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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT INITIAL DU BAHREÏN

12 Mai 2005

Comité contre la torture

12 mai 2005


Le Comité contre la torture a entamé ce matin l'examen du rapport initial du Bahreïn sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, Shaikh Khalid Bin Ali Al-Khalifa, Secrétaire-adjoint du Ministère de la justice, a déclaré que son pays est à l'aube d'une nouvelle étape dans la construction de son avenir. Il a notamment fait valoir les importantes réformes mises en œuvre dans son pays afin de promouvoir le respect des droits humains et, particulièrement, l'interdiction de la torture. La Convention contre la torture est partie intégrante de la législation interne et son texte a été largement diffusé, a déclaré M. Al-Khalifa. Le chef de la délégation bahreïnite a attiré l'attention sur le transfert aux tribunaux civils des compétences des tribunaux chargés de la sécurité de l'État, et l'entrée en vigueur d'une loi d'amnistie qui a permis de mener à bien le processus de réconciliation nationale. Il a par ailleurs exprimé la volonté de son pays de ratifier prochainement le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Bahreïn, Mme Felice Gaer s'est félicitée de pouvoir nouer un dialogue fructueux avec le Bahreïn, soulignant que ce pays a connu nombre de changements positifs au cours des dernières années. La définition de la torture telle que prévue par la Constitution ne semble toutefois pas correspondre entièrement aux dispositions de l'article 1er de la Convention, a-t-elle fait remarquer. Il a été rapporté au Comité que des actes systématiques de torture étaient pratiqués par le passé et la rapporteuse a voulu savoir s'il y avait encore des actes de torture dans le pays. Elle a par ailleurs relevé que, selon certaines informations, le projet de loi sur le terrorisme contiendrait des dispositions qui auraient pour effet, si la loi était adoptée, de remettre en cause les avancées réalisées par le pays en matière de protection des droits et libertés, permettant notamment un recours élargi à la peine de mort. Elle a demandé à la délégation des précisions sur cette importante question.

Le corapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Bahreïn, M. Alexander Yakovlev, a pour sa part souligné l'importance des preuves dans les procès relatifs à la torture et a demandé dans quelle mesure une victime a la possibilité de produire un certificat médical.

Plusieurs membres du Comité se sont par ailleurs demandés combien de personnes avaient été condamnées au Barheïn pour des actes de torture. Un membre du Comité a pour sa part fait état d'informations selon lesquelles 60 personnes auraient été victimes de torture depuis fin mai 2001. Dès lors, comment expliquer qu'on ne dénombre par ailleurs aucune décision d'indemnisation, a-t-il demandé ?


À sa prochaine séance publique, cet après-midi à 16 heures, le Comité entendra les réponses de l'Ouganda, dont le rapport a été examiné mercredi dernier.


Présentation du rapport du Barheïn

Présentant le rapport de son pays, SHAIKH KHALID BIN ALI AL-KHALIFA, Secrétaire adjoint du Ministère de la justice, a affirmé que le Bahreïn condamne la torture, l'une des pires violations de la dignité humaine. La torture est un crime qui tombe sous le coup de la loi et que la religion condamne. Le Bahreïn est animé par la ferme volonté de coopérer avec les membres du Comité. Le pays a entamé un processus de modernisation aux plans économique, politique et social, a fait valoir M. Al-Khalifa, ajoutant que l'accent a été mis sur le respect des droits humains dans tous les domaines. La Constitution a été révisée afin de renforcer la bonne gouvernance démocratique, a-t-il affirmé. Un certain nombre de mesures ont été prises afin de donner effet à la réforme qui a lieu dans le pays. Ainsi, le pays a transféré les compétences des tribunaux chargés de la sécurité de l'État aux tribunaux pénaux ordinaires. Les procédures liées à la sécurité de l'État ont été supprimées. En outre, les crimes liés à la sécurité nationale ont été amnistiés, sauf s'agissant d'actes ayant entraîné la mort. Le processus de réconciliation nationale a pu être mené à bien, s'est-il félicité.

Le Bahreïn est à l'aube d'une nouvelle étape dans la construction de son avenir. Des élections municipales et législatives organisées en 2002 ont marqué une étape importante dans l'engagement du pays en faveur de la démocratie. La séparation entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire a été renforcée. Le rôle du pouvoir judiciaire en matière de protection des libertés est essentiel. Ainsi, tout citoyen peut saisir la Cour constitutionnelle. Le Gouvernement bahreïnite est fermement attaché à la lutte contre les discriminations. Dans ce cadre, une attention particulière est accordée à la promotion des droits de la femme. M. Al-Khalifa a par ailleurs exprimé la volonté de son pays de ratifier prochainement le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

La Convention contre la torture est partie intégrante de la législation interne et son texte a été largement diffusé, a déclaré M. Al-Khalifa, ajoutant notamment que les organisations non gouvernementales organisent des réunions pour expliquer les dispositions de la Convention. L'article 19 de la Constitution pose le principe de l'interdiction de la torture, qu'elle soit physique ou psychologique. Des mesures ont été prises pour prévenir les actes de torture à l'encontre des détenus. Finalement, M. Al-Khalifa s'est dit convaincu que le dialogue avec le Comité sera d'une grande utilité pour son pays.

Le rapport initial du Bahreïn (CAT/C/47/Add.4) souligne notamment que l'article 208 du Code pénal punit d'une peine d'emprisonnement tout agent de la fonction publique qui, directement ou indirectement, use de la torture, de la force ou de la menace contre un accusé, un témoin ou un expert pour l'amener à confesser un délit, ou à faire une déclaration ou donner des informations s'y rapportant. Si le recours à la torture ou à la force entraîne la mort, la peine est l'emprisonnement à vie. L'article 232 du Code pénal prescrit une peine de privation de liberté pour quiconque, directement ou indirectement, use de la torture, de la force ou de la menace contre un accusé, un témoin ou un expert pour l'amener à confesser un délit, ou à faire une déclaration ou donner des informations s'y rapportant. Ces dispositions reflètent la résolution de Bahreïn d'ériger en délit l'acte de torture au regard du Code pénal, souligne le rapport. Les lois du Royaume n'accordent pas l'immunité aux autorités chargées de l'enquête au regard de la justice, ni ne leur accordent de pouvoirs spéciaux pour déterminer les modalités de traitement des plaintes concernant la torture. Le rapport souligne par ailleurs que les autorités nationales coopèrent pleinement avec les organismes de défense des droits de l'homme qui souhaitent rendre visite aux prisonniers dans des lieux de détention ou les interroger.

Outre les mesures législatives, administratives ou judiciaires, plusieurs autres initiatives efficaces ont été prises pour mettre un terme à la torture, indique le rapport Des commissions des droits de l'homme, qui ont un statut officiel, ont été créées pour traiter des questions des droits de l'homme en général et de l'interdiction de la torture en particulier. Leurs activités, qui sont menées en liaison avec des organisations internationales et des organismes locaux, visent à fournir l'expertise nécessaire en matière de sensibilisation et autres activités de prévention des actes de torture. Ces commissions sont représentées au Comité des droits de l'homme créé par le Ministère des affaires étrangères et le Ministère de l'intérieur. Le rapport précise par ailleurs que l'État autorise la création de comités et d'associations non officiels de défense des droits de l'homme, comme l'Association bahreïnite des droits de l'homme et le Centre bahreïnite pour les droits de l'homme. Ces organismes mènent des activités et des programmes importants axés sur les questions se rapportant aux droits de l'homme, y compris la prévention de la torture, et diffusent des informations sur les droits et les devoirs des particuliers ou des fonctionnaires. Ils sont en contact direct avec les membres du public dont ils transmettent les doléances ou les informations en matière de droits de l'homme aux autorités compétentes. Ces institutions sont pleinement indépendantes.


Observations et questions de membres du Comité

MME FELICE GAER, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Bahreïn, s'est réjouie de pouvoir nouer un dialogue fructueux avec le Bahreïn, qui a connu nombre de changements positifs au cours des dernières années. Nous ne pouvons que nous en féliciter, compte tenu de la situation préoccupante qui caractérisait le pays par le passé, y compris au plan de l'administration de la justice et de la torture. Des changements sont intervenus en ce qui concerne les dispositions relatives aux aveux qui, désormais, ne peuvent être recevables que lorsqu'ils sont recueillis par un magistrat. En effet, une telle mesure permet d'assurer une meilleure protection des personnes arrêtées.

La rapporteuse a ensuite évoqué le dialogue enrichissant du Comité avec les organisations non gouvernementales bahreïnites préalablement à l'examen du rapport du Bahreïn. La définition de la torture telle que prévue par la Constitution ne semble pas correspondre entièrement à l'article 1er de la Convention contre la torture. Dans ce contexte, elle s'est demandée comment s'appliquait la Convention contre la torture au Bahreïn. La rapporteuse a demandé à la délégation de préciser quels sont les recours dont disposent les justiciables pour faire valoir leurs droits. Par ailleurs, elle a demandé quelles étaient les mesures adoptées pas le Bahreïn afin d'éviter effectivement que la torture ne soit pratiquée. Il a été rapporté au Comité que des actes systématiques de torture étaient pratiqués par le passé mais que des changements importants étaient intervenus dernièrement. Y a-t-il encore des actes de torture dans le pays ?

La rapporteuse a demandé si un fonctionnaire a la possibilité de s'opposer à l'ordre donné par un supérieur hiérarchique de pratiquer la torture ? Des procédures d'enquêtes sont-elles prévues en cas de décès de prisonniers, a-t-elle également voulu savoir. Mme Gaer a dit avoir reçu un certain nombre d'informations relatives au projet de loi sur le terrorisme, qui contiendrait des dispositions qui auraient pour effet, si la loi était adoptée, de remettre en cause les avancées réalisées par le pays en matière de protection des droits et libertés. La définition du terrorisme serait tellement large qu'elle confèrerait aux tribunaux des pouvoirs discrétionnaires importants et permettrait une plus large application de la peine de mort.

La rapporteuse a par ailleurs demandé quelles étaient les mesures de protection pour les personnes appartenant aux minorités, s'agissant en particulier des femmes appartenant à des minorités et travaillant en tant qu'employées domestiques.

Des tribunaux ont-ils déjà prononcé des demandes d'indemnisation de victimes d'actes de torture, s'est demandée la rapporteuse ? Quelles sont les voies de recours utiles dont disposent les victimes pour faire valoir leurs droits? La rapporteuse a déclaré avoir été informée de la création d'un Comité de la vertu qui serait compétent pour interdire tout comportement qui ne serait pas conforme aux bonnes mœurs. Des instances de ce type existent dans des pays voisins et procèdent à des intimidations, à des pratiques de harcèlement, à la détention arbitraire sans qu'aucune supervision par une autorité supérieure ou judiciaire ne soit aménagée. Cela est-il le cas au Bahreïn ? De telles instances violent les dispositions de la Convention, a-t-elle estimé. Mme Gaer a d'autre part fait état d'informations selon lesquelles des grèves de la faim avaient éclaté dans une prison pour protester contre des mauvais traitements. Quelles mesures ont été prises pour enquêter sur la situation dans cette prison, a-t-elle demandé. Apparemment, une commission a été établie par le Ministère de l'intérieur mais ses conclusions n'ont pas été rendues publiques. Le seront-elles ? La rapporteuse a enfin demandé quelles étaient les mesures prises par le Bahreïn pour garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire.

Le corapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Bahreïn, M. ALEXANDER YAKOVLEV, s'est félicité du passage d'une monarchie absolue à une monarchie constitutionnelle dans le pays. Il s'est demandé quels amendements sont envisagés au code pénitentiaire de 1964, notamment en ce qui concerne l'aménagement d'un système de contrôle indépendant des prisons. Il s'agit là d'une modalité importante permettant de prévenir les actes de torture contre les détenus. Le corapporteur a en outre demandé quelles sanctions disciplinaires pouvaient être imposées aux détenus. Il a aussi demandé ce qu'il en était du droit à l'assistance d'un avocat.

M. Yakovlev a demandé davantage d'informations sur le fonctionnement des commissions des droits de l'homme auxquelles fait référence le paragraphe 70 du rapport. Quels types de rapports entretiennent-elles avec le Gouvernement, a-t-il voulu savoir. Par ailleurs, un citoyen victime d'un acte de torture peut-il, de sa propre initiative, intenter des poursuites? Bénéficie-t-il de possibilités d'être indemnisé? Les preuves jouent un rôle essentiel dans les procès relatifs à la torture et la possibilité de produire un certificat médical est essentielle à cet égard. Aussi, qu'en est-il de l'accès à un médecin, tant dans les commissariats de police que dans les établissements pénitentiaires?

Plusieurs membres du Comité se sont demandé combien de personnes avaient été condamnées au Barheïn pour des actes de torture. Un membre du Comité a pour sa part fait état d'informations selon lesquelles 60 personnes auraient été victimes de torture depuis fin mai 2001. Dès lors, comment expliquer qu'on ne dénombre par ailleurs aucune décision d'indemnisation ?

Un autre membre du Comité a demandé à la délégation d'apporter des précisions sur la compatibilité de la loi d'amnistie avec la Convention contre la torture. A-t-on pris les précautions nécessaires pour faire en sorte que les victimes puissent demander des indemnisations ? En outre, un membre a déclaré que les organisations non gouvernementales ne seraient pas en mesure d'effecteur des visites dans les lieux de détention. Il en va pourtant de l'intérêt du Bahreïn, qui a ratifié la Convention contre la torture. Le Barheïn a-t-il l'intention de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention ?


Faisant état de l'arrestation d'une personne pour «mauvaise conduite domestique» lors de son retour dans le pays après avoir témoigné devant la Commission des droits de l'homme des Nations Unies à sa session de 2004, un membre au Comité s'est demandé si les organisations non gouvernementales qui rencontrent le Comité pour lui fournir des informations sur la situation dans le pays s'exposent elles aussi à des risques particuliers ?

Un autre expert a demandé à la délégation de préciser le degré d'indépendance du ministère public par rapport au pouvoir politique ? Plusieurs experts se sont inquiétés de la définition très large du terrorisme qui, si elle est appliquée, risque de remettre en cause les acquis démocratiques dans le pays ? Un expert a par ailleurs demandé à la délégation de préciser la notion dite de «moralité publique», soulignant les risques de discrimination liés à l'application de cette notion. Par ailleurs, l'emprisonnement pour dette est-il possible au Barheïn ?

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Le présent communiqué de presse n'est pas un compte rendu officiel et n'est publié qu'à des fins d'information.

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