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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE L'OUGANDA

11 Mai 2005

Comité contre la torture

11 mai 2005


Le Comité contre la torture a entamé ce matin l'examen du rapport initial de l'Ouganda sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

La délégation, dirigée par M. William G. Naggaga, Représentant permanent adjoint de l'Ouganda auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a notamment indiqué que, bien que la torture ne soit pas définie de façon expresse en droit ougandais, elle est couverte par les dispositions du Code pénal relatives à l'agression. La délégation a par ailleurs fait valoir que la Commission nationale des droits de l'homme de l'Ouganda est compétente pour enquêter sur des allégations de torture et que 223 cas étaient actuellement en cours d'examen devant la Commission. La délégation a en outre indiqué que des cours de formation en matière de droits de l'homme sont dispensés aux membres des forces armées et des forces de police.

Outre le Représentant permanent adjoint de l'Ouganda, la délégation était également composée de représentants du Ministère de la justice et des affaires constitutionnelles, du Ministère de la défense, du Ministère de la santé; du Ministère de l'égalité entre les sexes, du travail et du développement social; ainsi que de représentants de la police et des services pénitentiaires.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Ouganda, M. Andreas Mavrommatis, s'est félicité de la volonté de l'Ouganda de collaborer avec le Comité. Il existe beaucoup d'obstacles à la jouissance des droits de l'homme en Ouganda, a-t-il estimé. Il a notamment demandé à la délégation de fournir des informations au sujet d'allégations faisant état de l'enlèvement de 20 000 enfants dans le nord du pays par les forces rebelles. Le rapporteur a rappelé que les sanctions imposées en cas de torture doivent être proportionnées à la gravité de cet acte afin de lutter contre l'impunité. Le rapporteur a par ailleurs exprimé sa préoccupation face aux allégations faisant état de l'application par des tribunaux locaux de sanctions qui s'apparentent à des actes de torture.

M. Guibril Camara, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Ouganda, s'est pour sa part félicité que l'Ouganda témoigne, par sa présence devant le Comité, d'une volonté politique de protéger les droits de l'homme. Il a rappelé que la torture étant considérée comme un crime contre l'humanité, sa gravité particulière impose qu'elle soit traitée de manière différente des autres crimes. Il a appelé de ses vœux l'introduction d'une définition expresse de la torture en droit ougandais. M. Camara s'est interrogé sur la compatibilité avec la Convention du pouvoir discrétionnaire dont dispose le juge ougandais de l'extradition. M. Camara a en outre demandé des éclaircissements concernant la durée de la garde à vue et de la détention provisoire.


À sa prochaine séance publique, cet après-midi à 16 heures, le Comité entendra les réponses de la délégation de l'Albanie, dont le rapport a été examiné mardi dernier.


Présentation du rapport de l'Ouganda

Le rapport initial de l'Ouganda (CAT/C/5/Add.32) souligne notamment que la Constitution confère des pouvoirs juridictionnels à la Commission ougandaise des droits de l'homme. Le paragraphe 2 de l'article 53 prévoit que la Commission «peut, si elle est convaincue de la violation d'un droit de l'homme ou d'une liberté, décider de la mise en liberté du détenu, du versement d'une indemnisation ou de toute autre voie de recours ou réparation.». Le paragraphe 3 de l'article 53 prévoit que «Une personne ou autorité qui n'est pas satisfaite d'une décision prise par la Commission au titre du paragraphe 2 du présent article a le droit de former un recours devant la High Court.». La victime peut aussi engager une action au civil contre le coupable en vue d'obtenir des dommages et intérêts et une indemnisation. En vertu de la loi portant réforme du droit (dispositions diverses) (CAP 79), les ayants droit d'une personne décédée des suites d'un acte de torture peuvent demander des dommages et intérêts et une indemnisation. L'État est par ailleurs légalement responsable des actes de ses agents et le financement des indemnisations est assuré par un fonds consolidé public, précise le rapport.

Le rapport de l'Ouganda indique en outre que les aveux d'un inculpé sont irrecevables si le tribunal considère, compte tenu de l'état d'esprit de l'inculpé et de l'ensemble des circonstances, qu'ils ont été obtenus par la violence, la force, la menace, la persuasion ou la promesse aux fins de susciter des aveux mensongers. Des aveux obtenus d'une personne pendant qu'elle est en garde à vue ne peuvent être retenus contre elle à moins qu'ils aient été faits en présence directe soit d'un officier de police de rang égal ou supérieur à celui d'inspecteur adjoint, soit d'un magistrat. Les aveux d'un inculpé sont irrecevables si le tribunal considère qu'ils ont été obtenus par la violence, la force, la menace, la persuasion ou la promesse aux fins de susciter des aveux mensongers.


Examen du rapport de l'Ouganda

La délégation ougandaise a notamment reconnu que la torture n'est pas définie de façon expresse en droit ougandais. Toutefois, les tribunaux peuvent appliquer directement les dispositions pertinentes de la Convention contre la torture. En outre, la Constitution prévoit en son article 24 l'interdiction absolue de la torture. La délégation a souligné que les actes de torture tombent sous le coup des dispositions du Code pénal relatives à l'agression. Elle a en outre assuré que la législation antiterroriste ainsi que le code de conduite des forces militaires interdisent le recours à la torture et prévoient des peines de prison ainsi que des amendes en cas de non-conformité. La délégation a ajouté que si le Code pénitentiaire n'interdit pas de façon explicite le recours à la torture, un gardien qui se livrerait à un acte de cette nature serait passible des dispositions pénales relatives à l'agression. Une circulaire administrative informe toutefois le personnel pénitentiaire de ses responsabilités en cas de torture. Chaque établissement pénitentiaire doit tenir un registre des plaintes émanant de prisonniers et qui est contrôlé par un officier de l'administration pénitentiaire. La loi sur le service pénitentiaire prévoit des sanctions disciplinaires contre des comportements abusifs et violents et contre les insultes imputables au personnel. L'éventail des sanctions inclut la révocation du fonctionnaire concerné, sa rétrogradation, le blocage de ses émoluments ou encore des amendes.

La délégation a affirmé que toutes les allégations de torture doivent faire l'objet d'une enquête. Tout officier de police agissant de manière cruelle ou indécente commet un délit et encourt la révocation. Les forces de police doivent enquêter sur les allégations de crimes concernant un de leurs membres. S'il apparaît qu'une infraction peut effectivement être retenue, l'affaire est transmise au Directeur des poursuites publiques. Le dossier est ensuite transmis au Procureur de la République. Une personne arrêtée par la police doit être déférée devant un magistrat au terme d'un délai de 48 heures, a-t-elle précisé. La personne détenue par la police a droit à l'assistance d'un avocat. Elle peut également bénéficier d'un examen médical et a droit à ce que ses proches soient informés de sa détention.

La délégation a fait valoir que la Commission nationale des droits de l'homme de l'Ouganda est compétente pour enquêter sur des allégations de torture. La Commission peut siéger en tant que tribunal et procéder à des auditions en cas de violation de droits de l'homme. La délégation a précisé à cet égard que 223 cas sont actuellement en cours d'examen devant la Commission.

S'agissant du respect par l'Ouganda de l'article 3 de la Convention contre la torture, qui porte sur le principe de non-refoulement d'une personne vers un pays où existent des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture, la délégation a souligné que les décisions d'extradition sont prises au niveau ministériel. Le Ministre peut refuser une extradition s'il existe une preuve manifeste que la personne concernée sera victime de torture en cas de retour dans son pays d'origine.

La délégation a déclaré que les forces armées ougandaises sont tenues de respecter un code de conduite qui leur interdit de recourir à la violence contre les civils; des sanctions sont prévues en cas de violation de ce code.

Au terme de la loi relative à la police, toute plainte relative à un acte de torture doit faire l'objet d'une enquête, a fait valoir la délégation, qui a fourni plusieurs exemples de sanctions imposées à des policiers ou à des agents du service pénitentiaire qui ont été démis de leurs fonctions après avoir été reconnus coupables d'abus.

La délégation a également indiqué que les forces de police et le personnel pénitentiaire se voient remettre des manuels de formation depuis l'an 2000, qui abordent de manière directe la question de la torture. En outre, l'éducation et la formation dans le domaine de l'interdiction de la torture font partie intégrante de la formation des militaires. Par ailleurs, la Commission des droits de l'homme ougandaise organise des séminaires sur la promotion et la protection des droits de l'homme à travers le pays, au cours desquels il est notamment question des travaux du Comité contre la torture des Nations Unies.

La délégation a fait valoir que le Comité international de la Croix-Rouge ainsi que la Commission nationale des droits de l'homme de l'Ouganda peuvent accéder aux établissements pénitentiaires lorsqu'ils en font la demande. Aucun cas de torture n'a été relevé au cours des visites qui ont été effectuées, a fait valoir la délégation.

La torture ne faisant pas l'objet d'une réglementation particulière en droit ougandais, elle est traitée comme n'importe quel autre crime. Lorsqu'une affaire de torture est soulevée à l'intérieur de l'armée, de la police ou du service pénitentiaire, la question est traitée au plan interne par le département concerné. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 50 de la Constitution, «Toute personne qui estime qu'un droit fondamental ou autre ou une liberté garantie par la présente Constitution a été violé ou est menacé est en droit de former un recours devant un tribunal compétent pour obtenir réparation, laquelle peut consister éventuellement en une indemnisation». Un individu ou des individus particuliers qui ne sont pas satisfaits du traitement qui leur a été réservé par un tribunal peuvent porter plainte auprès de juridictions telles que la Commission ougandaise des droits de l'homme.

S'agissant de la juridiction universelle sur la torture, la délégation ougandaise a indiqué que, dans le cadre de la loi antiterroriste de 2002, les tribunaux ougandais jouissent d'une compétence extraterritoriale leur permettant de se saisir d'infractions terroristes commises au-delà des frontières du pays.


Observations et questions de membres du Comité

M. ANDREAS MAVROMMATIS, Rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Ouganda, s'est félicité de la volonté de l'Ouganda de collaborer avec le Comité. Le rapporteur a rappelé que les observations et recommandations du Comité sont toujours formulées dans un esprit de dialogue. Il existe beaucoup d'obstacles à la jouissance des droits de l'homme en Ouganda, pays touché par une grave crise humanitaire. À cet égard, le rapporteur a demandé à la délégation de fournir des informations au sujet d'allégations faisant état de l'enlèvement de 20 000 enfants dans le nord du pays par les forces rebelles. M. Mavrommatis a émis l'espoir que les mécanismes spéciaux des droits de l'homme des Nations Unies auront la possibilité de se rendre dans l'ensemble des lieux de détention ougandais, y compris militaires. Il s'est félicité des bonnes relations entre l'Ouganda et les organisations non gouvernementales, dont le rôle est essentiel en matière de promotion des droits de l'homme. Il a invité l'Ouganda à ne pas se doter d'une législation qui entraverait leur action.

M. Mavrommatis a invité l'Ouganda à se doter d'une législation expresse sur la torture. Il a rappelé que les sanctions imposées en cas de torture doivent être proportionnées à la gravité de cette atteinte sérieuse aux droits de l'homme. Les sanctions doivent donc être lourdes. À défaut, le pays court le risque de voir se développer l'impunité. En outre, la tentative de recourir à la torture ne doit pas être considérée comme un délit comme cela est prévu en droit ougandais, mais bien comme un crime.

La peine de mort est-elle maintenue en Ouganda, a demandé le rapporteur; si oui, comment est-elle exécutée? M. Mavrommatis a fait observer que l'Ouganda n'a pas fourni d'informations sur la mise en œuvre du principe de l'interdiction absolue de la torture. Il a par ailleurs demandé davantage d'informations sur le mandat de la Commission nationale des droits de l'homme. S'agissant de l'article 3 de la Convention, relatif au principe de non refoulement d'une personne vers un État ou il y aurait un motif sérieux de croire qu'elle sera soumise à la torture. M. Mavrommatis a rendu hommage à l'Ouganda pour l'accueil en masse des réfugiés. Il a toutefois regretté que la délégation ait limité sa présentation à la question de l'extradition, quand la Convention vise tous les cas d'éloignement. Le rapporteur s'est inquiété des allégations faites par certaines organisations non gouvernementales selon lesquelles la torture serait utilisée comme moyen de sanction par des tribunaux locaux. Peut-on avoir recours à l'habeas corpus en Ouganda? Le rapporteur a en outre invité le Gouvernement ougandais à limiter la compétence en matière d'arrestation de civils aux forces armées et à la police. Le rapporteur a exprimé sa préoccupation quant à l'existence de lieux de détention officieux. Si ces lieux continuent d'exister dans le pays, alors ils doivent respecter dans leur fonctionnement toutes les dispositions de la Convention contre la torture. M. Mavrommatis s'est par ailleurs inquiété de la durée de la détention préventive. Il s'est enfin demandé si l'Ouganda envisageait de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention.


M. GUIBRIL CAMARA, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Ouganda s'est félicité que l'Ouganda témoigne, par sa présence devant le Comité, d'une volonté politique de protéger les droits de l'homme. Il a estimé que le respect des droits de l'homme relève en premier lieu de la volonté politique. Le corapporteur a rappelé que la torture, doit être considérée comme un crime contre l'humanité et que sa gravité particulière impose qu'elle soit traitée de manière différente des autres crimes. La torture fausse le jeu de la justice en créant une inégalité manifeste entre les parties. C'est, historiquement, la raison pour laquelle on s'est battu contre ce crime, a rappelé M. Camara. Le corapporteur a demandé à la délégation de préciser sa position s'agissant des articles 20, 21, et 22 de la Convention qui prévoit que le Comité peut, s'il l'estime justifié, charger l'un de ses membres de procéder à une enquête confidentielles sur le recours à la torture dans l'État partie.

M. Camara s'est interrogé sur la compatibilité avec la Convention du pouvoir discrétionnaire dont dispose le juge ougandais de l'extradition. Il a en outre demandé des éclaircissements concernant la durée de la garde à vue et de la détention provisoire. Par ailleurs, l'État prend-il à sa charge les frais occasionnés par la défense ? Quelles sont les mesures permettant d'assurer le respect de l'article 11 de la Convention stipulant que l'État partie exerce une surveillance systématique sur les règles et pratiques d'interrogatoires, a-t-il aussi demandé. Le corapporteur a demandé à la délégation si son système de poursuites en matière pénale était régi par le système de la légalité des poursuites, c'est-à-dire l'obligation de poursuivre en cas de crime ou de délit, ou s'il était régi par le principe de l'opportunité des poursuites, qui laisse une marge d'appréciation au procureur pour déclencher l'action publique. M. Camara a demandé s'il existait une action subrogatoire de l'État contre un de ses agents qui aurait agi en violation de la Convention ou si l'agent était seul débiteur de l'obligation d'indemniser la victime ? Le corapporteur s'est enfin demandé dans quelle mesure une loi pouvait donner compétence à un pouvoir autre que le pouvoir judiciaire pour prononcer des jugements.

Un membre du Comité a demandé à la délégation de fournir des renseignements complémentaires sur les modalités de visite dans les lieux de détention et plus particulièrement sur les possibilités de visite dans les lieux de détention officieux ou non officiels. Il a notamment fait état à cet égard d'allégations concernant un lieu de détention à Kampala. En outre, la délégation pourrait-elle fournir des précisions sur un certain nombre de sanctions extrajudiciaires, et notamment des informations sur des allégations de lapidation?

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Le présent communiqué de presse n'est pas un compte rendu officiel et n'est publié qu'à des fins d'information.

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