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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DU CHILI

04 Mai 2009



Comité contre la torture

4 mai 2009


Le Comité contre la torture a entamé, cet après-midi, l'examen du cinquième rapport périodique du Chili sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport , M. Jorge Frei, Vice-Ministre de la justice et chef de la délégation chilienne, a souligné que la promotion et la protection des droits de l'homme étaient une tâche nationale au Chili. Le Chili reconnaît son histoire et les événements du passé, et le pays est aujourd'hui résolument engagé à assurer le respect des droits de l'homme. Il a rappelé qu'à partir de 1990, les Gouvernements démocratiques ont renforcé les processus démocratiques et des droits de l'homme pour ériger une démocratie solide et participative. Le Chili a été à même de mettre en prison les auteurs des crimes les plus graves qui ont été perpétrés par le passé, a-t-il souligné, tout en reconnaissant qu'il restait des progrès à faire. Il a estimé à cet égard que l'audition du Chili devant ce Comité était une occasion pour le pays de se perfectionner. Le Vice-Ministre a fait valoir que depuis 2005, le nouveau système de procédure pénale a permis au pays de faire de grands progrès en matière de mécanismes de contrôle et d'enquête et a permis de réduire le nombre de délits. La réforme donne par ailleurs pleine satisfaction aux garanties de bon déroulement des procès. De ce fait, la composition de la population carcérale a profondément changé: aujourd'hui, plus de 75% des personnes se trouvant en détention ont été jugées alors que dans la situation précédente, deux détenus sur trois étaient en attente de jugement. Le respect de la mémoire des victimes de la dictature militaire constitue un aspect central des politiques publiques des droits de l'homme au Chili, a affirmé M. Frei, informant le Comité que la Commission nationale des prisons politiques et de la torture, chargée d'enquêter sur les disparitions forcées, avait reçu le témoignage de 35 868 personnes depuis sa création en 2003.

La délégation du Chili était également composée de représentants du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de la justice, du Ministère de l'intérieur, des Carabiniers et de la Police d'investigation. Conformément aux usages du Comité pour garantir l'indépendance et l'objectivité des experts, le Président, M. Claudio Grossman, qui est chilien, a cédé la présidence à l'un des vice-présidents, M. Xuixian Wang, à l'occasion de l'examen de ce rapport.

Rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Chili, M. Luis Gallegos Chiriboga est convenu que le Chili avait procédé à une importante rétrospection historique. Il a par ailleurs salué l'extradition, par le Chili, de l'ancien président péruvien Alberto Fujimori. Le traitement des détenus a fait l'objet de plusieurs questions du corapporteur, M. Fernando Mariño Menéndez, qui a estimé que le Chili devrait établir un système de contrôle plus régulier du système pénitentiaire. D'autres experts ont pris la parole pour interroger la délégation sur des allégations de violences sexuelles à l'encontre de jeunes délinquants, sur le respect de la confidentialité dans le domaine médical et notamment en cas d'avortement, sur la proportion de victimes de la dictature ayant eu recours à une assistance en vue de l'obtention de réparations. Certains ont regretté la persistance de l'impunité, notant que les chiffres donnés par la délégation s'agissant des personnes qui ont été jugées ne sont pas très impressionnants en regard du nombre de crimes commis pendant la dictature. Il a aussi été souligné, s'agissant des efforts de l'État partie pour revenir sur le passé, que le résultat est plutôt mitigé; la vérité n'a pas pu être totalement établie, et les victimes n'ont pas toutes été indemnisées du fait de dysfonctionnements des mécanismes existants. Les efforts faits par le Chili sont importants et peuvent encore être consolidés, a-t-il été estimé.

Le Comité entendra les réponses du Chili aux questions des experts demain après-midi, à 15 heures. Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport d'Israël.


Présentation du rapport du Chili

M. JORGE FREI, Vice-Ministre de la justice du Chili, a souligné que la promotion et la protection des droits de l'homme étaient une tâche nationale. Le Chili reconnaît son histoire et les événements du passé, et le pays est aujourd'hui résolument engagé à assurer le respect des droits de l'homme. Il a notamment rappelé que le pays avait aboli la peine de mort il y a près d'une décennie. À partir de 1990, les gouvernements démocratiques ont renforcé les processus démocratiques et des droits de l'homme pour ériger une démocratie solide et participative, a-t-il déclaré.

Le Chili a été à même d'emprisonner les auteurs des crimes les plus graves qui ont été perpétrés par le passé, a fait valoir le Vice-Ministre, mais il reste encore des progrès à faire et l'audition du Chili devant ce Comité est une occasion pour le pays de se perfectionner, a-t-il ajouté.

Le chef de la délégation chilienne a indiqué que le système juridique chilien dispose que tout acte de torture doit faire l'objet d'une enquête et son auteur jugé et puni en vertu de la loi et des dispositions de la Convention. Il n'existe au Chili aucune politique ou institution qui autorise la torture, a-t-il répété, soulignant la confiance des citoyens dans les institutions.

M. Frei a affirmé que depuis 2005, le nouveau système de procédures pénales a permis au pays de faire de grands progrès en matière de mécanismes de contrôle et d'enquête et a permis de réduire le nombre de délits qui n'avaient pas fait l'objet d'une dénonciation. La réforme donne par ailleurs pleine satisfaction aux garanties du bon déroulement des procès. De ce fait, la composition de la population carcérale a profondément changé, plus de 75% des personnes se trouvant en détention aujourd'hui ayant été jugées, alors que dans la situation précédente, deux détenus sur trois étaient en attente de jugement. M. Frei a aussi fait état de changements importants s'agissant de la détention des jeunes délinquants, notant que le Gouvernement privilégie autant que possible des solutions alternatives à la privation de liberté. Mentionnant les mesures prises par le Gouvernement pour améliorer les conditions de détention, il a fait état des budgets importants débloqués pour assurer l'amélioration des infrastructures et la mise en place de programmes de réinsertion. La possibilité est offerte à des organisations extérieures à l'administration d'inspecter ces établissements, a-t-il ajouté.

Le Vice-Ministre a encore informé le Comité que le Code pénal, datant du XIXe siècle, sera prochainement réformé pour mieux répondre aux dispositions de nombreux instruments internationaux auxquels le Chili est partie. Une réforme intégrale du Code de justice militaire est également envisagée, a déclaré le chef de délégation. Le Chili est conscient que la procédure pénale doit être un circuit cohérent qui intègre la prévention, a affirmé le représentant. Dans cet esprit, le Gouvernement a présenté un projet de loi visant à la création d'un Ministère de la sécurité publique qui sera notamment chargé de la prévention et de la réinsertion.

M. Frei a par ailleurs informé le Comité de mesures mises en œuvre pour favoriser l'intégration des questions autochtones au niveau législatif et favoriser l'accès des autochtones à la justice.

Le Chili est récemment devenu signataire du Statut de Rome et un projet de qualification des délits est actuellement en cours, de même que la formalisation de l'imprescriptibilité de la torture, conformément aux dispositions des instruments internationaux, a aussi fait valoir M. Frei.

Le chef de la délégation chilienne a ensuite fourni au Comité des informations relatives à la formation dispensée aux forces de l'ordre, notamment dans le cadre de l'institution des Carabiniers. En ce qui concerne la procédure d'enquêtes, M. Frei a indiqué que la Direction nationale des délits à l'encontre des droits de l'homme est un organe de haut niveau, qui est également chargé de l'éducation et de la diffusion des droits de l'homme.

M. Frei s'est aussi exprimé sur les mesures prises par son pays pour améliorer les conditions de détention, indiquant que des capitaux privés ont été cherchés pour financer la construction de dix nouveaux établissements pénitentiaires visant à répondre au problème de surpeuplement carcéral. Le nombre de fonctionnaires de la gendarmerie devrait aussi augmenter de 56% au cours de ces prochaines années, a-t-il dit.

Le respect de la mémoire des victimes de la dictature militaire constitue un aspect central des politiques publiques des droits de l'homme au Chili, a affirmé le Vice-Ministre; la vérité, la justice et la réconciliation sont les piliers sur lesquels se fondent ces politiques. M. Frei a fait état de la création, en 2003, de la Commission nationale des prisons politiques et de la torture qui a reçu le témoignage de 35 868 personnes s'agissant des disparitions forcées qui ont eu lieu durant la dictature. Depuis la nomination, en 2001, de juges spéciaux, les procès contre les responsables de violations des droits de l'homme ont été relancés, a-t-il dit, précisant que le délit de torture a fait l'objet de trois condamnations fermes. Pour ce qui est des réparations, les dépenses de l'État du Chili dans ce domaine ont été énormes et représentaient en 2008 290 millions de dollars, a indiqué le chef de la délégation chilienne.

La création d'un Institut des droits de l'homme, conformément aux Principes de Paris, est l'un des éléments les plus importants du programme de la présidente Michelle Bachelet, a-t-il encore dit. Le Protocole facultatif à la Convention est, par ailleurs, entré en vigueur le 11 janvier 2009 et viendra perfectionner les mécanismes nationaux, a-t-il ajouté. «Ce n'est qu'en étant conscient de notre histoire et de notre passé que nous pouvons garder le cap des objectifs que nous nous sommes fixés en matière de garantie des droits de l'homme», a déclaré M. Frei en guise de conclusion à sa présentation.

Le cinquième rapport périodique du Chili (CAT/C/CHL/5) attire notamment l'attention sur le nouveau système de procédure pénale chilien et son influence, dans la pratique, sur la protection des droits de l'inculpé. La garantie qu'offre le système actuel repose sur les différents moyens de contrôle dans l'exercice des pouvoirs de toutes les parties à la procédure représentant l'intérêt public – le juge de garantie, le ministère public et la police. L'exercice des pouvoirs propres à chacune des parties exige en tout temps la participation des deux autres: la légalité fait ainsi l'objet d'un contrôle permanent, auquel s'ajoute le contrôle exercé par les tiers et par l'opinion publique. Le rapport indique également qu'un important effectif de personnes victimes de violations des droits de l'homme sous le régime militaire a bénéficié des mesures de réparation découlant de la mise en place de la Commission nationale sur l'emprisonnement politique et la torture, laquelle a été créée, parallèlement à d'autres initiatives, à la suite de la proposition intitulée «Il n'y a pas d'avenir sans passé» de l'ancien Président de la République, M. Ricardo Lagos. Le Gouvernement actuel a inscrit les initiatives mentionnées dans son programme d'action et continue de les mettre en œuvre. Il s'est attaché tout particulièrement à créer, sans tarder, l'Institut national des droits de l'homme, qui sera chargé de protéger et promouvoir les droits de l'homme établis dans la Constitution, les traités internationaux, la législation, le droit humanitaire et le droit international des droits de l'homme. Le projet de loi portant création dudit institut est en cours d'approbation au Congrès, de même que celui portant création du défenseur du citoyen.

Le programme du Gouvernement porte sur la volonté de mener à bien la ratification d'importants traités et protocoles internationaux relatifs aux droits de l'homme, qui est en cours. Il s'agit notamment du Statut de Rome de la Cour pénale internationale et du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, qui sont actuellement soumis au Congrès national aux fins d'approbation. Le Chili reconnaît que la persistance d'enclaves de pouvoir au sein de la Constitution de 1980 entravait le renforcement de la démocratie. Le rapport affirme que ces enclaves ont été supprimées par des modifications au titre des réformes constitutionnelles promulguées en août 2005, aux termes de négociations menées avec les secteurs politiques qui s'y opposaient.

Le rapport mentionne aussi que la recommandation du Comité de transférer du Ministère de la défense le pouvoir de contrôle des corps de carabiniers et de la police au futur ministère chargé de la sécurité publique a été suivie par le Chili. S'agissant de l'abolition du décret-loi d'amnistie, le rapport indique que les gouvernements démocratiques se sont opposés à son entrée en vigueur, mais les intentions d'y déroger par le passé ont échoué faute d'appui parlementaire à l'égard d'un thème conflictuel qui crée des positions antagonistes entre les partis politiques. Toutefois, le gouvernement actuel a exprimé sa détermination à trouver le moyen de mettre un terme aux effets juridiques dudit décret, compte tenu des engagements internationaux et, tout particulièrement, des jugements récemment rendus par la Cour interaméricaine. C'est en ce sens que différentes possibilités juridiques sont examinées afin de parvenir à éviter l'impunité. Entre-temps, les instances supérieures judiciaires ont, tout au long de leur jurisprudence, déclaré l'inapplicabilité de cette amnistie, s'appuyant sur le respect des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme que le Chili a ratifiés. Le rapport fait en outre mention de la visite au Chili d'une délégation internationale de l'Association pour la prévention de la torture, du 8 au 11 mai 2006 en vue d'entretenir un dialogue sur les mesures que l'État chilien prend pour appliquer les recommandations découlant de l'examen de ses rapports devant le Comité contre la torture.


Examen du rapport

M. LUIS GALLEGOS CHIRIBOGA, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Chili, a convenu que le Chili avait procédé à une importante rétrospection historique. Il a par ailleurs salué l'extradition par le Chili de l'ancien président péruvien Alberto Fujimori.

Le rapporteur a fait remarquer que la définition de la torture n'intervient dans la législation chilienne que dans le contexte de la détention. Depuis combien de temps le Parlement travaille-t-il à l'adoption de la loi sur la torture, a-t-il demandé, notant que dans les textes de loi existant, la tentative de torture n'est pas évoquée. Il a aussi questionné le pays sur les voies de recours administratif existantes. Quel est le mécanisme chargé du dispositif prévu par le Protocole facultatif, a-t-il demandé?

Le rapporteur a aussi voulu savoir si le principe de non-refoulement était immédiatement applicable, ou encore si les crimes de torture étaient prescriptibles? Des caméras vidéo sont-elles utilisées pour filmer les interrogatoires?

M. Gallegos Chiriboga a aussi voulu savoir comment s'expliquait l'importante augmentation de la population carcérale, et comment se composait cette population.

L'expert a aussi demandé si, comme l'affirment des organisations non gouvernementales, l'État assimile les manifestations de Mapuches (population autochtone du Chili) à des actes terroristes.

L'expert a aussi fait allusion à l'utilisation de mercenaires chiliens illégaux à l'étranger. Le Chili a-t-il connaissance de cette pratique et peut-il la commenter, a-t-il voulu savoir?

S'agissant de l'entraide judiciaire en matière pénale, l'expert a souhaité savoir si cet instrument est appliqué largement.

M. FERNANDO MARIÑO MENÉNDEZ, corapporteur pour le rapport du Chili, a évoqué la question de la formation, exprimant l'avis que les Carabiniers sont insuffisamment éduqués en matière de droits de l'homme. La formation des organes chargés d'instruire des cas de torture doit comprendre une connaissance exhaustive du Protocole d'Istanbul a également insisté l'expert.

L'expert est revenu sur l'utilisation de vidéos durant les interrogatoires, notant que cela offrait certaines garanties, même si ces instruments peuvent être falsifiés.

À quel stade d'élaboration en est la loi sur la sécurité privée, a demandé le corapporteur, recommandant au Chili de progresser rapidement dans ce domaine.

Le traitement des détenus a fait l'objet de plusieurs questions de l'expert, qui a notamment mentionné le rapport préparé par l'Université Diego Portales sur les conditions carcérales et signalé que les conclusions de ce rapport concordent avec celles d'un rapport du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) portant sur le traitement des jeunes délinquants. M. Mariño Menéndez a recommandé d'établir un système de contrôle plus systématique du système pénitentiaire, tout en convenant que ce n'est pas facile de mettre sur pied un organe véritablement indépendant en termes administratifs et financiers. Est-ce que l'Institut national des droits de l'homme peut jouer le rôle de pilier principal en regard du Protocole facultatif, a demandé l'expert, en conduisant par exemple des visites inopinées dans les lieux de détention? L'expert a fait allusion au taux important de suicides parmi les détenus, notamment dans les prisons de Santiago; des enquêtes ont-elles été menées pour cerner les causes de ce phénomène?

S'agissant de l'obligation de l'État en matière de réparation, le corapporteur a souhaité davantage de renseignements sur la création de commissions pour enquêter sur le passé et apporter une indemnisation à toutes les victimes de la dictature.

L'expert a aussi demandé s'il existait des situations d'apatridie au Chili et, si oui, comment l'État partie comptait y remédier.

D'autres experts ont pris la parole pour interroger la délégation sur des allégations de violences sexuelles à l'encontre de jeunes délinquants, sur le respect de la confidentialité dans le domaine médical et notamment en cas d'avortement, sur la proportion de victimes de la dictature ayant eu recours à une assistance en vue de l'obtention de réparations. Une experte a regretté la persistance de l'impunité, notant que les chiffres donnés par la délégation s'agissant des personnes qui ont été jugées ne sont pas très impressionnants en regard du nombre de crimes commis pendant la dictature. Qu'en est-il du projet de loi d'amnistie de 1978, y a-t-il un projet d'abrogation? Une autre experte a fait valoir, s'agissant des efforts menés par l'État partie pour revenir sur son passé, que le résultat est mitigé; la vérité n'a pas pu être totalement établie, et les victimes n'ont pas toutes été indemnisées du fait des dysfonctionnement des mécanismes existants, a-t-elle dit, tout en concédant que les efforts faits par le Chili sont importants et peuvent encore être consolidés.
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