Actualités Conseil des droits de l’homme
Au Soudan, « nous assistons encore à un conflit irresponsable et insensé qui se déroule dans un contexte d’impunité totale », déplore M. Türk devant le Conseil des droits de l’homme
19 juin 2023
Cet après-midi, le Conseil des droits de l’homme a tenu un dialogue renforcé sur la situation des droits de l’homme au Soudan, après avoir achevé le dialogue renforcé entamé ce matin au sujet de la situation des droits de l’homme en Afghanistan.
S’agissant du Soudan, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, M. Volker Türk, a rappelé que lors de sa mise à jour devant la session extraordinaire que le Conseil a consacrée à ce pays en mai dernier, il avait demandé aux Forces de soutien rapide (FSR) et aux Forces armées soudanaises (FAS) de cesser les hostilités. M. Türk a regretté que les efforts visant à poursuivre et à maintenir un cessez-le-feu n’aient donné que peu ou pas de succès. « Nous assistons encore à un conflit irresponsable et insensé qui se déroule dans un contexte d’impunité totale », a déploré le Haut-Commissaire.
Ainsi, les tactiques d’agression ont en effet entraîné la mort d’au moins 958 civils depuis le début des combats et 4746 blessés au 12 juin, les chiffres réels étant sans aucun doute beaucoup plus élevés, a précisé M. Türk. Plus d’un million de personnes restent prises au piège à Khartoum, Omdurman et Bahri ; et quelque 2,1 millions de personnes ont fui leur foyer, dont quelque 528 000 ayant traversé la frontière vers les pays voisins. Le mépris flagrant du droit international humanitaire et des droits de l’homme, et l’indifférence totale pour la vie et la dignité humaines sont au cœur de ce conflit, a déploré le Haut-Commissaire.
Le dialogue renforcé a ensuite compté avec la participation de M. Hassan Hamid Hassan, Représentant permanent du Soudan auprès de l'Office des Nations Unies à Genève ; de M. Mohamed Belaiche, Représentant spécial du Président de la Commission de l’Union africaine auprès du Soudan ; de Mme Enass Muzamel, défenseuse des droits humains au Soudan ; et de M. Radhouane Nouicer, Expert désigné sur la situation des droits de l'homme au Soudan.
L’ONU n’appelle pas « un chat, un chat », a déploré le Représentant permanent du Soudan, dénonçant une tentative de mettre sur un pied d’égalité les FSR et l’armée nationale. Certaines entités de l’ONU rechignent à demander aux rebelles de mettre un terme aux atrocités, a-t-il ajouté.
Pour sa part, M. Belaiche a indiqué que l’Union africaine avait approuvé une feuille de route comprenant un plan de désescalade au Soudan fondé sur la consolidation du cessez-le-feu, l’ouverture de corridors humanitaires et cartographiant les principales séquences d'un dialogue national inclusif.
Pour Mme Muzamel, la guerre qui fait rage depuis avril n’est pas une guerre civile, mais un conflit entre deux factions qui ne représentent que leurs propres intérêts. Elle a demandé à la communauté internationale de sanctionner les deux généraux afin que le pays retrouve un gouvernement civil, et de faire en sorte que les auteurs de violations des droits de l’homme soient sanctionnés.
Enfin, M. Nouicer a estimé que l’impunité qui a prévalu pendant longtemps au Soudan jouait un rôle certain dans la crise actuelle. Les représentants politiques soudanais doivent faire front ensemble pour mettre un terme au massacre, a demandé l’Expert désigné, qui a salué le courage de la population soudanaise dans ce moment difficile.
De nombreuses délégations* ont pris part à ce dialogue renforcé. De nombreux appels ont été lancés afin que toutes les parties au conflit cessent immédiatement la violence et fassent passer les intérêts et la sécurité de la population soudanaise en premier. À ce stade, a-t-il été affirmé, la priorité est de faire taire les armes et de parvenir au cessez-le-feu, ce qui ouvrira la voie à l’aide humanitaire et à l’assistance aux populations des zones touchées par le conflit, notamment. Plusieurs intervenants ont exhorté les belligérants à s’engager dans le processus politique dirigé par l’Afrique sous les auspices de l’Union africaine afin de trouver une solution au conflit.
En début de séance cet après-midi, le Conseil a entendu les remarques de conclusion des participants au dialogue renforcé entamé ce matin au sujet de la situation des femmes et des filles en Afghanistan : Mme Nada Al-Nashif, Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme ; Mme Shaharzad Akbar, Directrice exécutive de Rawadari ; Mme Madina Mahboobi, défenseuse des droits humains en Afghanistan ; M. Nasir Ahmad Andisha, Représentant permanent de l’Afghanistan auprès des Nations Unies à Genève, qui a cédé son temps de parole à une défenseuse des droits humains ; Mme Dorothy Estrada-Tanck, Présidente du Groupe de travail sur la discrimination à l'égard des femmes et des filles ; et M. Richard Bennett, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan
Demain matin, à partir de 10 heures, le Conseil examinera le rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Érythrée, M. Mohamed Abdelsalam Babiker, avant de dialoguer avec la Commission d’enquête sur le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et Israël.
Fin du dialogue renforcé sur la situation des femmes et des filles en Afghanistan
Réponses et remarques de conclusion
Concluant le débat ouvert ce matin, MME NADA AL-NASHIF, Haut-Commissaire adjointe des Nations Unies aux droits de l’homme, a précisé que le Haut-Commissariat s’efforçait, par ses contacts avec les autorités de facto, de se faire une idée de la situation sur le terrain et de soutenir l’action des autres mandats créés par le Conseil des droits de l’homme.
MME SHAHARZAD AKBAR, Directrice exécutive de l‘organisation Rawadari, a insisté sur l’importance de faire accéder les filles au système éducatif, et a alerté au risque de radicalisation que pose l’éducation religieuse dispensée actuellement en Afghanistan. Mme Akbar a fait état de la disparition forcée de personnes qui s’expriment contre les Taliban. La plupart des violations des droits de l’homme actuelles, les violences sexuelles et sexistes, sont étroitement liées au problème de « l’apartheid de genre » qui a cours en Afghanistan, a-t-elle déclaré.
MME MADINA MAHBOOBI, défenseuse des droits humains en Afghanistan, a mis en avant la résilience des femmes afghanes et le fait qu’elles continuent de se battre pour leurs droits. Mme Mahboobi a estimé que le changement en Afghanistan doit partir de l’intérieur même du pays, faute de quoi il restera lettre morte. C’est pourquoi elle a recommandé que la communauté internationale soutienne les femmes afghanes en Afghanistan. Les autorités de facto doivent entendre les demandes du peuple afghan et collaborer avec la communauté internationale pour y répondre.
M. NASIR AHMAD ANDISHA, Représentant permanent de l’Afghanistan auprès des Nations Unies, a cédé son temps de parole à une enseignante et défenseuse afghane des droits humains qui a fait état de suicides et de problèmes psychologiques parmi des femmes opprimées privées de tout moyen d’action. Il faut comprendre, a ajouté cette dernière, que la souffrance de ces femmes a trait au fait que personne ne les entend.
MME DOROTHY ESTRADA-TANCK, Présidente du Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles, a elle aussi insisté sur l’importance de soutenir les femmes afghanes, et leurs organisations représentatives, à l’intérieur même de Afghanistan, de même que de s’attaquer aux causes profondes de la discrimination qui place les femmes et les filles dans des conditions d’infériorité. Le Groupe de travail, a dit sa Présidente, a identifié depuis 2018 les nombreux revers subis par les droits des femmes en Afghanistan. Mme Estrada-Tanck a préconisé d’œuvrer à construire une culture des droits humains et d’accompagner les femmes et les filles afghanes.
Enfin, M. RICHARD BENNETT, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan, a déclaré que la solidarité de la communauté internationale était la bienvenue mais qu’elle devait s’accompagner d’actes concrets pour améliorer le sort des femmes et des filles au quotidien. L’expert a notamment recommandé de se pencher sur la radicalisation de l’éducation en Afghanistan et ses conséquences pour la sécurité au-delà des frontières afghanes.
Dialogue renforcé sur le rapport du Haut-Commissaire concernant la situation des droits de l’homme au Soudan
Le Conseil est saisi du rapport du Haut-Commissaire aux droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme au Soudan, qui porte sur la période du 11 avril 2022 au 14 avril 2023 (A/HRC/53/19).
Présentation du rapport et déclarations liminaires
Présentant son rapport sur la situation des droits de l’homme au Soudan, M. VOLKER TÜRK, Haut-Commissaire aux droits de l’homme, a déclaré d’emblée que depuis que le conflit a éclaté le 15 avril, le pays est plongé dans le chaos. Comme le dit le proverbe africain, lorsque les éléphants se battent, c’est l’herbe qui souffre, a-t-il relevé. Dans cette situation, le peuple soudanais souffre énormément.
M. Türk a rappelé que lors de sa dernière mise à jour à l’occasion de la session extraordinaire du Conseil en mai dernier, il avait demandé aux Forces de soutien rapide (FSR) et aux Forces armées soudanaises (FAS) de cesser les hostilités ; il a répété aujourd’hui qu’il était impatient de parler aux deux parties. M. Türk a également regretté que les efforts visant à poursuivre et à maintenir un cessez-le-feu n’aient donné que peu ou pas de succès.
« Nous assistons encore à un conflit irresponsable et insensé qui se déroule dans un contexte d’impunité totale », a déploré le Haut-Commissaire. Les rues de Khartoum et des villes environnantes, d’El Geneina et d’El Obeid sont tachées du sang des civils, et des millions de personnes ont encore besoin d’une aide humanitaire vitale qui, dans de nombreux endroits, a été pratiquement impossible à acheminer, a-t-il regretté.
« Je me suis rendu au Soudan en novembre dernier. Alors que je voyais un pays dans une douleur aiguë, j’ai aussi entendu les voix de l’espoir et de l’attente d’un avenir meilleur », a poursuivi le Haut-Commissaire, ajoutant qu’il est déchirant de voir cet espoir décimé.
Les tactiques d’agression ont entraîné la mort d’au moins 958 civils depuis le début des combats et 4746 blessés au 12 juin. Les chiffres réels sont sans aucun doute beaucoup plus élevés, a indiqué M. Türk. Plus d’un million de personnes restent prises au piège à Khartoum, Omdurman et Bahri, a-t-il ajouté.
Les zones résidentielles densément peuplées sont bombardées, a poursuivi le Haut-Commissaire. Les FSR forcent les gens à quitter leurs maisons et pillent leurs biens et ont également attaqué, pillé et occupé des hôpitaux, agressant le personnel de santé et laissant les services médicaux au bord de l’effondrement. La souffrance est aggravée par des pénuries dramatiques de nourriture, d’eau, d’argent et d’électricité, a insisté le Haut-Commissaire.
Plus de 2,1 millions de personnes ont fui leur foyer, dont 528 147 qui ont traversé la frontière vers les pays voisins. Les réfugiés et les personnes déplacées à l’intérieur du pays sont confrontés à des conditions épouvantables, marchant pendant des jours dans une chaleur accablante avec très peu d’accès à la nourriture, à l’eau et à un abri.
Le mépris flagrant du droit international humanitaire et des droits de l’homme et l’indifférence totale pour la vie et la dignité humaines sont au cœur de ce conflit, a déploré M. Türk. Il a condamné dans les termes les plus énergiques les violations des droits de l’homme qui se poursuivent dans la région du Darfour. Au Darfour-Occidental, la violence a maintenant explosé selon des critères ethniques, a-t-il précisé.
M. Türk a réitéré l’appel en faveur d’un couloir humanitaire entre le Tchad et El-Geneina, et d’un passage sûr pour tous les civils hors des zones de conflit.
Le Haut-Commissaire s’est dit consterné par les allégations de violences sexuelles, y compris de viol, indiquant que son Bureau a reçu des informations crédibles faisant état de 18 incidents de violence sexuelle liés au conflit à l’encontre d’au moins 53 femmes et filles – parmi les victimes figurent au moins 10 filles.
Le Haut-Commissariat continue en outre de recevoir des informations faisant état de disparitions forcées et d’arrestations arbitraires de civils, a indiqué M. Türk. Au moins 394 personnes auraient disparu de la seule région de Khartoum, dont 16 femmes et 12 enfants, et ce nombre total pourrait être beaucoup plus élevé, a-t-il précisé. Il a également indiqué que les défenseurs des droits humains, en particulier les femmes, font l’objet de menaces croissantes, y compris de menaces de mort. Les journalistes et les professionnels des médias sont également confrontés à des menaces et à des discours de haine.
Le Haut-Commissaire s’est félicité du nouveau cessez-le-feu national de 72 heures conclu le 17 juin et a exhorté les deux parties à respecter leurs engagements de mettre fin aux combats et de permettre l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire dans tout le pays. M. Türk a rappelé aux deux parties leurs obligations de respecter le droit international humanitaire et les droits de l’homme et de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger tous les civils, y compris les travailleurs humanitaires et médicaux.
M. Hassan Hamid Hassan, Représentant permanent du Soudan auprès des Nations Unies à Genève, a rappelé l’opposition de son pays à la décision ayant présidé à l’organisation d’une session extraordinaire sur le Soudan. Les rebelles du FSR violent le droit international humanitaire en envahissant des hôpitaux, a-t-il déclaré, indiquant que les autorités ont envoyé à l’OMS des mémos sur les hôpitaux réquisitionnés par les rebelles pour en faire des camps de base. Les destructions systématiques et le pillage des infrastructures publiques se poursuivent, a insisté M. Hassan. Les universités, les musées et les bibliothèques sont attaqués, a-t-il poursuivi. Cela fait deux mois et cinq jours que les rebelles occupent les résidences des citoyens après les avoir chassés de chez eux, a-t-il déploré. Les rebelles poursuivent leurs violations étant donné qu’ils ne sont pas condamnés par la communauté internationale, a-t-il affirmé. L’ONU n’appelle pas « un chat, un chat », a-t-il déploré, dénonçant une tentative de mettre sur un pied d’égalité les FSR et l’armée nationale. L’armée vise à préserver la sécurité nationale et la souveraineté d’un pays, a-t-il souligné. Les rebelles savent qu’ils ne seront jamais poursuivis par quiconque ; ils savent qu’on accusera les deux parties, a insisté le Représentant permanent, affirmant que c’est ce qui a permis aux rebelles de poursuivre leurs exactions. Les violations, les agressions sexuelles et les enlèvements par les FSR se multiplient, a poursuivi M. Hassan. Au Darfour-Occidental, les villes et villages ont été complètement pillés, a-t-il ajouté. Certaines entités de l’ONU rechignent à demander aux rebelles de mettre un terme aux atrocités, a-t-il regretté.
M. MOHAMED BELAICHE, Représentant spécial du Président de la Commission de l’Union africaine auprès du Soudan, a déclaré que pour l’Union africaine, la réunion de ce jour était une manifestation d’appui et de soutien au Soudan : « nous ne sommes pas là pour juger, nous sommes là pour aider », a-t-il insisté. M. Belaiche a réitéré le soutien de l’Union africaine « au peuple soudanais frère en détresse dans cette délicate conjoncture marquée par des affrontements fratricides entre deux entités militaires, engendrant hélas une situation humanitaire tragique, une destruction de l’infrastructure civile, et une menace réelle pour la paix et la sécurité dans toute la région de la Corne de l’Afrique ».
M. Belaiche a rappelé que l’Union africaine, qui a joué le rôle d’artisan de l’avènement de la transition consensuelle en août 2019, rejetait de manière ferme l’option d’une solution militaire à la crise et prônait la quête d’une solution politique consensuelle à travers un dialogue politique inclusif et transparent.
C’est pourquoi l’Union africaine (UA) a créé un Mécanisme international élargi, englobant les partenaires internationaux intéressés par la situation au Soudan. Ce Mécanisme a approuvé une « Feuille de route de l’UA » comprenant un plan de désescalade fondé sur la consolidation du cessez-le-feu et l’ouverture de corridors humanitaires, et cartographiant les principales séquences d'un dialogue national inclusif. Dans le même esprit, l’Union africaine apporte son plein soutien à la médiation menée par l’Arabie saoudite et les États-Unis pour un cessez-le-feu humanitaire et une cessation des hostilités afin d’alléger les souffrances de la population civile.
Sur le plan des droits de l’homme, il y a unanimité pour constater que des violations sont commises, caractérisées par des atteintes aux droits les plus élémentaires, a indiqué M. Belaiche. Il faudrait, a-t-il demandé, que le Conseil se donne les moyens pour mener une enquête, pour que les auteurs de ces violations répondent de leurs actes devant la justice.
MME ENASS MUZAMEL, défenseuse des droits de l’homme au Soudan, a déclaré que la guerre qui faisait rage depuis avril n’était pas une guerre civile, mais un conflit entre deux factions qui ne représentent que leurs propres intérêts. Mme Muzamel a déploré à cet égard une volonté manifeste de piller le pays. La population s’oppose avec courage à ce conflit, a-t-elle souligné.
Des atrocités sont commises à Khartoum, au Kordofan du Nord et au Darfour, où des horreurs indicibles sont commises par les Forces de soutien rapide (FSR). À Khartoum contrôlée par les mêmes FSR, le pillage et le viol sont généralisés. Ce n’est que le sommet de l’iceberg. Il n’y a plus de soins de santé disponibles, les hôpitaux étant occupés par les FSR pour leur usage exclusif. L’armée se terre dans ses baraquements et la population vit dans une crainte perpétuelle, tandis que les rues sont jonchées de cadavres, a expliqué Mme Muzamel.
La guerre n’a d’autre explication que l’avidité de deux hommes qui ne voient que leur intérêt personnel, a insisté Mme Muzamel. Elle a demandé à la communauté internationale de sanctionner ces deux généraux afin que la guerre prenne fin et que le pays retrouve un gouvernement civil, et de faire en sorte que les auteurs de violations des droits de l’homme soient sanctionnés.
Aperçu du dialogue
Durant ce dialogue, de nombreuses délégations ont exprimé leur grave préoccupation face à la crise au Soudan et ont fermement condamné les violations du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises au Soudan. Elles se sont inquiétées des cas signalés d’homicides illégaux, notamment d’enfants, de détentions arbitraires, de violences sexuelles et sexistes. Une délégation s’est dite particulièrement horrifiée par les informations faisant état d’une augmentation de la violence ethnique et de la violence sexuelle et sexiste dans certaines parties du Darfour. Les courageuses femmes du Soudan ont défendu la liberté et l’égalité en 2019 ; aujourd’hui, elles ont besoin d’une protection contre la violence sexiste et d’une aide humanitaire, a-t-il été souligné.
Les délégations se sont aussi inquiétées du nombre croissant de réfugiés et de personnes déplacées à l’intérieur du pays et des millions de Soudanais ayant besoin d’aide humanitaire et de protection. Plusieurs intervenants ont exprimé leur solidarité avec le peuple soudanais.
Certaines délégations ont en outre déploré et condamné l’expulsion du Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan, M. Volker Perthes.
De nombreux appels ont été lancés afin que toutes les parties au conflit cessent immédiatement la violence et fassent passer les intérêts et la sécurité de la population soudanaise en premier. À ce stade, la priorité immédiate et absolue est de faire taire les armes et de parvenir au cessez-le-feu, ouvrant la voie à l’aide humanitaire et à l’assistance aux populations des zones touchées par le conflit et encourageant les négociations politiques entre toutes les parties, a estimé une délégation.
Certains intervenants ont aussi exhorté les belligérants à s’engager dans un processus politique dirigé par l’Afrique sous les auspices de l’Union africaine afin de trouver une solution immédiate, pacifique et durable au conflit. Un groupe de pays a ainsi rappelé qu’il fallait apporter des solutions africaines aux problèmes africains et a salué la feuille de route de l’Union africaine, adoptée le 27 mai 2023, pour la résolution du conflit au Soudan.
Plusieurs délégations ont affirmé que la cessation des hostilités, la protection des droits de l’homme et l’obligation de rendre des comptes pour toutes les violations commises doivent contribuer à la résolution de la crise au Soudan. A cette fin, certains intervenants ont indiqué qu’il est de la responsabilité des deux parties de s'assurer que leurs troupes respectent les engagements signés à Djeddah le 11 mai pour le respect du cessez-le-feu et l'acheminement de l'aide humanitaire. A également été saluée la trêve qui a été décidée le 18 juin pour 72 heures – et qui « semble » être respectée, a-t-il été affirmé.
Plusieurs intervenants ont par ailleurs exprimé leur gratitude aux pays voisins [du Soudan] pour les efforts qu’ils ont déployés pour maintenir leurs frontières ouvertes afin d’accueillir ceux qui fuient le conflit.
Par ailleurs, le Soudan a été félicité pour les progrès réalisés dans les enquêtes judiciaires concernant les violations graves des droits de l’homme commises depuis le 5 octobre 2021. Les autorités soudanaises ont été invitées à poursuivre leur coopération avec le Haut-Commissaire et l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Soudan.
Certaines délégations ont insisté sur leur attachement au respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale, de l’indépendance et de l’unité politique du Soudan. Le consentement du pays concerné demeure un élément crucial pour le succès de la mise en œuvre du mandat de tout mécanisme établi par le Conseil des droits de l’homme ou l’élargissement du mandat des mécanismes existants, a-t-il été affirmé.
Enfin, plusieurs délégations ont exprimé leur soutien à la Conférence humanitaire pour le Soudan et la région, organisée par l’Arabie saoudite, qui se tient aujourd’hui à Genève.
*Liste des intervenants : Allemagne, Australie, Lituanie (au nom d’un groupe de pays), Union européenne, Pakistan (au nom de l’Organisation de la coopération islamique), Oman (au nom du Conseil de coopération du Golfe), Liban (au nom du groupe des États arabes), Côte d’Ivoire (au nom du groupe des États africains), États-Unis (au nom d’un groupe de pays), Royaume-Uni (au nom d’un groupe de pays), États-Unis (au nom d’un groupe de pays), Égypte, États-Unis, ONU-Femmes, Qatar, Luxembourg, Belgique, Koweït, Japon, Pays-Bas, Italie, France, Liechtenstein, Espagne, Bahreïn, Canada, Venezuela, Iraq, Malaisie, Royaume-Uni, Afrique du Sud, Malte, Nouvelle-Zélande, République populaire démocratique de Corée, Irlande, Türkiye, Chine, Suisse, Libye, Niger, Sénégal, Yémen, Soudan du Sud, Mauritanie, Jordanie, Roumanie, Kenya, Monténégro, Éthiopie, Fédération de Russie, Arabie saoudite, Bélarus, Iran, Ukraine, Syrie, Maroc, Algérie, Erythrée, Tchad, East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project, International Federation for Human Rights Leagues, Rencontre Africaine pour la défense des droits de l'homme, , Christian Solidarity Worldwide, Amnesty International, CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyen, International Service for Human Rights, Interfaith International, Stichting Global Human Rights Defence.
Réponses et remarques de conclusion
M. TÜRK a souligné que le Conseil avait un rôle à jouer face à la situation au Soudan, car – a-t-il ajouté – il importe que l’institution créée par les Nations Unies pour traiter de telles situations cherche des moyens de venir en aide au peuple du Soudan, vu l’insuffisance des mesures prises à ce jour.
Le Haut-Commissaire a ensuite salué le message robuste de l’Union africaine pour que les armes se taisent. Il faut en effet commencer par un cessez-le-feu qui tienne et qui permette aux acteurs humanitaires de jouer leur rôle, a-t-il souligné. Pour cela, il faut que tous reviennent à la table de négociation, a-t-il insisté. Lorsque les armes se tairont, il faudra revenir à un processus de paix qui intègre les femmes et les jeunes, ainsi que leurs aspirations à un autre Soudan, a-t-il ajouté. La transition civile doit pouvoir se faire, a dit M. Türk à l’adresse des chefs militaires.
Le Haut-Commissaire s’est ensuite dit d’accord avec la nécessité de traduire en justice les auteurs de crimes commis tant maintenant que par le passé.
Une conférence d’appels de fonds pour l’action humanitaire au profit des populations du Soudan se tient en ce moment même, a rappelé le Haut-Commissaire, qui a plaidé pour un accès humanitaire sans entraves.
MME MUZAMEL a rappelé que son pays était fragile, sans gouvernement, l’armée n’étant pas en mesure de protéger les civils, « bien au contraire ». Dans le même temps, les civils tentent de sauver leurs enfants des exactions des FSR. « Toutes les parties doivent savoir que des groupes terroristes commettent au Soudan des crimes de guerre et contre l’humanité avec l’aide du Groupe Wagner », a ajouté Mme Muzamel.
M. Belaiche a souligné que cette crise [au Soudan] se déroulait dans un contexte de fragilité. Le Soudan est extrêmement vulnérable, d’où l’importance de la solidarité et de l’action envers ce pays, a-t-il insisté. Il faut trouver une solution pacifique à ce conflit, a-t-il poursuivi, rappelant que c’est la population civile qui paie le plus lourd tribut. Le dialogue politique est l’épine dorsale pour la sortie de crise, d’où la nécessité de maintenir un cessez-le-feu dans le pays, a déclaré M. Belaiche, expliquant que la solution repose sur différents principes : le rejet de toute solution militaire ; le respect des droits de l’homme et des victimes ; et l’inclusivité, notamment.
M. Hassan a indiqué que le Soudan poursuivra sa coopération avec le Haut-Commissariat et le Conseil des droits de l’homme. Les Forces armées soudanaises continuent de remplir leurs obligations sur tout le territoire, a-t-il assuré. Les combats entre les deux belligérants ne mèneront pas à la stabilité, a-t-il ajouté, rappelant que le Soudan est un point de stabilité dans la région et insistant sur la nécessité de maintenir la souveraineté des institutions officielles de l’État. Le processus de Djeddah peut réaliser de grands progrès s’agissant de l’amélioration de la vie des civils, mais à condition que les rebelles s’y conforment, a prévenu M. Hassan.
M. RADHOUANE NOUICER, Expert désigné sur la situation des droits de l'homme au Soudan, a déclaré que le déclaration du Haut-Commissaire était claire quant à ce qui doit être fait pour mettre un terme à la crise au Soudan. Les progrès enregistrés avant le conflit en vue d’ouvrir une phase de transition étaient encourageants, y compris l’engagement pris par les autorités en matière de révision législative, a-t-il observé. Mais du jour au lendemain, cet environnement prometteur a disparu et, malgré les efforts de médiation louables, les hostilités se poursuivent, a-t-il déploré.
M. Nouicer a évoqué ses activités, par le biais de consultations régionales, auprès des populations touchées et avec l’Union africaine, en vue de documenter les violations des droits de l’homme qui sont commises actuellement et au sujet desquelles – a insisté l’Expert désigné – des enquêtes impartiales devront être réalisées. L’impunité qui a prévalu pendant longtemps au Soudan joue un rôle certain dans la crise actuelle, y compris pour ce qui est des pillages, des attaques et assassinats de civils, des violences sexuelles et des meurtres de défenseurs des droits de l’homme qui sont signalés, a fait remarquer M. Nouicer. Les représentants politiques soudanais doivent faire front ensemble pour mettre un terme au massacre, a-t-il plaidé, saluant le courage de la population soudanaise dans ce moment difficile.
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