Organes conventionnels
Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes examine le rapport du Burundi
Burundi
27 octobre 2016
Comité pour l'élimination de la discrimination
à l'égard des femmes
26 octobre 2016
Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a examiné, aujourd'hui, le rapport du Burundi sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.
Présentant ce rapport, Mme Elisa Nkerabirori, Assistante du Ministre des droits de la personne humaine, des affaires sociales et du genre du Burundi, a affirmé que depuis 2008, date du dernier examen de son pays par le Comité, le Burundi a connu une avancée significative dans la promotion des droits de la femme. Les efforts de l'État se heurtent toutefois à «certains défis principalement liés à la conjoncture économique et financière internationale». La représentation des femmes dans les instances de prise de décision est une réalité, a poursuivi l'Assistante du Ministre. Toutefois, le Gouvernement est conscient que des réformes profondes restent à mener; mais chaque société évolue à un rythme qui lui est propre», a-t-elle précisé.
Mme Nkerabirori a ensuite fait état d'un certain nombre de textes et mesures adoptés en faveur de l'accès des femmes à la justice, à commencer par la Constitution de 2005 qui garantit l'égalité de tous devant la loi; elle a aussi cité la révision du Code pénal et du Code procédure pénale, ainsi que les mesures prises en faveur de l'assistance juridique. Des mesures ont été prises dans le domaine de l'éducation des filles contre les attitudes traditionnelles, dont les résultats sont encourageants et, pour la première fois, le Burundi a atteint la totale égalité entre les sexes en termes d'accès à l'éducation primaire, ce qui favorise la lutte contre le mariage précoce, a fait valoir Mme Nkerabirori. Concernant l'emploi, des mesures ont été prises pour assurer le respect des conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT) relatives à l'égalité de rémunération entre les sexes. Par ailleurs, a été adoptée en septembre dernier la loi portant prévention, protection des victimes et répression des violences basées sur le genre – un texte que la cheffe de délégation a qualifié de «révolutionnaire».
La délégation burundaise était également composée, entre autres, de la Directrice générale de la promotion de la femme et de l'égalité du genre, d'une sénatrice et de représentantes du Ministère de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique et du Ministre de la justice.
La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, du statut de la Commission nationale des droits de l'homme; de la société civile; de la situation carcérale; de la crise que traverse actuellement le pays – et notamment du rôle joué par la Ligue des jeunes Imbonerakure; des personnes réfugiées et déplacées; du retrait du pays du Statut de Rome de la Cour pénale internationale; de la politique nationale du genre; de la représentation des femmes; du Code de la nationalité, du Code des personnes et de la famille et du Code du travail; de la violence domestique; ou encore de l'interdiction de l'avortement.
La crise actuelle concerne uniquement quatre quartiers de Bujumbura qui se sont soulevés contre le Gouvernement, a affirmé la délégation durant le dialogue. La Ligue des jeunes Imbonerakure est diabolisée; elle est stigmatisée depuis 2013 par des opposants qui entendaient justifier ainsi à l'avance leurs actes délictueux, a ajouté la délégation. Elle a en outre souligné que le Burundi a décidé souverainement, par un vote de son Parlement, de se retirer du Statut de Rome de la CPI, possibilité qui est prévue dans ledit Statut.
Au cours du dialogue, une experte membre du Comité a fait part de l'inquiétude du Comité face aux graves limitations imposées à la société civile et face aux restrictions aux libertés depuis avril 2015. Cette même experte a indiqué que le Comité avait le sentiment d'être «mené en bateau», le Burundi disant et répétant examen après examen qu'il élaborait des textes dont on ne voit jamais l'aboutissement. Par ailleurs, le système judiciaire est souvent considéré comme corrompu, partial, trop soumis au pouvoir exécutif et peu efficace, a-t-elle ajouté. Plus de 45% des femmes incarcérées sont en fait en détention préventive, a en outre fait observer la même experte, ajoutant que leur situation est inquiétante en raison de la surpopulation carcérale, des mauvais traitements, de l'absence de séparation systématique entre hommes et femmes et du manque de nourriture et de soins. Par ailleurs, 35% des femmes condamnées à des peines de prison le sont pour cause d'avortement ou d'infanticide et ce chiffre est particulièrement inquiétant au vu de l'insuffisance de la contraception, de la pauvreté généralisée et du manque d'éducation de nombreuses femmes, a-t-elle indiqué.
Une autre experte a fait état d'un rapport récent de l'ONU mettant en cause des jeunes Imbonerakure, milice proche du pouvoir, dans la commission d'atrocités. Une autre experte a demandé si les autorités burundaises avaient la volonté politique de mettre un terme aux violences sexuelles commises depuis le début des troubles l'an dernier par des acteurs étatiques et non étatiques.
Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Burundi et les rendra publiques à l'issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 18 novembre prochain.
Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport périodique du Bhoutan.
Présentation du rapport du Burundi
Le Comité est saisi du rapport périodique du Burundi, ainsi que des réponses du pays à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité.
MME ELISA NKERABIRORI, Assistante du Ministre des droits de la personne humaine, des affaires sociales et du genre du Burundi, a affirmé que depuis 2008, date du dernier examen de son pays par le Comité, le Burundi a connu une avancée significative dans la promotion des droits de la femme. Les efforts de l'État se heurtent toutefois à «certains défis principalement liés à la conjoncture économique et financière internationale». La représentation des femmes dans les instances de prise de décision est une réalité, a poursuivi l'Assistante du Ministre. «L'exigence constitutionnelle d'au moins 30% de femmes est constamment une préoccupation, même dans les corps de défense et de sécurité. Toutefois, le Gouvernement est conscient que des réformes profondes restent à mener; mais chaque société évolue à un rythme qui lui est propre», a-t-elle précisé.
Mme Nkerabirori a assuré de l'appropriation de la Convention par tous les intervenants dans le domaine des droits de l'homme, notamment les magistrats, les directeurs et inspecteurs des écoles secondaires, ainsi que les associations féminines. La formation à la lutte contre les violences sexuelles a été étendue aux force de défense et de sécurité, a-t-elle ajouté.
Mme Nkerabirori a ensuite fait état d'un certain nombre de textes et mesures adoptés en faveur de l'accès des femmes à la justice, à commencer par la Constitution de 2005 qui garantit l'égalité de tous devant la loi; elle a aussi cité la révision du Code pénal et du Code procédure pénale, ainsi que les mesures prises en faveur de l'assistance juridique. Le Gouvernement a créé le Centre de promotion des droits de l'homme et de prévention du génocide qui contribue à la promotion et à l'éducation de la population en général et de la femme en particulier sur le respect des droits de l'homme, le contenu des textes de loi et les procédures pour accéder à la justice, a-t-elle ajouté.
Dans le domaine économique, a été ouvert aux femmes l'accès aux mécanismes et institutions de crédit, en mettant en particulier l'accent sur le microcrédit pour les activités génératrices de revenus pour les femmes, a poursuivi Mme Nkerabirori. Elle a toutefois reconnu toutefois «les faiblesses persistantes pour garantir aux femmes et aux filles, pilier du développement, l'accès aux ressources financières».
Des mesures ont été prises dans le domaine de l'éducation des filles contre les attitudes traditionnelles: les résultats sont encourageants et, pour la première fois, le Burundi a atteint la totale égalité entre les sexes en termes d'accès à l'éducation primaire, ce qui favorise la lutte contre le mariage précoce, a fait valoir Mme Nkerabirori. Concernant l'emploi, des mesures ont été prises pour assurer le respect des conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT) relatives à l'égalité de rémunération entre les sexes. Un Comité national de dialogue a été mis sur pied au sein duquel femmes et hommes sont représentés à parité pour débattre de toutes les questions du monde du travail.
Mme Nkerabirori a ensuite reconnu que la sécurité sociale ne couvrait qu'une partie «extrêmement limitée de la population, du fait de la faible capacité contributive de la plupart des ménages, qui sont confrontés à des défis énormes et persistants. Le Gouvernement, qui reconnaît l'importance de construire un cadre durable pour la protection sociale, a lancé la Stratégie nationale de protection sociale dans le but d'assurer un niveau minimum de protection sociale pour tous les citoyens. Il reconnaît en effet que ce sont les plus pauvres et les plus vulnérables qui, étant les moins bien couverts, encourent les risques les plus graves. C'est pourquoi un rôle très important a été accordé au développement et au renforcement des programmes d'assistance sociale non contributifs en faveur des plus pauvres et des plus vulnérables, a indiqué l'Assistante du Ministre.
Le Gouvernement a amorcé depuis quelques années la gratuité des soins pour les femmes et filles en couche et les enfants de moins de cinq ans, a poursuivi Mme Nkerabirori. Par ailleurs, a été adoptée en septembre dernier la loi portant prévention, protection des victimes et répression des violences basées sur le genre – un texte que la cheffe de délégation a qualifié de «révolutionnaire». Les pratiques préjudiciables y sont dénoncées et réprimées, ainsi que les violences domestiques, un accent particulier étant accordé à la prévention. Un deuxième programme conjoint (2014-2016) de lutte contre les violences sexuelles, qui couvre aussi la santé génésique, est en cours d'exécution, a ajouté Mme Nkerabirori. Elle a aussi mentionné les actions menées en matière de lutte contre la traite.
En conclusion, Mme Nkerabirori a rappelé que toutes ces avancées avaient été enregistrées dans un contexte socio-économique difficile exigeant beaucoup d'efforts. Elle a demandé à la communauté internationale d'accompagner le Burundi dans ses efforts.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
Une experte a demandé à quelle échéance le Burundi prévoyait de reprendre le processus de réforme du Code des personnes et de la famille qui est bloqué depuis 2008 et a souhaité savoir si une date butoir avait été fixée pour l'adoption de cette réforme. Qu'en est-il, de la même façon, en ce qui concerne l'adoption et la mise en application de la loi sur les successions, les régime matrimoniaux et les libéralités, a-t-elle également demandé? Elle a ensuite fait part de l'inquiétude du Comité face aux graves limitations imposées à la société civile et face aux restrictions aux libertés depuis avril 2015. Les autorités entendent-elles mettre un terme à ces limitations afin de permettre le retour à des processus démocratiques dans l'élaboration de la législation nécessaire au respect de la Convention?
Le Burundi prévoit-il l'adoption d'une loi antidiscriminatoire globale, a poursuivi l'experte? Elle s'est ensuite inquiétée de la non-mention de la Convention par les tribunaux et de son absence de respect par des juges qui rendent en fait des décisions contraires au principe de non-discrimination. Le système local ne fournit pas de moyens efficaces pour que les femmes puissent faire valoir leurs droits et se défendre contre les discriminations, a-t-elle insisté, se demandant s'il était prévu dans ce pays de revoir l'organisation judiciaire afin d'améliorer les voies de droit. Qu'en est-il de l'aide juridictionnelle et des mesures sont-elles prises pour assurer la formation des juges et des policiers s'agissant des droits des femmes, a par ailleurs demandé l'experte?
La même experte a dit que le Comité avait le sentiment d'être «mené en bateau», le Burundi disant et répétant examen après examen qu'il élaborait des textes dont on ne voit jamais l'aboutissement. Elle a fait part de son inquiétude face au fait que des avocats semblent se mettre en danger lorsqu'ils défendent des causes jugées contestataires par le pouvoir actuel. Par ailleurs, le système judiciaire est souvent considéré comme corrompu, partial, trop soumis au pouvoir exécutif et peu efficace. En outre, les magistrats considérés comme trop indépendants sont punis. Des mesures sont-elles prises pour remédier à ces problèmes, a demandé l'experte?
Plus de 45% des femmes incarcérées étant en fait en détention préventive, la même experte a demandé si quelque chose était fait pour remédier à cette situation choquante, en libérant au moins les femmes qui ne sont pas accusées de crimes graves. Leur situation est inquiétante en raison de la surpopulation carcérale, des mauvais traitements, de l'absence de séparation systématique entre hommes et femmes et du manque de nourriture et de soins, a précisé l'experte.
Par ailleurs, 35% des femmes condamnées à des peines de prison le sont pour cause d'avortement ou d'infanticide et ce chiffre est particulièrement inquiétant au vu de l'insuffisance de la contraception, de la pauvreté généralisée et du manque d'éducation de nombreuses femmes, a poursuivi l'experte. Il n'est en effet pas étonnant que des femmes se retrouvent enceintes contre leur volonté, au vu des relations inégales entre les deux sexes et de la prévalence de la violence; or, plutôt que de les protéger, l'État les envoie en prison pour des peines pouvant aller de 20 ans à la perpétuité, alors même qu'elles ont déjà des enfants qui eux, se retrouvent alors abandonnés. Le Gouvernement prévoit-il de revoir la manière dont il traite ces femmes?
Le pays connaissant un nombre très élevé de conflits fonciers qui engorgent les tribunaux et contribuent à la lenteur du système, l'experte a ensuite demandé si l'adoption d'une loi sur les successions serait susceptible d'en diminuer le nombre et d'améliorer la performance du système.
Tout en félicitant le Burundi pour l'existence d'une Commission nationale indépendante des droits de l'homme respectant les Principes de Paris, l'experte a toutefois fait part de son inquiétude face à l'évolution récente de cette institution dont les ressources sont limitées, la composition non impartiale et la prudence peut-être excessive dans l'exercice de sa mission.
Une autre experte a souhaité savoir si le Burundi s'était mis en conformité avec la Résolution 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité, estimant nécessaire que le prochain rapport fasse état des mesures prises à cet égard. Elle a évoqué les violences déchirant le pays et a souhaité savoir si le Gouvernement disposait de données sur le nombre de personnes déplacées et leurs conditions de vie. Elle s'est en outre enquise de la participation des femmes aux efforts pour ramener la paix civile.
La même experte a évoqué le retrait du Burundi du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), estimant que cela serait susceptible de représenter un «grand bond en arrière». Or, une enquête préliminaire a été ouverte par le procureur de la CPI sur les exactions commises dans le pays depuis avril 2015. Le Gouvernement a-t-il pris cette décision en concertation avec le judiciaire, ainsi qu'avec la société civile, a demandé l'experte, souhaitant en outre connaître le calendrier de retrait prévu? Il semblerait que les autorités burundaises se retirent de la démocratie, des droits de l'homme et de l'État de droit, a-t-elle insisté. Comment les crimes poursuivis par la CPI seront-ils désormais poursuivis, a-t-elle voulu savoir, souhaitant à cet égard savoir si le crime de génocide et les crimes contre l'humanité étaient incriminés dans le Code pénal?
Une autre experte a fait état d'un rapport récent de l'ONU mettant en cause des jeunes Imbonerakure, milice proche du pouvoir, dans la commission d'atrocités.
Une experte a souhaité savoir si des études avaient été menées sur les changements de mentalité et d'attitudes. Des actions sont-elles menées contre la violence domestique, au plan pénal notamment? La délégation dispose-t-elle de chiffres à cet égard? La même experte s'est inquiétée des atteintes gravissimes commises envers les personnes atteintes d'albinisme, parlant d'atrocités commises envers des victimes extrêmement jeunes.
Une autre experte a demandé si les autorités burundaises avaient la volonté politique de mettre un terme aux violences sexuelles commises depuis le début des troubles l'an dernier par des acteurs étatiques et non étatiques. Des mesures ont-elles été prises pour les prévenir et les poursuivre? Les femmes n'ont pas le sentiment d'être en sécurité lorsqu'il s'agit de porter plainte, en raison notamment des liens entre les forces de l'ordre et la milice de jeunes se livrant à des exactions, a fait observer l'experte. Le Gouvernement alloue-t-il des budgets suffisants pour prendre en charge les victimes, a-t-elle demandé?
S'agissant de la traite, une autre membre du Comité a mentionné plus particulièrement l'exploitation sexuelle dont sont victimes des femmes et des jeunes filles déplacées, souhaitant savoir si la délégation disposait de données sur l'ampleur du phénomène. La même experte a demandé si une assistance était fournie aux prostituées pour qu'elles puissent retrouver une vie normale.
Une experte a relevé la faible représentation des femmes dans les instances locales, alors que la loi prévoit un quota d'au moins 30% de femmes en la matière.
À quelle échéance, le Burundi prévoit-il d'approuver le nouveau Code du travail dont la réforme est en cours, a-t-il en outre été demandé? Il faut en outre assurer la protection sociale des femmes dans le secteur informel.
Réponses de la délégation
Le processus de révision du Code des personnes et de la famille est en cours, a indiqué la délégation, ajoutant n'être toutefois pas en mesure d'en préciser le calendrier. Il est nécessaire d'amender ce Code du fait qu'il contient des dispositions discriminatoires antérieures à la Constitution de 2005, a-t-elle expliqué.
La cheffe de la délégation, Mme Nkerabirori, a indiqué avoir été en charge de l'étude de la réforme de la loi sur les successions mais a expliqué que les événements de 2015 n'avaient pas permis au dossier d'avancer jusqu'à présent, la situation n'étant revenu à la normale que récemment.
S'agissant de la société civile, la délégation a indiqué que le Burundi comptait plus de 4000 associations à but non lucratif et que cinq seulement ont été suspendues en raison de leur association avec l'opposition radicale et de leur choix de faire de la politique; elles ont en effet participé à des manifestations s'apparentant à des menées insurrectionnelles, étant même impliquées dans des attaques à la grenade dans la capitale. Le Gouvernement leur suggère de ne plus se revendiquer comme organisations de la société civile mais comme formations politiques, a ajouté la délégation.
La Commission nationale des droits de l'homme du Burundi bénéficie, jusqu'à nouvel ordre, du statut A auprès du Comité international de coordination des institutions nationales de droits de l'homme, a rappelé la délégation. Elle a mis en garde contre les rumeurs malveillantes propagées ici ou là et a recommandé de laisser l'organisme, chargé de déterminer ce statut s'il est toujours mérité par cette Commission.
La crise actuelle concerne uniquement quatre quartiers de Bujumbura qui se sont soulevés contre le Gouvernement, a ensuite affirmé la délégation. La majorité des personnes déplacées l'ont été à la suite des événements de 1993, a-t-elle ajouté, attirant l'attention sur le fait la crise sécuritaire remontait même aux années 1960. La délégation a par ailleurs démenti que des avocats soient menacés et a demandé aux membres du Comité de préciser leurs interrogations à ce sujet. Si certains avocats s'estiment menacés, ils doivent saisir les autorités compétentes, a insisté la délégation.
La Ligue des jeunes Imbonerakure est diabolisée; elle est stigmatisée depuis 2013 par des opposants qui entendaient justifier ainsi à l'avance leurs actes délictueux, a poursuivi la délégation. Si un jeune de cette organisation commet un délit, il ne bénéficie d'aucune protection ou immunité particulière, a-t-elle assuré. En aucun cas il ne s'agit d'une organisation de délinquants, comme en témoigne le fait qu'une membre de délégation appartient à la Ligue Imbonerakure, a par la suite insisté la cheffe de la délégation burundaise. Les experts du Conseil des droits de l'homme ont mené leur enquête et ont produit un rapport qui n'a rien d'un document technique, a déclaré la délégation, ajoutant qu'il s'agit d'un «rapport complètement politique», raison pour laquelle le Gouvernement l'a rejeté en bloc. Il est honteux en effet d'avoir élaboré un rapport qui s'appuie uniquement sur des rumeurs; cela est insultant pour le peuple burundais et son Président – ce dernier ayant été carrément accusé par les auteurs du rapport de disposer d'un centre de torture dans sa résidence. Ce rapport n'est pas à la hauteur de ceux qui se prétendent experts, a insisté la délégation.
Des réfugiés ont gagné les pays voisins, à la suite de rumeurs, a ensuite déclaré la délégation. Le Burundi est, en effet, sujet aux rumeurs, le bruit courant qu'une partie de la population va en tuer une autre, a-t-elle expliqué, avant d'ajouter que quelque 85 000 personnes sont toutefois rentrées au pays. La délégation a par ailleurs rappelé que des Burundais quittaient le pays pour des raisons économiques.
C'est le cas de jeunes filles qui partent pour des pays du Golfe, Oman en particulier, afin de travailler comme domestiques, a ensuite souligné la délégation. Elles sont victimes de réseaux de traite d'êtres humains, dont certains ont été démantelés. La délégation a reconnu que les autorités avaient pris tardivement conscience de ce phénomène de traite.
Le Burundi a décidé souverainement, par un vote de son Parlement, de se retirer du Statut de Rome de la CPI, possibilité qui est prévue dans le Statut, a rappelé la délégation. Elle a en outre indiqué que le Code pénal burundais rend imprescriptibles le crime de génocide et les crimes contre l'humanité. Au Burundi, la magistrature est indépendante, a par ailleurs assuré la délégation, avant de déplorer la politisation des droits de l'homme.
La corruption au Burundi concerne des cas isolés et on ne saurait parler d'une situation généralisée de corruption de la justice, a ensuite affirmé la délégation. Les cas de corruption donnent lieu à des poursuites lorsqu'ils sont révélés, a-t-elle assuré.
S'agissant des questions de détention et des conditions carcérales, la délégation a indiqué que les femmes sont généralement détenues pour infanticide et certaines pour sorcellerie. Elle a assuré que des mesures étaient prises pour désengorger les prisons, en privilégiant l'élargissement des femmes détenues. La délégation a par ailleurs rappelé que les centres de détention dataient de l'indépendance, ce qui explique leur caractère vétuste.
La politique nationale du genre 2012-2025 est assortie d'un plan d'action dont la phase initiale s'achève cette année, a poursuivi la délégation. Ce plan sera donc actualisé avec l'assistance de l'Entité des Nations Unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes (ONU-Femmes).
L'avortement est illégal au Burundi, la politique officielle privilégiant l'usage de contraceptifs – ce qui implique des actions d'information à l'intention des femmes pour les inciter à les utiliser. L'avortement n'est pas légal au Burundi, même en cas de viol, a insisté la délégation. Seul l'avortement thérapeutique est autorisé en cas de danger pour la vie de la mère, a-t-elle précisé. Le pays étant confronté à une démographie galopante, il favorise l'usage de contraceptifs, a-t-elle ajouté.
La question de l'égalité entre hommes et femmes relève de la volonté politique, a d'autre part souligné la délégation. En témoigne précisément la composition de la délégation que le Burundi présente aujourd'hui devant le Comité, a-t-elle fait valoir, rappelant en outre que la Constitution burundaise prévoit que le Parlement doit comprendre au moins 30% de femmes. Des mécanismes locaux en charge de la promotion du rôle de la femme ont été mis en place dans le pays, a ajouté la délégation.
La violence au foyer a longtemps été un sujet tabou au Burundi, comme ailleurs dans le monde, a poursuivi la délégation. Si certaines pratiques traditionnelles néfastes perdurent, a-t-elle ajouté, celles-ci n'en restent pas moins passibles de poursuites dans le cadre de la loi sur la violence basée sur le genre. La non-dénonciation de l'acte et le refus d'enregistrer une plainte sont également passibles de sanctions. La délégation a insisté sur l'importance de la sensibilisation, attirant l'attention sur le fait que certains actes (de violence) n'étaient pas perçus comme répréhensibles aussi bien par les hommes que par les femmes: «c'est ainsi que le mariage doit être», dit-on en kirundi pour justifier la domination masculine. Cela explique que les diverses maltraitances dont les femmes ont longtemps été victimes n'étaient pas dénoncées. Pour une femme, il n'est pas aisé de dénoncer un viol dont elle a été victime, particulièrement lorsqu'il est commis par un membre de la famille, a souligné la délégation, rappelant que la grande majorité des violences basées sur le genre sont précisément commises au sein des ménages. Désormais, une assistance psychologique est fournie dans certaines régions, l'objectif étant de la généraliser à tout le pays.
Si la prostitution n'est pas légale, les femmes qui la pratiquent bénéficient des possibilités, comme toute autre citoyenne, de recevoir de soins de santé ou de porter plainte à la suite de violences, a ensuite assuré la délégation. Ces recours ne sauraient certes pas se faire en invoquant un statut de prostituée qui n'existe pas au Burundi, a-t-elle précisé. La délégation a indiqué ne pas avoir connaissance de cas de prostituée qui aurait été victime de la police. Les jeunes prostituées peuvent être rééduquées dans les deux centres de rééducation des mineurs en conflit avec la loi existant dans le pays, a-t-elle ajouté.
Désormais, les personnes atteintes d'albinisme sont particulièrement protégées, a en outre fait valoir la délégation, précisant que des centres subventionnés avaient été créés à leur intention. Il s'agit généralement de protéger dans ces centres des étrangers dont la vie était menacée dans leur pays (en raison de leur albinisme); il n'existe en effet pas de discrimination particulière envers ces personnes au Burundi, ni de préjugés à leur égard, a souligné la délégation.
Apportant son témoignage de sénatrice, Mme Gloriose Hakizimana, qui a précisé qu'elle accomplissait un deuxième mandat après avoir été fonctionnaire à l'Assemblée nationale, a souligné qu'elle ne se sentait en aucune manière soumise à la volonté des hommes, en dehors de celle de son mari, lorsqu'elle rentre au foyer, la société burundaise étant patriarcale. Elle a ajouté qu'elle représentait le peuple burundais dans son ensemble et s'est félicitée du volontarisme du Gouvernement de son pays en faveur des droits des femmes. Cette action donne de l'espoir aux femmes, y compris dans le reste de l'Afrique, où on loue couramment la politique burundaise dans ce domaine, a-t-elle insisté. Elle a reconnu que le quota de représentation minimale des femmes dans les institutions électives prévu par la Constitution était difficile à atteindre au niveau local. Si les hommes ont le loisir de discuter politique et de faire éventuellement campagne, ce n'est pas le cas des femmes, a-t-elle expliqué.
La délégation a précisé que l'Assemblée nationale comptait 44 femmes sur 121 députés, soit une proportion de 36% d'élues, dont 28 Tutsies, 15 Hutues et une Twa (pygmée). De son côté, le Sénat compte 41 sénateurs dont 19 femmes: 13 Tutsies, cinq Hutues et une Twa.
La délégation a reconnu que le Code de la nationalité discriminait la femme puisqu'elle ne pouvait transmettre sa citoyenneté à son enfant lorsqu'elle épousait un étranger. Toutefois, ce Code est antérieur à la nouvelle Constitution, laquelle reconnaît l'égalité de l'homme et de la femme dans la transmission de la nationalité. Le Code de la nationalité doit se conformer à la Constitution, ce qui sera fait, a assuré la délégation.
La délégation a par ailleurs rappelé que selon la loi, le père est celui qui reconnaît l'enfant, ce qui doit être fait dans les deux semaines suivant la naissance.
Dans le domaine de l'éducation, qui représente 23% du budget de l'État, si les filles sont plus nombreuses que les garçons au niveau primaire, la situation s'inverse à mesure que les jeunes progressent dans les études, ce qui s'explique notamment par le fait que les filles sont souvent cantonnées dans les tâches ménagères, a poursuivi la délégation. La qualité de l'enseignement est inégale, du fait qu'un certain nombre de professeurs ne sont pas dûment formés, ayant été recrutés dans les périodes de crise, à la suite de la fuite du pays ou de la mort de nombreux enseignants.
Les châtiments corporels sont une réalité et sont considérés comme s'inscrivant dans l'éducation des jeunes, a par ailleurs reconnu la délégation. Cela ne saurait toutefois justifier la maltraitance. Une ligne téléphonique a été mise en place à Bujumbura et il est prévu d'élargir cette assistance au reste du pays, a indiqué la délégation.
La réforme du Code du travail est très avancée, a fait savoir la délégation, indiquant toutefois ne pas être en mesure de préciser à quelle échéance il pourrait être adopté.
La délégation a en outre précisé que 5% des travailleurs seulement bénéficiaient de la sécurité sociale. Le fonds d'appui à la protection sociale a une fonction d'assistance pour les personnes dans le besoin et on réfléchit à en faire une véritable instance dont le rôle serait d'impulser une sortie durable de la pauvreté, a-t-elle indiqué.
L'accès à la terre est garanti constitutionnellement à la femme comme à l'homme, a d'autre part assuré la délégation. Toutefois, il est vrai que – traditionnellement – les terres familiales sont réservées aux garçons. Mais cela tend à changer, les filles n'étant plus systématiquement écartées de l'héritage, a affirmé la délégation. Elle a attiré l'attention sur le fait que, 90% de la population vivant de l'agriculture, le choix est souvent fait de ne pas diviser les terres, les femmes mariées optant pour continuer d'exploiter la terre de leur mari, plutôt que de réclamer leur part à leurs frères.
En réponse à une question sur le nombre important d'unions libres, la délégation a expliqué qu'il était relativement fréquent qu'un mari abandonne son épouse, une fois qu'il la considère trop âgée à son goût, abandonnant du même coup les enfants qu'il avait eus avec elle, et cela afin de vivre en concubinage avec une autre femme, plus jeune.