torture, choisir la voie consistant à faire porter la charge de la preuve sur l'accusé.

M. Grossman s'est par ailleurs enquis de la nature de la protection accordée aux étrangers au Mexique. Il s'est inquiété de la possibilité d'expulser un étranger sans que soit engagée une procédure permettant de s'assurer que le Mexique respecte les normes internationales en la matière, notamment pour ce qui est du principe de non-refoulement; apparemment, les mesures de protection existantes n'ont pas de valeur suspensive pour l'application de la décision d'expulsion.

Le co-rapporteur du Comité pour l'examen du rapport mexicain, M. FERNANDO MARIÑO MENÉNDEZ, s'est félicité de l'abolition de la peine de mort au Mexique, de l'adoption du Protocole d'Istanbul et de l'existence d'un programme de droits de l'homme. Il s'est toutefois enquis de l'existence éventuelle d'un recours en amparo au Mexique. Le droit mexicain prévoit-il la dénonciation de l'inaction d'un Procureur au stade de l'enquête préalable face à un cas allégué de torture, a également demandé le co-rapporteur.

M. Mariño Menéndez s'est par ailleurs enquis du rôle joué par le Ministère public, en particulier dans les cas de victimes n'ayant pas les moyens de payer les services d'un défenseur. Il semble en effet que les services de défenseurs publics soient très limités.

Un immigrant en situation irrégulière semble pouvoir être expulsé sans autre forme de procès, s'est en outre inquiété M. Mariño Menéndez. Des expulsions immédiates d'étrangers sont-elles réellement opérées, sans aucun contrôle d'aucune sorte, a-t-il demandé?

Le co-rapporteur a par ailleurs indiqué avoir reçu des informations faisant état de cas de harcèlement à l'encontre des défenseurs de droits de l'homme, notamment dans les États de Oaxaca et de Jalisco.

Le co-rapporteur a d'autre part observé, s'agissant des incidents de Ciudad Juárez - où de nombreuses femmes ont été assassinées au fil des ans -, qu'une proportion importante de ces femmes n'a pu être identifiée.

M. Mariño Menéndez a en outre relevé que des cas de stérilisations, non pas forcées mais en tout cas frauduleuses, à l'encontre des populations autochtones ont été dénoncés. Il s'est enquis des raisons de ces pratiques de stérilisation.

Un autre membre du Comité a reconnu qu'en matière de torture, les autorités mexicaines reconnaissent le mal et souhaitent le combattre; il n'en demeure pas moins que la torture persiste et que l'impunité persiste également, a souligné cet expert. Il a aussi a souhaité en savoir davantage sur la délimitation des compétences entre juges et procureurs. Quelle est la part d'indépendance du juge vis-à-vis du procureur? L'expert a également souhaité en savoir davantage sur la délimitation des compétences entre les tribunaux de droit commun et les tribunaux militaires.

Un autre expert s'est dit préoccupé par le nombre d'informations reçues concernant les violences, y compris sexuelles, faites aux femmes. Comment les autorités traitent-elles ces questions ? De nombreuses violences sont faites aux femmes, notamment de la part des agents de l'autorité publique, mais aussi au sein des foyers, a insisté un autre membre du Comité.

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