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Examen du rapport initial du Maroc au CED : l’absence d’infraction spécifique de disparition forcée, le processus de justice transitionnelle et la situation des migrants sont au centre des questions des experts
25 septembre 2024
Le Comité des disparitions forcées (CED, selon l’acronyme anglais) a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial présenté par le Maroc au titre de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
Dans le cadre du dialogue noué entre les experts membres du Comité et la délégation marocaine conduite par M. Abdellatif Ouahbi, Ministre de la justice du Royaume du Maroc, un expert a voulu savoir ce qu’il en était du projet de révision du Code pénal comprenant une définition de l’infraction de disparition forcée correspondant à celle énoncée à l’article 2 de la Convention. Selon les informations parvenues au Comité, on parle de ce projet depuis la visite du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires en 2009, a fait remarquer l’expert, avant de relever que le projet ne précisait pas si la disparition forcée doit être considérée comme un crime ou un délit.
Ce même expert a estimé que le processus de justice transitionnelle au Maroc avait donné des résultats remarquables, notamment en permettant au pays de relier les événements passés avec son présent. Faisant cependant observer que ce processus avait porté davantage sur la réparation individuelle et collective des préjudices subis que sur la poursuite des auteurs des infractions, l’expert a demandé si l’État avait l’intention de rechercher et poursuivre ces personnes, conformément à l’exigence de la Convention, et s’il considérait que les réparations constituent une garantie suffisante de non-répétition.
Un autre membre du Comité a voulu savoir comment le droit interne marocain traitait de la question de la prescription des crimes couverts par la Convention et de quels recours disposaient les victimes de ces crimes, étant entendu qu’il a été décidé que les crimes commis entre 1956 et 1999 ne donneraient pas lieu à des plaintes pénales. Cette dernière décision, a souligné cet expert, pose la question de savoir comment il est garanti, dans la pratique, que tous les cas de disparition forcée signalés fassent l'objet d'une enquête. La disparition forcée n'est pas expressément définie comme une infraction dans le droit marocain, a d’autre part fait remarquer l’expert, demandant par ailleurs comment les autorités marocaines faisaient la distinction entre une personne disparue et une personne victime de disparition forcée.
Ce même expert a par ailleurs fait état de plusieurs incidents préoccupants concernant des migrants qui auraient disparu dans le cadre d’opérations des polices espagnole et marocaine en 2022 à Melilla – une experte ayant par la suite fait observer que quelque 70 personnes seraient toujours disparues après ces incidents. L’expert a voulu savoir quelles conditions le Maroc imposait aux demandes d’entraide et de recherche de personnes disparues sur le territoire marocain, s’agissant par exemple de migrants ayant transité sur son territoire. Selon des informations dont dispose le Comité, a-t-il ajouté, il y a eu des demandes explicites d’assistance auxquelles il n’a pas été donné suite, au moins dans des cas de disparitions de victimes sahraouies au Sahara occidental. L’expert a demandé où en étaient les enquêtes et les recherches concernant la disparition de victimes sahraouies au Sahara occidental, et comment le mécanisme d’indemnisation des victimes avait été appliqué dans ce contexte.
Cet expert a d’autre part demandé ce qu’il en était des informations concernant des mineurs migrants non accompagnés – dont beaucoup de Marocains – ayant disparu après être entrés dans des pays européens depuis 2018 ; ainsi que des informations relatives à un trafic de nouveau-nés impliquant des professionnels de la santé et des mères adolescentes célibataires à Casablanca et à Fès.
Il a par ailleurs été demandé comment la loi marocaine donnait effet à l’article 16 de la Convention, relatif au non-refoulement de personnes vers des pays où elles risquent d’être victimes de disparition forcée. D’aucuns ont fait observer que le Comité était saisi de trois demandes d’action urgente relatives à des allégations de violation, par le Maroc, du principe de non-refoulement.
Présentant le rapport de son pays, M. Ouahbi a rappelé que son pays avait été l’un des premiers États à signer la Convention et a insisté sur le soutien qu’il a toujours accordé aux travaux du Comité. Sous la conduite de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le Maroc a fait de la protection et de la promotion des droits de l'homme le fondement d'un État moderne, a-t-il poursuivi, soulignant à cet égard que l’atelier de la justice transitionnelle avait été l'un des principaux fondements de l’adoption de règlements justes et équitables pour rompre avec les pratiques des violations des droits de l'homme du passé, aider les victimes et leurs familles et assurer la réparation en révélant la vérité sur les violations flagrantes perpétrées dans le passé, en préservant la mémoire nationale et en tirant les leçons afin de se concentrer sur le processus de réforme et de fortification d’une société soucieuse de démocratie, de justice et de droits humains.
L'expérience marocaine en matière de disparitions forcées, a précisé le Ministre, a été caractérisée par le nombre limité de personnes disparues ; la plupart d'entre elles sont restées en vie et ont donc pu contribuer à la révélation de la vérité et participer au processus de justice transitionnelle, a-t-il souligné. L'Instance Équité et Réconciliation a adopté le concept de disparition forcée tel que stipulé dans les travaux préparatoires de la Convention, de même que les critères d'indemnisation et de réparation tenant compte de la gravité du crime, de sa nature et de ses effets sur les victimes en ce qui concerne la disparition forcée de personnes dont le sort est inconnu.
Une autre caractéristique de l’expérience du Maroc est que les centres de détention étaient connus des organisations de la société civile et de la presse, a poursuivi le Ministre. L’Instance a pu remplir sa mission en cinq ans (septembre 1999-novembre 2005), y compris l'achèvement des enquêtes, des décisions d'arbitrage, des audiences publiques et la publication d'un rapport final. Plus de 27 000 victimes ou leurs familles ont reçu environ 212 millions de dollars en réparation, plus de 20 000 personnes ont bénéficié d'une couverture médicale et 13 régions ont été couvertes par le programme de réparations communautaires, a indiqué le Ministre, avant d’ajouter que les recommandations de l'Instance Équité et Réconciliation étaient au cœur de la nouvelle Constitution de 2011.
Le Maroc participera à l’organisation du Congrès mondial pour la ratification universelle de la Convention en janvier 2025, a fait savoir M. Ouahbi.
La délégation marocaine était également composée, entre autres, de nombreux représentants des Ministères des affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger ; de la justice ; et de la santé et de la protection sociale. La Délégation interministérielle aux droits de l’homme, la Présidence du Ministère public, la Direction générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion, la Direction générale de la sûreté nationale, la Chambre des représentants et la Chambre des Conseillers étaient aussi représentées.
Au cours du dialogue, la délégation a notamment souligné que la réforme du Code pénal, toujours en cours, est fondée sur les recommandations de l’Instance Équité et Réconciliation. Un premier projet de loi partiel portant sur 84 articles avait été soumis au Parlement en 2009 et ce projet a été remplacé par un document plus complet, portant sur plus de 900 dispositions, qui va bientôt être présenté pour approbation, a-t-elle expliqué. Ce projet contient une définition de la disparition forcée conforme à la Convention ; érigée en crime, la disparition forcée sera punissable de peines pouvant atteindre trente ans de prison, a précisé la délégation. Si la disparition forcée n’est pas encore incriminée de manière autonome dans le Code pénal, les actes constitutifs de la disparition forcée le sont déjà, a-t-elle souligné.
La délégation a aussi insisté sur le fait que l’Instance Équité et Réconciliation, après avoir passé en revue les faits survenus entre 1956 et 1999, avait conclu que l’État, la justice et les agences de sécurité en étaient responsables. Depuis lors, a indiqué la délégation, l’État et le Roi entendent faire aboutir les procédures démocratiques et faire en sorte que les faits ne se reproduisent plus.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Maroc et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 4 octobre prochain.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de la Norvège.
Examen du rapport du Maroc
Le Comité est saisi du rapport initial du Royaume du Maroc (CED/C/MAR/1) ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.
Présentation du rapport
Présentant le rapport de son pays, M. ABDELLATIF OUAHBI, Ministre de la justice du Royaume du Maroc, a rappelé que son pays avait été l’un des premiers États à signer la Convention et a insisté sur le soutien qu’il a toujours accordé aux travaux du Comité, notamment lors de l'élaboration des lignes directrices sur la recherche des personnes disparues en 2019 ainsi que lors de l’élaboration de l'Observation générale sur les disparitions forcées dans le contexte de la migration en 2023. Le Ministre a aussi mentionné, entre autres, la coopération du Maroc avec le Groupe de travail sur les disparitions forcées depuis les années 1990, et les huit visites de procédures spéciales de l'ONU menées dans le pays entre 2011 et 2018, dont certaines ont une relation directe avec la mise en œuvre de la Convention, comme c’est le cas avec le Sous-Comité pour la prévention de la torture.
M. Ouahbi a ensuite indiqué que, sous la conduite de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le Maroc avait fait de la protection et de la promotion des droits de l'homme le fondement d'un État moderne. Il a souligné à cet égard que l’atelier de la justice transitionnelle a été l'un des principaux fondements de l’adoption de règlements justes et équitables pour rompre avec les pratiques des violations des droits de l'homme du passé, aider les victimes et leurs familles et assurer la réparation en révélant la vérité sur les violations flagrantes perpétrées dans le passé, en préservant la mémoire nationale et en tirant les leçons afin de se concentrer sur le processus de réforme et de fortification d’une société soucieuse de démocratie, de justice et de droits humains.
L'expérience marocaine en matière de disparitions forcées, a précisé le Ministre, a été caractérisée par le nombre limité de personnes disparues ; la plupart d'entre elles sont restées en vie et ont donc pu contribuer à la révélation de la vérité et participer au processus de justice transitionnelle, a-t-il souligné. L'Instance Équité et Réconciliation a adopté le concept de disparition forcée tel que stipulé dans les travaux préparatoires de la Convention, de même que les critères d'indemnisation et de réparation tenant compte de la gravité du crime, de sa nature et de ses effets sur les victimes en ce qui concerne la disparition forcée de personnes dont le sort est inconnu.
Une autre caractéristique de l’expérience du Maroc est que les centres de détention étaient connus des organisations de la société civile et de la presse, a poursuivi le Ministre. L’Instance a pu remplir sa mission en cinq ans (septembre 1999-novembre 2005), y compris l'achèvement des enquêtes, des décisions d'arbitrage, des audiences publiques et la publication d'un rapport final. Plus de 27 000 victimes ou leurs familles ont reçu environ 212 millions de dollars en réparation, plus de 20 000 personnes ont bénéficié d'une couverture médicale et 13 régions ont été couvertes par le programme de réparations communautaires, a indiqué le Ministre.
Les recommandations de l'Instance Équité et Réconciliation étaient au cœur de la nouvelle Constitution de 2011, qui a constitué un jalon politique supplémentaire important en faveur du consensus national, consacrant la volonté de réforme pour la construction d'un État de droit, a d’autre part souligné le chef de délégation. Les avancées constitutionnelles de 2011 ont permis, notamment, d'interdire les disparitions forcées, la torture et d'autres violations systématiques des droits de l'homme, et de consacrer le droit à la vie et à l'intégrité physique et morale, a-t-il indiqué. La Constitution a également renforcé le contrôle parlementaire sur les agences chargées de l'application de la loi, tout en consacrant les garanties constitutionnelles relatives à l'indépendance du pouvoir judiciaire, a ajouté M. Ouahbi. Conformément aux références internationales et aux recommandations de l'Instance Équité et Réconciliation, le Maroc s'est engagé dans une réforme complète du système judiciaire avec, notamment, des amendements du code de justice militaire et des garanties constitutionnelles relatives à l'indépendance du pouvoir judiciaire.
Le Maroc participera à l’organisation du Congrès mondial pour la ratification universelle de la Convention en janvier 2025, a conclu le Ministre de la justice.
Questions et observations des membres du Comité
M. MATAR DIOP, corapporteur du Comité pour l’examen du Maroc, a d’abord relevé qu’au paragraphe 3 de ses réponses à la liste de points à traiter, le Maroc informait le Comité que « depuis la ratification de la Convention par le Royaume du Maroc, en 2013, aucune juridiction nationale n’a été saisie d’une affaire de disparition forcée, au sens de la définition énoncée dans la Convention ». Il a également relevé que le pays assumait « le passif humanitaire du passé » que l’Instance d’Équité et Réconciliation a voulu résorber à travers un système de justice transitionnelle.
M. Diop a ensuite demandé si le Maroc entendait reconnaître la compétence du Comité pour recevoir des communications (plaintes individuelles ou interétatiques) prévue aux articles 31 et 32 de la Convention. D’autres questions de l’expert ont porté sur le processus de nomination des membres du Conseil national des droits de l’homme et en particulier sur l’indépendance de ces personnes vis-à-vis de l’autorité qui le nomme.
M. Diop a ensuite voulu savoir quelle autorité était chargée de gérer le système électronique permettant de suivre les avis de recherche enregistrés, dans lesquels figurent tous les renseignements concernant les personnes recherchées et les résultats des recherches menées.
L’expert a ensuite demandé ce qu’il en était du projet de révision du Code pénal comprenant une définition de l’infraction de disparition forcée correspondant à celle énoncée à l’article 2 de la Convention, et prévoyant des peines proportionnées à la gravité des infractions commises. Selon les informations parvenues au Comité, on parle de ce projet depuis la visite du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires en 2009, a fait remarquer M. Diop. Il a relevé que le projet ne précisait pas si la disparition forcée doit être considérée comme un crime ou un délit.
L’expert a par ailleurs demandé comment le droit marocain garantissait qu’un ordre émanant d’une autorité publique ne puisse être invoqué pour justifier une disparition forcée. Il s’est inquiété, à cet égard, que l’article 225 du Code pénal exonère les personnes ayant obéi à un ordre de leur supérieur hiérarchique.
M. Diop a estimé que le processus de justice transitionnelle au Maroc avait donné des résultats remarquables, notamment en permettant au pays de relier les événements passés avec son présent. Faisant cependant observer que ce processus avait porté davantage sur la réparation individuelle et collective des préjudices subis que sur la poursuite des auteurs des infractions, l’expert a demandé si l’État avait l’intention de rechercher et poursuivre ces personnes, conformément à l’exigence de la Convention, et s’il considérait que les réparations constituent une garantie suffisante de non-répétition.
M. Diop a ensuite demandé comment la loi marocaine donnait effet à l’article 16 de la Convention, relatif au non-refoulement de personnes vers des pays où elles risquent d’être victimes de disparition forcée. Il a également voulu en savoir davantage sur l’autorité administrative chargée de prononcer les ordonnances d’expulsion hors du Maroc, sur les moyens de recours ouverts aux personnes concernées, et sur la question de savoir si ces recours ont un effet suspensif. Il a par ailleurs demandé si, afin d’éviter les expulsions collectives, les autorités marocaines examinaient bien au cas par cas les situations des personnes devant être expulsées.
M. Diop a d’autre part demandé où en était la création d’un registre électronique national des personnes placées en garde à vue, et a souhaité savoir si les personnes en situation irrégulière étaient placées en garde à vue avant leur expulsion, leur reconduite à la frontière ou leur refoulement.
M. JUAN PABLO ALBAN ALENCASTRO, corapporteur du Comité pour l’examen du Maroc, a voulu savoir comment le droit interne marocain traitait de la question de la prescription des crimes couverts par la Convention et de quels recours disposaient les victimes de ces crimes, étant entendu qu’il a été décidé que les crimes commis entre 1956 et 1999 ne donneraient pas lieu à des plaintes pénales. Cette dernière décision, a souligné l’expert, pose la question de savoir comment il est garanti, dans la pratique, que tous les cas de disparition forcée signalés fassent l'objet d'une enquête.
M. Alban Alencastro a d’autre part relevé qu’au Maroc, « les crimes d'enlèvement et de détention illégale sont soumis à la juridiction nationale dès lors qu'ils sont commis sur le territoire national, quelle que soit la nationalité de l'auteur » : il faudrait savoir comment ces dispositions s'appliquent aux cas de disparition forcée, étant donné que la disparition forcée n'est pas expressément définie comme une infraction dans le droit marocain, a fait remarquer l’expert.
L’expert a ensuite fait état de plusieurs incidents préoccupants concernant des migrants qui auraient disparu dans le cadre d’opérations des polices espagnole et marocaine en 2022 à Melilla. Il a par ailleurs voulu savoir quelle autorité serait chargée d’enquêter sur des disparitions forcées commises par des militaires.
M. Alban Alencastro s’est enquis des mesures prises pour garantir que la disparition forcée soit spécifiquement incluse en tant que délit donnant lieu à extradition dans tous les traités conclus avec des États tiers, qu’ils soient ou non parties à la Convention. Il a en outre voulu savoir quelles conditions le Maroc imposait aux demandes d’entraide et de recherche de personnes disparues sur le territoire marocain, s’agissant par exemple de migrants ayant transité sur son territoire.
M. Alban Alencastro s’est par ailleurs enquis des mesures d’assistance réciproque prévues par le pays pour offrir une assistance à toutes les victimes de disparition forcée, dans la recherche, la localisation et la libération des personnes disparues et, en cas de décès, dans l’exhumation et l’identification des personnes disparues et dans la restitution de leur dépouille. Selon des informations dont dispose le Comité, il y a eu des demandes explicites d’assistance auxquelles il n’a pas été donné suite, au moins dans des cas de disparitions de victimes sahraouies au Sahara occidental, a souligné l’expert.
M. Alban Alencastro a demandé comment les autorités marocaines faisaient la distinction entre une personne disparue et une personne victime de disparition forcée.
L’expert a ensuite prié la délégation d’indiquer comment la loi marocaine définissait la « victime de disparition forcée » et si l’obtention de ce statut exigeait le dépôt d’une plainte pénale.
L’expert a par ailleurs demandé où en étaient les enquêtes et les recherches concernant la disparition de victimes sahraouies au Sahara occidental, et comment le mécanisme d’indemnisation des victimes avait été appliqué dans ce contexte.
En ce qui concerne les garanties de non-répétition, M. Alban Alencastro a voulu savoir si les membres des forces de sécurité et d'autres structures de l'État identifiés comme pouvant être responsables de graves violations des droits de l'homme commises dans le passé avaient été démis de leurs fonctions.
L’expert a demandé ce qu’il en était des informations concernant un trafic de nouveau-nés impliquant des professionnels de la santé et des mères adolescentes célibataires à Casablanca et à Fès ; et des informations concernant des mineurs migrants non accompagnés – dont beaucoup de Marocains – ayant disparu après être entrés dans des pays européens depuis 2018.
Une autre experte a salué la contribution du Maroc à l’élaboration de la première Observation générale du Comité, concernant les disparitions forcées dans le contexte de la migration (2023). Elle a demandé si le pays avait avancé dans l’application de cette Observation. Quelque 70 personnes seraient toujours disparues après les incidents de Melilla mentionnés par M. Alban Alencastro, a en outre fait remarquer cette même experte.
Des éclaircissements ont en outre été demandés sur la prescription du crime de disparition forcée au Maroc, de même que sur les intentions du pays s’agissant de l’acceptation de la procédure de communication (plaintes) devant le Comité.
Il a par ailleurs été souligné que le Comité était saisi de trois demandes d’action urgente relatives à des allégations de violation, par le Maroc, du principe de non-refoulement [d’une personne vers un pays où elle risque d’être victime d’une disparition forcée].
Réponses de la délégation
Toujours en cours, la réforme du Code pénal est fondée sur les recommandations de l’Instance Équité et Réconciliation, a indiqué la délégation. Un premier projet de loi partiel portant sur 84 articles avait été soumis au Parlement en 2009 ; ce projet a été remplacé par un document plus complet, portant sur plus de 900 dispositions, lequel va bientôt être présenté pour approbation, a-t-elle expliqué. Ce projet contient une définition de la disparition forcée conforme à la Convention ; érigée en crime, la disparition forcée sera punissable de peines pouvant atteindre trente ans de prison, a précisé la délégation.
Si la disparition forcée n’est pas encore incriminée de manière autonome dans le Code pénal ni définie de manière identique à la Convention, les actes constitutifs de la disparition forcée le sont déjà, a toutefois souligné la délégation. Le Maroc entend adopter une définition conforme à la Convention, a-t-elle insisté.
La responsabilité des auteurs de disparition forcée est toujours établie, sans aucune exception, et l’article 225 du Code pénal n’exonère pas le fonctionnaire responsable au motif qu’il a obéi à l’ordre d’un supérieur, a assuré la délégation.
Le Maroc adopte une approche progressive de l’application de la Convention, comme pour les autres instruments internationaux, prenant toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l’instrument, a expliqué la délégation. Le Maroc reste ouvert aux mécanismes onusiens chargés des communications (plaintes) quand les conditions sont satisfaites, a-t-elle indiqué. La reconnaissance de la compétence du Comité des disparitions forcées en la matière fait actuellement l’objet d’un débat au Maroc, a-t-elle fait savoir.
Les membres du Conseil national des droits de l’homme sont des personnalités connues pour leur intégrité et représentatives de la société marocaine, a d’autre part indiqué la délégation. Les vacances de poste à cet organe sont dûment publiées et la loi donne toutes les garanties nécessaires à l’indépendance de ses membres, a-t-elle assuré.
Le Gouvernement organise des formations de base et continue aux droits de l’homme à l’intention des agents de l’État, a par ailleurs rappelé la délégation. Le Maroc a formulé plusieurs commentaires dans le cadre de la préparation de la première Observation générale du Comité, qui fait aussi partie des enseignements dispensés dans ce contexte.
Le Maroc n’extrade personne qui risquerait de subir la torture dans le pays de destination ; il répond toutefois positivement à toute demande de recherche de personnes ou de poursuites judiciaires. Il examine en ce moment une demande concernant une personne disparue, a fait savoir la délégation.
La loi martiale ne s’applique qu’aux crimes commis par des militaires, a en outre précisé la délégation.
Les enquêtes menées par les autorités sur les faits survenus à Melilla ont permis d’identifier plusieurs personnes décédées ainsi que les causes de leur décès, soit l’asphyxie due à la compression ; et les familles ont ainsi pu reconnaître leurs proches, a indiqué la délégation. Les recherches continuent concernant d’autres personnes dont la disparition est alléguée, mais dont cependant rien ne vient confirmer qu’elles soient revenues au Maroc, a ajouté la délégation.
Le Maroc est aujourd’hui confronté au problème des bandes criminelles actives dans les réseaux d’immigration illégale et les trafics, a poursuivi la délégation, avant de souligner que les autorités s’efforcent de régler les questions migratoires sans porter atteinte à l’intégrité physique des personnes concernées.
Revenant par la suite sur ces événements de Melilla, la délégation a précisé que les enquêtes avaient montré que les premières informations concernant le nombre de personnes décédées étaient fausses et qu’aucune personne n’a été victime de disparition forcée.
S’agissant de personnes saharaouies disparues, la délégation a indiqué que tous les centres de détention secrète avaient été fermés en 1991, 511 personnes détenues ayant été libérées et plusieurs dizaines de tombes de personnes disparues retrouvées. Dans ce contexte, l’Instance Équité et Réconciliation s’est intéressée de près à la situation dans les « provinces du sud », où elle a effectué plusieurs visites et interrogé directement des victimes.
La loi interdit toute détention au secret et des listes sont dressées de tous les lieux de détention, a par la suite insisté la délégation. Les détenus peuvent entrer en contact avec leur famille et leurs avocats, a-t-elle ajouté, avant de rappeler que les lieux de détention relèvent du contrôle du pouvoir judiciaire. La délégation a aussi confirmé l’existence au Maroc d’un registre national des personnes placées en garde à vue.
Huit membres de l’Instance Équité et Réconciliation sont eux-mêmes d’anciennes victimes de violations des droits de l’homme commises par le passé, a précisé la délégation. L’Instance a passé en revue les faits survenus entre 1956 et 1999 et a conclu que l’État, la justice et les agences de sécurité en étaient responsables, a-t-elle souligné. Depuis lors, l’État et le Roi entendent faire aboutir les procédures démocratiques et faire en sorte que les faits ne se reproduisent plus. Le Maroc reconnaît les faits de disparition forcée survenus et entend qu’ils ne se reproduisent pas, a insisté la délégation.
Le Maroc, qui n’entend pas répéter l’expérience de l’après-Deuxième Guerre mondiale, où les vainqueurs ont jugé les vaincus, mise sur l’indemnisation des victimes, a expliqué la délégation.
La délégation a précisé que les victimes de disparition forcée entre 1956 et 1999 avaient accepté les réparations offertes par l’État en même temps que la reconnaissance implicite de ce statut.
Des victimes de disparition forcée – syndicalistes ou fonctionnaires, par exemple – anciennement limogées ont été réintégrées administrativement dans leurs fonctions, a-t-il été indiqué.
La loi marocaine stipule que toute personne, ou groupe de personnes, qui se considère victime peut contacter les autorités compétentes pour obtenir une protection ; une aide juridictionnelle est accordée sur demande, a par ailleurs souligné la délégation.
Les recherches de personnes disparues sont menées par des personnels formés et avec tous les moyens techniques à la disposition des autorités, a précisé la délégation. L’Instance Équité et Réconciliation reçoit toujours des dossiers concernant des Marocains portés disparus dans des pays européens.
La délégation a fait état de mesures prises par le Maroc en matière de médecine légale et d’identification de dépouilles, y compris la création en cours d’une base de données d’empreintes génétiques.
La délégation a insisté sur le fait que le Maroc ne pratiquait aucune discrimination entre les Marocains et que les lois concernaient l’ensemble des citoyens.
La délégation a dit douter de la véracité des informations concernant un supposé trafic de nouveau-nés.
Remarques de conclusion
M. OLIVIER DE FROUVILLE, Président du Comité, a remercié la délégation pour ses réponses et la société civile marocaine pour sa coopération. Il s’est félicité de la décision du Maroc de participer au Congrès mondial sur les disparitions forcées qui aura lieu en janvier 2025 [à Genève].
M. OUAHBI a souligné l’importance que le Maroc accorde aux réparations pour les victimes d’attentats terroristes, l’État étant responsable de la protection des personnes. Le Ministre a aussi fait savoir qu’une commission interministérielle était chargée de suivre la situation des mineurs marocains en Europe, dont certains refusent de rentrer et que l’État ne peut faire revenir de force.
Le Maroc a parcouru un long chemin et aspire à un véritable état de droit, a affirmé M. Ouahbi, avant d’indiquer que le nouveau Code pénal aura été adopté lors du prochain passage du Maroc devant le Comité. Les observations du Comité inciteront le Maroc à réviser son cadre institutionnel, a-t-il conclu.
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