Haut-Commissariat aux droits de l’homme
Notes pour la presse sur l’Irak, Al Jazeera, le Venezuela et le Guatemala
Point de presse
30 juin 2017
Porte-parole du Haut-Commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies: Rupert Colville
Lieu: Genève
Date: 30 juin 2017
Sujet: (1) Irak, (2) Al Jazeera, (3) Venezuela et (4) Guatemala
(1) Irak
Nous sommes vivement préoccupés par la situation des civils à Mossoul où d'intenses combats font rage au moment où les Forces de sécurité irakiennes, avec l'appui de la coalition internationale, s'efforcent de reprendre toute la ville des mains de l'État islamique. Nous rappelons à toutes les parties au conflit qu'elles sont tenues de respecter les principes d'humanité, de distinction, de proportionnalité et de précaution dans le cadre de l'exécution des opérations militaires.
Alors que Mossoul est progressivement libérée de l'emprise de l'État islamique, nous assistons à une augmentation alarmante des menaces, en particulier des évictions forcées à l'encontre de personnes soupçonnées d'appartenir à l'État islamique ou dont les proches sont accusés de coopérer avec l'État islamique – menaces également exprimées dans d'autres régions.
Nous avons reçu des indications selon lesquelles des lettres de menace déposées la nuit aux domiciles de familles ou distribuées dans les quartiers, notamment à Shirqat dans le gouvernorat de Salah ad-Din, à Al Heet dans le gouvernorat de Al Anbar, à Qayara dans le gouvernorat de Ninive ainsi qu'à Mossoul. Généralement, ces lettres avertissent les gens qu'ils doivent partir à une date donnée sous peine d'expulsion forcée. Nombre de ces menaces sont souvent liées à des accords tribaux réclamant explicitement l'exclusion de la zone de toute famille ayant des liens avec l'EI.
Des centaines de familles ont été menacées de déplacement forcé et cette évolution est extrêmement inquiétante. Les gens courent le risque réel d'être expulsés de leurs maisons par la force et d'être privés du strict nécessaire, y compris de l'accès à un logement adéquat, à la nourriture, aux services de santé et à l'éducation.
Les évictions forcées et les déplacements de force illégaux correspondent à une punition collective et sont, de toute évidence, contraires à la Constitution irakienne, aux droits de l'homme et au droit humanitaire international. La responsabilité d'un crime est strictement personnelle et ne concerne que l'individu impliqué dans le crime dont il ou elle a été reconnu(e) coupable par une cour de justice, au vu des faits. En aucun cas, la responsabilité des crimes ne peut être transférée à toute autre personne innocente.
Nous appelons le gouvernement irakien à prendre des mesures pour mettre fin à ces expulsions imminentes ou à tout type de punition collective et à renforcer le système de justice officiel afin de traduire les coupables en justice. Les évictions forcées illégales constituent des actes de vengeance qui nuisent à la réconciliation nationale et à la cohésion sociale.
(2) Al Jazeera
Au cours des trois dernières semaines, le Haut-Commissaire a fait part de ses inquiétudes, publiquement et directement aux États, concernant diverses questions relatives aux droits de l'homme découlant du différend entre le Qatar et quatre autres pays de la région.
Cet inquiétant contentieux a pris une nouvelle dimension avec la prise en compte de certains droits et libertés fondamentaux sur la liste des exigences imposées au Qatar par l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Bahreïn et l'Égypte, la date limite pour les mettre en œuvre prenant fin le 4 juillet après un délai de 10 jours. Outre les questions que nous avons déjà évoquées concernant les conséquences pour les citoyens ordinaires de la région, le Haut-Commissaire est extrêmement préoccupé par la demande adressée au Qatar de fermer définitivement la chaîne Al Jazeera ainsi que d'autres médias affiliés.
Que vous les regardiez ou non, que vous les aimiez ou pas, que vous appréciez leurs points de vue éditoriaux, les chaines arabe et anglaise Al Jazeera sont légitimes et sont suivies par des millions de téléspectateurs. La demande de fermeture définitive, sans autre forme de procès, constitue selon nous une atteinte au droit à la liberté d'expression et d'opinion.
Si les États ont un problème avec les sujets diffusés sur les chaines de télévision d'autres pays, ils sont libres d'en débattre et d'en discuter publiquement. Mais exiger de faire fermer définitivement ces chaines est tout simplement inouï, sans précédent et manifestement excessif.
Si tel devait être le cas, ce serait ouvrir la boite de Pandore des États ou des groupes d'États puissants qui portent gravement atteinte au droit à la liberté d'expression et d'opinion dans d'autres États comme dans le leur. Le Haut-Commissaire appelle donc une nouvelle fois les cinq États à prendre des mesures pour régler ce litige calmement, de manière raisonnable et légale et à veiller à ce que toute mesure adoptée n'ait aucune incidence sur les droits de l'homme des citoyens et habitants de leur propre pays comme des autres pays.
(3) Venezuela
La décision de la Cour suprême du Venezuela, en date du 28 juin, d'entamer des procédures de destitution à l'encontre de la Procureure générale, de geler ses avoirs et de lui interdire de quitter le territoire, est très inquiétante à l'instar de la violence actuelle dans le pays.
Nous sommes également troublés par la décision de la chambre constitutionnelle de la Cour suprême, en date du 27 juin, de déclarer nulle et non avenue sa désignation d'un vice-procureur général et de nommer à sa place un vice-procureur provisoire, en violation de la procédure de désignation prévue par la loi vénézuélienne. La chambre a également attribué certaines des fonctions de la Procureure générale, jusqu'à présent exclusives, au médiateur.
Depuis mars, la Procureure générale a pris d'importantes mesures pour défendre les droits de l'homme, faisant état de nombreux morts lors de la vague de manifestations, insistant sur la nécessité d'un procès équitable, sur l'importance de la séparation des pouvoirs et appelant à la libération immédiate des personnes détenues arbitrairement.
Nous sommes inquiets de voir que les décisions de la Cour suprême semblent destinées à déposséder le bureau de la Procureure générale de son mandat et des responsabilités tels qu'inscrits dans la Constitution du Venezuela et à menacer l'indépendance de son bureau.
La révocation des autorités judiciaires doit faire l'objet de critères rigoureux qui ne fragilisent pas l'exercice indépendant et impartial de leurs fonctions. Selon les Principes directeurs des Nations Unies applicables au rôle des magistrats du parquet, les États doivent veiller à ce que les magistrats soient en mesure d'exercer leurs fonctions professionnelles sans faire l'objet d'intimidations, d'entraves ni de harcèlement, sans subir d'ingérences indues ni être soumis de manière injustifiée à des responsabilités civiles, partielles ou autres.
Nous constatons qu'à la date du 22 juin, selon le bureau de la Procureure générale, 75 personnes étaient décédées et quelque 1 419 avaient été blessées dans le cadre des manifestations en cours. Plus récemment, trois jeunes manifestants auraient été tués par des membres des forces de sécurité – deux par balles et le troisième par une grenade lacrymogène lancée par un agent de police qui l'a atteint directement. De plus, un nombre croissant de rapports signalent que les forces de sécurité ont fait irruption dans des immeubles résidentiels, mené des perquisitions sans mandat judiciaire et emprisonné des personnes, apparemment pour dissuader les gens de participer aux manifestations et pour traquer les partisans de l'opposition.
Nous demandons à tous les pouvoirs de l'État de respecter la Constitution et l'état de droit et appelons le gouvernement à garantir les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'opinion et d'expression.
Nous appelons également la population du Venezuela à ne recourir qu'à des moyens pacifiques pour faire entendre sa voix et invitons toutes les parties à renoncer à la violence et au harcèlement des opposants.
(4) Guatemala
La situation de quelque 100 familles qui ont été déplacées de leur foyer dans la communauté de Laguna Larga dans la région de Petén au Guatemala est extrêmement inquiétante. Ces familles, qui vivent actuellement sur la frontière de l'État mexicain de Campeche, ont fui en prévision d'une éviction forcée prévue le 2 juin sur décision d'un tribunal.
Depuis lors, les familles vivent dans des conditions extrêmement précaires – sous des tentes et tributaires de l'aide humanitaire à court terme, notamment pour l'alimentation, l'eau, les médicaments et les produits d'hygiène fournis par le gouvernement du Guatemala et par quelques organisations non gouvernementales. Selon des sources officielles, les stocks s'épuisent.
Nous sommes très inquiets que l'ordre d'expulsion ait été donné sans veiller à l'existence de plans arrêtés de réinstallation et de protection pour les familles concernées, ainsi que l'exigent les normes internationales des droits de l'homme – laissant littéralement les familles sans lieu de repli. Les familles déplacées doivent bénéficier d'une aide humanitaire adaptée jusqu'à ce que des mesures de réinstallation soient mises en place.
Nous croyons savoir que d'autres évictions sont prévues dans les semaines à venir dans la région, qui se trouve au sein du parc national Laguna del Tigre, avec le risque d'une situation de crise et de violences potentielles. La situation est aggravée par la faible présence de l'État et par l'existence d'activités illicites, notamment le trafic de drogue, dans la région.
Compte tenu du problème généralisé de l'insécurité foncière au Guatemala, les évictions forcées sont monnaie courante. Ces évictions ne devraient être décidées qu'en dernier ressort, après avoir épuisé toutes les autres solutions possibles et conformément aux mesures appropriées avant, pendant et après l'éviction, assurant plus particulièrement la protection des femmes, des enfants et des peuples autochtones, entre autres.
Il est essentiel que le gouvernement du Guatemala prenne des mesures urgentes en vue d'instaurer un dialogue en toute bonne foi avec les personnes déplacées de la région de Laguna Larga et avec d'autres communautés menacées d'évictions forcées, afin de trouver d'autres solutions acceptables et pertinentes.
FIN
Pour de plus amples informations et les demandes des médias, veuillez contacter Rupert Colville (+41 22 917 97 67 / rcolville@ohchr.org) ou Liz Throssell (+41 22 917 9466/ ethrossell@ohchr.org)
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