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L’avenir d’un enfant migrant en Italie « ne doit pas dépendre de la chance »

09 août 2016

Dans la petite ville baroque de Scicli, au sud-est de la Sicile, la Maison des cultures est pleine de couleurs : des gigantesques peintures murales dramatiques aux horaires de différentes couleurs - vert, orange, bleu et violet – et dans plusieurs langues, en passant par les photographies d’adolescents radieux, avec pour légende inostri campioni di calcio – nos champions de football.

Le centre, administré par Mediterranean Hope, un projet de la Fédération des Églises protestantes en Italie, s’occupait de 24 enfants non accompagnés et séparés lorsqu’une équipe du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme y a effectué une visite à la fin du mois de juin.

« Notre maison se veut être un lieu sûr pour les migrants les plus vulnérables, mais la durée de leur séjour ne peut excéder trois mois. Notre priorité est de trouver des lieux appropriés et plus permanents pour héberger ces enfants ou les réunir avec des membres de leur famille s’ils en ont en Europe, et c’est un réel défi », a indiqué Giovanna Scifo, qui gère le centre.

L’Italie a une très bonne loi relative aux enfants, a fait observer Imma Guerras-Delgado, conseillère pour les droits de l’enfant au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Un migrant mineur obtient un droit de séjour et jouit des mêmes droits que les enfants italiens.

Mais le pays est confronté à une difficulté permanente au vu du nombre croissant de migrants mineurs non accompagnés, qui sont pour la majorité d’entre eux des garçons âgés de 15 à 17 ans. En 2015, près de 12 000 mineurs non accompagnés sont entrés en Italie. Depuis le début de l’année, plus de 15 000 mineurs sont arrivés, ce qui représente 15 % du nombre total de migrants qui sont arrivés sur les côtes italiennes, selon les chiffres du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

Le Gouvernement italien indique que son aide financière pour la prise en charge des enfants non accompagnés est passée de 90 millions d’euros en 2015 à 170 millions d’euros en 2016. Mais du fait de l’insuffisance chronique de lieux appropriés pour héberger les enfants, ils peuvent rester des semaines et même des mois dans des installations qui sont conçues pour de courts séjours, sans offre éducative ni conseils ou activités adaptées aux enfants.

« Je me suis rendue dans un excellent centre géré par les pouvoirs publics à Palerme, où sont actuellement hébergées une quinzaine de filles, dont certaines étaient très jeunes, tout juste 12 ou 13 ans », a indiqué Mme Guerras-Delgado. « Mais nous sommes préoccupés de savoir que certains centres pour mineurs sont surpeuplés et ne sont pas bien gérés. De nombreux enfants se sont plaints qu’ils n’avaient jamais vu un avocat pour les aider dans leurs démarches sur le plan juridique, qu’ils ignoraient totalement ce qu’il allait advenir d’eux, et, dans certains centres, qu’ils n’ont rien à faire. »

Les différents centres semblent avoir des normes différentes et cela doit être harmonisé, a souligné Mme Guerras-Delgado. « Les droits de l’enfant, de tous les enfants, ne peuvent dépendre de la chance. Les droits sont inhérents et ne peuvent être une simple question de chance. Si vous avez de la chance, vous vous retrouvez dans le meilleur centre ; si vous avez moins de chance, vous allez dans un autre centre avec toutes les répercussions que cela peut avoir pour votre avenir », a-t-elle fait remarquer.

L’avenir semblait flou pour un garçon de 16 ans, qui a expliqué à l’équipe des Nations Unies qu’il se trouvait dans le « hotspot » situé sur l’île de Lampedusa depuis plus d’un mois.
 
« J’ai passé deux mois dans une prison, en Libye, où on me frappait et me forçait à travailler pour payer le bateau », s’est confié le garçon, élevant rarement la voix au-delà d’un soupir alors qu’il racontait ce qui lui était arrivé sur la route avec les passeurs depuis qu’il avait quitté l’Afrique de l’Ouest. « Tout se passe bien ici, mais j’ignore quand j’en sortirai », a-t-il ajouté.   

Avait-il été informé de ce qu’il allait devenir ? « J’ai oublié », a-t-il répondu, l’épuisement d’avoir raconté son histoire se lisant sur son visage.

Pour Mme Guerras-Delgado, le potentiel extraordinaire des enfants qu’elle a rencontrés dans les centres d’accueil est ce qui lui a laissé la plus vive impression.

« Ils peuvent contribuer à la société italienne à chaque niveau. C’est pourquoi il est si important de s’assurer que les droits ne dépendent pas de la chance d’un enfant d’être conduit dans tel ou tel centre », a-t-elle expliqué.

Giovanna Scifo et ses collègues de la Maison des cultures se sont fait l’écho de cette situation et ont souligné l’importance de dispenser des soins appropriés, notamment un soutien psychologique, aux enfants qui ont quitté leur pays et leur famille et qui, de ce fait, souffrent souvent de dépression et de cauchemars en raison du traumatisme. Pour aider les migrants à s’intégrer, la Maison des cultures leur offre la possibilité d’apprendre l’italien et les enfants fréquentent les écoles locales.

Plusieurs garçons sortent justement de leur cours d’italien, prêts à pratiquer ce qu’ils ont appris.

L’équipe des Nations Unies les salue et les garçons s’arrêtent quelques secondes.

« Buon appetito ! », ont-il répondu avec un large sourire.  

Cet article est le dernier d’une série de quatre articles sur la mission effectuée en Italie par l’équipe du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme du 27 juin au 1er juillet.

9 août 2016