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Organes conventionnels

Le Comité auditionne la societe civile au sujet de la situation aux Philippines et en République dominicaine

26 Septembre 2016

GENEVE (26 septembre 2016) - Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a auditionné, ce matin, des représentants d'institutions nationales des droits de l'homme et d'organisations de la société civile concernant l'application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels aux Philippines et dans la République dominicaine, avant l'examen, prévu cette semaine, des rapports de ces deux pays. 

S'agissant des Philippines, il a été souligné le grand nombre d'assassinats de toxicomanes dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogue, une situation qui inquiète l'ensemble des organisations de la société civile.  Autre source de préoccupation pour les organisations non gouvernementales, la situation des populations autochtones dont les terres sont confisquées par de grandes entreprises minières et dont les enfants n'ont pas accès à l'éducation.  Une association a par ailleurs expliqué que les Philippines étaient l'un des rares pays à interdire complètement l'avortement, même en cas de danger pour la santé de la mère.  Malgré cette interdiction, plus d'un demi-million d'avortements sont pratiqués chaque année dans des conditions précaires: ils sont responsables du décès de très nombreuses femmes.

S'agissant de la République dominicaine, deux associations de défense des droits des femmes ont expliqué que les femmes subissaient encore de nombreuses discriminations, notamment dans le domaine de l'accès au travail.  Les jeunes filles d'ascendance africaine rencontrent de nombreuses difficultés pour aller à l'école.  Les deux associations ont souligné que le Gouvernement n'avait pratiquement rien fait en faveur des droits génésiques et que l'avortement était totalement interdit dans le pays. 

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport du Liban (E/C.12/LBN/2).

Audition de la société civile

S'agissant des Philippines

La Commission des droits de l'homme des Philippines a relevé que plus de 1000 personnes ont été tuées en 2016 durant des opérations de police ou par des personnes non identifiées, des assassinats liés essentiellement à des affaires de drogue.  Le Comité a été prié d'indiquer aux Philippines qu'elles doivent tout mettre en œuvre pour poursuivre les auteurs de ces exactions et faire cesser les disparitions forcées. 

Pour donner effet au «droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu'elle soit capable d'atteindre», la Commission recommande aux Philippines de créer des systèmes de réintégration et de faciliter l'accès aux soins.  Il faudrait aussi protéger les personnes âgées contre la maltraitance et veiller à ce que leur retraite leur permette de faire face à leurs besoins fondamentaux, a noté la Commission.  Elle a recommandé aux autorités philippines d'accroître leurs dépenses dans le domaine de la santé, de développer des indicateurs liés à la qualité de la vie et de consolider les soins de santé de base.  La Commission a aussi souligné que l'État philippin devait faire des efforts dans le domaine de la nutrition, du planning familial et de l'accès aux médicaments essentiels. 

La Commission a relevé, d'autre part, la persistance aux Philippines de conflits liés au foncier.  Elle a demandé au Comité d'appeler les Philippines à protéger les personnes vulnérables contre les expulsions et à accorder la priorité à la reconnaissance du droit à la terre des peuples autochtones.  La Commission a alerté le Comité sur d'autres violations graves des droits fondamentaux de certaines communautés aux Philippines, estimant que le Gouvernement devrait renforcer la Commission nationale des droits des populations autochtones et aborder les questions environnementales dans une approche axée sur les droits de l'homme. 

La Commission a indiqué avoir signé un accord de coopération avec la Commission des droits de l'homme du Qatar pour mieux défendre les droits des travailleurs migrants philippins.  Les Philippines devraient être un moteur de la protection des travailleurs migrants, estime la Commission, soulignant aussi que l'État devait mieux protéger les victimes de la traite des êtres humains.  La Commission a enfin relevé que, la semaine dernière, deux représentants syndicaux avaient été assassinés. 

Dans le cadre du dialogue qui a suivi cette présentation, un membre du Comité a souhaité savoir si les Philippines avaient passé des accords avec d'autres pays concernant les droits des travailleurs migrants.  Un autre membre du comité s'est inquiété du nombre très important d'assassinats de toxicomanes sous couvert de la lutte contre le trafic de drogue.  Une experte s'est enquise de la situation des droits génésiques aux Philippines.  La Commission a été priée de dire si elle avait formulé un avis sur l'adoption du protocole facultatif se rapportant au Pacte [reconnaissant au Comité la compétence d'examiner des communications]; et quelle était la place de la charia dans la législation philippine.

La Commission des droits de l'homme des Philippines a précisé que l'accord avec le Qatar devrait servir de base à d'autres accords avec des pays du Golfe, l'Arabie saoudite par exemple étant le pays qui accueille le plus grand nombre de travailleurs originaires des Philippines. 

La Commission est submergée par les nombreux rapports d'assassinats de toxicomanes: on en recense actuellement 46 par jour, sur lesquels la Commission n'a pas les moyens d'enquêter systématiquement.  Les victimes sont souvent très démunies.  Les trafiquants les plus importants n'ont pas été arrêtés. 

Si certaines municipalités ont fait des progrès dans le domaine de la santé procréative, la Commission a noté qu'il existait encore des dispositions discriminatoires dans le droit s'appliquant aux musulmans, qui représentent 10 % de la population philippine. 

International Service For Human Rights, au nom de trois organisations non gouvernementales, a souligné la nécessité pour les Philippines de légiférer dans le domaine de la protection des défenseurs des droits de l'homme, notamment les femmes, qui sont victimes d'agressions, d'assassinats et de disparitions forcées.  L'ONG a relevé que la criminalisation des défenseurs profite aux entreprises.  Les Philippines sont le deuxième pays le plus dangereux pour les défenseurs des droits de l'homme.  La culture de l'impunité est bien ancrée dans le pays. 

FIAN a souligné que la pauvreté et la malnutrition étaient toujours d'actualité aux Philippines, malgré la bonne santé économique du pays.  Le droit à l'alimentation n'est pas directement reconnu par la législation.  La loi sur la protection des populations autochtones n'a pas permis d'améliorer leur situation: de grandes entreprises minières ne respectent pas la terre de ces communautés, dont les représentants sont régulièrement victimes de harcèlement, d'agression et d'assassinat.  Le Gouvernement des Philippines doit envisager la lutte contre le réchauffement climatique sous l'angle du droit à l'alimentation. 

Defend Job Philippines a souligné que la violation des droits des travailleurs était devenue légale et systématique aux Philippines.  Les salaires sont sans cesse revus à la baisse, les travailleurs meurent de faim, certains travaillent entre 10 heures et 17 heures par jour et ne bénéficient d'aucune prestation sociale.  Treize mille familles ont été expulsées de force vers des zones montagneuses où il n'y a pas d'emploi.  Les familles paient une part importante de leur salaire pour venir travailler en ville.  L'électricité est aussi très coûteuse aux Philippines. 

E-Net Philippines a souligné que le droit à l'éducation n'est pas pleinement assuré aux groupes les plus pauvres ni aux exclus.  L'association a regretté le grand taux d'analphabétisme dans le pays, un des plus importants de la région.  Le nombre d'enfants non scolarisés est très élevé, aucune réduction significative du taux d'abandon scolaire n'étant survenue depuis dix ans.  Les études montrent que le Gouvernement n'arrive pas à intégrer les communautés pauvres dans les programmes d'éducation.  La plupart des boursiers proviennent de familles relativement aisées.  Enfin, moins de 3 % du PIB des Philippines est consacré à l'éducation, ce qui est comparativement très peu. 

TEBTEBBA a déclaré que les activités des entreprises minières et du personnel militaire empêchent les populations autochtones des Philippines d'exploiter leurs terres, du fait notamment de la pollution de l'eau.  Ces activités ont un impact direct sur la santé des communautés.  Les représentants des populations autochtones doivent être protégés contre les assassinats extrajudiciaires, les agressions et les harcèlements.  Les populations autochtones sont les moins bien servies dans le domaine de l'éducation: dans certaines d'entre elles, 9 enfants sur 10 ne vont pas à l'école.  Il faut donc augmenter les investissements en faveur des écoles inclusives au sein des communautés autochtones. 

DINTEG s'est inquiétée des assassinats extrajudiciaires liés à la lutte contre le trafic de drogue aux Philippines.  La Commission nationale des droits de l'homme et le Comité devraient demander aux Philippines des explications sur les assassinats extrajudiciaires de défenseurs des droits des populations autochtones et des droits de l'homme. 

Le Centre philippin pour les droits génésiques a dénoncé une disposition de la nouvelle loi sur la santé génésique interdisant l'utilisation de certains contraceptifs et la contraception d'urgence, essentielle pour les victimes de violences sexuelles.  Le Centre a aussi regretté une réduction des budgets affectés aux plannings familiaux en parallèle à une hausse très importante du nombre des grossesses chez les adolescentes.  Les Philippines est l'un des rares pays à interdire complètement l'avortement, même en cas de danger pour la santé de la mère.  Malgré cette interdiction, plus d'un demi-million d'avortements sont pratiqués chaque année dans des conditions précaires: ils sont responsables du décès de nombreuses femmes.

S'agissant de la République dominicaine

Comité de America Latina y el Caribe para la Defensa de los Derechos de la Mujer et Centro de Investigación para la Acción Femenina ont souligné que la population dominicaine était confrontée à un grand nombre d'injustices et de discriminations.  Par exemple, même si le nombre de femmes diplômées est plus élevé que celui des hommes, elles sont toujours discriminées sur le marché de l'emploi.  En outre, 51 % des femmes travaillent dans le secteur informel, ce qui les empêche d'avoir accès aux services de sécurité sociale. 

La discrimination raciale contre les personnes d'ascendance africaine, tolérée sur le plan culturel, est un problème récurrent.  Elle empêche les filles d'ascendance africaine d'avoir accès à l'éducation.  Elles ne peuvent notamment pas se rendre à l'école en raison de leur coiffure.  Quant à la discrimination contre les ressortissants haïtiens, il s'agit d'un autre problème de longue date.  La nationalité dominicaine n'est pas octroyée aux filles d'origine haïtienne vivant dans des communautés isolées, ce qui entraîne de nombreux problèmes – notamment le fait que leurs enfants n'ont pas accès non plus à la nationalité, faute de documents officiels. 

Les associations ont souligné que la République dominicaine ne reconnaissait pas la santé procréative en tant que droit de l'homme.  Les femmes et les jeunes filles n'ont pratiquement pas accès aux contraceptifs.  Il n'y a pas de programme d'éducation sexuelle malgré le taux de grossesse très important chez les adolescentes – l'un des plus élevés d'Amérique latine.  Ce problème est la conséquence des violences sexuelles dont sont victimes les femmes et les jeunes filles.  De même, la République dominicaine interdit totalement l'avortement même si la santé de la mère est menacée.  Les associations ont souligné que les avortements dangereux sont la troisième cause de décès chez les mères.  Le Congrès a éliminé les articles de loi qui autorisaient l'avortement dans certains cas, ont conclu les organisations.

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