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Organes conventionnels

Le Comité des disparitions forcées examine le rapport de la Colombie

Rapport de la Colombie

07 Octobre 2016

Le Comité des disparitions forcées a examiné, aujourd'hui, le rapport initial de la Colombie sur les mesures qu'elle a prises pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. 

Présentant ce rapport, Mme Beatriz Londoño Soto, Représentante permanente de la Colombie auprès des Nations Unies à Genève, a assuré que l'État colombien rejetait résolument la pratique abominable de la disparition forcée des personnes et s'était engagé à éradiquer ce crime et à soulager le sort des victimes de ce fléau aberrant. L'ampleur de la disparition forcée en Colombie répond à la dynamique même du conflit qui a déchiré le pays durant un demi-siècle, a-t-elle souligné. En ce sens, la recherche d'une issue négociée afin de mettre un terme du conflit armé est la meilleure garantie pour prévenir et combattre ce fléau – et en particulier assurer le droit des victimes et de leurs familles. C'est la raison pour laquelle, de manière inlassable depuis vingt ans, tous les gouvernements sans exception se sont fixés cet objectif. Malgré le résultat du référendum sur l'accord de paix dimanche dernier, il convient de souligner que le Président Juan Manuel Santos a dit et répété qu'il ne renoncerait pas à la quête de la paix et qu'il s'y consacrerait jusqu'à la dernière minute de son mandat, a souligné la Représentante permanente, avant de préciser que le Gouvernement avait convoqué tous les acteurs sociaux et politiques afin de trouver un consensus susceptible d'avancer sur le chemin de la paix. Les résultats concrets de l'Accord bilatéral et définitif de cessez-le-feu avec la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) sont maintenus, a-t-elle ajouté.

Insistant sur l'importance d'une bonne tenue du Registre national des personnes disparues et cadavres non identifiés, Mme Londoño Soto a indiqué que des mesures ont été prises afin de l'améliorer en déboguant les données qu'il contient ou en élargissant les sources d'information qui l'alimentent, en particulier les témoignages des acteurs pertinents. L'État est conscient de la souffrance des proches face à une «perte ambiguë» du fait de l'incertitude quant au sort du disparu, ainsi que du fait que cette situation a bouleversé leur vie. Il a donc centré son action non seulement sur la recherche des disparus mais aussi sur la réparation, ainsi que sur l'accès effectif à la justice pour enquêter et sanctionner les responsables, a précisé Mme Londoño Soto. 

La délégation colombienne était également composée de représentants du Ministère de la justice et du droit; du Ministère de la défense nationale; de l'Institut national de médecine légale; du Conseil pour les droits humains à la Présidence de la République; et de la Mission permanente de la Colombie auprès des Nations Unies à Genève. 

La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, des questions de justice; de l'Accord de paix avec les FARC; du Registre national des personnes disparues et de l'Institut national de médecine légale; du Mécanisme de recherche d'urgence pour la prévention des disparitions forcées; du plan de recherche des personnes non identifiées dans les cimetières; des cas récents de disparitions forcées; des enfants disparus; ou encore de la participation des victimes.

M. Rainer Huhle, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Colombie, a exprimé l'espoir que la longue nuit qu'avait connue la Colombie finirait par prendre fin et que la lumière reviendrait enfin. Il a relevé la grande incertitude dans laquelle se trouvait le pays, après le tout récent rejet de l'accord de paix. Les engagements de l'État (au titre de la Convention) sont toutefois indépendants de la conjoncture, a-t-il rappelé. M. Huhle a ensuite estimé que des réformes semblaient nécessaires pour améliorer l'efficacité de la Commission de recherche des personnes disparues. Il a attiré l'attention sur le fait que recherches et enquêtes judiciaires devaient aller de pair. Il a en outre relevé que coexistaient en Colombie quatre ou cinq registres de personnes disparues tenus par autant d'institutions différentes. 

Le corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Colombie, M. Luciano Hazan, a quant à lui estimé que la tenue des enquêtes concernant les disparitions forcées laissait manifestement à désirer. De fait, le nombre d'actions en justice ayant abouti à des sentences semble dérisoire au regard de l'ampleur du phénomène, a-t-il ajouté. Faisant état de menaces ayant visé des témoins, des fonctionnaires publics ou des défenseurs des droits de l'homme, M. Hazan a fait observer que certaines personnes doivent être mises à l'abri dans d'autres villes, ce qui entrave les enquêtes et la recherche des personnes disparues. Le corapporteur s'est en outre inquiété du fait qu'un militaire ait été élu pour présider le programme de protection des témoins du parquet, ce qui apparaît problématique compte tenu de l'implication des forces armées ou de sécurité dans des disparitions forcées. Le taux d'identification des restes (dépouilles), évalué à 48%, apparaît relativement faible, a par ailleurs fait observer M. Hazan. 

Un expert a relevé que si le nombre de cas de disparitions forcées était en diminution, on signalait encore toutefois des cas qui seraient le fait de paramilitaires, voire de formations politiques. Certaines collectivités seraient notamment menacées pour des motifs économiques, a-t-il en outre été souligné. S'agissant de la prévention des disparitions forcées, le Comité a en outre indiqué avoir été informé que les détentions ou les interpellations n'étaient pas communiquées au plus tôt, en dépit de ce qu'impose la loi.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la Colombie et les rendra publiques à l'issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 14 octobre.


Demain matin, à 10 heures, le Comité se réunira en séance publique pour rencontrer les États Membres des Nations Unies, les institutions nationales de droits de l'homme, les organisations non gouvernementales et les institutions et mécanismes des Nations Unies.


Présentation du rapport de la Colombie 


Le Comité est saisi du rapport initial de la Colombie, ainsi que des réponses du pays à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité.

MME BEATRIZ LONDOÑO SOTO, Représentante permanente de la Colombie auprès des Nations Unies à Genève, a assuré que l'État colombien rejetait résolument la pratique abominable de la disparition forcée des personnes et s'était engagé à éradiquer ce crime et à soulager le sort des victimes de ce fléau aberrant. Cet engagement est démontré par l'adhésion aux principaux instruments internationaux en la matière, non seulement la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, mais aussi la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes, ainsi que le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. La Colombie a harmonisé son ordre juridique interne avec les normes internationales ainsi définies aux fins de leur mise en oeuvre.

L'ampleur de la disparition forcée en Colombie, a poursuivi Mme Londoño Soto, répond à la dynamique même du conflit qui a déchiré le pays durant un demi-siècle. En ce sens, la recherche d'une issue négociée afin de mettre un terme du conflit armé est la meilleure garantie pour prévenir et combattre ce fléau – et en particulier assurer le droit des victimes et de leurs familles. C'est la raison pour laquelle, de manière inlassable depuis vingt ans, tous les gouvernements sans exception se sont fixés cet objectif. Malgré le résultat du référendum sur l'accord de paix dimanche dernier, il convient de souligner que le Président Juan Manuel Santos a dit et répété qu'il ne renoncerait pas à la quête de la paix et qu'il s'y consacrerait jusqu'à la dernière minute de son mandat, a souligné la Représentante permanente, avant de préciser que le Gouvernement avait convoqué tous les acteurs sociaux et politiques afin de trouver un consensus susceptible d'avancer sur le chemin de la paix. Les résultats concrets de l'Accord bilatéral et définitif de cessez-le-feu avec la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) sont maintenus, a-t-elle ajouté.

La première nécessité touche à la tenue du Registre national des personnes disparues et cadavres non identifiés, puisqu'il s'avère qu'il y a de grandes différences dans les statistiques en fonction des entités qui les ont collectées, a ensuite indiqué Mme Londoño Soto, avant de rappeler que le Registre national est un système interinstitutionnel ayant des données sur des personnes disparues en Colombie depuis 1938. Des mesures ont été prises afin de l'améliorer en déboguant les données qu'il contient ou en élargissant les sources d'information qui l'alimentent, en particulier les témoignages des acteurs pertinents, non seulement les proches mais aussi les démobilisés en vertu de la loi justice et paix, a-t-elle ajouté.

L'État est conscient de la souffrance des proches face à une «perte ambiguë» du fait de l'incertitude quant au sort du disparu, ainsi que du fait que cette situation a bouleversé leur vie. Il a donc centré son action non seulement sur la recherche des disparus mais aussi sur la réparation, ainsi que sur l'accès effectif à la justice pour enquêter et sanctionner les responsables.

Mme Londoño Soto a énuméré les mesures prises afin de localiser les victimes, avec en particulier la création en 2000 de la Commission de recherche des personnes disparues. Il s'agit d'une instance interinstitutionnelle permanente, à laquelle participe la société civile et qui s'est dotée un mécanisme de recherche urgente. Par ailleurs, l'État a renforcé sa capacité à rechercher, localiser, identifier et remettre les restes des personnes disparues à leurs proches. Une banque des profils génétiques contient plus de 25 000 empreintes de groupes familiaux. Des mesures ont été prises afin de permettre la mise à disposition ainsi que l'administration provisoire des biens des disparus. La loi a ainsi créé la possibilité d'une «action de déclaration d'absence pour disparition», ce qui a constitué un progrès important dans la définition de la situation juridique des disparus, permettant ainsi d'alléger pour les proches le fardeau des conséquences d'un événement terrible.

La loi de réparation aux victimes dont s'est dotée la Colombie en 2011 constitue une référence internationale, a poursuivi la Représentante permanente. Cette loi concerne toutes les victimes du conflit, y compris les victimes de disparition forcée, et elle prévoit une indemnisation, des mesures de réadaptation et de restitution, ainsi que des garanties de non-répétition, offrant en outre une attention psychosociale.

La tenue d'enquêtes, très complexes compte tenu de la nature du délit, et l'accès à la justice constituent le plus grand défi, a ensuite reconnu Mme Londoño Soto. Le Code pénal colombien sanctionne l'auteur d'un acte de disparition forcée et la participation d'agents de l'État - même leur simple appui ou assentiment – constitue une circonstance aggravante. Un Plan national de recherche des personnes disparues établit, par ailleurs, une méthodologie contraignante que doivent respecter les autorités judiciaires.

Mme Londoño Soto a reconnu que des défis importants et complexes demeuraient. Il est nécessaire de faire preuve d'un plus grand volontarisme dans des domaines relatifs aux systèmes d'information, lesquels doivent être plus précis, non seulement quant au nombre de personnes disparues, mais aussi relativement aux caractéristiques et conditions des victimes directes. L'effort visant à «déboguer» les bases de données constitue un exemple concret donné par le Registre national des personnes disparues, qui doit être plus fiable afin d'obtenir de meilleurs résultats dans la recherche des personnes. De même, les enquêtes doivent progresser elles aussi avec une plus grande vigueur et les efforts du parquet doivent pouvoir se refléter dans le nombre de personnes condamnées pour ces faits déplorables car il s'agit non seulement d'une mesure de réparation mais aussi une garantie de non-répétition, a insisté la Représentante permanente. Les membres du Comité sont certainement bien conscients que de tels défis ne sont pas faciles à surmonter, particulièrement lorsque l'on a vécu un conflit de cinq décennies, a-t-elle ajouté.

En conclusion, Mme Londoño Soto a estimé que la présence à Genève de la société civile, dont des proches de personnes disparues, démontrait la volonté et la détermination de son pays de continuer à progresser en faisant preuve de volontarisme pour mettre en œuvre et garantir les droits des citoyens colombiens.

Examen du rapport
 

Questions et observations des membres du Comité

M. RAINER HUHLE, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Colombie, a exprimé l'espoir que la longue nuit qu'avait connue la Colombie finirait par prendre fin et que la lumière reviendrait enfin. Il a relevé la grande incertitude dans laquelle se trouvait le pays, après le tout récent rejet de l'accord de paix. Les engagements de l'État sont toutefois indépendants de la conjoncture, a-t-il rappelé. Il a souhaité savoir si la Colombie envisageait d'accepter les dispositions des articles 31 et 32 de la Convention relatifs à la réception de plaintes par le Comité; si tel n'est pas le cas, pour quelles raisons n'entend-elle toujours pas le faire? 

M. Huhle a ensuite souhaité savoir comment l'État comptait affiner ses procédures de recherche de personnes disparues et faciliter l'octroi de réparations. Il a évoqué le rôle de la Commission de recherche des personnes disparues et les obstacles qu'elle rencontrait à son action; des réformes semblent nécessaires afin d'améliorer son efficacité, a-t-il estimé. Le corapporteur a d'autre part attiré l'attention sur le fait que recherches et enquêtes judiciaires devaient aller de pair. Il a en outre relevé que coexistaient en Colombie quatre ou cinq registres de personnes disparues tenus par autant d'institutions différentes. M. Huhle a noté que sur les quelque 90 000 cas de disparitions, «seuls» 23 494 correspondent à la catégorie «présomption de cas de disparition forcée», soit un sur cinq. Comment la délégation explique-t-elle le fait, par ailleurs, que très rarement les cas de disparitions sont classés dans la catégorie «traite de personnes»?

M. Huhle a enfin noté qu'il y avait eu 4124 procès entre 2010 et 2015 qui ont conduit à 557 sentences dont 504 ont donné lieu à des condamnations. Selon quels critères, a-t-il demandé, la disparition forcée a-t-elle été incriminée? Y avait-il parmi les accusés des fonctionnaires ou des personnes agissant avec la connivence de l'État? 

M. LUCIANO HAZAN, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Colombie, a estimé que la tenue des enquêtes concernant les disparitions forcées laissait manifestement à désirer. Il n'existe pas de planification unifiée des enquêtes, un atomisation qui leur porte préjudice en matière d'efficacité, ce qui a aussi un impact négatif sur la recherche des disparus, a-t-il ajouté. De fait, le nombre d'actions en justice ayant abouti à des sentences semble dérisoire au regard de l'ampleur du phénomène, a-t-il insisté. Les fonctionnaires chargés de diligenter des enquêtes ont-ils accès aux archives – lesquelles sont trop souvent tenues secrètes, a poursuivi le corapporteur, rappelant que le «droit à la vérité» devrait ici s'imposer? 

M. Hazan a fait état de menaces ayant visé des témoins, des fonctionnaires publics ou des défenseurs des droits de l'homme. Certaines personnes doivent être mises à l'abri dans d'autres villes, ce qui entrave les enquêtes et la recherche des personnes disparues, a-t-il ajouté. Des mesures sont-elles prises pour que les personnes concernées – victimes ou proches de celles-ci – soient protégées du mieux possible? M. Hazan s'est enfin inquiété du fait qu'un militaire ait été élu pour présider le programme de protection des témoins du parquet, ce qui apparaît problématique compte tenu de l'implication des forces armées ou de sécurité dans des disparitions forcées.

Selon certaines sources, l'application du Plan national de recherche des personnes disparues serait menée de manière sporadique et bureaucratique, s'est ensuite inquiété M. Hazan, ajoutant que lorsque des victimes sont retrouvées, elles ne sont pas nécessairement répertoriées comme victimes de disparition forcée, n'ayant pas été signalées comme disparues mais comme personnes possiblement déplacées. Le taux d'identification des restes, évalué à 48%, apparaît relativement faible, a en outre fait observer le corapporteur. Si les efforts accomplis ne sont certes pas nuls, il apparaît néanmoins que ceux-ci pourraient être accentués, a-t-il estimé. Il s'est demandé si l'absence de célérité dans la restitution des corps - 77 corps restitués pour ces cinq dernières années – s'expliquait par une absence de volonté politique ou par d'autres facteurs. 

Un autre membre du Comité a demandé s'il existait un mécanisme permettant de dessaisir une unité civile ou militaire des forces de sécurité d'une enquête se rapportant à une disparition forcée lorsqu'un ou plusieurs agents de cette unité sont accusés d'avoir commis l'infraction en question ou d'avoir participé à sa commission? Cet expert a insisté sur la nécessaire exclusion des cas de disparition forcée de la compétence des juridictions militaires. 

Un autre expert a relevé l'énormité du nombre de disparitions forcées en Colombie, dont certaines seraient du fait d'agents de l'État. Des enquêtes sont-elles dûment menées quels que soient les auteurs présumés, a-t-il demandé? Il s'est inquiété que des groupes armés illégaux constitués après la démobilisation des organisations paramilitaires semblent avoir parfois agi en collusion avec des agents de l'État ou avec leur assentiment. Il a enfin souhaité avoir des éclaircissements sur l'application de l'imprescriptibilité au crime de disparition forcée. 

Un expert a relevé que si le nombre de cas de disparitions forcées était en diminution, on signalait encore toutefois des cas qui seraient le fait de paramilitaires, voire de formations politiques. Certaines collectivités seraient notamment menacées pour des motifs économiques. 

Un membre du Comité a demandé comment les autorités colombiennes entendaient faire vraiment en sorte que les fonctionnaires impliqués dans des violations des droits de l'homme soient effectivement traduits en justice, si l'accord de paix devait être finalement mis en œuvre. 

S'agissant de la prévention des disparitions forcées, le Comité a été informé que les détentions ou les interpellations n'étaient pas communiquées au plus tôt, en dépit de ce qu'impose la loi, a-t-il en outre été indiqué.

La Colombie a-t-elle élaboré une stratégie pour l'incorporation d'une perspective de genre dans les enquêtes, recherches, sanctions et réparations concernant des disparitions de femmes et de jeunes filles, a-t-il par ailleurs été demandé? 

Un membre du Comité a demandé si la loi sur la protection des victimes pouvait s'appliquer aussi aux victimes de disparitions forcées qui n'ont pas été spécifiquement visées pour leur implication réelle ou supposée dans le conflit civil; le texte de cette loi fait en effet uniquement référence aux disparitions forcées survenues lors du conflit armé. 

Le Gouvernement colombien met-il tout en œuvre pour veiller à ce que soit respecté le principe du non-refoulement, s'agissant notamment de l'expulsion du territoire de personnes courant le risque d'être victimes de disparition forcée, a demandé une experte? 

Un expert a jugé nécessaire de disposer d'informations sur l'éventuelle prise en compte des peuples autochtones par les autorités dans la problématique de la disparition forcée. 

Un membre du Comité s'est dit surpris par le nombre de mineurs disparus, estimés à 2250: les autorités disposent-elles d'informations plus précises, s'agissant notamment des cas éventuels d'enfants volés – qui seraient, par conséquent, probablement toujours vivants pour certains d'entre eux? On a ainsi signalé des cas de mineurs recrutés par les paramilitaires. 

Réponses de la délégation

La délégation a rappelé le caractère extrêmement complexe de la disparition forcée – un phénomène qui est même de bien plus grande ampleur que les chiffres, déjà considérables, ne le laissent paraître, a-t-elle reconnu. Ce phénomène est d'autant plus complexe que les auteurs de ce crime peuvent être aussi bien des particuliers agissant de leur propre chef que des fonctionnaires de l'État.

S'agissant de l'imprescriptibilité du crime de disparition forcée, la délégation a rappelé que les crimes contre l'humanité sont imprescriptibles en Colombie – ce qu'a précisément rappelé la Cour constitutionnelle lors de la ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Toutefois, pour être imprescriptible, la disparition forcée doit revêtir un caractère général et systématique, a rappelé la délégation, ce qui signifie, concrètement, que certains cas (n'ayant pas ce caractère) peuvent être prescrits au bout de trente ans.

La délégation a ensuite indiqué que la justice colombienne avait été saisie de plus de 48 500 cas de disparition forcée, 166 personnes ayant été condamnées pour leur responsabilité dans ces cas. Le Ministère public et les autorités judiciaires doivent, dans le traitement de ces cas, avoir accès à toutes les informations pertinentes, a reconnu la délégation, démentant toute entrave dans ce domaine. 

Par ailleurs, la justice militaire n'a pas vocation à prendre en considération les affaires de disparitions forcées, a assuré la délégation. Disparitions forcées, génocides, crimes contre l'humanité sont exclus des compétences de la justice militaire, a-t-elle ensuite précisé. La justice militaire est néanmoins compétente dans un certain nombre de cas, a-t-elle ajouté, reconnaissant toutefois qu'il n'était pas toujours aisé de les déterminer, le Conseil supérieur de la magistrature pouvant être amené à se prononcer en la matière. 

L'Accord de paix prévoyait un certain nombre de choses en matière d'établissement des responsabilités, tant des agents de l'État que des membres de la guérilla. Toutefois, cela est désormais en suspens avec la récente victoire du «non» au référendum, avec une majorité d'un peu plus de 50% des voix, a indiqué la délégation.

L'Institut national de médecine légale gère le Registre national des personnes disparues qui a été créé par la Commission nationale de recherche, a poursuivi la délégation. Cette dernière a entrepris un grand effort depuis 18 mois pour simplifier la récupération et la compilation des données. Le Registre national fonctionne en vertu d'un certain nombre de critères, notamment afin d'établir les caractéristiques de toute disparition. La personne qui signale une disparition dispose généralement de très peu d'informations, quand elle n'est tout simplement guère désireuse d'en dire trop par crainte de représailles, a fait observer la délégation. Trop peu de familles portent plainte et un grand nombre ne souhaitent pas figurer dans le Registre, a-t-elle expliqué. Le mécanisme national de recherche est par conséquent très lacunaire, alors que son rôle est de faciliter le flux d'indices et d'informations. 

Le Mécanisme de recherche d'urgence pour la prévention des disparitions forcées qui a été mis en place vise à ce que des recherches immédiates soient diligentées dès le signalement d'une disparition, quelles que soient les circonstances de celle-ci. Les autorités rurales et locales ont été encouragées à le faire connaître et à le mettre en œuvre; il a été mis en branle dans plus de 1700 cas. Toute personne ayant connaissance d'une disparition est censée la signaler aux autorités, a souligné la délégation. 

La délégation a par la suite reconnu que le Mécanisme de recherche d'urgence rencontrait d'importantes difficultés, en raison de retards dans le déclenchement des opérations. Les fonctionnaires concernés ont été alertés sur l'urgence du traitement des plaintes et, notamment, sur le fait que celles-ci devaient être reçues 24 heures sur 24.

Des aides – à caractère humanitaire, mais aussi assistance funéraire, aide à l'identification et indemnisations – ont été mises en place en faveur des victimes, a poursuivi la délégation. Plus de 164 000 victimes directes et indirectes (les proches) sont répertoriées à l'heure actuelle, dont une trentaine de mille sont considérées comme «directes».

Quant à l'Institut national de médecine légale, il est confronté lui aussi à d'importantes difficultés, a ajouté la délégation. La majorité des cadavres ne peuvent être identifiés que par une analyse génétique, ce qui implique de disposer d'une banque ADN la plus complète possible. 

L'Institut de médecine légale a entrepris de coopérer avec les FARC, ce qui a permis à ce jour de retracer quelques personnes portées disparues, a par la suite indiqué la délégation. Dernièrement, six dépouilles mortelles ont ainsi pu être restituées à leurs proches, a-t-elle précisé. La délégation a de nouveau souligné qu'un grand nombre des restes humains retrouvés pouvaient être identifiés grâce au recours à l'analyse génétique, mais sous réserve de disposer d'échantillons d'ADN fournis par la famille, ce qui est loin d'être toujours le cas. La délégation a toutefois rappelé que le temps écoulé et la détérioration des ossements rendaient l'identification de plus en plus difficile. Lorsqu'une fosse commune est découverte, les lieux sont immédiatement sécurités et protégés afin de préserver les indices, a ajouté la délégation. Les dépouilles non identifiées sont conservées dans un certain nombre de lieux où elles sont conservées à fin de préservation en attendant une possible identification des défunts et la détermination de la cause de leur décès. La Colombie manque cruellement d'anthropologues, de généticiens et de radiologues pour procéder à ces tâches, a indiqué la délégation. 

La participation des victimes est garantie dès le début du processus de recherche, celles-ci devant être informées de l'état d'avancement et de l'aboutissement des recherches, qu'elles soient concluantes ou pas. Cette participation est la source fondamentale de l'information; par participation des victimes, il faut entendre la bonne application de la Loi sur la justice et la paix, y compris le versement de réparations, a expliqué la délégation. 

L'Unité nationale de protection et de prévention a mis en place un programme qui prévoit que la personne s'estimant menacée peut faire une demande de protection. Un évaluation de la réalité de la menace est faite, notamment par la police, dans les trente jours. Si le risque est confirmé, les mesures nécessaires sont prises en décidant d'un dispositif de sécurité (escorte permanente, fourniture d'un gilet pare-balles…), cette protection pouvant aussi bénéficier aux proches selon que de besoin. 

En réponse à une question sur des cas récents de disparitions forcées, la délégation a indiqué qu'il s'était agi de faits résultant de trafics de drogue ou de sectes sataniques.

En réponse à une question relative aux disparitions forcées ayant ciblé des populations spécifiques ou des militants, la délégation a notamment indiqué que 741 autochtones et 43 défenseurs des droits de l'homme, ainsi qu'un certain nombre d'élus et de syndicalistes en avaient été victimes. Des mesures de protection ont été adoptées depuis 2011. L'Unité nationale de protection est spécifiquement chargée de veiller à la sécurité des défenseurs des droits de l'homme.

Le Haut-Commissariat aux droits de l'homme, qui est présent en Colombie, joue un rôle important en matière d'instauration d'une culture des droits de l'homme. Il joue aussi un rôle d'alerte lorsqu'il constate d'éventuelles dérives. Son antenne de Bogota et ses bureaux locaux sont financés en bonne partie par l'État colombien. Son mandat doit être prorogé de trois ans, en vertu de l'Accord de paix de La Havane conclu avec les FARC.

Aucune personne ne saurait être détenue sans qu'un juge ne l'ait décidé, a ensuite rappelé la délégation. Tout placement en détention doit être notifié dans les 36 heures. Sur près de 36 000 détenus, 8 000 ont été jugés et condamnés, les autres étant en attente de jugement, a précisé la délégation. 

Les articles 31 et 32 de la Convention, relatifs à la reconnaissance de la compétence du Comité pour examiner des plaintes émanant d'un individu ou d'un État, font l'objet d'une réflexion quant à leur éventuelle application future en Colombie, a par ailleurs indiqué la délégation. 

S'agissant des enfants disparus, dont le total atteint 29 618, 2250 relèvent de la disparition forcée, a reconnu la délégation. Il s'avère que bien souvent, au moins l'un des deux parents disparaît simultanément, a-t-elle ajouté. Quant à l'enlèvement d'enfants, des phénomènes de «micro-trafic» ont été constatés, à de probables fins d'exploitation sexuelle, a indiqué la délégation. 

La disparition forcée à des fins d'enrôlement forcé d'enfants et d'adolescents a fait l'objet d'un effort important de recueil de données, a poursuivi la délégation. Des actions de formation ont été menées auprès des fonctionnaires afin qu'ils soient mieux à même d'identifier les cas. 

L'instauration de la procédure de «déclaration d'absence», en 2012, a permis d'instaurer un statut juridique des personnes que l'on ne peut pas localiser et qui n'ont pas été retrouvées, ni vivantes ni mortes. Point n'est besoin qu'un certain laps de temps se soit écoulé entre la date des dernières nouvelles du disparu et le dépôt de la demande de déclaration d'absence du fait d'une disparition forcée et il s'agit d'une procédure gratuite, a expliqué la délégation. 

Un plan de recherche des personnes non identifiées dans les cimetières a été lancé en 2012, a d'autre part fait valoir la délégation. Il s'est agi de faire un certain nombre de vérifications dans 335 cimetières afin, notamment, de déterminer le nombre de personnes enterrées qui n'ont pas été identifiées ou qui ont été identifiées mais qui n'ont pas été réclamées.

Remarques de conclusion


M. HAZAN, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Colombie, s'est félicité du haut niveau technique des réponses apportées par la délégation. En dépit du résultat négatif du référendum de dimanche dernier, on peut relever que le processus de paix a permis de faire baisser le nombre de disparitions et le niveau de violence, tout en reconnaissant les droits des victimes, a-t-il observé. Ce processus est un chemin permettant de garantir nombre des obligations du pays au titre de la Convention, notamment en matière de recherche des personnes disparues, de droit à la vérité et d'émergence de nouvelles formes de réparation et de garanties de non-répétition, a ajouté M. Hazan. 

Toutefois, le Comité reste préoccupé par le fait que des disparitions forcées continuent de se produire en Colombie, provoquées par des groupes armés toujours en conflit. L'ampleur massive des disparitions constitue un défi redoutable, s'agissant notamment de la tenue d'enquêtes. Les observations finales proposeront à la Colombie de mettre en place un mécanisme de suivi de leur mise en œuvre, a précisé M. Hazan. 

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