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Organes conventionnels

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes auditionne la société civile sur la situation dans quatre pays

12 Février 2017

GENEVE (13 février 2017) -  Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a auditionné, cet après-midi, des représentants de la société civile – organisations non gouvernementales (ONG) et institutions nationales de droits de l'homme – au sujet de la mise en œuvre de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes dans les quatre pays dont les rapports seront examinés cette semaine, à savoir l’Ukraine, l’Irlande, la Jordanie et El Salvador.

En ce qui concerne l’Ukraine, ont particulièrement été évoquées la situation des femmes roms, celle des personnes LGBTI, les discriminations en matière d’emploi et de revenus ou encore l’impact du conflit dans l’est du pays.

Pour ce qui est de l’Irlande, ont particulièrement été débattues les questions relatives au droit à l’avortement, aux femmes roms et aux inégalités économiques.

S’agissant de la Jordanie, l’accent a notamment été mis sur la situation des femmes réfugiées, en particulier syriennes et palestiniennes, ainsi que sur la discrimination dont souffrent les femmes jordaniennes mariées à des étrangers en matière de transmission de la nationalité à leurs enfants.

Concernant El Salvador, a notamment été dénoncée l’exclusion dont sont victimes les femmes vivant en milieu rural.  La question de l’avortement, ainsi que celle de l’accès des femmes à la justice ont également été évoquées.

Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de l’Ukraine.

Audition de la société civile

S’agissant de l’Ukraine

Le Kiyv gender studies Institute a regretté que le Parlement n’ait pas voté de loi pour combattre la violence domestique, ni même ratifié la Convention d’Istanbul (Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, adoptée à Istanbul en 2011).  L’oratrice a accusé des mouvements « anti-genre » de faire pression sur le Parlement et a regretté que ce dernier ne prenne pas en compte les questions de genre dans les réformes qu’il entreprend.

Une représentante de laWomen’s International League for Peace and Freedom, s’exprimant au nom de plusieurs ONG, a pour sa part souligné que les conditions qu’a posées le Fonds monétaire international (FMI) pour venir en aide à l’Ukraine avait eu des impacts sociaux négatifs, comme la hausse des prix, et provoqué des coupes budgétaires dans les secteurs de la santé et des services sociaux. Cette austérité budgétaire touche principalement les femmes, a-t-elle affirmé.

L’ONG Chiricli s’est pour sa part alarmée de la situation des femmes roms et a regretté que le Gouvernement ukrainien n’ait pas pris en compte dans le Plan national d’action et dans la Stratégie nationale concernant les Roms la situation particulière des femmes et filles roms.

Charitable organisation a mis en avant la situation spécifique des femmes atteintes par le VIH/sida, des femmes toxicomanes et des travailleuses du sexe. L’oratrice a par ailleurs fait observer que le conflit dans l’est du pays marginalisait encore plus les femmes et créait des injustices sociales, compte tenu de la réorientation des budgets nationaux vers d’autres priorités.

Insight Public Organization, qui a indiqué travailler sur la situation des personnes LGBTI en Ukraine, a fait part de sa grave préoccupation concernant les crimes qui ne sont pas reconnus comme «crimes de haine» par les tribunaux et a mis en cause l’attitude du Gouvernement envers les personnes LGBTI.

ADC Memorial a attiré l’attention sur les discriminations à l’emploi dont sont victimes de nombreuses femmes.  L’ONG a ensuite évoqué le cas de deux activistes LGBTI qui sont portées disparues à l’est de l’Ukraine.


La Médiatrice nationale pour les droits de l’homme en Ukraine a déploré qu’il n’y ait pas de sanctions contre la discrimination exercée contre les femmes en Ukraine. La société est très peu informée des dispositions juridiques protégeant les femmes, a-t-elle ajouté.  Très peu de discriminations à l’encontre des femmes font l’objet de communications auprès de l’Ombudsman, a-t-elle également regretté.  D’autre part, le niveau de revenus des femmes est inférieur de 25% à celui des hommes, a-t-elle poursuivi.  Elle a également évoqué la violence exercée contre les femmes, notamment de la part de la police.  Par ailleurs, la Convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe n’a toujours pas été ratifiée par l’Ukraine, a-t-elle fait observer.

 

Au cours de l’échange de vues qui a suivi ces déclarations, une experte s’est enquise des répercussions de l’austérité budgétaire en Ukraine sur les femmes.  Une autre experte a souhaité obtenir des données sur les violences domestiques.

Une représentante de la société civile a fait observer que le Gouvernement rejetait la responsabilité de l’austérité sur la conditionnalité de l’aide du FMI et a rappelé que quelque 12 000 postes de fonctionnaires avaient été supprimés dans les services sociaux dans le cadre des mesures d’austérité prises par le pays.  Des détentions illégales ont eu lieu dans l’est de l’Ukraine, a-t-il en outre été ajouté.

Le bureau du médiateur national pour les droits de l’homme est un organe constitutionnel indépendant, a-t-il en outre été précisé.  Cette institution dispose de moyens d’enquête et peut intervenir pour mettre fin aux violations de l’état de droit;  elle peut également présenter une requête au tribunal constitutionnel si elle estime que la législation viole la Constitution.

S’agissant de l’Irlande

National Woman Council of Ireland a regretté que l’austérité à laquelle a fait face l’Irlande ait dégradé la situation des femmes dans le pays. L’ONG a pointé six sujets d’inquiétude s’agissant de la situation des femmes dans ce pays: leur indépendance économique; le processus de décision (et leur participation à cet égard); l’accès à la justice; les violences faites aux femmes; les femmes en détention; et l’avortement. L’ONG a préconisé que l’Irlande se dote d’une nouvelle Stratégie nationale pour les femmes afin de réduire les discriminations à leur encontre, particulièrement à l’encontre des femmes roms et des femmes handicapées.  Il faut également que le Gouvernement se dote d’instruments de mesures précis pour évaluer l’impact des politiques publiques sur les femmes.

Abortion Rights Campaign a regretté que l’avortement soit interdit dans la loi nationale irlandaise, sauf lorsque la vie de la mère est en jeu. Cependant, la loi étant trop floue, même cette exception n’est pas appliquée, a ajouté l’ONG.

National Travellers Women’s Forum and Pavee Point a déploré la situations des femmes gens du voyage et des femmes roms, qui font face au racisme et à de nombreuses discriminations. Elle a également pointé le rôle négatif de l’austérité pratiquée en Irlande sur la situation des femmes.

Sex Workers Alliance Irelanda regretté que les travailleuses du sexe n’aient pas été associées aux lois les concernant. La pénalisation des clients de prostituées va rendre l’activité des travailleuses du sexe encore plus dangereuse, a-t-elle ajouté.

StopIGMa considéré que les mutilations génitales étaient pratiquées régulièrement en Irlande, notamment à l’encontre des personnes intersexuées.

La Commission des droits de l’homme et de l’égalité de l’Irlande a indiqué que la participation des femmes dans la vie politique irlandaise était en augmentation. Les inégalités économiques entre les hommes et les femmes persistent, comme l’attestent les écarts en termes de rémunérations et de pensions. La surpopulation dans les prisons pour femmes est très problématique, a poursuivi l’oratrice.  En outre, les femmes LGBTI continuent de faire face à de nombreuses discriminations et violences. En conclusion, la Commission nationale a déploré l’absence de données ventilées sur la situation des femmes en Irlande.

Au cours de l’échange de vues qui a suivi ces déclarations, une experte a demandé aux organisations de la société civile si elles pensaient que le Gouvernement irlandais allait dépénaliser l’avortement.

Une oratrice de la société civile a fait observer que le processus concernant les consultations relatives à l’avortement était assez opaque, purement consultatif et sans limite de temps.

La Commission des droits de l’homme  et de l’égalité de l’Irlande a été créée en 2014 et est un organe indépendant qui rend compte au Parlement national, a-t-il en outre été rappelé.

S’agissant de la Jordanie

Jordanian Women’s NGO a recommandé à la Jordanie de lever ses réserves à l’égard de la Convention et d’incorporer cet instrument et ses dispositions dans sa loi interne.  L’ONG a également préconisé l’adoption d’une loi interdisant la discrimination sur la base du genre et l’inscription de cette interdiction dans la Constitution.  L’ONG a souhaité attirer l’attention du Comité sur quatre points: les meurtres de femmes, la mort de femmes en détention administrative, les violences domestiques et la possibilité pour les violeurs d’épouser leurs victimes pour échapper aux poursuites judiciaires. 

L’oratrice a également déploré la situation des femmes palestiniennes réfugiées. Elle a d’autre part dénoncé les discriminations dont sont victimes les femmes jordaniennes mariées à des non-Jordaniens; les enfants nés d’une mère jordanienne et d’un père étranger sont toujours en attente de naturalisation. La participation des femmes à l’économie est extrêmement faible, a par ailleurs déploré l’oratrice.

 

Le Centre national des droits de l’homme de la Jordanie a regretté que le Gouvernement n’ait pas ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention.  L’orateur a en outre insisté sur la nécessité d’introduire des réformes concernant les droits civils, notamment pour ce qui est du droit de garde des enfants.  Sur le plan économique, le Centre national demande l’harmonisation des droits économiques entre les hommes et les femmes. Par ailleurs, les femmes sont sous-représentées dans les trois branches du Gouvernement (pouvoirs exécutif, judiciaire et législatif).

Au cours de l’échange de vues qui a suivi cette déclaration, une experte a souhaité obtenir des données sur les femmes réfugiées en provenance de Syrie.

Une intervenante de la société civile a fait observer que l’État jordanien ne communiquait pas sur la question des réfugiés; il est donc difficile d’évaluer l’impact des mesures restrictives à l’entrée de réfugiés, sans parler des discriminations à l’égard des réfugiés palestiniens. Concernant les assassinats de femmes, il est rare que les familles de réfugiés indiquent à la police les meurtres de femmes, a-t-elle ajouté.

Le Centre national des droits de l’homme de la Jordanie rend compte au Premier Ministre et a notamment pour rôle de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes, a-t-il été précisé. Par ailleurs, le Centre national peut être une voie de recours juridique pour ceux qui sont victimes de discriminations, notamment les femmes.

S’agissant d’El Salvador

Feminist Concentration Prudencia Ayalaa déclaré que la loi sur l’égalité entre hommes et femmes ne bénéficiait pas des décrets d’application nécessaires.  L’oratrice a également pointé l’absence de parité entre les sexes aux élections locales et nationales. Les droits de la femme à la santé, y compris à la santé reproductive au sein et en dehors du mariage, doivent être assurés, à égalité avec les droits reconnus aux hommes, a ajouté l’oratrice.

CLADEM El Salvador a insisté sur la pauvreté et l’exclusion sociale des femmes en milieu rural et a soulevé la problématique de l’accès à la terre.  Les terrains donnés aux femmes exigent plus d’investissements pour être entretenus et être mis aux normes permettant leur habitabilité.  L’inégalité dont elles souffrent en termes d’accès aux ressources économiques génère une pauvreté supérieure pour les femmes, a insisté l’ONG.

Center for Reproductive Rights, au nom de plusieurs autres ONG, a regretté qu’El Salvador ait une des lois les plus restrictives en matière d’avortement. Les femmes qui avortent sont régulièrement condamnées pour homicide, a souligné l’ONG, avant de donner la parole à une femme qui a été emprisonnée sept ans pour un avortement présumé.

Au cours de l’échange de vues qui a suivi ces déclarations, une experte a souhaité savoir ce qu’il en est de l’accès des Salvadoriennes à la justice.

Une ONG a fait observer que la loi contre la violence à l’encontre des femmes était d’application difficile. Une autre ONG a affirmé que l’accès à la justice était très compliqué au Salvador.  Un projet de loi cherchant à lever la discrimination dont sont victimes les femmes en matière d’accès aux soins est à l’étude, a pour sa part indiqué une ONG.

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