Skip to main content

Actualités Organes conventionnels

Le Comité des droits de l'homme tient un débat général sur le droit de réunion pacifique

20 Mars 2019

GENEVE (20 mars 2019) - Le Comité des droits de l'homme a tenu cet après-midi une demi-journée de débat général sur l'article 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui porte sur le droit de réunion pacifique.  Ce débat visait à préparer une observation générale (No.37) du Comité sur l'article 21.

L'article 21 reconnaît le droit de réunion pacifique et stipule que l'exercice de ce droit ne peut faire l'objet que des seules restrictions imposées conformément à la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l'intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l'ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et les libertés d'autrui.

Le débat a été présenté par M. Christof Heyns, expert du Comité et rapporteur pour la rédaction de l'observation générale n°37.  Il a notamment déclaré que les actions de protestation constituent un élément fondamental de l'ère moderne; accorder une place aux manifestations pacifiques dans des limites raisonnables fait partie intégrante de la quête d'un monde plus pacifique.  Le processus de rédaction de l'observation générale offre une occasion unique d'élaborer un cadre cohérent sur lequel fonder la jurisprudence future du Comité et d'examiner l'impact sur ce droit de l'évolution de la situation dans le monde.  Il est clair que les rassemblements sont devenus un phénomène différent dans le monde des communications instantanées, de la surveillance policière, de l'utilisation de nombreuses formes d'armes non létales et de l'utilisation croissante de drones dans les opérations de maintien de l'ordre.  Le rapporteur a indiqué que sur la base des observations écrites reçues par le Comité à ce jour et des débats d'aujourd'hui, le Comité élaborerait une première version de l'observation générale, qui sera examinée publiquement en juillet 2019, la version finale étant attendue d'ici à la fin de 2020.

Dans une autre déclaration liminaire, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit de réunion pacifique et d'association, M. Clément Nyaletsossi Voule, a souligné l'importance d'une observation générale sur le droit de réunion pacifique dans un contexte de rétrécissement de l'espace civique à travers le monde.  Il a estimé que le texte devrait insister sur la présomption du caractère pacifique des manifestations; l'espace en ligne et les questions émergentes liées à l'utilisation croissante des nouvelles technologies de communication, en particulier des médias sociaux, comme outils de base permettant aux individus d'organiser des réunions pacifiques; ainsi que la question des restrictions légitimes.  La question du recours à la force est particulièrement pertinente au regard de la montée actuelle des mouvements sociaux à travers le monde.

Les intervenants au cours du débat ont notamment fait remarquer que, du point de vue juridique, le terme « pacifique » était ambigu et pouvait donner lieu à une interprétation étroite par les États qui souhaiteraient limiter la portée de ce droit.  Le Comité devrait donc adopter une interprétation large du terme et exclure uniquement les cas dans lesquels il existe une preuve claire et convaincante de l'intention des manifestants de se livrer à la violence.  L'observation générale devrait garder à l'esprit la nature en constante évolution de la convocation de rassemblements en ligne.  Cet aspect est particulièrement important compte tenu de la tendance croissante des États à recourir à l'interruption des connexions internet pour restreindre le droit de réunion pacifique.  Il convient aussi de se pencher sur l'impact de l'utilisation de technologies telles que les caméras de reconnaissance faciale, ou le système IMSI de localisation des personnes, ainsi que les renseignements recueillis par les médias sociaux sur le droit de réunion pacifique, en particulier leur effet dissuasif sur l'exercice de ce droit et le manque de réglementation qui peut conduire à une surveillance sans garde fous.  S'agissant des moyens de dispersion, l'observation générale doit souligner que toute arme « moins meurtrière » reste néanmoins dangereuse et parfois mortelle lorsqu'elle est utilisée dans l'intention de nuire ou sans précaution pour éviter de causer des lésions.

Des déclarations ont été présentées par les organisations suivantes: Amnesty International; International Network of Civil Liberties Organizations; le Service international pour les droits de l'homme; International Network of Civil Liberties Organizations; Article 19; le Projet de justice Société ouverte et Committee on the Administration of Justice; Privacy International; Human Rights House Foundation; MENA Rights Group; la Ville d'Amsterdam; le Centre de recherche sur les droits de l'homme et le droit humanitaire, Université Paris II Panthéon-Assas; Office of Democracy Institutions for Human Rights; la Confédération syndicale internationale; Equal Education Law Centre; Human Rights Center "Memorial" et OVD-Info; le Comité Helsinki des Pays-Bas; le Centre UNESCO de Catalogne; Institute for NGO Research; Sexual Rights Initiative; World Movement for Democracy; People's Watch India/International Dalit Solidarity NetworkGreen Peace International a pour sa part présenté un message vidéo.

Le Comité a également visionné une interview préenregistrée, animée par CIVICUS, de trois femmes défenseurs des droits de l'homme d'Égypte, du Zimbabwe et du Royaume-Uni; une vidéo de l'INCLO, un réseau de 13 organisations nationales indépendantes de défense des droits de l'homme originaires de différents pays du Nord et du Sud; et un message vidéo de plusieurs militants des droits de l'homme.

 

Le Comité se réunit de nouveau cet après-midi à 15 heures pour poursuivre l'examen, en vue de son adoption, d'un projet de rapport sur le suivi des constatations du Comité dans le cadre de la procédure de plaintes adressées au Comité par des particuliers (communications).

 

Déclarations liminaires

M. AHMED FATHALLA, Président du Comité, a souligné que le Comité comptait sur la coopération des parties prenantes, des États et des membres du Comité pour mener à bien la tâche et l'objectif de rédiger une observation générale sur le droit de réunion pacifique.

M. CHRISTOF HEYNS, membre du Comité et rapporteur pour le projet d'observation générale n°37, a déclaré que les rassemblements pacifiques avaient façonné le monde d'aujourd'hui et continuaient de le faire, des milliers de personnes participant à diverses formes de rassemblements pacifiques dans le monde entier.  Historiquement, les manifestations et les assemblées ont joué un rôle crucial dans la fin du colonialisme, en s'attaquant à la discrimination raciale aux États-Unis, en faisant tomber l'apartheid et, récemment, dans le cadre du printemps arabe.  Les marches, les manifestations, les sit-in et autres formes de rassemblement pacifique constituent un moyen important de concrétiser d'autres droits civils et politiques, de contester les relations de pouvoir et de réécrire les contrats sociaux.  Les manifestations sont un outil puissant et parfois imprévisibles.  Elles peuvent également servir des causes niant les droits de l'homme et parfois favoriser une escalade de la violence.  Cependant, autoriser un espace de manifestation pacifique dans un cadre raisonnable fait partie intégrante de la quête d'un monde plus pacifique.  Les actions de protestation constituent un élément fondamental de l'ère moderne; accorder une place aux manifestations pacifiques dans des limites raisonnables fait partie intégrante de la quête d'un monde plus pacifique. 

M. Heyns a déclaré que le processus de rédaction de l'observation générale offrait une occasion unique d'élaborer un cadre cohérent sur lequel fonder la jurisprudence future du Comité et d'examiner l'incidence sur ce droit de l'évolution de la situation dans le monde.  Il est clair que les rassemblements sont devenus un phénomène différent dans le monde des communications instantanées, de la surveillance policière, de l'utilisation de nombreuses formes d'armes non létales et de l'utilisation croissante de drones dans les opérations de maintien de l'ordre.  Le rapporteur a indiqué que sur la base des observations écrites reçues par le Comité à ce jour et des débats d'aujourd'hui, le Comité élaborerait une première version de l'observation générale, qui sera examinée publiquement en juillet 2019, la version finale étant attendue d'ici à la fin de 2020.

Le Comité a ensuite visionné une interview préenregistrée, animée par CIVICUS, avec trois femmes, défenseurs des droits de l'homme originaires d'Égypte, du Zimbabwe et du Royaume-Uni, qui ont abordé des questions telles que les difficultés spécifiques rencontrées par les femmes pour exercer leur droit de réunion pacifique.  Les participants ont ensuite assisté à la projection d'une vidéo de l'INCLO, un réseau de 13 organisations nationales indépendantes de défense des droits de l'homme, originaires de différents pays du Nord et du Sud, ainsi que du message vidéo de plusieurs militants des droits de l'homme.  Dans un message vidéo, Green Peace International a souligné que les formes de protestation pacifiques perturbatrices avaient une histoire honorable et que l'observation générale devait souligner que l'interruption ou la perte d'activités commerciales ne devait pas être un motif d'interdiction des rassemblements pacifiques.

M. CLÉMENT NYALETSOSSI VOULE, Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit de réunion pacifique et d'association, s'est félicité de la décision prise de formuler une observation générale sur l'article 21 afin d'apporter des éléments d'interprétation dans le contexte du droit à la liberté de réunion pacifique.  Il a souligné l'importance d'une observation générale sur le droit de réunion pacifique dans un contexte de rétrécissement de l'espace civique à travers le monde.  Il a estimé que le texte devrait insister sur la présomption du caractère pacifique des manifestations et que la légalité d'une manifestation devait être évaluée avant tout en fonction de sa nature pacifique.  Des actes de violence sporadiques commis par quelques individus ne doivent pas automatiquement signifier que l'ensemble du rassemblement n'est pas pacifique.  Le texte devrait traiter de l'espace en ligne et des questions émergentes liées à l'utilisation croissante des nouvelles technologies de communication, en particulier des médias sociaux, comme outils de base permettant aux individus d'organiser des réunions pacifiques.  Les États doivent protéger ce droit également en ligne.  La question des restrictions légitimes doit aussi être examinée.

Le Rapporteur spécial a exprimé sa préoccupation devant le recours à la lutte contre le terrorisme et à d'autres considérations de sécurité, telles que la lutte contre le blanchiment de capitaux, pour justifier l'adoption de l'état d'urgence ou d'autres règles plus strictes visant à annuler le droit à la liberté de réunion pacifique.  Par conséquent, l'observation générale devrait fournir aux États des indications détaillées pour protéger de manière adéquate les multiples formes de rassemblement qui existent aujourd'hui et pour adapter correctement leur réaction aux rassemblements, y compris s'agissant de l'emploi de la force dans des contextes complexes.  La question du recours à la force est particulièrement pertinente au regard de la montée actuelle des mouvements sociaux à travers le monde.  Le Rapporteur spécial a souligné que les principes généraux devant régir tout recours à la force sont la légalité, la nécessité, la proportionnalité et la responsabilité.

Débat général

Amnesty International a souligné que l'observation générale devait être rédigée en gardant à l'esprit le caractère en constante évolution des rassemblement organisés en ligne, de manière à s'assurer que l'observation générale sera encore valable dans le futur.  Cet aspect est particulièrement important compte tenu de la tendance croissante des États à recourir à l'interruption des connexions internet pour restreindre le droit de réunion pacifique.  Le texte devrait souligner la nécessité pour les forces de police de prendre toutes les mesures raisonnables et appropriées pour permettre à une personne d'exercer ce droit sans ingérence indue.  Amnesty International a également soulevé la question des restrictions au droit de réunion pacifique dans le contexte de l'état d'urgence, citant des exemples d'utilisation des pouvoirs de lutte contre le terrorisme pour étouffer les manifestations syndicales, les manifestations pour la défense de l'environnement et les manifestations de travailleurs qui protestaient contre leurs conditions de travail.

International Network of Civil Liberties Organizations a défini douze principes directeurs qui devraient guider la préparation de l'observation générale, notamment le rôle de la législation, des dirigeants politiques et de la culture de la police dans la protection et la promotion du droit de réunion pacifique.  Les États doivent adopter des lois et des politiques pour protéger ce droit.  Les institutions de police devraient adopter des techniques de désescalade et de non-escalade lors des manifestations.  L'organisation reste profondément préoccupée par la manière dont les réunions sont surveillées dans diverses juridictions du monde et souligne que le droit de manifester et de se réunir pacifiquement est le porte-voix de la démocratie.

Le Service international pour les droits de l'homme a déclaré qu'il avait élaboré une loi type sur la reconnaissance et la protection des défenseurs des droits de l'homme en consultation avec plus de 500 défenseurs des droits de l'homme de toutes les régions du monde.  Ce texte énonce les moyens à mettre en œuvre au niveau national pour le respect des droits de l'homme, y compris le droit de réunion pacifique.  Il est actuellement utilisé par des États tels que la Côte d'Ivoire, le Mali et le Burkina Faso pour créer une législation nationale protégeant les droits des défenseurs des droits de l'homme.  Le Comité devrait affirmer la nécessité de protéger le droit de réunion pacifique et faire en sorte que ce droit soit aussi large que possible, et s'attaquer efficacement aux Gouvernements qui battent en brèche ce droit.

Article 19 a déclaré que le terme « pacifique » était ambigu d'un point de vue juridique et était sujet à une interprétation étroite par les États qui souhaitent limiter la portée du droit de réunion pacifique.  L'observation générale devrait donc adopter une interprétation large du terme et exclure uniquement les cas dans lesquels il existerait une preuve claire et convaincante de l'intention des manifestants de se livrer à la violence.  En outre, le Comité devrait définir de manière large le concept de « réunion » afin de refléter les moyens de plus en plus créatifs avec lesquels les personnes exercent collectivement leurs droits.  L'observation générale offre l'occasion de consolider les avancées normatives dans la compréhension de l'application de l'article 21 en ligne et de clarifier ses liens avec le droit à la liberté d'expression et le droit au respect de la vie privée.

Le Projet de justice Société ouverte et Committee on the Administration of Justice ont appelé l'attention sur les liens étroits entre l'article 21 et le droit d'accès à l'information garanti par l'article 19.  En effet, l'accès à l'information est nécessaire pour permettre aux individus d'exercer leur droit de réunion pacifique.  L'attention a été attirée également sur l'utilisation d'agents d'infiltration et d'autres formes de surveillance pour infiltrer des groupes engagés dans des rassemblements pacifiques, ainsi que l'utilisation de la surveillance en ligne ou numérique.  Le Comité devrait préciser les normes applicables pour l'évaluation de l'illégalité ou de l'arbitraire de la surveillance dans le contexte des réunions.

Privacy International a encouragé le Comité à se pencher sur l'impact de l'utilisation de technologies telles que les caméras de reconnaissance faciale, ou le système IMSI de localisation des personnes, ainsi que les renseignements recueillis par les médias sociaux sur le droit de réunion pacifique, en particulier leur effet dissuasif sur l'exercice de ce droit et le manque de réglementation qui peut conduire à une surveillance sans garde fous.  Dans de nombreux cas, on constate un manque de réglementation adéquate sur l'utilisation de ces moyens au niveau national, souvent parce que la police qualifie cette technologie de « surveillance ouverte », n'attirant donc pas le niveau de contrôle des techniques de « surveillance secrète ».

La Human Rights House Foundation a souligné que les assemblées, rassemblements, manifestations pacifiques et piquets de grève pourraient être particulièrement visés par les autorités lorsque qu'ils sont en opposition aux autorités ou sont organisés par des personnes réputées être « opposées » aux détenteurs du pouvoir.  Outre des sanctions administratives et pénales liées aux restrictions légales à la tenue de réunions, les organisateurs et les participants sont parfois victimes d'intimidation, de harcèlement et de voies de fait.  De telles pratiques peuvent même survenir avant une assemblée, de manière à mettre fin à un rassemblement avant même qu'il ne commence.  Les protections pour la liberté de réunion doivent donc commencer à s'appliquer bien avant la tenue d'une réunion.

MENA Rights Group a souligné que la probabilité qu'une réunion puisse conduire à la violence ne devrait pas être considérée comme un motif permettant de restreindre le droit de réunion, mais plutôt comme un élément déclenchant l'obligation pour l'État de faciliter la réunion en protégeant son déroulement a paix.  S'agissant des moyens de dispersion, l'observation générale doit souligner que toute arme « moins meurtrière » reste néanmoins mortelle lorsqu'elle est utilisée dans l'intention de nuire ou sans précaution pour éviter de causer des lésions.  En outre, le recours à des forces spéciales hybrides civilo-militaires, qui ne sont ni formées aux normes en matière de maintien de l'ordre, ni soumises à un contrôle civil et démocratique, devrait être considéré en soi comme une forme de recours disproportionné à la force.

La Ville d'Amsterdam a souligné qu'environ 1000 manifestations avaient lieu à Amsterdam chaque année et que l'objectif de l'État était de préserver la liberté et de garantir la liberté de réunion; il s'agit tout simplement du devoir de chacun.  L'orateur a notamment expliqué que la ville appliquait le principe «ne touche pas au contenu »: cela signifie qu'aucun jugement n'est exprimé sur le message d'une manifestation, ce qui signifiait non seulement d'accepter que les gens puissent « penser et dire des choses horribles », mais aussi protéger activement leur droit de le faire, dans les limites de la loi.

Le Centre de recherche sur les droits de l'homme et le droit humanitaire, Université Paris II Panthéon-Assas, a instamment prié le Comité d'aborder, dans l'observation générale, l'importante question du régime de déclaration préalable, à distinguer du régime des autorisations, et de veiller à ce que des manifestations spontanées ne sauraient être limitées en raison de l'absence de notification préalable.  L'orateur a également souligné que les limites appliquées aux rassemblements pacifiques doivent être évaluées par un juge et que les organisateurs doivent avoir un recours pour contester toute restriction.

L'Office of Democracy Institutions for Human Rights a lui aussi souligné que les États avaient l'obligation positive de faciliter, de protéger et de permettre les rassemblements pacifiques dans tous les contextes, y compris ceux qui n'étaient pas notifiés.  Les États avaient également l'obligation négative de ne pas intervenir s'il n'y a aucune raison d'intervenir.  L'observation générale devrait clarifier les normes dans les domaines où il n'y avait pas d'accord formel ou en lien avec les questions émergentes, notamment les assemblées en ligne, et reconnaître les observateurs des droits de l'homme en tant que tierce partie indépendante, qui joue un rôle important dans la responsabilisation des États.

La Confédération syndicale internationale a souligné les liens entre le droit à la liberté d'association et le droit de réunion pacifique, illustrés par la concrétisation du droit de tous les travailleurs de constituer des syndicats.  L'autoritarisme croissant a conduit non seulement à la criminalisation des manifestations et des grèves, mais également à des niveaux sans précédent de violence et de brutalité, les forces de police ayant fréquemment recours à des agressions physiques violentes contre les travailleurs, notamment en utilisant des armes à feu.  Il est essentiel de créer un environnement propice et favorable à la jouissance et à l'exercice du droit de réunion pacifique.

Equal Education Law Center a souligné l'importance de veiller à ce que les rassemblements soient pacifiques en tenant compte de la participation des enfants.  L'orateur a exhorté le Comité à prendre en compte les besoins des enfants dans le cadre de la préparation de l'observation générale, et en particulier son lien avec le droit à la liberté d'expression et le droit à la participation.  Les enfants de nombreux pays ne sont pas autorisés à voter, ce qui confère encore plus d'importance au droit de se réunir pacifiquement.  Par ailleurs, l'obligation de notification préalable devrait être facilitée pour permettre aux enfants d'exercer leur droit de manifester; le simple fait de ne pas fournir de notification préalable ne devrait pas entraîner de sanction pénale compte tenu de son effet restrictif sur les enfants.

Human Rights Center "Memorial" et OVD-Info ont porté l'attention du Comité sur la question des manifestations individuelles, soulignant que cette question devrait être examinée dans le cadre du droit à la liberté de réunion pacifique et non seulement en tant qu'exercice du droit à la liberté d'expression.  Par ailleurs, l'observation générale devrait définir le droit des organisateurs d'inviter les participants à une réunion pacifique avant même la notification officielle aux autorités, en particulier lorsque les délais de notification sont courts.

Le Comité Helsinki des Pays-Bas a souligné que la participation à une réunion pacifique en tant que telle ne devrait en aucun cas constituer un crime, en aucune circonstance ni sous aucun prétexte.  Même l'existence d'une infraction pénale dans un texte de loi suffit à créer un « effet paralysant » qui empêcherait les citoyens d'exercer leur droit fondamental de prendre part à une réunion pacifique.  La position de principe et sans équivoque exprimée par le Comité à cet égard servirait de guide non seulement pour l'interprétation du Pacte, mais également pour les défenseurs des droits de l'homme du monde entier, qui se battent chaque jour pour protéger l'espace public dans lequel ils expriment leur désaccord.

Le Centre de l'Organisation des Nations Unies pour la culture, la science et la culture de Catalogne (UNESCOCAT) a exhorté le Comité à veiller à ce que l'observation générale traite des problèmes liés à la jouissance des droits énoncés à l'article 21, en particulier la question de l'imposition de restrictions indues au motif de la sécurité nationale ou de l'ordre public, ainsi que la criminalisation des participants à des réunions pacifiques au cours desquelles certaines personnes se sont comportées de manière violente.  L'observation générale devrait porter sur la question de la criminalisation de la désobéissance civile et de l'action directe non violente, qui ont pour effet d'entraver le droit de réunion pacifique.

L'Institute for NGO Research a porté son attention sur le mot « pacifique » et sur le champ d'application de ce concept, en développant les principes existants sur la manière de tracer la ligne de démarcation entre activités protégées et interdites et en fournissant des exemples concrets.  L'organisation estime que des activités telles que le vandalisme, le pillage, l'incendie et toute autre destruction de biens publics et privés ne pouvaient être considérées comme une réunion « pacifique ».

Sexual Rights Initiative a estimé que l'observation générale devrait comporter un cadre solide et intégré expliquant comment le droit à la liberté d'association, le droit à la liberté d'expression et le droit de réunion pacifique se complètent et comment ces liens peuvent constituer une plateforme pour les revendications des mouvements sociaux.  Le texte ne devrait pas être trop prescriptif quant aux types de réunion, aux lieux et aux moyens, mais créer ainsi un limite plafond plutôt qu'une limite basse de référence pour des revendications plus innovantes.  Fomenter des troubles fonctionne pour les groupes marginalisés, car elle permet d'attirer l'attention d'une façon que ne le pourrait pas le discours formel.

Le World Movement for Democracy a exhorté le Comité à reconnaître, dans l'observation générale, le droit des particuliers et des organisations de solliciter un financement auprès de sources légales pour l'organisation de réunions et le fonctionnement de leur organisation.  Cet élément est particulièrement important compte tenu de la tendance croissante à restreindre les sources de financement, notamment dans le contexte des lois et des initiatives de lutte contre le blanchiment de capitaux.

People's Watch India / Dalit Solidarity Network a déclaré qu'il était non seulement possible d'envisager des obligations positives pour faire en sorte que les groupes vulnérables puissent jouir de la liberté de réunion sur un pied d'égalité avec les autres groupes.  Les Dalits et d'autres peuples autochtones et minorités font face à la violence, au discours de haine et à la discrimination dans l'exercice de leur liberté d'expression et de leur droit de réunion pacifique.  C'est pourquoi les États devraient simplifier les procédures relatives à l'enregistrement des organisations et aux procédures de notification des rassemblements et des manifestations, ainsi que faciliter l'accès de ces organisations aux forums internationaux.

Échange entre Comité et participants

Questions des membres du Comité

Les membres du Comité ont notamment souhaité des commentaires et des explications sur le concept de « protection renforcée », ainsi que sur la question de la surveillance et de l'utilisation de caméras de corps dans le but de créer une part de responsabilisation des activités de maintien de l'ordre.  Les experts se sont également intéressés à la base juridique qui permettrait de séparer les individus impliqués dans la violence des autres participants à une réunion pacifique.  Des exemples concrets ont été demandés sur la notion d'« assemblée virtuelle », d'une manière qui la distingue de l'exercice des droits énoncés à l'article 19 (liberté d'opinion et d'expression).  Les membres du Comité ont aussi demandé si la hiérarchisation des messages en faveur d'une protection renforcée pouvait ouvrir la voie à la possibilité pour les États de mieux réglementer l'exercice du droit de réunion pacifique.  Les intervenants peuvent-ils commenter l'interprétation de la « moralité publique » ?

Réponses des participants

Les intervenants ont notamment expliqué que le concept de « protection renforcée » signifiait qu'un discours d'intérêt public méritait une attention et une protection particulières. 

Le Comité devrait par ailleurs examiner de très près l'objectif de l'utilisation de caméras de corps dans le cadre de la surveillance de rassemblements pacifiques et préciser si la technologie utilisée peut servir à identifier des manifestants, car cela pourrait avoir un effet dissuasif sur l'exercice du droit de réunion pacifique.  L'observation générale devrait donc porter à la fois sur le but et les garanties de l'utilisation de cette technologie. 

S'agissant de l'argument juridique plaidant en faveur de la séparation des individus impliqués dans la violence des autres participants à une réunion pacifique, les orateurs ont invité le Comité à examiner la décision de la Cour européenne des droits de l'homme et celle de la Cour interaméricaine des droits de l'homme dans ce domaine. 

Il a par ailleurs été expliqué qu'une assemblée en ligne pouvait être définie comme une action concertée sur une plateforme en ligne.  Le Comité devrait également déterminer dans quelle mesure les règles régissant les rassemblements hors ligne s'appliquent aux groupes en ligne.  Des intervenants ont répondu que la protection renforcée s'appliquerait à toutes les questions d'intérêt public et que les questions d'identité devraient bénéficier de la plus haute protection. 

S'agissant de la notion de moralité publique, les orateurs ont déclaré qu'il fallait établir un lien étroit entre la démocratie et les normes des droits de l'homme pour contrecarrer les arguments s'appuyant sur la tradition et la culture, par exemple lorsque le statut d'observateur est retiré à une association de lesbiennes et de gays africains par l'Union africaine sur la base de ne pas être en ligne avec l'« africanité ». 

Un intervenant a souligné l'importance des différences entre le droit de réunion et le droit de manifester, mentionnant le cas des rassemblements réguliers des Mères de la Plaza de Mayo à Buenos Aires.

Conclusions

Le rapporteur, M. HEYNS, a remercié les participants à la discussion d'avoir évoqué les questions importantes sur lesquelles le Comité devrait se pencher plus en profondeur.  La question de la technologie revêt une importance particulière, a-t-il déclaré, à la fois pour faciliter l'exercice du droit de réunion pacifique et pour limiter la jouissance de ce droit.  Les orateurs ont souligné la nécessité de définir de manière large le concept de réunion et de faire face à la réalité des manifestations, qui peuvent passer de l'espace public à l'espace privé, comme c'est le cas des centres commerciaux, par exemple.

Le Président, M. FATHALLA, a remercié les intervenants pour leurs contributions qui alimenteront les réflexions du Comité.  Il les a invités à continuer à d'apporter leurs idées dans le cadre de l'élaboration de l'observation générale.

_______

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

VOIR CETTE PAGE EN :