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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT INITIAL DE LA BELGIQUE

06 Mai 2003



CAT
30ème session
6 mai 2003
Matin




Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du rapport initial de la Belgique sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
M. Claude Debrulle, Directeur général du Service public fédéral belge de la justice, en charge des droits de l'homme et de la législation pénale, a indiqué qu'une loi de mise en conformité du droit belge avec les dispositions de la Convention contre la torture est entrée en vigueur le 24 août 2002, qui insère quatre nouveaux articles au Code pénal, dont l'un définit la torture comme étant «tout traitement inhumain délibéré qui provoque une douleur très aiguë ou de fort graves et cruelles souffrances, physiques ou mentales». M. Debrulle a souligné que le législateur belge est allé au-delà de ce que prescrivait la Convention puisque la restriction visant la qualité de l'auteur de l'infraction, (à savoir que, selon la Convention, ne sont considérés comme actes de torture que les actes commis par une autorité officielle), n'a pas été retenue.
La délégation belge est également composée de M. Michel Adam, Représentant permanent de la Belgique auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants du Service public fédéral des affaires intérieures, du Service public fédéral de la justice, du Service public fédéral de la santé publique, de l'Office des étrangers, de la Direction générale de la législation pénale et des droits de l'homme, et des communautés flamande et française.
Le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport de la Belgique, M. Guibril Camara, s'est félicité que le pays ait ratifié la Convention contre la torture sans émettre de réserves. Il s'est notamment enquis des voies de recours dont disposent les personnes faisant l'objet de mesures d'expulsion, de refoulement ou d'extradition, et a demandé s'il existe des dispositions empêchant d'expulser ou d'extrader une personne vers un pays où elle risque d'être soumise à des actes de torture.
Le co-rapporteur pour l'examen du rapport belge, M. Andreas Mavrommatis, a estimé que des mesures devraient être prises en Belgique en ce qui concerne le recours excessif à la force par les policiers à l'encontre des personnes en cours d'expulsion. Il a souhaité savoir si tous les cas de décès en prison font l'objet d'une enquête.
Le Comité entendra demain après-midi, à 15 heures, les réponses de la délégation belge aux questions qui lui ont été adressées ce matin. Cet après-midi, à 15 heures, elle entendra les réponses de la délégation slovène aux questions que lui ont posées les experts hier matin.

Présentation du rapport de la Belgique
Présentant le rapport de son pays, M. MICHEL ADAM, Représentant permanent de la Belgique auprès des Nations Unies à Genève, a indiqué que sa délégation est consciente de l'importance et du poids de la Convention contre la torture et des souffrances auxquelles elle s'adresse. Il a aussi reconnu «avec humilité» que la lutte qui est engagée est difficile et doit être menée sans relâche. La Belgique est convaincue que ces contacts internationaux sur la mise en œuvre d'instruments juridiques touchant à des valeurs fondamentales constituent un progrès pour la cause de la dignité humaine. Soulignant que la Convention est entrée en vigueur en Belgique le 25 juillet 1999, M. Adam a souligné que la période de référence de ce rapport coïncide avec la mise en œuvre d'un processus de réforme en profondeur des institutions judiciaires et des forces de police. Par ailleurs, des élections parlementaires auront lieu en Belgique dans une douzaine de jours et c'est donc un nouveau gouvernement et un nouveau parlement qui auront à connaître des observations du Comité sur le rapport initial du pays. Toutes les violations des règles garantissant les droits fondamentaux sont soigneusement examinées et des recours politiques, administratifs mais surtout essentiellement juridictionnels existent pour y remédier, a ajouté le Représentant permanent.
Le Chef de la délégation belge, M. CLAUDE DEBRULLE, Directeur général du Service public fédéral belge de la justice en charge des droits de l'homme et de la législation pénale, a rappelé que depuis les réformes de 1993, la Belgique est devenue un État fédéral au sein duquel les responsabilités et les compétences sont partagées entre le Gouvernement fédéral et les Communautés. Les compétences des autorités fédérales s'exercent pour les questions de droit pénal, de droit civil, de droit administratif, de défense nationale ainsi qu'en ce qui concerne les personnes chargées de l'application des lois; quant aux responsabilités des Communautés, elles s'exercent principalement et de manière exclusive dans les affaires culturelles, l'enseignement, l'emploi des langues et les matières personnalisables, notamment la politique en matière de santé et d'aide aux personnes. M. Debrulle a précisé que plusieurs organisations non gouvernementales ont été consultées dans le cadre du processus d'élaboration du présent rapport: il s'agit d'Amnesty International, de l'Observatoire international des prisons et de la Ligue belge des droits de l'homme.
M. Debrulle a notamment indiqué qu'une loi de mise en conformité du droit belge avec les dispositions de la Convention contre la torture a été adoptée le 14 juin 2002 et est entrée en vigueur le 24 août 2002. Cette loi insère quatre nouveaux articles au Code pénal, dont l'un définit la torture et les traitements inhumains et dégradants, alors que les trois autres incriminent la torture, le traitement inhumain et le traitement dégradant. La loi adapte également les articles incriminant la torture comme circonstance aggravante d'autres infractions telles, entre autres, que la prise d'otages, l'attentat à la pudeur ou le viol et le vol avec violence ou menaces d'extorsion. La loi abroge en outre les articles 428 et 438 du Code pénal - qui punissaient respectivement de 10 à 15 ans de réclusion l'enlèvement de mineur de moins de 12 ans aggravé par des actes de torture et de 10 à 15 ans de travaux forcés la détention arbitraire ou illicite aggravée par des actes de torture - dans la mesure où il n'était plus utile de maintenir ces articles puisque les peines qu'ils prévoyaient étaient inférieures ou égales aux peines prévues pour l'infraction autonome de torture. Une circulaire informe le monde judiciaire et policier du contenu de la loi du 14 juin 2002, a précisé M. Debrulle.
M. Debrulle a fait valoir que le nouvel article 417 bis du Code pénal définit les notions de torture et de traitement inhumain et dégradant alors qu'initialement, le projet de loi du 14 juin 2002 ne contenait pas une telle définition. En fait, la section de législation du Conseil d'État et le Parlement ont estimé que l'absence de définition de la torture, du traitement inhumain et du traitement dégradant était contraire au principe nullum crimen sine lege. C'est pourquoi lors des débats parlementaires, un amendement visant à insérer un article 417 bis contenant des définitions de la torture, du traitement inhumain et du traitement dégradant a été introduit dans la loi. M. Debrulle a précisé que dans l'article 417 bis du Code pénal, la torture est définie comme étant «tout traitement inhumain délibéré qui provoque une douleur très aiguë ou de fort graves et cruelles souffrances, physiques ou mentales». Le traitement inhumain est «tout traitement par lequel de graves souffrances mentales ou physiques sont intentionnellement infligées, notamment dans le but d'obtenir des renseignements ou des aveux de la victime, de la punir, de faire pression sur elle ou sur des tiers ou d'intimider». Le traitement dégradant correspond à «tout acte qui cause à celui qui y est soumis, aux yeux d'autrui ou aux siens, une humiliation ou un avilissement graves».
Le chef de la délégation belge a par ailleurs souligné que l'article 417 ter du Code pénal incrimine les faits constitutifs de torture. Dans cet article, le législateur belge est allé au-delà de ce que prescrivait la Convention, a-t-il fait valoir. En effet, la restriction visant la qualité de l'auteur de l'infraction, à savoir que ne sont considérés comme actes de torture que les actes commis par une autorité officielle, n'a pas été retenue dans la loi de mise en conformité de 2002. L'incrimination vise donc tous les actes de torture et non pas uniquement ceux commis par une autorité officielle, a insisté M. Debrulle. Il a également souligné que n'a pas non plus été introduite dans le droit belge la limitation contenue dans la dernière partie de la définition de la torture proposée par la Convention selon laquelle «ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles».
M. Debrulle a par ailleurs indiqué que l'article 417 ter intègre en droit interne le fait que l'ordre d'un supérieur ou d'une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la torture. La loi fait de même en ce qui concerne le traitement inhumain, a-t-il précisé. Il a ajouté que l'article 417 quater incrimine les actes constitutifs de traitement inhumain, passibles de cinq à dix ans de réclusion, alors que l'article 417 quinquies incrimine le traitement dégradant, passible d'une peine d'emprisonnement de quinze jours à deux ans et d'une amende de cinquante à trois cents euros ou l'une de ces peines seulement.
Le représentant belge a ajouté qu'une loi du 18 juillet 2001 transpose en droit belge les extensions de compétence contenues dans les conventions ratifiées par la Belgique. Afin de remplir cet objectif, cette loi insère un article 12bis dans le Titre préliminaire du Code de procédure pénale, qui précise que les juridictions belges sont compétentes pour connaître des infractions commises hors du territoire du Royaume et visées par une convention internationale liant la Belgique, lorsque cette convention lui impose de soumettre l'affaire à ses autorités compétentes pour l'exercice des poursuites. Pourront donc être poursuivis en Belgique des Belges ayant commis des actes de torture contre des étrangers à l'étranger, à condition d'une part, que les actes de torture soient également incriminés dans le pays où ils ont été commis et, d'autre part, que des réquisitions aient été prises par le ministère public, précédées par une plainte de l'étranger offensé ou de sa famille ou d'un avis officiel donné à l'autorité belge par l'autorité du pays où l'infraction aura été commise, a expliqué M. Debrulle.
Le rapport initial de la Belgique (CAT/C/52/Add.2) rappelle que le pays a signé la Convention en 1985 mais ne l'a ratifiée qu'en 1999, année où elle est également entrée en vigueur. Il précise qu'un projet de loi de mise en conformité du droit belge avec la Convention a été approuvé par le Conseil des ministres le 16 février 2001. Ce projet de loi est susceptible d'amendements lors de son examen au Parlement, souligne le rapport. Le rapport ajoute néanmoins que la loi prohibe et sanctionne la torture et que l'autorité judiciaire la punit. Ce dispositif répressif a, par son existence même, une évidente valeur préventive et dissuasive. Il se trouve en outre complété par des mesures de nature administrative, qui consistent principalement en instructions du pouvoir exécutif aux agents publics sur la conduite qu'ils doivent observer pour se conformer à la loi.
Le rapport souligne que, selon la loi du 15 décembre 1980, quatre mesures d'éloignement peuvent être prises à l'encontre d'étrangers: le refoulement, l'expulsion, le renvoi, l'ordre de quitter le territoire. L'enfant mineur non accompagné n'est en principe pas éloigné sauf lorsqu'il ressort de son comportement et des éléments disponibles concernant sa situation globale qu'il peut voyager seul et qu'il a suffisamment de maturité.

Examen du rapport
Le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport de la Belgique, M. GUIBRIL CAMARA, s'est félicité que le pays ait ratifié la Convention contre la torture sans émettre à son encontre la moindre réserve. Il a relevé que la Belgique a choisi de ne pas reprendre la définition de la torture telle qu'elle figure à l'article premier de la Convention qui, selon ce pays, est trop restrictive et que, selon la Belgique, la définition retenue par le législateur belge est plus large que celle énoncée dans la Convention. M. Camara a affirmé que formellement, cette démarche est acceptable car après avoir incriminé conformément à l'article 4 de la Convention tous les actes de torture mentionnés dans l'article premier, un pays peut effectivement incriminer d'autres actes de torture. Il a toutefois souligné que la torture est aussi une agression contre le système judiciaire et non pas seulement une souffrance physique ou mentale, a affirmé M. Camara.
M. Camara a demandé si l'état de nécessité est en Belgique une cause d'exonération de responsabilité pénale qui peut être invoquée en cas de torture.
Le rapporteur pour le rapport de la Belgique s'est enquis des voies de recours dont disposent les personnes faisant l'objet de mesures d'expulsion, de refoulement ou d'extradition. Notant qu'une personne ne saurait être expulsée ou extradée vers un pays où elle risque d'être soumise à la peine capitale, M. Camara a souhaité savoir s'il en est de même lorsque la personne risque d'être soumise à des actes de torture. Relevant que la loi belge autorise les autorités à expulser un étranger lorsqu'il a gravement porté atteinte à l'ordre public ou à la sécurité nationale, M. Camara a demandé comment il est possible de concilier l'exercice d'un tel pouvoir avec le respect de l'article 3 de la Convention qui stipule qu'aucun État n'expulsera, ne refoulera ni n'extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture.
Le co-rapporteur pour l'examen du rapport belge, M. ANDREAS MAVROMMATIS, s'est félicité que la Belgique ait opté pour une définition de la torture plus large que celle énoncée dans la Convention en ce sens qu'elle ne se limite pas aux actes de torture commis par des fonctionnaires de l'État. Il a dit apprécier que des organisations non gouvernementales aient été impliquées dans la préparation du présent rapport initial de la Belgique. M. Mavrommatis a estimé qu'il faudrait prendre des mesures en ce qui concerne le recours excessif à la force par les policiers à l'encontre des personnes en cours d'expulsion. Il a par ailleurs fait part du cas d'un enfant de cinq ans originaire du Congo qui a fait une demande d'asile et a été gardé en détention pendant une longue période, sans ses parents. M. Mavrommatis a également fait état du cas de deux Palestiniens gardés dans la zone de transit d'un aéroport belge pendant une longue période même après qu'un tribunal eût ordonné de les libérer.
La formation en vue de prévenir la torture doit constituer un enseignement spécifique dans les académies de police, a rappelé le co-rapporteur pour le rapport belge. Il a par ailleurs souhaité savoir si tous les cas de décès en prison font l'objet d'une enquête. Qu'en est-il de la violence, y compris sexuelle, entre prisonniers, a par ailleurs demandé M. Mavrommatis?
Un autre membre du Comité a souligné l'importance de former les médecins travaillant en milieu pénitentiaire afin qu'ils soient en mesure de déceler tout cas de torture dans les prisons.
Un autre expert a relevé que, selon un rapport du Comité européen pour la prévention de la torture concernant la Belgique, les jeunes peuvent être placés en isolement pendant 17 jours. À partir de quel âge un placement en isolement aussi long est-il possible, a demandé cet expert?
Un autre membre du Comité a demandé à la délégation ce qu'elle avait à répondre à ceux qui affirment que la police a réagi de manière disproportionnée dans le cadre des récentes manifestations pour la paix.



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