Déclarations Haut-Commissariat aux droits de l’homme
Cinquième réunion du Comité du Pacte mondial de coordination contre le terrorisme Le renforcement de la protection et de la promotion des droits de l’homme et l’état de droit sont au cœur du Pacte contre le terrorisme
28 août 2020
Déclaration de Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme
28 août 2020
Cher Vladimir, collègues et amis,
Je suis heureuse de participer à cette cinquième réunion du Pacte mondial de coordination contre le terrorisme, et je considère cette invitation comme un signe de votre engagement durable en faveur des droits de l’homme et de l’état de droit, dans le cadre de notre travail commun pour réaliser la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies.
Nombreux sont ceux qui, dans cette salle virtuelle, ont mené des efforts considérables pour nous fournir les éléments de base rendant possibles les activités de lutte antiterroriste de l’ONU, qui sont fondées sur les droits de l’homme. Je dois vous féliciter, Vladimir, pour avoir réussi à orienter le Pacte mondial dans le cadre de la réforme du dispositif antiterroriste de l’ONU grâce au rôle croissant de facilitation du Bureau de lutte contre le terrorisme, en permettant à toutes les entités de collaborer à la réalisation de la Stratégie.
Le Pacte mondial et la Stratégie antiterroriste mondiale constituent des documents fondamentaux pour les activités de lutte antiterroriste de l’ONU. Ces deux documents partagent fondamentalement des engagements communs en matière de droits de l’homme.
Mais nous sommes encore loin de réaliser pleinement ces principes importants. Bien que les États Membres se soient engagés à plusieurs reprises en faveur des droits de l’homme dans les résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale, cela ne s’est pas toujours traduit par un soutien politique et des actions concrètes suffisants et soutenus par des infrastructures et des ressources.
Le Pacte part du principe que les mécontentements alimentent la violence et le terrorisme. Les mesures relatives aux droits de l’homme permettent aux États d’agir pour relever les défis en matière de sécurité tout en respectant la dignité de chaque individu. Par exemple, dans des circonstances exceptionnelles, des individus considérés comme représentant une menace immédiate, directe et inévitable pour la sécurité peuvent être détenus – mais la charge de la preuve incombe à l’État, qui doit montrer que la menace émane de l’individu visé et qu’aucune autre mesure ne peut être prise.
Les principes des droits de l’homme interdisent également l’utilisation de la torture contre quiconque, en toutes circonstances. Il s’agit de principes importants et concrets caractérisant une approche antiterroriste qui respecte les droits de l’homme.
Pour aider les États à lutter contre le terrorisme, nous devons redoubler d’efforts pour veiller à ce que les droits de l’homme soient au centre de toutes nos activités techniques, de conseil et de renforcement des capacités. Si les droits de l’homme doivent véritablement constituer la base de tous les efforts de lutte contre le terrorisme, tous les programmes des États Membres et le soutien qui leur est apporté devraient être élaborés et mis en œuvre en ayant clairement conscience des risques endémiques liés aux droits de l’homme dans la lutte antiterroriste ; ils devraient s’appuyer sur une évaluation des problèmes spécifiques à chaque domaine du point de vue des droits de l’homme ; et leur conception, leur mise en œuvre et les résultats escomptés devraient intégrer des objectifs et des considérations liés aux droits de l’homme.
En aidant les États à faire face aux problèmes complexes et difficiles qui se posent dans ce domaine – notamment l’utilisation des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle, le rapatriement des combattants étrangers et de leurs familles, et le soutien aux forces de sécurité et aux procureurs – il est essentiel que nous leur montrions les comment les principes des droits de l’homme peuvent leur être bénéfiques.
Notre travail innovant et ambitieux pour renforcer le respect des droits de l’homme par les forces de sécurité de la Force conjointe du G5 Sahel en est un exemple.
Nous pouvons citer comme autre exemple la collaboration avec l’UNICEF, le Bureau contre le terrorisme d’autres organismes pour mettre en place une initiative visant à aider les États à faire en sorte que le rapatriement, la poursuite, la réhabilitation et la réintégration des combattants étrangers et de leur famille soient fondés sur les droits de l’homme. En Afghanistan, en Iraq et ailleurs, nous encourageons la garantie d’une procédure régulière en observant les procès et en collaborant avec les autorités sur des questions liées aux cadres législatifs, à la détention et à la justice.
Il est parfois difficile de persuader des entités étatiques d’ajuster des pratiques qui découlent souvent d’expériences amères. Cela est nécessaire pour mettre un pays sur la voie de la stabilité. Sur ces questions et d’autres points clés, les efforts communs de chacun d’entre nous peuvent être décisifs. Lorsque des experts de la lutte contre le terrorisme et des spécialistes des droits de l’homme agissent ensemble pour défendre les garanties d’une procédure régulière et un état de droit impartial et fondé sur des principes, nous favorisons des mesures antiterroristes plus efficaces – et une plus grande stabilité pour le pays.
Dans de nombreux pays, il est préoccupant de voir que des dispositifs de lutte contre le terrorisme sont utilisés pour nuire au travail des défenseurs des droits de l’homme. C’est un domaine où nous pouvons nous unir pour établir un programme commun concret.
L’appel à l’action du Secrétaire général sur les droits de l’homme que le Secrétaire général adjoint Vladimir Voronkov a mentionné précédemment souligne ce rôle essentiel joué par les droits de l’homme, le droit des réfugiés et le droit humanitaire à l’échelle internationale dans la lutte contre le terrorisme et la prévention des conflits. Je suis impatiente de voir comment le Pacte mondial et ses entités constitutives peuvent contribuer à sa réalisation. L’année à venir sera cruciale, alors que nous nous préparons à l’examen de la Stratégie antiterroriste mondiale, qui avait été reporté. Au moment où nous nous lançons dans cette démarche, nous devons encourager les États Membres à apporter leur soutien politique lors de l’examen et à établir une feuille de route guidant les efforts des États et des Nations Unies centrée sur les droits de l’homme.
Nous devons être en mesure de tirer parti des efforts coordonnés de l’ensemble du système des Nations Unies – et des États Membres. Dans le même temps, nous devons veiller à avancer dans la même direction, à coordonner nos efforts et à ce qu’ils soient complémentaires et non contradictoires. Lorsque le terrorisme et la lutte contre le terrorisme entraînent une polarisation du paysage politique, cela peut causer des effets préjudiciables en aval, notamment des mesures fortement axées sur la sécurité qui ont un impact direct sur les droits de l’homme, la protection des réfugiés, la consolidation de la paix, les efforts humanitaires et de développement. Les répercussions aggravent les mécontentements – et peuvent alimenter le soutien aux groupes terroristes. Nous risquons également de passer à côté de nuances importantes dans notre compréhension des causes des crises, qui pourrait permettre d’apporter une réponse plus efficace et plus complète.
En tant qu’entités du Pacte, nous avons l’importante responsabilité de maintenir une approche complexe mais fondée sur des preuves – en résistant à la tentation de voir le monde sous un angle binaire et simpliste. L’approche la plus efficace devrait éviter de donner une priorité excessive à des mesures importantes mais souvent à court terme et centrées uniquement sur la sécurité, au détriment d’un changement plus profond et à plus long terme qui s’attaque à la gouvernance, à la marginalisation et aux causes profondes. Le premier pilier de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies inclut la marginalisation, la discrimination, l’absence d’état de droit et d’autres violations des droits de l’homme parmi les principales conditions propices au terrorisme et à l’extrémisme violent. Cet accent mis sur la prévention montre clairement que les efforts de lutte contre le terrorisme doivent être complémentaires et au service du programme de prévention plus large du Secrétaire général.
La pandémie de COVID-19 aggrave les défis auxquels sont confrontés tous les dirigeants du monde, et nous tous. Nous avons vu combien il est crucial d’avoir un accès universel à des soins de santé et à une protection sociale abordables. Nous avons vu l’impact mortel des inégalités et de la discrimination raciale et ethnique à l’encontre des personnes d’ascendance africaine, des peuples autochtones, des Dalits et d’autres minorités ethniques.
De nombreux gouvernements réagissent en imposant un contrôle encore plus strict sur les libertés des médias, la liberté d’expression et le droit à la vie privée – en criminalisant la critique et en réduisant considérablement l’espace civique. Ce sont des questions qui nous sont familières dans le contexte de la lutte contre le terrorisme.
Comme nous le savons tous, étouffer la dissidence et restreindre la voix du peuple ne peuvent que pousser les mécontentements dans la clandestinité, où ils vont s’envenimer et se développer.
Une répression accrue, dans un contexte de profonde souffrance exacerbée par une discrimination préexistante, pourrait renforcer la capacité des organisations terroristes à rechercher des recrues et du soutien.
Il s’agit d’un tournant pour de nombreuses sociétés, et il est crucial que nous mettions tout en œuvre pour promouvoir un cadre politique davantage fondé sur des principes – et plus efficace – qui puisse aborder les questions fondamentales et éviter la violence et les conflits.
Comme le Secrétaire général l’a souligné la semaine dernière, « alors que nous nous efforçons de surmonter une crise, une possibilité s’offre à nous d’orienter notre monde vers une voie plus durable ». Je partage également l’analyse qu’il a faite récemment lors de la conférence Nelson Mandela, selon laquelle la pandémie a mis à nu les inégalités et l’injustice qui continuent de sévir dans le monde, l’incapacité à remédier à certaines des séquelles toxiques du passé qui continuent d’exister, afin de bâtir un avenir meilleur. Nous devons nous rallier à la cause en faveur d’un nouveau monde et aider les États Membres à se servir de cette « remise à zéro » due à la pandémie pour s’attaquer à ces questions essentielles.
En tant que membres du Pacte mondial, nous devons réfléchir avec audace et courage à la manière dont notre travail peut mieux soutenir une nouvelle donne mondiale. Nous devons placer la sécurité humaine au centre et nous rallier à un programme de transformation en matière de lutte contre le terrorisme qui aborde ces questions de sécurité sur le long terme. Nous devons veiller à ce que notre travail soit entièrement coordonné, conformément à une vision qui voit toutes les facettes du problème, plutôt que de travailler dans nos domaines d’expertise étroits. Nous devons relever le défi de la période actuelle.
Mes collègues et moi-même sommes impatients de nous engager davantage avec vous tous, afin qu’ensemble, nous puissions faire de ces aspirations une réalité, faire face aux graves crises et conflits de notre temps, en intégrant les droits de l’homme dans toutes les politiques et activités, au service d’un consensus mondial fondé sur l’égalité, la justice et la participation.
Merci.
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