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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE LA COLOMBIE

17 août 1999

APRES-MIDI

HR/CERD/99/54
17 août 1999

Le Comité pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale a entamé, cet après-midi, l'examen du rapport de la Colombie sur l'application, dans ce pays, des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, M.Pastor Elias Murillo Martínez, Assistant à la Direction des affaires spéciales du Ministère colombien des affaires étrangères, a informé le Comité de l'annonce par le Président colombien, le 12août dernier, du lancement d'une politique respectueuse des droits de l'homme, comprenant des directives en faveur des minorités ethniques du pays, et de la mise en application récente d'un nouveau code de justice pénale. Il a affirmé que des progrès ont été accomplis pour la protection des communautés autochtones et afro-colombiennes en matière de politique de gestion des terres, dans le domaine de la connaissance statistique, et dans la jurisprudence créée par les tribunaux. Concernant le conflit armé interne, il a déclaré que l'État colombien est engagé dans la recherche de la paix et tente de pallier les difficultés des populations déplacées.

La délégation colombienne est également composée de Harold Sandoval Bernal, Conseiller à la Mission permanente de la Colombie auprès des Nations Unies de Genève.

L'experte chargée de l'examen du rapport de la Colombie, MmeGayMcDougall, a noté que depuis la rédaction de ce texte, la Colombie a connu un changement de gouvernement, le Président Pastrana ayant pris ses fonctions le 7 août 1998. L'experte a souligné que le climat de violence que connaît le pays, lié au conflit interne, le trafic de drogues et l'existence de groupes paramilitaires armés, empêche la pleine application des dispositions de la Convention. Elle a en outre remarqué que, si le cadre constitutionnel de lutte contre la discrimination raciale est en place, le cadre législatif visant à la condamnation et au dédommagement des victimes de la discrimination n'existe pas encore véritablement. De même, le Comité souhaiterait davantage de renseignements sur les mesures et leurs résultats pratiques concernant l'ensemble des droits visés dans la Convention.

En fin de séance, les experts ont poursuivi l'échange de vues concernant un projet de conclusions finales sur le rapport de la République islamique d'Iran qu'ils ont entamé ce matin.

Les membres suivants du Comité sont également intervenus : M.Ivan Garvalov, M.Luis Valencia Rodríguez, M.Theodoor van Boven, M.Régis de Gouttes, M.Ion Diaconu, M.Michael E. Sherifis et M.Agha Shahi.

Le Comité doit terminer l'examen du rapport de la Colombie demain matin, à partir de 10 heures.



Présentation du rapport de la Colombie

Présentant le rapport de son pays, M.Pastor Elias Murillo Martínez, Secrétaire à la Direction des Affaires spéciales du Ministère des affaires étrangères, a souligné que le Gouvernement colombien présente un diagnostic franc des multiples problèmes affectant les différentes ethnies qui vivent en Colombie. Il a informé le Comité de l'annonce par le président colombien, le 12 août dernier, du lancement d'une politique respectueuse des droits de l'homme, comprenant des directives en faveur des minorités ethniques du pays. Cela comprend entre autres l'adoption de plans de développement national définis tous les quatre ans. Le Gouvernement de la Colombie a déjà adopté en 1995 et 1996 des documents concernant les politiques économiques et sociales favorables aux autochtones et aux afro-colombiens. Il est en outre en voie de reconnaître toutes les minorités vivant dans le pays. Ces mesures ont pour but d'assurer la reconnaissance de la diversité ethnique.

L'État colombien reconnaît l'existence de problèmes graves qui mettent en danger l'égalité de traitement et de développement des différents groupes ethniques de Colombie. Ces problèmes ont pour origine l'esclavage, et se sont prolongés ensuite avec les difficultés économiques et politiques du monde moderne. Le représentant a affirmé que l'État colombien s'efforce de remédier aux difficultés rencontrées par les minorités. Ainsi, des progrès ont été accomplis pour leur protection en matière de politique de gestion des terres, dans le domaine de la connaissance statistique, et dans la jurisprudence créée par les tribunaux. Concernant le conflit armé interne ayant pour conséquence des déplacements de population, l'État colombien est engagé dans la recherche de la paix et tente de pallier les difficultés rencontrées par les populations déplacées. Les populations afro-colombienne et autochtone étant particulièrement vulnérables, des mesures particulières leurs sont destinées dans ce contexte. Au sujet des graves problèmes d'environnement que connaît la Colombie, le représentant a affirmé que des progrès ont été accomplis grâce aux efforts conjoints des communautés locales et de l'État.

Le représentant a informé le Comité que la politique en matière de droits de l'homme, annoncée le 12 août dernier par le Président, vise le renforcement de la politique humanitaire. Ainsi, le Plan d'action pour les droits de l'homme et le droit humanitaire international vise à fortifier une culture de respect des droits de l'homme et à renforcer les mécanismes institutionnels de protection de ces droits. Il s'agit, en outre, de renforcer la collaboration avec le secteur privé et avec la société civile dans la défense des droits de l'homme. Une commission nationale des droits de l'homme, composée de membres du gouvernement, fournira des conseils en la matière. Il a été prévu de créer un comité spécial pour traiter les affaires de violation des droits de l'homme. De même, la création d'un observatoire des droits de l'homme a été envisagée. Le représentant a par ailleurs signalé que jeudi dernier, le nouveau Code de justice pénale militaire a été présenté. Il indique les critères permettant de définir les compétences des autorités judiciaires qui peuvent connaître les affaires de violation des droits de l'homme. En matière de procédure, ce nouveau code consacre la séparation entre la juridiction et le Commandement et simplifie les procédures.

Le rapport de la Colombie (CERD/C/332/Add.1) en date du 17novembre1998, réunit les huitième et neuvième rapports périodiques. Il rappelle que M.Maurice Glélé-Ahanhanzo, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et l'intolérance qui y est associée, s'est rendu en Colombie sur invitation du gouvernement du 28 juin au 15 juillet 1996. Il a dans ce cadre souligné les progrès accomplis par la Colombie, tout en indiquant que l'égalité des droits ne se traduit pas encore dans le vécu quotidien, en raison de fortes pesanteurs sociologiques et politiques, des résistances dues aux puissances d'argent et en raison de la violence résultant du choc des intérêts économiques qui fait rage.

Le rapport indique que la population du pays, forte de 37 millions de personnes, se compose à 2% d'autochtones, soit environ 603 000 habitants. La communauté afro-colombienne, estimée quant à elle à environ 6 millions de personnes, représente 16% de la population totale. La Colombie reconnaît l'espagnol comme langue nationale, mais compte 64 langues aborigènes. Aux termes de la Constitution de 1991, les langues et dialectes des groupes ethniques ont rang de langues officielles sur les territoires de ces derniers et un enseignement bilingue doit être dispensé dans les communautés qui possèdent leurs propres traditions linguistiques.

Le rapport fait état de l'aggravation des conditions de vie de membres des communautés autochtones et afro-colombiennes victimes de la violence du conflit interne qui déchire le pays. Dans ce cadre, un Programme national de protection intégrale des personnes déplacées du fait de la violence a été mis en place en 1995. Il vise à créer, grâce au retour librement consenti ou à la réinstallation des personnes déplacées, un minimum de conditions de durabilité propices à leur réinsertion sociale et économique ainsi qu'au développement intégral de leur région d'origine et des régions qui les ont accueillies. Par ailleurs, la loi de juillet 1997 arrête des mesures visant à prévenir les déplacements forcés.


Examen du rapport de la Colombie

L'experte chargée de l'examen du rapport, MmeGay McDougall, a reconnu l'honnêteté avec laquelle le rapport a été établi. Dans ce cadre, elle a souhaité connaître le rôle, dans l'élaboration du rapport, de la commission, créée en 1995, chargée de l'examen et du suivi des recommandations formulées par les organisations internationales s'occupant des droits de l'homme. Elle a également noté que depuis la rédaction de ce texte, la Colombie a connu un changement de gouvernement, le président Pastrana ayant pris ses fonctions le 7 août 1998. L'experte a souligné que le climat de violence connu par le pays, lié au conflit interne, le trafic de drogues et l'existence de groupes paramilitaires armés, empêche la pleine application des dispositions de la Convention. Les communautés autochtones et afro-colombiennes sont les victimes de cette violence dans une proportion démesurée. Ainsi, l'intensification récente des conflits a conduit à la violation des déclarations de neutralité des communautés autochtones par les forces rebelles et paramilitaires. Ce conflit conduit, en outre, à la constitution de la plus importante population interne déplacée du monde. Dans ce cadre, les personnes d'origines autochtones ou afro-colombiennes constituent une part disproportionnée des personnes déplacées en Colombie.

Mme McDougall a noté que la Constitution colombienne de 1991 contient des dispositions importantes concernant les droits des minorités nationales. Mais si le cadre constitutionnel de lutte contre la discrimination raciale est en place, le cadre législatif visant à la condamnation et au dédommagement des victimes de la discrimination n'existe pas encore véritablement. Les experts ont donc demandé des informations sur les mesures envisagées par le gouvernement pour mettre en place une législation explicite et complète contre la discrimination raciale. Évoquant le Programme de soutien et de renforcement des droits ethniques des peuples autochtones portant sur la période 1995-1998, Mme McDougall a demandé quels sont les résultats d'un tel plan d'action et si des programmes de suivi ont été mis en oeuvre. Par ailleurs, un Plan de Développement national consacré aux communautés afro-colombiennes est actuellement mis en oeuvre, dont les experts voudraient connaître l'état d'avancement, le financement et les réalisations pratiques.

Au titre de l'article 3 condamnant la ségrégation raciale, MmeMcDougall s'est interrogée sur les mesures prises par le Gouvernement colombien pour répondre à la ségrégation de facto subie par les communautés noires, qui vivent dans des bidonvilles. Dans ce contexte, elle a demandé des informations sur l'existence d'une législation pénalisant la discrimination raciale, particulièrement en matière de logement.

Aucune législation ne vise à la mise en oeuvre de l'article 4 de la Convention concernant l'interdiction de toute propagande et toutes organisations qui s'inspirent et encouragent la haine raciale. L'experte a rappelé que cet article doit être appliqué et constitue une obligation pour l'État partie. En outre, cette question a déjà été soulevée au cours de l'examen du rapport précédent de la Colombie. En conséquence, les experts ont demandé quelles sont les mesures prises par le gouvernement pour remplir ses obligations au titre de cet article.

Concernant le droit à un traitement égal devant les tribunaux et tout autre organe administrant la justice, les experts se sont interrogés sur les efforts accomplis pour améliorer la représentation disponible pour les personnes appartenant aux minorités ethniques, et aux personnes démunies en général. Des statistiques portant sur la répartition par ethnie des prisonniers et des membres du secteur judiciaire seraient nécessaires. Le rapport faisant état d'unités d'aide judiciaire pour les autochtones, la description de leurs activités a été souhaitée. Des experts ont demandé si elles existent aussi pour le bénéfice de la communauté afro-colombienne.

Au sujet de droit à la sûreté de la personne, les experts ont souligné le contexte de violence dans lequel est plongé le pays. Dans ce cadre, la Commission inter-américaine des droits de l'homme affirme que plus de 500chefs autochtones ont été tués en 25 ans. Les dirigeants de la communauté afro-colombienne ont fait l'objet d'agressions similaires. La même commission fait état de «nettoyages sociaux» survenant dans les zones urbaines, qui prennent pour cibles des prostituées afro-colombiennes et des enfants des rues. MmeMcDougall a demandé quelles sont les mesures prises pour enquêter et poursuivre les auteurs de tels crimes. De même, la guerre de la drogue a pour conséquence l'altération des conditions de vie des autochtones. Il s'agit donc pour le gouvernement d'«équilibrer» ses efforts pour combattre la drogue tout en assurant la protection de la sécurité et de l'identité culturelle des minorités communautaires.

Concernant le droit de participer à des élections et de prendre part au gouvernement, les statistiques montrent que les communautés autochtones et afro-colombiennes sont sous-représentées au sein du gouvernement. Dans ce cadre, les experts ont demandé que les deux sièges au Congrès, initialement réservés à la communauté afro-colombienne, soient restaurés. Des informations ont également été requises sur le nombre de membres des minorités occupant un poste d'élu et de fonctionnaire du gouvernement, y compris dans les forces armées et les services diplomatiques.

Abordant le droit de circuler librement et de choisir sa résidence, les experts ont rappelé que le nombre des personnes déplacées à l'intérieur de la Colombie s'élève à 900 000, selon les chiffres fournis par le Haut-Commissariat aux réfugiés. Or, le rapport ne fait pas état des mesures prises par le gouvernement pour prévenir les déplacements et protéger les communautés déplacées. De plus, des rapports indiquent que le gouvernement aurait forcé des personnes déplacées à retourner dans leurs communautés sans assurer leur sécurité. Il faut en outre noter que, parmi les personnes déplacées, les femmes sont en nombre disproportionné. Des questions ont été posées sur l'existence de programmes spécifiques d'assistance aux personnes déplacées d'origines autochtones ou afro-colombiennes.

Concernant le droit à la propriété, les experts ont salué les mesures de 1993 visant à reconnaître le droit à la propriété des terres ancestrales aux communautés afro-colombiennes. Le nombre de titres de propriété octroyés dans ce cadre a été demandé. De même, les mesures visant à faciliter le processus d'octroi de titres de propriété de leurs terres ancestrales aux communautés autochtones devraient être développées. Des explications ont également été souhaitées concernant les causes de la différence de traitement des deux communautés. Certaines terres des communautés minorités possèdent des ressources naturelles très abondantes. Or, des projets d'exploitation de ces richesses à grande échelle semblent menacer l'environnement et le mode de vie des autochtones et des Afro-colombiens. Les experts ont demandé quelles sont les mesures prévues par le gouvernement pour assurer leur protection.

Au sujet du droit au travail, des statistiques concernant les origines raciales et ethniques des chômeurs ont été demandées. De plus, les experts ont demandé quelles sont les mesures prises par le gouvernement pour assurer l'élimination de la discrimination raciale sur les lieux de travail et pour assurer un salaire égal pour un travail égal.

M.Harold Sandoval Bernal, Conseiller à la Mission permanente de la Colombie auprès de Nations Unies, a, au nom de la délégation colombienne, rappelé que le Gouvernement colombien a accepté en 1996 l'établissement d'un Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l'homme à Bogotá, ce qui prouve son esprit d'ouverture et de collaboration avec les organisations de défense des droits de l'homme. Il a rappelé que la Colombie est un pays multi-éthnique, présentant une grande complexité, qui a connu une croissance démographique vertigineuse. Seule 30% de la population colombienne est rurale. Le représentant a fait mention des communautés allemande, juive et libanaise vivant en Colombie. Il a indiqué qu'un des obstacles majeurs à la politique de mise en oeuvre de la Convention est le manque de ressources financières. Évoquant le conflit interne qui fait rage en Colombie, il a noté que l'amorce d'un processus de négociation afin de parvenir à la paix constitue une étape historique dans le conflit. Un des piliers de la politique de paix est le plan de développement alternatif dans le but d'éradiquer les cultures illicites. Le Gouvernement colombien applique une politique de prévention et de répression visant à remplacer les cultures illicites par des cultures traditionnelles. En parallèle, il a lancé un processus de restructuration des forces armées, afin d'assurer la participation de tous les groupes de la société colombienne.

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