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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT INITIAL DU TCHAD

29 Avril 2009

Comité contre la torture

29 avril 2009

Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du rapport initial du Tchad sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport initial de son pays, M. Abderaman Djasnabaille, Ministre chargé des droits de l'homme et de la promotion des libertés, a rappelé qu'à la suite d'une dictature sanglante, le Tchad avait mis en place, dès 1993, un ensemble d'institution des droits de l'homme, parmi lesquelles la Commission nationale des droits de l'homme. Un Ministère des droits de l'homme a également été créé en 2005, qui est devenu, en 2008, le Ministère des droits de l'homme et de la promotion des libertés. Le Ministre a souligné la nécessité pour son pays de bénéficier de sécurité, de tranquillité et de stabilité des institutions démocratiques pour assurer l'épanouissement des citoyens et à la cohésion sociale et une justice convaincante. Il a rappelé que le Tchad a été affecté par la crise au Darfour, qui a engendré un afflux massif de personnes déplacées et de réfugiés, ainsi que des conflits intercommunautaires, et a débouché sur les attaques sur N'Djamena par les milices janjaouid, en avril 2006 et en février 2008. M. Djasnabaille a souligné que la guerre et les conflits intercommunautaires ont généré de nombreuses violations des droits de l'homme au Tchad, en annihilant les efforts accomplis pour une protection et la promotion des droits de l'homme. Le Gouvernement tchadien, a conclu le ministre, est conscient des inévitables manquements que le Comité aura à relever au cours de cet examen.

Faisaient également partie de la délégation tchadienne: M. Samir Adam Annour, Conseiller aux affaires administratives, juridiques et aux droits de l'homme de la Présidence, M. Ahmat Mahamat Hassan, Conseiller aux affaires administratives, juridiques et aux droits de l'homme du cabinet du Premier Ministre, M. Djimet Arabi, Secrétaire général du Ministère chargé des droits de l'homme et de la promotion des libertés, M. Rotta Dingamadji Carlos, Directeur des études, de la législation et du contentieux, M. Gaien Barka, Directeur des affaires juridiques et de la documentation du Ministère des relations extérieures, de même que M. Baba Jaoura Ndotti, Directeur des droits civils et politiques.

Rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Tchad, Mme Essadia Belmir a reconnu que le Tchad a fait un effort de sincérité et d'autocritique et que le Comité peut accorder une certaine crédibilité aux éléments du rapport qui a été présenté. L'experte, se référant à l'histoire du Tchad, a fait remarquer que cette genèse est souvent mentionnée pour justifier de nombreuses violations des droits de l'homme. L'imprécision des textes de lois, a également fait valoir la rapporteuse, permet de déroger aisément aux principes de la Convention, et de nombreuses informations font état de cas d'enlèvements, de torture, d'une impunité généralisée, tant à l'égard des actes commis par le passé par les hommes de main de l'ancien président Hissène Habré, que des violations commises aujourd'hui par les forces de l'ordre. De manière générale, il a été observé que si l'État partie se montrait lucide sur les manquements et lacunes qui laissaient la voie ouverte à une pratique fréquente de la torture, il ne faisait rien pour y pallier.


Le Comité entendra demain après-midi les réponses de la délégation tchadienne aux questions qui lui ont été posées par les experts. Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entendra les réponses de la délégation des Philippines aux questions qui lui ont été posées hier par les experts.

Présentation du rapport du Tchad

M. ABDERAMAN DJASNABAILLE, Ministre chargé des droits de l'homme et de la promotion des libertés, a assuré le Comité que depuis son accession à l'indépendance, le Tchad a toujours fait du principe des droits des peuples une constante de sa politique au plan national et international. Il a rappelé qu'à la suite d'une dictature sanglante, le Tchad avait mis en place, dès 1993, un ensemble d'institution des droits de l'homme, parmi lesquelles la Commission nationale des droits de l'homme (CNDH). Un Ministère des droits de l'homme a également été créé en 2005, qui est devenu, en 2008, le Ministère des droits de l'homme et de la promotion des libertés, a déclaré M. Djasnabaille.

Le Ministre a souligné la nécessité pour son pays de bénéficier de sécurité, de tranquillité et de stabilité des institutions démocratiques pour assurer l'épanouissement des citoyens, la cohésion sociale et une justice convaincante. Il a rappelé que le Tchad a été affecté par la crise au Darfour qui a engendré un afflux massif de personnes déplacées et de réfugiés, ainsi que des conflits intercommunautaires, et a débouché sur les attaques sur N'Djamena par les milices janjaouid, en avril 2006 et en février 2008.

Ces différentes crises ont permis à nouveau la violation des droits de l'homme caractérisée par les enlèvements, les atteintes à l'intégrité physique, les déplacements forces, l'enrôlement des enfants dans les conflits armés et le viol des femmes, a déclaré le Ministre tchadien, qui a indiqué que cette situation a amené le Gouvernement à instaurer l'état d'urgence.

Le Ministre a par ailleurs indiqué qu'une commission d'enquête avait été créée pour faire la lumière sur les événements survenus et sur leurs conséquences. Cette commission a rendu publiques ses conclusions en septembre 2008. Pour donner suite à ses recommandations, le Gouvernement a mis en place un comité de suivi qui a d'ores et déjà entamé ses travaux et pris diverses mesures.

M. Djasnabaille a conclu sa présentation en soulignant que la guerre et les conflits intercommunautaires ont généré de nombreuses violations des droits de l'homme au Tchad, en annihilant les efforts accomplis pour une protection et la promotion des droits de l'homme. Le Gouvernement tchadien, a dit le Ministre, est conscient des inévitables manquements que le Comité aura à relever au cours de cet examen.

Le rapport initial du Tchad (CAT/C/TCD/1) indique que Le Tchad a adhéré à la Convention le 9 juin 1995 et n'a formulé aucune réserve ni fait des déclarations interprétatives au moment de l'adhésion. Le contexte d'élaboration de ce rapport est caractérisé par l'instauration de l'état d'urgence, institué par un décret du 13 novembre 2006, et qui vise à juguler les graves atteintes à l'ordre public consécutives à l'insécurité qui sévit dans les six régions concernées par les troubles ainsi que dans la ville de N'Djaména. Le rapport rappelle qu'après l'indépendance, le Tchad est entré dans une période d'instabilité politique ayant favorisé la pratique systématique de la torture et d'actes inhumains et dégradants à l'égard des populations civiles, des militaires prisonniers, des détenus politiques, etc. Le rapport fait valoir que le cadre juridique général de protection de droits de l'homme est assez bien fourni dans la mesure où tous les instruments juridiques internationaux, une fois ratifiés, font partie de l'ordonnancement juridique interne. S'agissant de la torture, le rapport note toutefois qu'elle elle ne constitue par une infraction distincte au regard de nos instruments juridiques nationaux actuels. Cette situation est liée à la non harmonisation du cadre juridique interne avec la Convention. La torture est, néanmoins, retenue par le législateur de 1967 comme étant une circonstance aggravante en matière pénale Le rapport indique qu'un projet de loi est en cours d'élaboration, modifiant et complétant certaines dispositions du Code pénal. Ce projet, élaboré dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l'enfant, a criminalisé la torture en prenant le soin de la définir.

Les autorités compétentes en matière de droits de l'homme sont la Commission nationale des droits de l'homme, le Médiateur national, le Ministre chargé des droits de l'homme. La Commission nationale des droits de l'homme, créée par une loi du 9 septembre 1994, est composée des membres issus de quatre catégories à savoir les ministères, les associations de défense des droits de l'homme, les syndicats et des personnalités privées. Le rapport reconnaît que la Commission présente quelques faiblesses dues à sa composition et à la possibilité offerte aux représentants de l'administration de participer aux délibérations. Le Tchad estime que les faiblesses relevées sont liées en partie à l'insuffisance de moyens financiers, au relâchement des membres et à la faiblesse d'expertise de gestion de telles institutions. Au chapitre des mesures administratives, le rapport du Tchad indique que le Gouvernement a autorisé le fonctionnement de deux associations en lien direct avec la torture. L'Association des victimes des crimes et répressions politiques et l'Association des chrétiens pour l'abolition de la torture-Tchad (ACAT). La participation de l'ACAT en décembre 2006 au premier de trois séminaires internationaux sur le thème «Les lignes directrices de Robben Island et la lutte contre la torture» organisés à Bujumbura par la Fédération internationale de l'ACAT, en coopération avec l'Association pour la prévention de la torture, a été suivie par l'élaboration d'un plan d'action ayant pour objet de traduire au plan national les recommandations formulées à cette occasion.

S'agissant des mesures prises pour interdire l'expulsion, le refoulement et l'extradition d'une personne vers un État où elle risque d'être soumise à la torture, le rapport note qu'en application de l'article 12, alinéa 4 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples,, le Gouvernement n'est autorisé à prendre des mesures administratives d'éloignement, d'internement ou d'expulsion qu'à l'encontre des personnes dont les agissements sont dangereux pour l'ordre public et la sûreté intérieure du territoire. Cependant compte tenu de la méconnaissance et de l'impression de cette loi, la Direction de l'immigration et de l'émigration qui est le service responsable du contrôle du séjour des étrangers a des difficultés à asseoir la base légale du refoulement sur le décret de 1961. Au chapitre de la détention préventive, le Tchad affirme que malgré les dispositions de loi qui prévoient que «toute personne ayant connaissance d'une détention préventive irrégulière ou abusive de peut s'adresser au Procureur général ou au Président de la chambre d'accusation à l'effet de la faire cesser», les détentions préventives abusives sont légion dans tous les établissements pénitentiaires faute de dénonciation ou par ignorance des textes permettant la saisine des autorités compétentes pour y mettre fin. Le rapport reconnaît également que, dans la pratique, le délai de garde à vue n'est pas respecté. Des citoyens sont souvent détenus au-delà du délai légal dans les locaux de la police et de la gendarmerie. Les officiers de police judiciaire invoquent la vétusté et l'insuffisance de moyens de travail mis à leurs dispositions pour justifier ces irrégularités. En matière de sensibilisation aux principes des droits de l'homme, le Tchad informe qu'en vue d'adapter les droits de l'homme et le droit international humanitaire au contexte des missions de défense nationale et des opérations de maintien de l'ordre public et de sécurité que doivent assurer les forces armées, a été créé un Centre de référence en droit international humanitaire dont les attributions sont, entres autres, l'élaboration d'un programme national de l'enseignement du droit international humanitaire et la conception et l'édition des documents didactiques.

Examen du rapport

MME ESSADIA BELMIR, Rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Tchad, a reconnu que le Tchad a fait un effort de sincérité et d'autocritique et que le Comité peut accorder une certaine crédibilité aux éléments du rapport qui a été présenté. Elle a noté que le contexte de l'État d'urgence n'est pas le meilleur moment pour rédiger un tel rapport et a rendu cet exercice d'autant plus difficile. Mme Belmir a salué le fait que le Tchad soit signataire de nombreux traités et conventions et a mentionné l'avis favorable formulé par le Groupe de travail sur les disparitions forcées. Plusieurs éléments plaident pour la gouvernance, a-t-elle relevé, et montrent les efforts faits par l'État partie pour sortir de l'instabilité.

L'experte, se référant à l'histoire du Tchad dont il est fait largement fait mention dans le rapport, a fait remarquer que cette genèse est souvent mentionnée pour justifier de nombreuses violations des droits de l'homme.

S'agissant de l'application de l'article premier de la Convention, Mme Belmir a relevé qu'il n'y avait pas une définition explicite de la torture et pas d'incrimination spécifique de la torture dans la Constitution. L'imprécision des textes de loi permet de déroger aisément aux principes de la Convention, a-t-elle estimé, notant que plusieurs rapports font état de cas d'enlèvements, de torture et d'une impunité à l'égard des actes commis par le passé par les hommes de main de l'ancien président Hissène Habré, de même que les violations commises aujourd'hui par les forces de l'ordre.

En ce qui concerne le délai de garde à vue, tout comme la durée maximale de la détention préventive, Mme Belmir note que le rapport de l'État partie reconnaît qu'ils ne respectent pas les principes de la Convention. Le rapport du Tchad indique notamment que les fonctionnaires sont souvent analphabètes et commettent de ce fait des abus par ignorance des textes. Mme Belmir a également relevé que les personnes en détention préventive se trouvent dans les mêmes locaux que les condamnés. Elle a aussi fait état des arrestations illégales qui ont eu lieu pendant les événements de février 2008.

L'experte a également exprimé sa préoccupation à l'égard du traitement des femmes détenues, mentionnant des problématiques de violence et d'hygiène, le refus du droit de visite, le manque de nourriture.

S'agissant du statut de la magistrature, Mme Belmir a déclaré que les bas salaires des magistrats génèrent une corruption généralisée. Est-ce que le corps de la magistrature permet véritablement à ceux-ci d'être fiables? Y a-t-il vraiment une justice de proximité, a-t-elle encore demandé en faisant remarquer que l'on semble être en présence d'une multitude de références juridiques dans le pays.

Mme Belmir a encore demandé à la délégation tchadienne s'il y a une réflexion qui est menée pour réformer la Commission des droits de l'homme dont le rapport reconnaît les insuffisances, notamment en matière de ressources et la composition inappropriée.

M. CLAUDIO GROSSMAN, Corapporteur pour le rapport du Tchad et Président du Comité, a souhaité avoir plus d'informations sur les formations et programmes de formation aux droits de l'homme mis en place dans le pays. Est-ce que des recommandations ont été présentées dans le cadre des ateliers mentionnés dans le rapport? Ces recommandations ont-elles été suivies, a-t-il encore demandé. En ce qui concerne le Centre national de droit humanitaire, M. Grossman a demandé si le Centre a pu s'acquitter de sa mission, à savoir notamment la préparation d'un matériel d'enseignement. Mentionnant le projet, mené en collaboration avec le Comité international de la Croix-Rouge, d'élaboration d'un manuel de déontologie à l'intention de la police, M. Grossman a souhaité savoir si les 500 exemplaires qu'il était prévu d'imprimer l'ont effectivement été et à qui ils ont été distribués. Évoquant un projet de formation pour la magistrature, il a demandé si cette formation a eu lieu et à combien de personnes elle s'est adressée. M. Grossman a déploré que le Comité ne dispose pas de suffisamment d'informations concrètes sur les programmes de formation que l'État partie dit avoir mis en œuvre.

S'agissant des mécanismes de surveillance des personnes détenues, M. Grossman a noté avec Mme Belmir que le cadre juridique semble adéquat, mais que c'est son application qui est en faute. Il a souhaité savoir, à cet égard, s'il existe un registre des personnes maintenues en garde à vue et a demandé quelle était la proportion de la population pénitentiaire qui se trouve en détention préventive, c'est à dire qui n'a pas encore été jugée.

Le corapporteur a demandé à la délégation tchadienne ce qui empêche l'État d'appliquer les mesures juridiques prévues pour punir les comportements inadéquats des fonctionnaires? Il a par ailleurs souhaité savoir combien d'enquêtes le Commandant en chef des forces armées a demandées, qui impliqueraient des membres des forces armées, combien de ces infractions ont abouti à des grâces et combien ont donné lieu à l'inculpation des coupables. Quel est le champ d'application des tribunaux militaires, a encore demandé M. Grossman? Ceux-ci sont-ils en mesure de juger des crimes de droits communs commis par des militaires en dehors de leur fonction? M. Grossman, notant que l'État partie reconnaît des lacunes en matière de définition de la torture dans sa juridiction interne, a invité le Tchad à la compléter. Il l'a également encouragé à compléter le code d'éthique de la police et de prévoir la possibilité de poursuivre les membres des forces de police pour de tels actes.

S'agissant du droit de la victime à porter plainte, en particulier pour ce qui touche aux violations commises sous le régime d'Hissène Habré, le Comité, par la voix du rapporteur et du corapporteur, a demandé au Tchad pourquoi, si des suspects ont été désignés, tout demeurait en attente devant les tribunaux et aucun jugement n'avait encore été prononcé. Qu'est-ce qui empêche le Tchad de progresser par rapport à cette affaire, a souhaité savoir le Comité, qui a recommandé au pays de faire avancer ce dossier et d'envisager également des procédures de réparation de d'indemnisation des victimes.

M. Grossman a évoqué la persistance des mutilations génitales féminines et des mariages forcés en demandant au Tchad ce qu'il compte entreprendre pour mettre fin à ces pratiques.

Le Président a encore demandé au Tchad quelles sont les mesures concrètes prises par l'État pour lutter contre le tourisme sexuel, la pédophilie, le trafic et l'exploitation d'enfants, de même que la problématique des enfants soldats. Le Tchad a-t-il envisagé de créer une commission de la vérité, a encore souhaité savoir M. Grossman?

D'autres membres du Comité ont encore questionné la délégation tchadienne, notamment sur le rôle du Médiateur dans le contrôle des prisons, la protection des défenseurs des droits de l'homme, les conditions de détention des prisonniers, l'adoption internationale d'enfants en dehors du cadre de la loi, le traitement des réfugiés politiques, l'indépendance du pouvoir judiciaire.

Un expert a recommandé au Tchad d'encadrer de manière plus spécifique les actes de torture commis pas la police secrète. Ne faudrait-il pas créer un système spécifique pour lutter contre une tradition malheureuse qui semble perdurer dans le pays et favoriser son éradication, a-t-il suggéré. Un autre expert a demandé au Tchad des explications s'agissant des activités de l'Agence nationale de sécurité qui semble exercer le pouvoir de la police; y a-t-il des centres de détention secrets qui échappent au pouvoir judiciaire, comme l'affirment les organisations non gouvernementales, a-t-il également voulu savoir.

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