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Organes conventionnels

Le Comité pour l'Élimination de la discrimination raciale examine le rapport de l'Argentine

Le rapport de l'Argentine

23 novembre 2016

Comité pour l'élimination  
de la discrimination raciale 

23 novembre 2016

La situation des populations autochtones et des personnes d’ascendance africaine est au centre des discussions

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par l’Argentine sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, M. Claudio Avruj, Secrétaire aux droits humains et au pluralisme culturel de l’Argentine, a indiqué que son Secrétariat s’était doté cette année de nouvelles Directions, dont celle chargée du pluralisme et de l’interculturalité.  Cette année également, l’Institut national des affaires autochtones (INAI) est passé de la tutelle du Ministère du développement social à celle du Secrétariat aux droits de l’homme et au pluralisme culturel, a-t-il ajouté, faisant observer qu’il s’agit ainsi de faire en sorte que les communautés autochtones ne soient plus considérées comme devant faire l’objet de protection, mais plutôt comme étant à part entière des sujets de droits.  L’État argentin a exprimé de manière concrète son engagement en faveur de l’établissement d’une participation autochtone véritable et légitime en créant en mai dernier le Conseil consultatif et participatif des peuples autochtones, a ajouté le Secrétaire aux droits humains et au pluralisme culturel.

Le 8 novembre a été proclamé Journée nationale de l’Afro-Argentin et de la culture afro afin de rendre plus visibles les Argentins d’ascendance africaine, a d’autre part indiqué M. Avruj, avant d’ajouter que le Secrétariat qu’il dirige avait entrepris de lancer un projet visant à rendre visible cette même communauté et à promouvoir les droits de ses membres.  L’Argentine s’apprête à ratifier la Convention interaméricaine contre le racisme, la discrimination raciale et les formes connexes d’intolérance, ainsi que celle contre toutes les formes de discrimination et d’intolérance, a-t-il en outre fait valoir. 

Par ailleurs, des mesures ont été prises pour garantir l’accès des communautés autochtones et minoritaires aux services de base, a souligné le chef de la délégation. M. Avruj a enfin attiré l’attention sur les mesures prises pour accueillir les réfugiés en provenance de Syrie et faciliter leur intégration.

La délégation argentine était également composée, entre autres, de M. Héctor Marcelo Cima, Représentant permanent de l’Argentine auprès des Nations Unies à Genève; du chef de cabinet de M. Avruj ; de représentants du Ministère des relations extérieures et du culte ; et de deux membres de l’Institut national de la lutte contre la discrimination, la xénophobie et le racisme (INADI).

La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité en ce qui concerne, notamment, la reconnaissance du pluriculturalisme et des discriminations multiples ; les communautés autochtones, leurs droits fonciers et leur droit à être consultées en vue d’obtenir leur consentement préalable, libre et éclairé s’agissant des activités qui les concernent ; la communauté d’ascendance africaine et la diminution de son poids démographique dans certaines provinces; la communauté juive ; les plaintes pour discrimination ; la politique migratoire ; ou encore la lutte contre la pauvreté.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l’Argentine, M. Pastor Ellas Murillo Martinez, a rappelé que, selon le dernier recensement, près d’un million d’Argentins étaient autochtones de souche et 150 000 d’ascendance africaine.  Il a attiré l’attention sur le rythme effréné de la déforestation, des personnes étant expulsées de leurs terres, à des fin d’accaparement des terres, et ces spoliations représentant des surfaces considérables. Dans ce contexte, le rapporteur a insisté sur l’importance de respecter le principe de la consultation préalable visant à obtenir le consentement libre et éclairé des communautés concernées s’agissant des mesures qui les affectent.

Le rapporteur a ensuite évoqué la situation des personnes d’ascendance africaine qui, à maints égards, n’est pas sans rappeler celle des peuples autochtones. Il s’est enquis des raisons pour lesquelles certaines provinces qui comptaient plus de 40% de personnes d’ascendance africaine avaient vu la part de ces personnes dans leur population diminuer fortement depuis quelques années. Il a par ailleurs soulevé les questions de l’accès à l’éducation, à l’emploi et à la justice s’agissant des personnes d’ascendance africaine.  M. Murillo Martinez s’est en outre inquiété d’un certain nombre d’assassinats de dirigeants communautaires.  Une personne d’ascendance africaine a 75% de risques de plus de vivre en situation de pauvreté qu’une autre, a-t-il fait observer.

Cela impliquerait que soient prises en faveur de ces catégories de la population des mesures spécifiques de promotion sociale, a estimé le rapporteur.  L’Argentine connaît un problème systémique de discrimination raciale, qui est illustré par les inégalités d’accès à l’éducation ou encore par les niveaux de pauvreté de certaines communautés, a-t-il insisté.  Le rapporteur a également mentionné l’existence d’une importante communauté juive qui semble être en butte au racisme, à l’instar, au demeurant, d’autres communautés, a-t-il observé.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de l’Argentine et les rendra publiques à l’issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 9 décembre.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité tiendra, en salle XX du Palais des Nations, une réunion informelle publique avec des organisations de la société civile.
 
Présentation du rapport de l’Argentine


Le présent dialogue entre les membres du Comité et la délégation argentine se fonde sur le rapport de l’Argentine et la liste de points à traiter adressée au pays préalablement à l’examen de son rapport.  Le Comité est également saisi du document de base de l’Argentine.

Présentant le rapport de son pays, M. CLAUDIO AVRUJ, Secrétaire aux droits humains et au pluralisme culturel de l’Argentine, a indiqué que son Secrétariat s’était doté cette année de nouvelles Directions, dont celle chargée du pluralisme et de l’interculturalité. L’objet de cette dernière est d’élaborer et de proposer des politiques de promotion du pluralisme culturel, de la diversité ethnique, religieuse et de genre et relatives à l’orientation sexuelle. Il s’agit aussi d’élaborer des processus de dialogue interculturel, en particulier au travers de programmes intégrant les premières nations, les personnes d’ascendance africaine et les migrants.

Dans le même temps, a été créée la Direction nationale des politiques intégrales de la diversité sexuelle, dont l’objet est de proposer des politiques de promotion des droits des personnes homosexuelles, trans (transexuelles, travesties et transgenres), bisexuelles, intergenres et intersexuées, a précisé le chef de la délégation argentine.  Pour sa part, la Direction nationale de la culture civique des droits de l’homme a pour objectif de promouvoir une culture citoyenne en matière de droits humains, notamment au travers de séminaires de formation d’experts.

Toujours en 2016, l’Institut national des affaires autochtones (INAI) est passé de la tutelle du Ministère du développement social à celle du Secrétariat aux droits de l’homme et au pluralisme culturel, a par ailleurs indiqué M. Avruj.  Il s’agit de faire en sorte que les communautés autochtones ne soient plus considérées comme devant faire l’objet de protection, mais plutôt comme étant à part entière des sujets de droits.  L’État a exprimé de manière concrète son engagement en faveur de l’établissement d’une participation autochtone véritable et légitime en créant en mai dernier le Conseil consultatif et participatif des peuples autochtones, a fait valoir le Secrétaire aux droits humains et au pluralisme culturel; il s’agit d’un espace de concertation large et représentatif, a-t-il précisé.

M. Avruj a ensuite énuméré un certain nombre de textes de loi relatifs, entre autres, à la protection des femmes contre la violence, au droit à l’identité de genre ou encore au travail domestique.  Le 8 novembre a été proclamé Journée nationale de l’Afro-Argentin et de la culture afro afin de rendre plus visibles les Argentins d’ascendance africaine, a-t-il par ailleurs souligné.  L’Argentine s’apprête à ratifier la Convention interaméricaine contre le racisme, la discrimination raciale et les formes connexes d’intolérance, ainsi que celle contre toutes les formes de discrimination et d’intolérance, a-t-il en outre fait valoir.

L’Institut national de la lutte contre la discrimination, la xénophobie et le racisme (INADI), qui est rattaché au Ministère de la justice et des droits humains, a pour objet d’élaborer les politiques publiques pour faire face à ces questions, a expliqué le chef de la délégation argentine, avant de faire état du Plan national d’action des droits de l’homme élaboré pour l’exercice 2017-2020.

Depuis près d’un an le Ministère de la justice a lancé le Programme Justice 2020 qui constitue un espace de dialogue institutionnel et citoyen visant à édifier une justice de proximité, transparente et indépendante, a poursuivi M. Avruj; il s’agit d’élaborer, de mettre en œuvre et d’évaluer les politiques publiques dans le domaine de la justice, pour une justice qui soit capable de trancher les différends rapidement et de façon fiable.  Un des axes prioritaires de ce Programme portera sur la «justice de proximité».  Le Programme Justice 2020 propose un changement de perspective vis-à-vis des premières nations dans le cadre de l’élaboration d’une politique visant à faire des communautés concernées de véritables sujets de droits, en prenant en compte le respect de leurs coutumes et de la propriété communautaire de la terre.

En outre, le Secrétariat aux droits humains et au pluralisme culturel a entrepris de lancer un projet visant à rendre visible la communauté d’ascendance africaine et à promouvoir les droits de ses membres.  Par ailleurs, l’Argentine a décidé de s’associer à la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine.

Concernant la protection des droits des femmes, M. Avruj a rappelé que le Président de la République avait présenté en juillet dernier un Plan national d’action pour la prévention, l’assistance et l’éradication de la violence contre les femmes pour la période 2017-2019.

Par ailleurs, des mesures ont été prises pour garantir l’accès des communautés autochtones et minoritaires aux services de base, a souligné le chef de la délégation.  A ainsi été lancé, cette année, le Plan «100 points vulnérables du pays», qui vise à mettre en place dans ces lieux des services d’adduction d’eau et d’assainissement, des écoles et des centres de santé.  Un programme bilingue a été lancé afin de promouvoir l’instruction interculturelle des autochtones et un programme de santé spécifique pour ces populations a également été développé.  M. Avruj a enfin attiré l’attention sur les mesures prises pour accueillir les réfugiés en provenance de Syrie et faciliter leur intégration.
 
Examen du rapport


Questions et observations des membres du Comité

M. PASTOR ELLAS MURILLO MARTINEZ, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l’Argentine, a rappelé que, selon le dernier recensement, près d’un million d’Argentins étaient autochtones de souche et 150 000 d’ascendance africaine. Il a souhaité savoir si l’Argentine envisageait d’inscrire dans sa Constitution certains droits culturels et linguistiques.  Le rapporteur a ensuite mentionné l’existence d’une importante communauté juive qui semble être en butte au racisme, à l’instar, au demeurant, d’autres communautés, a-t-il observé.

Après avoir rappelé le passé dictatorial qui a émaillé la majeure partie de  l’histoire du pays au siècle dernier et s’être félicité que la société civile argentine soit particulièrement active, M. Murillo Martinez a affirmé que l’Argentine connaissait un problème systémique de discrimination raciale, qui est illustré par les inégalités d’accès à l’éducation ou encore par les niveaux de pauvreté de certaines communautés. Certes, en Amérique latine, ce problème n’est pas spécifique à l’Argentine, a-t-il reconnu, rappelant que les autochtones et les personnes d’ascendance africaine constituent à eux seuls pas loin de 40% des populations latino-américaines. Une personne d’ascendance africaine a 75% de risques de plus de vivre en situation de pauvreté qu’une autre, a-t-il insisté.  Cela impliquerait que soient prises en faveur de ces catégories de la population des mesures spécifiques de promotion sociale, a estimé le rapporteur.  

M. Murillo Martinez a ensuite attiré l’attention sur le rythme effréné de la déforestation, alors que des personnes sont expulsées de leurs terres, à des fin d’accaparement des terres, ces spoliations représentant des surfaces considérables. Dans ce contexte, le rapporteur a souhaité savoir de quelle manière était appliqué le principe de la consultation préalable visant à obtenir le consentement libre et éclairé des communautés concernées s’agissant des mesures qui les affectent. Il a demandé à la délégation comment les peuples autochtones pouvaient se voir garantir l’accès à leurs terres.  Existe-t-il des quotas permettant de leur octroyer des terres dans un pays extrêmement vaste – le sixième du monde du point de vue de la superficie?  Le droit coutumier, auquel les autochtones sont si attachés, est-il intégré à la législation interne, a encore demandé le rapporteur?

M. Murillo Martinez s’est ensuite inquiété des problèmes de malnutrition frappant une partie de la population, en particulier les enfants.  En outre, il existe des asymétries considérables d’une province à une autre en termes d’accès à l’eau et les autochtones souffrent particulièrement de cette inégalité.

Le rapporteur a aussi évoqué la situation des personnes d’ascendance africaine qui, à maints égards, n’est pas sans rappeler celle des peuples autochtones. La délégation pourrait-elle expliquer ce que l’Argentine entend faire pour que cette population soit plus visible, a-t-il demandé?  Il s’est enquis des raisons pour lesquelles certaines provinces qui comptaient plus de 40% de personnes d’ascendance africaine avaient vu la part de ces personnes dans leur population diminuer fortement depuis quelques années. M. Murillo Martinez a aussi posé une série de questions sur l’accès à l’éducation, à l’emploi et à la justice s’agissant des personnes d’ascendance africaine. Il s’est en outre inquiété d’un certain nombre d’assassinats de dirigeants communautaires et s’est enquis de ce que la justice avait entrepris pour élucider ces affaires.    

Plusieurs autres experts ont regretté le retard pris dans la présentation du présent rapport, l’un d’eux exprimant l’espoir que les délais prescrits seraient respectés à l’avenir.

Un membre du Comité a relevé que les terres spoliées étaient bien souvent les territoires ancestraux de peuples autochtones et a reconnu que leur restitution constituait un problème extrêmement complexe.

Un expert a fait observer que si, à une certaine époque, l’Argentine apparaissait comme un pays de «race blanche», la situation démographique avait commencé à changer, un début de métissage étant à l’œuvre.

Un de ses collègues s’est étonné que l’Argentine n’ait jamais donné suite à un certain nombre d’observations et de recommandations adoptées par le Comité à son intention. Un autre expert a dit craindre qu’au terme du présent examen, le Comité n’ait d’autre choix que de répéter ses précédentes observations finales de 2010.  Tout en se félicitant de la création de l’INADI et de l’INAI, ce même expert a déploré l’insuffisance des ressources allouées à ces institutions; une politique publique dépourvue de ressources n’est pas une politique publique, a-t-il souligné.

S’agissant de la forte diminution démographique de certaines minorités qui étaient jusqu’ici massivement présentes dans certaines régions, une experte s’est demandée si l’on ne pouvait pas considérer qu’il s’agissait, de facto, de déplacements de populations.

Une autre experte a souhaité que la délégation fournisse des chiffres sur l’origine ethnique des détenus en prison.

Un membre du Comité s’est interrogé sur la place de la Convention dans l’ordre juridique interne, compte tenu de la nature fédérale du pays et de la très forte autonomie des provinces. Il semble en effet qu’une province puisse estimer que la Convention n’est pas applicable à son territoire si elle contredit certaines dispositions de la législation locale en vigueur.  Existe-t-il, par ailleurs, une supervision des politiques en faveur des minorités et des peuples autochtones, a demandé l’expert?

Une experte a dit avoir le sentiment que la société civile n’avait guère eu voix au chapitre dans l’élaboration du rapport de l’Argentine.  Elle a ensuite souhaité obtenir des exemples concrets de mesures prises en faveur des personnes d’ascendance africaine. Elle s’est par ailleurs félicitée que le 12 octobre ne soit plus appelée «Día de la Raza», en commémoration de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, mais - comme cela est le cas dans la plupart des pays hispanophones – «Día del Respecto de la Diversidad Cultural» (Journée du respect de la diversité culturelle), l’Argentine prenant ainsi en compte l’existence de populations indigènes lors de l’arrivée des Européens.

Un membre du Comité a déploré l’absence d’un membre du bureau du Défenseur du peuple, ainsi que la sous-représentation des minorités au sein de la délégation argentine. Il s’est ensuite enquis des mesures prises s’agissant des migrants, relevant une insuffisance des services de base fournis à ces personnes, notamment en matière d’interprétation pour les assister dans les démarches administratives. Par ailleurs, des mesures ont-elles été prises pour interdire aux hauts fonctionnaires de tenir publiquement des propos à caractère raciste et xénophobe, comme cela se produit régulièrement?

Des questions ont également été posées s’agissant des allocations versées aux personnes handicapées, qui seraient soumises à des conditions de durée de résidence en Argentine.  Ont aussi été évoquées les questions de l’auto-identification des minorités, y compris des Roms, et des «discriminations croisées» (ou discriminations multiples), notamment à l’encontre des femmes.

Un expert a jugé encourageantes les mesures prises en faveur de la restitution de terres aux autochtones; il a néanmoins souhaité savoir où en étaient les démarches s’agissant du reliquat d’un contentieux qui concerne encore la moitié des terres. Ce même expert a ensuite fait part de sa préoccupation s’agissant de la création d’un centre de rétention pour étrangers: quel est l’objectif recherché et sur quelle base juridique celui-ci reposera-t-il, a-t-il demandé?  Il a aussi souhaité que la délégation précise les prérogatives et le degré d’autonomie de l’INADI.  Il a enfin évoqué les poursuites controversées engagées contre une dirigeante autochtone, Mme Milagro Sala, et s’est interrogé sur ce qui motive ces poursuites.  Un autre expert a soulevé les cas de plusieurs autres représentants autochtones et souhaité savoir de quelles facilités juridictionnelles bénéficiaient les communautés autochtones pour faire valoir leurs droits.  Ce même expert a mentionné le cas d’une avocate qui a été inquiétée pour son action en faveur d’autochtones. 

Un membre du Comité a demandé si des «mesures temporaires spéciales» (dites d’action affirmative) avaient été prises ou étaient envisagées afin de tenter de remédier aux discriminations structurelles séculaires dans le pays.

Un expert s’est interrogé sur le faible nombre de plaintes, et par conséquent de jugements, pour discrimination.

Réponses de la délégation

La délégation a indiqué avoir pris bonne note des remarques des membres du Comité quant au retard pris dans la présentation du rapport et a assuré que l’Argentine entendait faire mieux à l’avenir.

Le chef de la délégation argentine a déclaré que l’État argentin s’était formé sur la base d’un pluriculturalisme dont il tirait toute sa fierté.  Le Président de la République est fils d’Italiens de la première génération, a rappelé M. Avruj, avant de confier être lui-même fils d’immigrants juifs.  Quant à la délégation, qui est composée de personnes d’origines diverses, elle entend être le chantre d’un avenir avec moins de discriminations, a-t-il ajouté.

La délégation a d’autre part reconnu que des personnes pouvaient être victimes de discriminations multiples.  Des critères ont été fixés afin d’élaborer des politiques publiques contre les discriminations.  On ne peut, en effet, aborder la discrimination raciale sans prendre en compte d’autres discriminations, a souligné la délégation. L’adoption d’une perspective pluriculturelle et pluriethnique montre ainsi la nécessité d’agir sur plusieurs axes.

Sur le plan judiciaire, le caractère discriminatoire d’un acte constitue une circonstance aggravante de tout délit, a précisé la délégation. 

L’INADI jouit d’une autonomie fonctionnelle et financière, a par ailleurs souligné la délégation.

Le Ministère de l’environnement intervient auprès des grandes sociétés afin de limiter l’impact de certaines activités, telle que la fracturation hydraulique, par exemple, qui intervient dans l’exploitation du gaz et du pétrole de schiste.   

S’agissant des communautés autochtones, la délégation a mis en avant son plan national des droits de l’homme dont l’un des axes est la lutte contre la discrimination. Il s’agit notamment d’inciter à une plus grande responsabilisation, notamment sur le plan local. Pour résoudre la question des droits fonciers, un certain nombre de superficies ont été rétrocédées aux communautés autochtones après examen du cadastre. Il s’agit d’un processus en cours qui permettra d’éviter les évictions forcées, a affirmé la délégation.  Concrètement, l’Institut national des affaires autochtones (INAI) doit approuver les programmes qui sont nécessaires pour procéder efficacement au recensement technique, juridique et cadastral des terres occupées par les communautés autochtones et déterminer leur statut domanial, en vue d’organiser la reconnaissance constitutionnelle de la possession (propriété) communautaire. Ces programmes doivent respecter la vision du monde et les schémas culturels de chaque peuple autochtone et être élaborés et exécutés en collaboration avec le Conseil pour la participation autochtone, de façon à garantir aux communautés concernées leur droit constitutionnel de participer à la gestion des affaires affectant leurs intérêts.

La justice fédérale a suspendu plusieurs procédures d’expulsion et créé de multiples services juridiques d’appui aux communautés engagées dans des conflits, a ensuite souligné la délégation. L’INAI apporte aux populations autochtones des services d’appui (écrivains publics, conseils juridiques…) afin de les soutenir dans leurs démarches pour s’opposer aux expulsions forcées.  Il s’agit de renforcer l’organisation des communautés et de les aider à se défendre face aux tentatives d’expulsion, a insisté la délégation.  L’INAI soutient également les programmes provinciaux visant à régulariser les possessions autochtones sur les terres publiques.   

La délégation a reconnu que l’Argentine avait des dettes envers les peuples autochtones, s’agissant en particulier du droit à la terre.  Elle a précisé que 50% des terres revendiquées par les communautés autochtones avaient d’ores et déjà été restituées.

La délégation a par ailleurs assuré qu’était respecté en Argentine le principe de la tenue de consultations préalables visant à obtenir le consentement libre et informé des communautés autochtones s’agissant des mesures susceptibles de les affecter. 

Dans l’affaire visant la dirigeante autochtone Milagro Sala, la délégation a précisé que celle-ci était poursuivie pour des allégations de corruption étrangères à son action militante.

Par ailleurs, dans le domaine judiciaire, le droit coutumier est reconnu dans au moins deux provinces, a indiqué la délégation. 

Par ailleurs, l’Argentine reconnaît désormais le rôle joué par la communauté d’ascendance africaine dans l’histoire du pays, a souligné la délégation, avant d’ajouter que le Gouvernement est convaincu de la nécessité d’améliorer le fonctionnement d’institutions telles que l’INADI.

Des recherches ont été entreprises pour analyser les causes de la diminution démographique de la communauté d’ascendance africaine, en dépit de l’héritage de l’esclavage des siècles passés, ainsi que des migrations africaines – en particulier en provenance du Cabo Verde - et afro-latino-américaines en Argentine.  Cette communauté a été particulièrement affectée par les épidémies de fièvre jaune, a fait observer la délégation.  L’INADI a mené des initiatives (expositions, brochures, documents vidéos, Journée du 8 novembre célébrant la culture afro) sur le thème «l’Argentine est aussi africaine », afin de rendre davantage visible l’existence de la communauté d’ascendance africaine, notamment auprès des établissements scolaires. Des bourses de recherche ont également été offertes pour mener des recherches sur cette communauté.

En 2014, 2368 affaires de discrimination ont fait l’objet de plaintes, a indiqué la délégation: 14 concernaient des autochtones et moins d’un pour cent des personnes d’ascendance africaine. Une cartographie de la discrimination a été dressée par des universités indépendantes; elle sert de base de données au profit des législations et orientations prises au niveau national.  La cartographie de la discrimination met principalement l’accent sur le domaine de l’éducation, a ensuite précisé la délégation.

Toute personne qui en a besoin mais qui n’a pas les moyens de s’offrir les services d’un avocat a droit à un avocat commis d’office, a d’autre part souligné la délégation. 

La délégation a ensuite reconnu les lacunes du pays dans le domaine des statistiques. Des mesures ont été prises en vue d’améliorer la situation afin que l’institut national des statistiques soit en mesure de fournir des données ventilées, a-t-elle fait valoir.

Elle a reconnu qu’il n’existait pas de chiffres permettant de connaître l’importance démographique de la communauté juive, qui compterait 200 000 personnes selon l’estimation de cette communauté elle-même.  Cette communauté jouit d’une position prééminente dans la société, a-t-il affirmé, avant d’ajouter que toute la lumière n’avait pu être faite, à ce jour, s’agissant des commanditaires des attentats qui avait visé cette communauté (NDLR : à Buenos Aires dans la première moitié des années 90).

La délégation a d’autre part indiqué qu’en Argentine, les Roms étaient dénommés «Gitans».

Quant au Défenseur du peuple, le titulaire du poste est en voie d’être sélectionné, a fait savoir la délégation.

La politique migratoire de l’Argentine est ouverte, a ensuite indiqué la délégation, avant de rappeler le caractère essentiel et inaliénable du droit à l’immigration.  Il n’existe pas de quotas annuels d’admission ou de limites quelles qu’elles soient: 85% des immigrants (en Argentine) sont originaires des pays du Mercosur, a précisé la délégation.  Ceux-ci n’ont pas besoin de faire une demande d’installation en Argentine et ils peuvent être naturalisés au bout de deux ans de résidence. S’il en va autrement pour les personnes non originaires du Mercosur, des mesures de régularisation ont été décidées en leur faveur, a poursuivi la délégation. En outre, un régime de visas humanitaires a été instauré pour les ressortissants syriens, ainsi que pour les victimes des catastrophes naturelles en Haïti, a-t-elle fait valoir.

Les étrangers ne parlant pas espagnol peuvent faire appel à un interprète et les personnes déboutées du droit de séjour peuvent intenter des recours. Un système accéléré d’expulsion a été mis en place, s’agissant notamment des auteurs de délits. Des mesures ont été prises contre les mariages blancs et pour détecter et refouler les «faux touristes» à la frontière, a ajouté la délégation.

La délégation a ensuite reconnu que l’Argentine était en infraction s’agissant de l’inexistence d’un centre de rétention des migrants qui leur soit proprement réservé ; à l’heure actuelle, les migrants peuvent en effet être incarcérés avec des prévenus.  Le centre de rétention pour étrangers en projet concernera les migrants n’ayant pas commis de délit grave et dont la décision concernant leur statut est en suspens; à l’heure actuelle, ils sont accueillis dans des lieux mal adaptés, tels que des gendarmeries, et ne bénéficient pas de facilités pour contacter leur consulat ou toute autre personne de leur choix, a ajouté la délégation.

Les fonctionnaires chargés des questions de migration – notamment les policiers –bénéficient d’une formation, en matière de droits de l'homme et de non-discrimination, de la part de l’INADI, avec l’aide de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), a indiqué la délégation.

La lutte contre la pauvreté est l’une des priorités gouvernementales, a par ailleurs assuré la délégation, avant de préciser que l’action à cette fin est notamment axée sur les questions de propriété foncière, en assurant la reconnaissance des titres de propriété, et sur l’accès au microcrédit.

Remarques de conclusion

M. MURILLO MARTINEZ, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l’Argentine, a qualifié l’échange de constructif et a indiqué que le Comité, qui adoptera ultérieurement ses observations finales sur ce rapport, suivrait attentivement les questions relatives à la discrimination structurelle envers les peuples autochtones ; la question de la restitution de terres ; le cas de Mme Milagro Sala ; ainsi que la prise de mesures en faveur des personnes d’ascendance africaine. Il semble qu’il y ait en Argentine des immigrants de première classe et d’autres de second rang et c’est là un des grands défis que doit relever le pays, a estimé M. Murillo Martinez.  Le Comité a de grandes attentes s’agissant de la création du centre de rétention de migrants, sa base juridique et sa fonction n’apparaissant pas clairement à ce stade, a-t-il ajouté.

M. AVRUJ, Secrétaire aux droits humains et au pluralisme culturel de l’Argentine, a pour sa part estimé que l’examen du présent rapport constituait un exercice enrichissant.  Toutes les questions restées en suspens se verront apporter une réponse par écrit, s’agissant notamment du centre pour migrants, a-t-il indiqué.  L’Argentine est une mosaïque et reconnaît l’apport de l’immigration, a-t-il par ailleurs assuré. L’un des axes de l’action du pays est l’ouverture en mettant l’accent sur la multiculturalité, a-t-il insisté.  Depuis le rétablissement de la démocratie, la défense des droits de l’homme est une politique d’État, a-t-il conclu.

MME CRICKLEY, Présidente du Comité, a remercié les ONG argentine pour leur contribution très importante. Des questions demeurent en suspens, a-t-elle constaté, s’agissant notamment du fonctionnement de l’État fédéral et de la déclinaison de ses politiques au niveau local.  La question se pose toujours de savoir si une province pourrait refuser d’appliquer la Convention, a-t-elle fait observer.
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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel


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