Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme
Le Conseil des Droits de l'Homme se penche sur les situations des droits de l'homme en République Populaire Démocratique de Corée, au Soudan du Sud et en Iran
09 mars 2020
9 mars 2020
Le Sous-Secrétaire général adjoint à la coordination stratégique fait une mise à jour sur le rapport Rosenthal concernant les opérations de l’ONU au Myanmar
Au titre des situations relatives aux droits de l’homme qui requièrent son attention, le Conseil des droits de l’homme a tenu, ce matin, des débats interactifs avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée, M. Tomás Ojea Quintana; avec la Présidente de la Commission sur les droits de l’homme au Soudant du Sud, Mme Yasmin Sooka; et avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran, M. Javaid Rehman.
Le Conseil a également entendu le Sous-Secrétaire général adjoint à la coordination stratégique, au sein du Cabinet du Secrétaire général, M. Volker Türk, faire une mise à jour orale sur la mise en œuvre des recommandations formulées par M. Gert Rosenthal, qui avait été chargé par le Secrétaire général, en décembre 2018, de mener une enquête complète et indépendante sur l'implication des Nations Unies au Myanmar depuis 2010, ce rapport ayant été partagé avec les États Membres en mai 2019.
Le Myanmar est intervenu en tant que pays concerné et de nombreuses délégations** ont fait des déclarations dans le cadre de la discussion qui a suivi la mise à jour de M. Türk.
Présentant son rapport, M. Ojea Quintana a indiqué que ce rapport était consacré en grande partie à la situation des femmes nord-coréennes, qui représentent la majorité des personnes qui s’enfuient du pays et qui, lorsqu’elles émigrent, sont souvent soumises à la torture et aux mauvais traitements en chemin. Les valeurs patriarcales sont encore en vigueur République populaire démocratique de Corée et les femmes y sont sous les ordres des hommes, a ajouté le Rapporteur spécial. Plus généralement, le Rapporteur spécial a mis en garde contre une nouvelle détérioration de la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée en raison de plusieurs facteurs: la faible production agricole en 2019; le resserrement du contrôle aux frontières; la surveillance incessante et les interdictions qui frappent les échanges commerciaux; la menace du COVID-19; ainsi que les répercussions des sanctions imposées au pays. De nombreuses délégations* sont intervenues dans le cadre du dialogue qui a suivi cette présentation.
Présentant son rapport, Mme Sooka a, quant à elle, notamment affirmé que depuis le dernier rapport de la Commission, plus de la moitié de la population sud-soudanaise avait été «délibérément affamée», tandis que les dirigeants pillaient les richesses du pays en commettant des crimes économiques. La corruption a rendu de nombreux officiels extrêmement riches aux dépens de millions de leurs concitoyens affamés, a-t-elle insisté. Ce sont ces mêmes officiels qui se sont battus pour l’indépendance qui, aujourd’hui, transforment ce rêve de libération en cauchemar, a-t-elle déclaré.
Le Soudan du Sud est intervenu en tant que pays concerné et de nombreux orateurs*** ont pris la parole dans le cadre du débat qui a suivi.
Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran a, pour sa part, souligné que la situation en Iran était marquée par les importantes difficultés économiques que connaît le pays actuellement, aggravées par les sanctions qui lui sont imposées. M. Rehman a appelé les auteurs de ces sanctions et la communauté internationale à prendre des mesures pour atténuer leurs conséquences sur la population. Il a ensuite exprimé ses préoccupations s’agissant de la situation des défenseurs des droits de l'homme, militants et avocats iraniens et s’est inquiété que selon les lois iraniennes, les enfants soient passibles de la peine de mort. Évoquant les manifestations populaires de novembre 2019, le Rapporteur spécial a affirmé que les autorités avaient eu recours de manière excessive à la force et a chiffré à 300 le nombre de personnes tuées, dont 20 enfants. Par ailleurs, 7000 personnes arrêtées dans ce contexte seraient encore détenues, a-t-il ajouté.
La République islamique d'Iran a fait une déclaration en tant que pays concerné.
À la requête du Représentant permanent de l’Iran auprès des Nations Unies à Genève, le Conseil a observé une minute de silence à la mémoire des personnes et du personnel médical décédés des suites du COVID-19.
L’Inde, le Brésil, Cuba, la République populaire de Chine, l’Iraq, la République démocratique populaire lao, la Mauritanie, les Philippines et le Pakistan ont exercé le droit de réponse au titre du débat général sur la promotion et la protection de tous les droits de l’homme achevé vendredi dernier.
Cet après-midi, à 15 heures, le Conseil achèvera son débat interactif avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran avant d’entendre une mise à jour de la Commission d’enquête au Burundi.
Les débats de cette quarante-troisième session et l’ensemble des interventions auxquelles ils ont donné lieu peuvent être suivis et réentendus en consultant le site UN Web TV.
Débat interactif avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée
Le Conseil est saisi du rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée (A/HRC/43/58, version préliminaire en anglais).
Présentation du rapport
M. TOMÁS OJEA QUINTANA, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée, a déclaré que son rapport était consacré en grande partie à la situation des femmes nord-coréennes, qui représentent la majorité des personnes qui s’enfuient du pays. Rappelant que le monde a célébré hier la Journée internationale des femmes, le Rapporteur spécial a cité le témoignage d’une Nord-Coréenne contrainte de quitter son pays l’été dernier car, en dépit de ses efforts, sa famille n’arrivait pas à joindre les deux bouts. Les Coréennes qui émigrent, a dit le Rapporteur spécial, sont souvent soumises à la torture et aux mauvais traitements en chemin. À ce propos,le Rapporteur spécial a rappelé aux États qu’ils ne doivent pas renvoyer de personnes dans leur pays d’origine s’ils savent que ces personnes y subiront des mauvais traitements.
Le rapport décrit aussi la vie quotidienne des Nord-Coréennes qui, en raison des graves difficultés économiques, occupent le secteur informel de l’économie, de plus en plus large mais opérant toujours dans une sorte de zone grise. Poussées dans le marché informel (jangmadang), les femmes errent d’une ville à l’autre, sans protection, harcelées par les autorités ou victimes de harcèlement sexuel.
Les valeurs patriarcales sont encore en vigueur République populaire démocratique de Corée et les femmes y sont sous les ordres des hommes, a poursuivi le Rapporteur spécial. Il a relevé la faible présence de femmes dans l’enseignement universitaire: 9,9% seulement. Le Rapporteur spécial a recommandé que le Gouvernement encourage une authentique participation des femmes à la vie publique, comme il s’y était engagé lors de l’examen périodique universel (EPU).
M. Ojea Quintana a aussi fait observer que près de la moitié de la population rurale de la République populaire démocratique de Corée n’a pas d’accès à une eau salubre.
Plus généralement, le Rapporteur spécial a mis en garde contre une nouvelle détérioration de la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée en raison de plusieurs facteurs: la faible production agricole en 2019; le resserrement du contrôle aux frontières; la surveillance incessante et les interdictions qui frappent les échanges commerciaux; la menace du COVID-19; ainsi que les répercussions des sanctions imposées au pays.
Les populations craignent toujours les arrestations et les internements dans des camps politiques où règne l’arbitraire, tandis que le système du songbun perdure, a signalé M. Ojea Quintana, avant d’appeler à la libération des personnes détenues et dont la santé est à risque.
Le Rapporteur spécial a cependant salué les efforts du Gouvernement dans le cadre de la prévention et du traitement du COVID-19, ajoutant que toutes activités dans ce sens doivent être menées dans le plein respect des droits de l’homme. Il a recommandé que le Gouvernement de la République populaire démocratique de Corée autorise un accès complet et sans entrave aux experts médicaux et acteurs humanitaires internationaux et qu’il assouplisse les restrictions à l’accès à l’information.
M. Ojea Quintana a demandé au Conseil de se pencher sur l’impact des sanctions sur les droits économiques et culturels de la population nord-coréenne. Il a suggéré que la Haute-Commissaire aux droits de l’homme envisage une visite en République populaire démocratique de Corée. Enfin, le Rapporteur spécial a recommandé une reprise des discussions avec la République de Corée sur la question des familles séparées.
Aperçu du débat
De nombreuses délégations se sont montrées inquiètes des violations des droits de l’homme commises en République populaire démocratique de Corée, notamment les arrestations arbitraires et les exécutions extrajudiciaires qui pourraient – selon certains intervenants – s’apparenter à des crimes contre l’humanité. Des délégations ont appelé à ce que les crimes commis en République populaire démocratique de Corée soient traduits devant la Cour pénale internationale.
Plusieurs délégations et organisations non gouvernementales se sont réjouies que le Rapporteur spécial se soit focalisé, dans son rapport, sur les femmes. Les intervenants se sont dits inquiets des violences sexuelles subies par les femmes nord-coréennes.
Une délégation a dénoncé le manque d’information sur le sort et le lieu où se trouvent de nombreux étrangers victimes d’enlèvement par la République populaire démocratique de Corée.
Quelques délégations ont regretté que la République populaire démocratique de Corée donne la priorité au développement de son arsenal nucléaire au détriment du bien-être de sa population et des droits de l’homme.
Plusieurs pays se sont dits inquiets que le coronavirus puisse s’étendre dans le pays en raison de son système de soins de santé défaillant.
Plusieurs délégations ont appelé à ce que la République populaire démocratique de Corée autorise la venue du Rapporteur spécial et coopère avec lui. Une organisation non gouvernementale a souhaité qu’à l’avenir, les Rapporteurs spéciaux de pays aient pour mandat d’enquêter sur les violations des droits de l’homme et de transmettre leurs dossiers à la justice internationale.
Mais d’autres délégations ont dénoncé la création, par le Conseil, de mandats sélectifs qui répondent à des intérêts politiques: elles ont cité le mandat du Rapporteur spécial en exemple. Le débat de ce matin, ont-elles estimé, est une preuve de la discrimination qui continue à prévaloir au sein du Conseil. La coopération et la dialogue sont la voie la plus efficace pour la promotion et la protection des droits de l’homme pour tous, a-t-il été soutenu. Une délégation a déclaré que la situation en République populaire démocratique de Corée était principalement due aux sanctions internationales, qui ont des répercussions dans le domaine de l’accès à la santé, en particulier.
Remarques et conclusion du Rapporteur spécial
M. OJEA QUINTANA a déclaré que, pour la République populaire démocratique de Corée, le moment était venu de s’ouvrir aux mécanismes des Nations Unies. Il a regretté que la délégation du pays ne soit pas dans la salle: sa participation serait importante et son point de vue pourrait figurer dans le rapport, a insisté le Rapporteur spécial. Il a recommandé d’aider le Gouvernement de la République populaire démocratique de Corée à s’ouvrir au monde extérieur.
Quant aux parties qui participent aux négociations, elles doivent mettre les droits de l’homme au cœur des discussions, a insisté M. Ojea Quintana. Le Rapporteur spécial a demandé, par ailleurs, que les auteurs de violations massives des droits de l’homme soient tenus de rendre des comptes, en relevant que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme avait un rôle très important à jouer dans ce domaine.
*Liste des intervenants: Union européenne, Pays-Bas, Suisse, Australie, Cuba, Japon, France, République tchèque, Irlande, Myanmar, République populaire démocratique Lao, Grèce, Fédération de Russie, Syrie, République de Corée, Iran, Espagne, Venezuela, Chine, Norvège, Royaume-Uni, Islande, Belarus, Cambodge, Viet Nam, Arménie, Îles Marshall, Ingénieurs du monde, Human Rights Watch, Christian Solidarity Worldwide, United Nations Watch, International Society for Human Rights, et Center for Global Nonkilling.
Examen du compte rendu du Secrétaire général sur l'examen des opérations de l'ONU au Myanmar entre 2010 et 2018
Compte rendu oral
M. VOLKER TÜRK, Sous-Secrétaire général adjoint à la coordination stratégique, au sein du Cabinet du Secrétaire général, a rappelé que la mise à jour orale qu'il fait aujourd'hui porte sur la mise en œuvre des recommandations formulées par M. Gert Rosenthal, qui avait été chargé par le Secrétaire général, en décembre 2018, de mener une enquête complète et indépendante sur l'implication des Nations Unies au Myanmar depuis 2010. Ce rapport avait été partagé avec les États Membres en mai 2019.
Alors que ce rapport examine particulièrement le cas du Myanmar, ses analyses portent aussi sur les défis structurels et systémiques des Nations Unies en tant que système. Elles visent à contribuer à une plus grande cohérence dans l'action des Nations Unies. Elles montrent aussi le besoin d'un plus grand engagement des Nations Unies avec les États Membres dans des situations critiques, tout en soulignant la nécessité d'une meilleure coordination dans les structures internes de prise de décision.
Les recommandations de M. Rosenthal ont été traduites en de nombreuses mesures concrètes visant à renforcer le système des Nations Unies. Ces mesures ont reçu un élan supplémentaire avec l'Appel à l'action en faveur des droits de l'homme lancé à Genève il y a deux semaines par le Secrétaire général lui-même. Ces deux processus -- le rapport Rosenthal et l'appel du Secrétaire général -- se complètent et visent le même objectif, à savoir mettre la dignité humaine au centre des efforts des Nations Unies. Ils reconnaissent aussi que partout où une action est requise, il faut qu'elle soit cohérente, coordonnée et axée sur les droits de l'homme, avec pour but de protéger les individus et les communautés.
De ce fait, la mise en œuvre des recommandations fait partie intégrante de l'Appel à l'action pour les droits de l'homme. Elle inclut des mesures qui favorisent un engagement effectif avec le Conseil de sécurité, la mise en place de programmes de protection des individus et communautés. La mise en œuvre des recommandations de M. Rosenthal vise aussi à développer des mécanismes pour tenir informés tous les titulaires de mandats des Nations Unies de tout risque visant les droits de l'homme. La prévention des crises devient ainsi une stratégie à part entière qui mobilise tout le système des Nations Unies, a résumé M. Türk.
Pays concerné
Le Myanmar a pris note de la mise à jour sur l'implication des Nations Unies au Myanmar. Soulignant que les rapports de l'ONU devraient être factuels, impartiaux et équilibrés, le Myanmar insiste pour qu'il repose sur des sources multiples, y compris en provenance du pays concerné. Il a ainsi relevé qu'au paragraphe 9, le rapport indique que 3 postes de police des frontières ont été attaqués par l'ARSA, alors que ce sont au total 30 postes et un quartier général d'un bataillon militaire qui ont été attaqués. Cette information est largement mise à la disposition du public et le Myanmar souligne que des données incorrectes peuvent avoir un impact sur les attaques terroristes. Il a en outre déploré de ne voir dans le rapport présenté aucune information publique communiquée par le Myanmar.
D'autre part, le Myanmar souligne que le rôle principal des équipes et institutions opérant dans un pays consiste à mener des activités appuyant le développement de ce pays, conformément aux objectifs et aux priorités nationales du gouvernement concerné, et à sa demande. Partant, l'approche adoptée doit répondre aux demandes du pays, en consultation avec celui-ci et avec le consentement du gouvernement. Le Myanmar estime en outre que le coordonnateur-résident doit agir en toute impartialité et superviser le travail des représentants de l'ONU sur place. Le Myanmar rappelle l'importance de la confiance mutuelle qui ne saurait exister sans une bonne coordination et coopération, loin de toute approche de confrontation, et appelé à la transparence et à l'ouverture. Il déplore par ailleurs le «blocage» auquel s'est heurté le gouvernement lorsqu'il a cherché à mettre en place, avec une organisation non gouvernementale, un système d'alerte précoce sur la situation dans l'État Rakhine. Le Myanmar rappelle enfin le principe selon lequel l'assistance doit être «axée sur les besoins et non sur les bailleurs de fonds».
Aperçu du débat
Plusieurs délégations ont salué le rapport du Secrétaire général et, d’une manière générale, le rôle des bureaux du Haut-Commissariat dans les pays. D’autres délégations ont demandé la mise en œuvre intégrale et immédiate des recommandations figurant dans le rapport.
Ont été dénoncées les violations flagrantes des droits de l’homme au Myanmar, notamment à l’encontre des Rohingya, un intervenant disant constater l’échec du système des Nations Unies à soutenir cette population. Plusieurs délégations de pays et représentants d’organisations non gouvernementales ont regretté que les Nations Unies ne soient pas parvenues à prévenir le génocide des Rohingya malgré les nombreux signaux d’alerte.
L’impunité alimente ces violations des droits de l'homme, a-t-il été souligné, une délégation déplorant que les auteurs des violations soient toujours protégés par les autorités du Myanmar.
Il faut promouvoir un dialogue direct entre le Myanmar et le Bangladesh s’agissant de la question du retour des personnes déplacées, ont plaidé plusieurs délégations. Cette question sera résolue grâce à l’implication des organisations régionales, notamment de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE), a-t-il été affirmé.
Une délégation a relevé que le Myanmar avait maintenant un Gouvernement civil, ce qui – a-t-elle affirmé – a permis une amélioration des droits de l’homme dans le pays. La communauté internationale doit adopter une approche impartiale de la question des droits de l’homme au Myanmar afin de trouver une solution au lieu d’envenimer la situation, a-t-il également été déclaré.
Remarques et conclusion du Sous-Secrétaire général adjoint
M. TÜRK a mis l’accent sur l’Appel à l’action lancé en faveur des droits de l'homme par le Secrétaire général à l’ouverture de la présente session du Conseil. Il a ensuite mentionné les trois séries de recommandations du rapport Rosenthal pour voir dans quelle mesure les efforts de réforme du Secrétaire général correspondent auxdites recommandations.
S’agissant de la prise de décisions, il a expliqué que les procédures ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre et qu’il convient, dès lors, de s’attacher à une analyse intégrée de la situation de chaque pays, avec une planification en vue d’une amélioration au niveau des équipes de pays sur le terrain.
La perspective relative aux droits de l’homme devrait aussi être intégrée aux questions de développement, a souligné M. Türk, expliquant ensuite que le Secrétaire général a souhaité un changement de mentalité à l’échelle du système onusien afin de mieux intégrer les droits de l’homme, notamment au niveau du recrutement. Ces questions sont du reste énoncées dans le rapport Rosenthal.
L’Appel à l’action du Secrétaire général est une vision intégrée et globale des droits de l’homme, a insisté le Sous-Secrétaire général adjoint. Une stratégie impliquant les coordonnateurs et le personnel sur le terrain est en passe d’être transmise à tous les bureaux sur le terrain.
**Liste des intervenants: Union européenne, Suède (au nom d’un groupe de pays), Pakistan (au nom de l’Organisation de la coopération islamique), Pays-Bas, Fédération de Russie, Venezuela, Chine, Royaume-Uni, Bangladesh, Malaisie, Arménie, Philippines, Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement, Human Rights Watch, Commission internationale de juristes, Amnesty International, et Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Débat interactif avec la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud établie par le Conseil des droits de l’homme
Présentation du rapport
Le Conseil est saisi du quatrième rapport de la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud (A/HRC/43/56)
MME YASMIN SOOKA, Présidente de la Commission sur les droits de l’homme au Soudant du Sud, a affirmé que depuis le dernier rapport de la Commission, plus de la moitié de la population sud-soudanaise avait été «délibérément affamée», tandis que les dirigeants pillaient les richesses du pays en commettant des crimes économiques. La corruption a rendu de nombreux officiels extrêmement riches aux dépens de millions de leurs concitoyens affamés, a-t-elle insisté. Ce sont ces mêmes officiels qui se sont battus pour l’indépendance qui, aujourd’hui, transforment ce rêve de libération en cauchemar, a-t-elle déclaré, ajoutant qu’alors que la communauté internationale est contrainte d’apporter une aide humanitaire au Soudan du Sud, plusieurs dirigeants ont volé des dizaines de millions de dollars des réserves du Gouvernement alors que ces sommes auraient pu servir à nourrir leur propre population. Ce sont-là des arguments dont devraient se saisir la communauté internationale et les organisations régionales pour demander des comptes au pénal aux dirigeants, a estimé MmeSooka.
La Présidente de la Commission a ensuite rappelé que l’économie du Soudan du Sud repose essentiellement sur le pétrole, qui fournit à lui seul 73% des revenus du pays. De plus, le détournement de fonds est rendu facile par la prédominance des liquidités dans l’économie, couplée au népotisme dans la nomination des hauts fonctionnaires et autres officiels. Les élites militaires et administratives accaparent l’essentiel des dépenses avec très peu de transparence, a insisté MmeSooka. La Commission a pu ainsi dévoiler de nombreux cas de détournements - y compris concernant les budgets alloués aux programmes de santé-, ainsi que des cas de corruption et de blanchiment d’argent. Plusieurs de ces cas impliquent aussi des entreprises qui sont aujourd’hui visées par des sanctions de la part des Etats-Unis.
La Commission a par exemple obtenu des documents qui montrent qu’alors que 98% des revenus du pétrole sont censés être versés aux caisses de l’État, en septembre 2019, seuls 42% y ont été déposés, a poursuivi MmeSooka; et en octobre et novembre suivants, seulement 20% des revenus non pétroliers étaient versés dans les caisses de l’État. Depuis lors, les autorités ont annoncé qu’elles ne publieraient plus de telles données concernant les revenus du pays, rendant de fait toute reddition de comptes impossible, a déploré MmeSooka.
La Présidente de la Commission a ensuite souligné que les retards pris dans la mise en œuvre de l’Accord revitalisé sur la résolution du conflit avaient permis la poursuite des violations des droits de l’homme, notamment le recrutement forcé d’enfants. En juillet 2019, l’UNICEF a estimé qu’il y avait encore 19000 enfants dans les rangs de l’armée nationale et des groupes de l’opposition armée. Quant à la violence sexuelle, elle se poursuit également. La Commission a documenté qu’en novembre 2018, à Bentiu, dans le nord de l’État d’Unité, plus de 170 femmes ont été violées à plusieurs reprises par des hommes en groupe, alors qu’elles allaient à la distribution mensuelle de l’aide alimentaire. On trouvait parmi les victimes des filles de moins de 12 ans. La Commission a également été informée qu’à Yambio, dans l’État de l’Équateur occidental, un groupe de filles et de femmes était illégalement détenu par l’Armée populaire de libération du Soudan-Unifiée (opposition); la Commission détient des témoignages d’esclavage sexuel, de viols ou encore de mariages forcés, a précisé MmeSooka.
Pour toute ces raisons, et pour d’autres – y compris les violences à l’encontre des journalistes et de la société civile en général –, la Commission estime qu’il n’y pas de raisons de justifier davantage l’établissement de la cour hybride. Elle appelle donc l’Union africaine et les nouvelles autorités à mettre en place au plus vite cette cour, qui sert de mécanisme de justice transitionnelle. Pour les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis dans le pays, elle appelle également d’autres États, et en particulier les parties aux instruments internationaux relatifs à la torture, à la disparition forcée et à la sécurité des personnels des Nations Unies, à recourir à la juridiction universelle pour juger les auteurs de ces crimes, a conclu la Présidente.
Pays concerné
Le Soudan du Sud a déclaré que son Gouvernement avait pris note du rapport de la Commission et a assuré qu’il avait tout fait pour permettre l’accès à l’aide humanitaire dans les zones du pays touchées. Il n’y a pas eu d’entraves de la part des autorités, a insisté la délégation sud-soudanaise.
Le Gouvernement ne censure pas les médias, ni la liberté d’expression: il y a plus de 150 médias enregistrés dans le pays et aucun journaliste n’est détenu, a poursuivi la délégation.
Le Gouvernement a adopté un plan d’action national sur la violence à caractère sexiste et des tribunaux spéciaux pour les crimes de genre et les crimes contre les enfants ont été créés dans ce cadre, a en outre fait valoir la délégation. Des mesures ont été aussi été prises pour lutter contre l’enrôlement d’enfants dans les forces armées et les enfants concernés par ces pratiques ont été maintenant libérés et remis à leur famille, a ajouté la délégation.
Le Gouvernement a également pris des mesures pour restaurer l’autorité administrative sur l’ensemble du territoire et il est en train de redoubler d’efforts pour finaliser un accord de paix inclusif et durable dans tout le pays, a expliqué la délégation.
Aperçu du débat
Les violences sexuelles et sexistes massives, la violence endémique, le recrutement forcé d'enfants y compris par les forces gouvernementales, le silence imposé à la société civile, ainsi que la reprise des conflits localisés ont été parmi les questions les plus préoccupantes mentionnées au cours du débat interactif. Les progrès dans la formation d'un gouvernement d'union nationale de transition ont été salués, avec toutefois des appels aux groupes d'opposition qui n'ont pas rejoint les négociations de le faire, afin que l'Accord de paix revitalisé puisse être appliqué, y compris son chapitre V sur les mécanismes de justice transitionnelle et l'établissement d'un tribunal hybride, en lien avec l'Union africaine, en vue d'établir les responsabilités. Le rôle premier des organisations régionales pour trouver des «solutions africaines aux problèmes africains» a également été souligné. Il n'y aura pas de paix durable sans justice, a-t-il encore été souligné. À cet égard, les intervenants ont salué l'appel du Président Salva Kiir Mayardit au pardon et à la réconciliation nationale, comme a été soulignée la nécessité d'une réelle volonté politique pour jeter de véritables bases pour une paix et une stabilité durables.
Plus de la moitié de la population se trouvant dans une situation d'insécurité alimentaire, les intervenants ont vivement condamné les agissements de certains groupes armés, qui affament intentionnellement les civils. Il a été demandé à toutes les parties de s'abstenir d'utiliser la faim comme arme de guerre.
La situation humanitaire de 1,4 million de personnes déplacées, principalement des femmes et des enfants, a également été présentée comme un motif d'inquiétude. La corruption dans la gestion des deniers publics, qui conduit à un manque de services sociaux et économiques de base, a été aussi signalé comme faisant partie des terreaux d'un nouveau cycle de violence et de violations des droits.
Plusieurs membres du Conseil ont proposé le renouvellement du mandat de la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud.
Les organisations non gouvernementales ont pour leur part exhorté le Conseil à suivre de près la situation au Soudan du Sud car les échauffourées se poursuivent. Le gouvernement et les factions ont tous commis des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, d'où l'importance de la lutte contre l'impunité. La peur et l'autocensure règnent au Soudan du Sud, a-t-il aussi été souligné.
Les ONG ont également dénoncé le fait que les dispositions de l'Accord de paix n'avaient pas été appliquées. Le Conseil a été invité à transmettre un message clair dans le cadre de la résolution qu'il doit adopter sur cette situation. Il a été rappelé que dix journalistes ont été tués au Soudan du Sud sans qu'aucune enquête ne soit menée. Le meurtre, le 26 août 2017, de Christopher Allen, qui travaillait pour le compte des Nations Unies au Soudan du Sud, a été évoqué à plusieurs reprises.
Remarques et conclusion des membres de la Commission
M. BARNEY BAFAKO, membre de la Commission sur les droits de l'homme au Soudant du Sud, a salué le fait qu'il y avait une tentative au Soudan du Sud de mettre en place un gouvernement d'unité qui pourra mettre en œuvre des mécanismes de réparation aux victimes. Le mandat de la Commission met l'accent sur la prévention et son rapport se concentre ainsi sur un ensemble de domaines, comme par exemple les crimes économiques, qui exacerbent le conflit. Il faut que les dirigeants du pays veillent à ce que les responsables de violations des droits de l'homme rendent des comptes, a-t-il insisté.
M. ANDREW CLAPHAM, également membre de la Commission, a déclaré qu'il fallait établir un calendrier pour les tribunaux hybrides ainsi que pour l'instance qui chargée des réparations. La Commission a suggéré qu'1% des revenus du pétrole servent aux réparations pour les victimes, a rappelé M. Clapham.
MME SOOKA, Présidente de la Commission, a déclaré que le Soudan du Sud était aujourd'hui en capacité d'assurer une paix durable dans le pays. Le gouvernement doit respecter le calendrier pour mettre en œuvre la législation nécessaire afin d'assurer que les responsables soient poursuivis. Il faut aussi que les journalistes puissent travailler à l'abri de toute pression. Au Soudan du Sud, il s'agit, plus qu'une question d'assistance technique, d'une question de volonté politique, a estimé la Présidente de la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud.
***Liste des intervenants: Union européenne, Allemagne, Australie, Suisse, Liechtenstein, France, Sierra Leone, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Soudan, Irlande, Fédération de Russie, Espagne, Albanie, République populaire de Chine, Belgique, Royaume-Uni, Ethiopie, Norvège (au nom d'un groupe de pays), East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project, Reporters Sans Frontières, Fédération internationale des journalistes, Amnesty International, Human Rights Watch, Commission internationale des juristes, et Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme.
Débat interactif avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran
Le Conseil est saisi du rapport du Rapporteur sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran (A/HRC/43/61), soumis en application de la résolution 74/167 de l'Assemblée générale.
Présentation du rapport
M. JAVAID REHMAN, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran, a commencé par remercier le Gouvernement et la délégation de la République islamique d'Iran pour leur coopération. Il a aussi remercié les victimes et les personnes qui lui ont fourni les témoignages et les informations nécessaires à la rédaction de son rapport.
Le Rapporteur spécial a ensuite souligné que la situation en Iran était marquée par les importantes difficultés économiques que connaît le pays actuellement, aggravées par les sanctions qui lui sont imposées. Cette situation a des conséquences majeures sur les droits économiques et sociaux, rendant notamment difficile l'approvisionnement en médicaments et équipements médicaux, encourageant l'inflation et donc la corruption, a dit le Rapporteur spécial. À cet égard, M. Rehman a appelé les auteurs de ces sanctions et la communauté internationale dans son ensemble à prendre des mesures pour atténuer leurs conséquences sur la population.
M. Rehman a également exprimé ses préoccupations en ce qui concerne la situation des défenseurs des droits de l'homme, militants et avocats iraniens, qui sont arrêtés et privés de soins, selon les informations reçues par le Rapporteur spécial.
Le Rapporteur spécial s'est également dit préoccupé par le fait que, selon les lois iraniennes, les enfants peuvent être passibles de la peine de mort en Iran. Selon les informations, 17 garçons ont été exécutés en avril 2019 et plus de 100 autres se trouveraient dans les couloirs de la mort. Il prend cependant note que le nombre d'exécutions dans le pays est sensiblement moindre qu'en 2017 en raison des amendements apportées à la loi sur le trafic de drogue, appelant toutefois les autorités à commuer les peines et à introduire un moratoire sur la peine de mort.
Le Rapporteur spécial continue de recevoir des informations concernant la détention arbitraire de personnes ayant une double nationalité. Ainsi une personne détenant les nationalités iranienne, américaine et britannique, M. Morad Tahbaz a été condamné à 10 ans de prison, en dépit du manque de preuve sur les activités d'espionnage dont il est accusé. Le Rapporteur spécial reçoit aussi régulièrement des informations sur la situation des minorités ethniques et religieuses, alors qu'un projet de loi prévoit de criminaliser l'appartenance à certains groupes ethniques et religieux.
Le rapport de M. Rehman porte en outre sur les conditions de détention et le droit à un procès équitable en Iran. Ces questions revêtent une importance particulière suite aux arrestations qui ont accompagné les manifestations populaires de novembre 2019. Les autorités ont eu un recours excessif à la force, a-t-il dit, chiffrant à 300 le nombre de personnes tuées, dont 20 enfants. Par ailleurs, 7000 personnes arrêtées dans ce contexte seraient encore détenues, a-t-il encore chiffré, appelant les autorités iraniennes à ouvrir des enquêtes sur ces événements.
Pays concerné
La République islamique d'Iran, après avoir demandé une minute de silence pour les victimes du coronavirus, a souligné qu'alors même que le Gouvernement iranien déploie tous ses efforts pour lutter contre la COVID-19 dans le pays, les États-Unis continuent à imposer des sanctions qui ont des répercussions sur les droits de l'homme de la population.
La délégation a par ailleurs dénoncé l'assassinat du général Qassem Soleimani, qui avait œuvré à lutter contre les terroristes de l'État islamique. L'Iran estime par ailleurs que les États qui ont fait voter la résolution sur l'Iran n'avaient pas la légitimité nécessaire. Il n'y a aucune raison de prendre en compte un rapport qui n'est qu'une mise à jour rituelle visant à stigmatiser l'Iran, a poursuivi la délégation. Ce mandat est politisé et le rapport ne met pas en lumière les défis relevés par l'Iran dans le domaine des droits de l'homme. Le code de conduite du Conseil s'agissant des mandats de ses titulaires de procédures spéciales n'est pas respecté dans l'élaboration du rapport, qui ne retient que des discours négatifs, des faits déformés et des interprétations erronées des lois et pratiques du pays. Ce rapport n'apporte aucune valeur ajoutée à la promotion des droits de l'homme dans le pays. Tous les pays doivent travailler ensemble pour la promotion et la protection des droits de l'homme. C'est pourquoi l'Iran apporte son soutien au mécanisme de l'Examen périodique universel depuis ses débuts. La République islamique d'Iran communique également activement avec les procédures spéciales thématiques des Nations Unies. La résolution et le mandat de Rapporteur spécial ne font qu'accumuler les clichés et les stéréotypes négatifs contre l'Iran, a conclu sa délégation.
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