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Déclarations Conseil des droits de l’homme

Le conseil débat des obligations relatives aux droits de l'homme se rapportant aux moyens de bénéficier d'un environnement sûr, propre, sain et durable

02 mars 2020

2 March 2020

Il entend également la présentation du rapport de l’Expert indépendant sur la dette extérieure et les droits de l’homme

Ce matin, le Conseil des droits de l'homme a tenu un débat interactif avec le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’environnement, M. David R. Boyd. Le Conseil a ensuite entendu la présentation du rapport de l’Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure sur les droits de l’homme, M. Juan Pablo Bohoslavsky.

Présentant son rapport, M. Boyd a souligné que le dioxyde de carbone dans le monde avait atteint un de ses niveaux les plus élevés depuis plus de trois millions d’années. Il a ajouté que l’année 2019 avait été la deuxième année la plus chaude et que la température des océans avait, elle aussi, atteint de nouveaux records. Il a par ailleurs relevé que la pollution tuait neuf millions de personnes chaque année, y compris des centaines de milliers d’enfants âgés de moins de cinq ans. Il a ensuite présenté une série de « bonnes pratiques » émanant de différents pays, avant de rendre compte des visites qu’il a effectuées aux Fidji et en Norvège. Les délégations de ces deux pays, ainsi que l’institution nationale des droits de l’homme de la Norvège, ont fait des déclarations, avant que ne s’engage le débat interactif au cours duquel de très nombreux intervenants* ont pris la parole.

Présentant son rapport, M. Bohoslavsky a souligné que l’endettement des particuliers et des ménages, résultant des activités de différents acteurs des secteurs formel ou informel du crédit, a des incidences sur les droits de l’homme. Il a expliqué que la croissance de la dette privée tient, d’un côté, à l’offre multiple de financement, soutenue par la déréglementation et la financiarisation croissante et, d’un autre côté, à la reconfiguration d’un certain nombre de besoins humains de reproduction sociale qui deviennent des « besoins financiers inassouvis », parallèlement à l’échec flagrant des États à garantir les droits économiques, sociaux et culturels pour tous.

Dans son rapport, l’Expert indépendant s’est penché en particulier sur les conséquences des dettes sur la santé, l’éducation et le logement ; sur les pratiques abusives de recouvrement (de la dette), notamment la criminalisation des emprunteurs ; sur l’endettement des consommateurs ; et sur l’endettement lié à la migration, ainsi que sur la servitude pour dette.

M. Bohoslavsky a ensuite rendu compte des visites qu’il a effectuées en mai dernier en Bolivie et du 2 au 11 septembre dernier en Mongolie.

À 15 heures, cet après-midi, le Conseil doit poursuivre son débat interactif avec M. Bohoslavsky, avant d’entamer un nouveau débat interactif avec le Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction.

The meetings of the forty-third regular session of the Human Rights Council can be followed on the webcast of UN Web TV.

Débat interactif avec le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’environnement

Présentation des rapports

Le Conseil est saisi du rapport du Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’environnement (A/HRC/43/53) et sur ses visites aux Fidji (A/HRC/43/53/Add.1) et en Norvège (A/HRC.43/53/Add.2).

M. DAVID BOYD, Rapporteur spécial chargé d’examiner la question des obligations relatives aux droits de l’homme se rapportant aux moyens de bénéficier d’un environnement sûr, propre, sain et durable, a déclaré que le dioxyde de carbone dans le monde avait atteint un de ses niveaux les plus élevés depuis plus de trois millions d’années, que l’année 2019 avait été la deuxième année la plus chaude et que la température des océans avait, elle aussi, atteint de nouveaux records. Il a par ailleurs relevé que la pollution tuait neuf millions de personnes chaque année, y compris des centaines de milliers d’enfants âgés de cinq ans ou moins.

M. Boyd a ensuite présenté plusieurs « bonnes pratiques », prises par différents pays, en matière de droit à un environnement sûr. Il a ainsi cité la publication par l’Observatoire national de l’environnement de l’Uruguay de données sur l’environnement et la possibilité pour la population uruguayenne de soumettre ses observations au Gouvernement dans ce domaine. Le Rapporteur spécial a aussi mentionné les exemples de la Finlande et de la Norvège, qui ont créé des mécanismes formels pour impliquer les jeunes et les enfants dans les processus de décision sur le climat et l’environnement. M. Boyd a enfin relevé que la France était le premier État à avoir complètement interdit les pesticides qui tuent les abeilles.

Le Rapporteur spécial a ensuite rendu compte de ses deux visites de travail aux Fidji et en Norvège. S’agissant des Fidji, le Rapporteur spécial a souligné que ce pays faisait des efforts pour protéger et restaurer l’environnement, notamment par l’introduction d’une taxe environnementale et l’adoption d’un plan de décarbonisation à long terme. Cependant, M. Boyd a relevé que les Fidji souffrent des changements climatiques qui ont comme conséquences des violations des droits de l’homme.

S’agissant de la Norvège, M. Boyd a indiqué que ce pays était un véritable leader dans nombre de questions environnementales, de l’électricité verte à la préservation des forêts tropicales. Mais le Rapporteur spécial a aussi constaté que, paradoxalement, une grande partie de la richesse qui permet le leadership norvégien provient des exportations de pétrole et de gaz, ce qui signifie que la Norvège contribue de manière disproportionnée au changement climatique.

L’expert a, d’autre part, déploré les effets négatifs des changements climatiques et du développement industriel sur l’élevage des rennes, qui est le cœur de la culture et de l’économie de la communauté sâme en Norvège.

Pays concernés

Les Fidji ont déclaré être un chef de file mondial dans la lutte contre le changement climatique et dans la promotion du droit à un environnement propre et sain – un droit qui est inscrit à l'article 40 de la Constitution fidjienne. Le pays s’est par ailleurs engagé à défendre la reconnaissance mondiale du droit universel à un environnement sûr et sain.

Les Fidji ont noté les préoccupations exprimées concernant l'expertise technique, les ressources humaines et la capacité financière nécessaires pour réaliser les ambitieux objectifs environnementaux de l’archipel. La délégation fidjienne a souligné que le Rapporteur spécial observe dans son rapport que la population autochtone possède plus de 90% de la superficie des Fidji et qu’elle joue un rôle important dans la gestion des côtes et de la mer grâce au système foncier traditionnel et coutumier de cette population.

Les Fidji ont adopté plusieurs mesures environnementales importantes, notamment en plafonnant les licences hauturières et en imposant des interdictions saisonnières à la pêche maritime. Le pays place également l'éducation du public concernant l'environnement et le climat comme l'une de ses principales priorités dans tous les secteurs.

La Norvège a déclaré que la réalisation des droits de l'homme n'est pas seulement une fin en soi ; c'est aussi une condition préalable à la sauvegarde du climat et de l'environnement, qui doivent à leur tour être sauvegardés pour la réalisation des droits de l'homme. La résolution de ces problèmes figure parmi les principales priorités de la Norvège.

S’agissant des commentaires du Rapporteur spécial sur le paradoxe norvégien – qui consiste à être un leader dans la lutte contre le changement climatique mondial en même temps qu’un important producteur de pétrole et de gaz –, la délégation norvégienne a notamment expliqué que la Norvège applique depuis plusieurs décennies des mesures énergiques pour réduire les émissions de l'industrie norvégienne du pétrole et du gaz. Afin d'atteindre les objectifs fixés dans l'Accord de Paris, il est essentiel de prendre des mesures qui contribueront à réduire au fil du temps la demande de combustibles fossiles et qui, pour cela, nécessiteront de passer de la production d'énergies fossiles à la production d’énergies renouvelables, ce qui affectera l'industrie pétrolière et gazière de la Norvège, a indiqué la délégation norvégienne.

Intervenant par vidéotransmission, la Commission nationale des droits de l’homme de la Norvège a salué l’approche équilibrée adoptée lors de la visite de M. Boyd et s’est dite impressionnée par la qualité du rapport détaillé publié par le Rapporteur spécial. La Commission a annoncé qu’elle organiserait un séminaire sur la question de l’environnement sain. Elle a appuyé la recommandation contenue au paragraphe 95 du rapport du Rapporteur spécial, ainsi que les droits des populations samies. Le changement climatique est le défi le plus fondamental de notre temps, a-t-elle conclu.

Aperçu du débat

L’échange avec M. Boyd, auquel ont participé plus de 70 délégations, a mis l’accent sur l’urgence que soulève la question de la dégradation de l’environnement et de la biodiversité, laquelle devient de plus en plus une source de graves violations des droits de l’homme liés à la vie, à la santé, à l’alimentation et à un logement convenable. Dans ce contexte, de nombreux intervenants ont insisté sur l’importance de la prévention, de la transition vers des énergies renouvelables, de l’interdiction des sacs en plastique à usage unique et de la mise en place de voies de recours pour tout dommage à l’environnement ou en cas d’impact pour les individus. Sur ce dernier point, a été rappelée l’existence de la Convention d’Aarhus relative à l’accès à l’information et à la participation aux prises de décision et à l’accès à la justice en matière d’environnement a également été invoquée.

D’aucuns ont appelé de leur vœu le renforcement et la clarification des grands principes du droit international relatif à l’environnement dans un document qui serait ratifié par le plus grand nombre de pays au plus haut niveau.

Toutes ces questions exigent des mesures audacieuses et concertées partout dans le monde, a-t-il été souligné. Les États ont été appelés à renforcer la diffusion des connaissances grâce à l’éducation à l’environnement. Attirant l’attention sur l’appel croissant des enfants et des jeunes en faveur d’une action immédiate en matière de lutte contre le changement climatique, plusieurs intervenants ont insisté sur la nécessaire reconnaissance de leur rôle en tant qu’agents de changement et sur la nécessité urgente de leur garantir le droit à l’accès à l’information et à la participation.

Ont par ailleurs été rappelées l’existence de la Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles et l’inscription du droit à un environnement sain dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Plus récemment, a-t-il été souligné, le continent a mis en œuvre le projet de la Grande muraille verte pour restaurer les terres dégradées de la région du Sahel, ou encore le Mouvement ceinture verte au Kenya pour les plants d’arbres, cette dernière initiative ayant bénéficié d’une reconnaissance mondiale.

L’attention a également été attirée sur les effets du changement climatique sur les petits États insulaires en développement.

Ont en outre été soulignées la résolution 73/284 de l’Assemblée générale proclamant la période 2021-2030 comme Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes, ainsi que celle proclamant la Journée internationale du ciel bleu.

Certains pays, en proie à la guerre, ont attiré l’attention sur la nécessité de prévenir la pollution par les armes et munitions. D’autres intervenants ont estimé qu’il était nécessaire d’analyser davantage la menace posée par les substances toxiques sur nombre de droits de l’homme.

Une délégation a fait écho aux préoccupations du Rapporteur spécial concernant l’augmentation du nombre d’enfants exposés à un environnement préjudiciable : plus de 1,7 million d’enfants de moins de 5 ans meurent chaque année des suites des impacts écologiques évitables ; et des millions d’autres souffrent de maladies et de handicap et d’autres formes d’affections aux conséquences durables.

Réponses et conclusion du Rapporteur spécial

M. BOYD a déclaré qu’il fallait réfléchir à un mécanisme qui permette le financement des pertes et dommages dus au changement climatique, en particulier pour les pays les moins avancés ou pour les petits États insulaires en développement.

Pour ce qui est des produits chimiques, le Rapporteur spécial a souligné qu’en guise de bonne pratique, aucun pays ne devrait exporter des pesticides qui sont interdits sur son propre territoire. M. Boyd s’est en outre réjoui des mesures prises par certains États, parmi lesquels le Costa Rica, aux fins de la reforestation de leur territoire. Le Rapporteur spécial a insisté sur l’importance que revêt le partage des bonnes pratiques entre les États, notamment via les organismes régionaux.

Il faut que le Conseil des droits de l'homme et l’Assemblée générale adoptent une résolution sur le droit de vivre dans un environnement sain qui aurait un rôle fondamental à jouer pour inciter les États à prendre davantage de mesures dans ce domaine. Il faut par ailleurs faire en sorte que ces résolutions non contraignantes deviennent d’une manière ou une autre obligatoire pour les États.

*Liste des intervenants : Union européenne, Équateur (au nom d’un groupe de pays) ; Slovénie (au nom d’un groupe de pays) ; Brésil ; Allemagne ; Suisse ; Cuba ; Togo ; Djibouti ; Estonie ; Namibie ; Iraq ; Arabie saoudite ; Bahreïn ; Philippines ; France ; Inde ; Pakistan ; Botswana ; Malaisie ; Équateur (en tant que pays) ; Costa Rica ; Monaco ; Jordanie ; Portugal ; Chili ; Pays-Bas ; El Salvador ; Soudan ; Croatie ; Irlande ; Monténégro ; Égypte ; Grèce ; Russie ; Uruguay ; Syrie ; Espagne ; Venezuela ; Algérie ; Indonésie ; Maldives ; Paraguay ; Cameroun ; Sénégal ; Jamaïque ; Chine ; Népal ; Pérou ; Royaume-Uni ; Islande ; Guyane ; Timor-Leste ; Haïti ; Îles Salomon (groupe de pays) ; Albanie ; Kirghizistan ; Guatemala ; Îles Marshall ; Arménie ; Éthiopie ; Nigeria ; Panama ; CEPALC ; Cambodge ; Laos ; Burkina Faso ; Barbade ; Myanmar ; Côte d’Ivoire ; Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme ; Franciscans International ; Sikh Human Rights Group ; Universal Rights Group ; Conselho Indigenista Missionario CIMI ; Earthjustice ; Friends World Committee for Consultation ; Dominicans for Justice and Peace – Order of Preachers ; International Service for Human Rights.

Débat interactif avec l’Expert indépendant sur les effets de la dette extérieure

Présentation de rapport

Le Conseil est saisi du rapport de l’Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier les droits économiques, sociaux et culturels (A/HRC/43/45), axé sur la dette privée, ainsi que des rapports de l’Expert sur ses visites en Bolivie et aux Fidji.

Présentant son rapport, M. JUAN PABLO BOHOSLAVSKY, Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier les droits économiques, sociaux et culturels, a souligné que l’endettement des particuliers et des ménages, résultant des activités de différents acteurs des secteurs formel ou informel du crédit, a des incidences sur les droits de l’homme. Il a expliqué que la croissance de la dette privée tient, d’un côté, à l’offre multiple de financement, soutenue par la déréglementation et la financiarisation croissante et, d’un autre côté, à la reconfiguration d’un certain nombre de besoins humains de reproduction sociale qui deviennent des « besoins financiers inassouvis », parallèlement à l’échec flagrant des États à garantir les droits économiques, sociaux et culturels pour tous.

Dans son rapport, l’Expert indépendant s’est penché en particulier sur les conséquences des dettes sur la santé, l’éducation et le logement ; sur les pratiques abusives de recouvrement (de la dette), notamment la criminalisation des emprunteurs ; sur l’endettement des consommateurs ; et sur l’endettement lié à la migration, ainsi que sur la servitude pour dette.

Si l’endettement des ménages n’est pas un problème en soi, il peut toutefois être à la fois une cause et une conséquence de violations des droits de l’homme, en particulier pour les personnes qui s’endettent pour accéder à la nourriture, au logement ou encore à l’éducation, a poursuivi M. Bohoslavsky. Partant, il est du devoir des États d’honorer leurs obligations relatives aux droits de l’homme en veillant à corriger le déséquilibre des pouvoirs entre les parties à un contrat, afin de favoriser une protection effective de ces droits.

L’Expert indépendant a ensuite mis l’accent sur les responsabilités de l’industrie des technologies, qui facilite de façon accrue et agressive le crédit à travers des plateformes numériques, notamment des applications mobiles, ce qui mène à un endettement excessif et à un secteur fortement dérégulé. Dans ce sens, il importe, selon M. Bohoslavsky, de privilégier les politiques et entités visant la protection des droits des consommateurs et la promotion de l’alphabétisation financière pour parer aux pratiques de prêt abusives. L’Expert indépendant a exhorté à une réglementation et à un contrôle des activités d’emprunt formel et informel, s’agissant en particulier des taux d’intérêt.

L’Expert indépendant a en outre souligné que son mandat pouvait apporter beaucoup aux discussions sur l’économie, la finance et les droits de l’homme et que le système financier ne devrait pas être uniquement orienté vers l’enrichissement des milliardaires.

L’Expert indépendant a ensuite rendu compte des visites qu’il a effectuées en mai dernier en Bolivie et du 2 au 11 septembre dernier en Mongolie.

M. Bohoslavsky a mis l’accent sur la nécessité de réévaluer la durabilité et l’efficacité du modèle bolivien des droits de l’homme et de diversifier davantage l’économie en mettant aussi en place un système global de protection sociale. Autre recommandation importante selon lui : le respect des droits en matière de participation des parties prenantes dans les prises de décision publique et d’accès à l’information. L’Expert indépendant a également évoqué les manifestations qui se sont déroulées à l’issue des élections présidentielles du 20 octobre 2019 et la démission du Président Evo Morales, événements profondément enracinés dans les tensions et divisions au sein de la société et la fragilité du tissu démocratique et de l’état de droit en Bolivie.

S’agissant de la Mongolie, M. Bohoslavsky a mis l’accent sur l’exploitation des ressources naturelles, première activité économique du pays. Il a expliqué que la fluctuation des prix des marchandises pouvait influencer la capacité des États à consacrer un maximum de ressources à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, la mise en œuvre de politiques économiques, fiscales et de la dette étant tributaire des ressources disponibles.

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