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Organes conventionnels

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes examine le rapport d'Haïti

29 Février 2016

Comité pour l'élimination de la discrimination                                       
à l'égard des femmes

1er mars 2016

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a examiné aujourd'hui le rapport d'Haïti sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Présentant ce rapport, Mme Marie Elise Brisson Gelin, Directrice générale du Ministère à la condition féminine et aux droits des femmes d'Haïti, a souligné que la Constitution de 1987, amendée en 2011, «consacre l'égalité des sexes» en établissant le principe d'un quota d'au moins 30% de femmes dans toutes les activités de la vie nationale, notamment dans les services publics.  Le Gouvernement a adopté la première politique nationale d'égalité des sexes pour une période de vingt ans, de 2014 à 2034, qui est assortie d'un plan d'action pour les six premières années, a-t-elle ajouté.  Le Ministère à la condition féminine et aux droits des femmes œuvre depuis sa création en 1994 contre les pratiques, les us et les coutumes revêtant un caractère discriminatoire à l'égard des femmes, a en outre indiqué Mme Brisson Gelin.  Dans le cadre de la réforme judiciaire en cours, un avant-projet de code pénal a été élaboré et soumis à l'exécutif, a-t-elle par ailleurs souligné, avant d'ajouter qu'un projet de loi-cadre sur la prévention, la sanction et l'élimination des violences faites aux femmes a été élaboré qui doit être soumis au Parlement.

Le Plan directeur décennal de santé, qui est en cours de mise en œuvre à l'horizon 2022, accorde une place centrale aux droits sexuels et reproductifs, a d'autre part indiqué la cheffe de la délégation haïtienne.  Si la mortalité maternelle a fortement baissé, passant de 630 à 150 pour mille en dix ans, les risques de grossesse précoce et d'infection au VIH demeurent en revanche très élevés, a-t-elle poursuivi.  Le Gouvernement fait de l'éducation universelle et gratuite l'une de ses priorités et on constate, de fait, une amélioration de l'accès des filles et des garçons à l'éducation primaire et secondaire, a-t-elle en outre fait valoir.  Mme Brisson Gelin a ensuite reconnu que la pauvreté s'était «considérablement aggravée» dans son pays et a attiré l'attention sur la féminisation de la pauvreté en Haïti, car les femmes sont discriminées dans l'accès aux moyens de production, notamment la terre, ainsi que dans l'accès aux autres ressources essentielles, telles que le crédit et le prêt.

La délégation haïtienne était également composée, entre autres, de M. Pierre André Dunbar, Représentant permanent d'Haïti auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants du Ministère de la justice et de la sécurité publique; du Ministère de l'éducation nationale et de la formation professionnelle; et du Ministère des affaires étrangères. 

La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, entre autres, de la lenteur de la promulgation des textes de loi; du nouveau code pénal; de l'accès à la justice; de la représentation des femmes, notamment en politique et dans le système de justice; des questions budgétaires; des questions de sensibilisation et de lutte contre les préjugés sexistes; des personnes déplacées suite au séisme de 2010; du problème des construction dans les zones à risques; de la lutte contre la traite de personnes; de l'incrimination du viol et des possibilités d'entente à l'amiable face à ce crime; des questions de mariage et de reconnaissance de la paternité; des questions de nationalité et de la délivrance des actes de naissance; des questions d'éducation et de santé; ainsi que des questions d'emploi.

Une experte a constaté que les femmes et les filles haïtiennes continuaient d'être victimes de discriminations et de violence, particulièrement celles vivant dans la pauvreté, autrement dit la majorité d'entre elles.  Sur les huit lois dont l'adoption avait été recommandée par le Comité lors de l'examen du précédent rapport d'Haïti, seules trois ont été adoptées, a-t-elle par ailleurs fait observer.  Une autre experte s'est elle aussi étonnée de la lenteur du processus législatif.  S'agissant des personnes déplacées suite au séisme de 2010, il a été relevé que les femmes vivent dans des situations extrêmement précaires dans les camps de personnes déplacées.

Un membre du Comité s'est inquiété de la recrudescence des préjugés et attitudes sexistes.  A par ailleurs été évoqué le problème de la difficulté d'accès à la santé pour les femmes, particulièrement dans les campagnes.  Des mesures ont-elles été prises afin de contraindre les Casques bleus ayant eu un enfant avec des Haïtiennes à reconnaître leur paternité, a-t-il été demandé, une experte suggérant «une inversion de la preuve» en la matière, à savoir qu'il s'agirait plutôt de demander à l'homme de prouver son éventuelle absence de paternité?

 

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport d'Haïti, avant de les rendre publiques à l'issue de la session, qui doit clore ses travaux dans l'après-midi de vendredi prochain, 4 mars, date de la prochaine et dernière séance publique de cette 63e session.

 

Présentation du rapport

Le Comité est saisi du rapport périodique de Haïti (CEDAW/C/HTI/8-9), ainsi que des réponses du pays (CEDAW/C/HTI/Q/8-9/Add.1) à une liste de questions que lui a adressée le Comité (CEDAW/C/HTI/Q/8-9).

MME MARIE ELISE BRISSON GELIN, Directrice générale du Ministère à la condition féminine et aux droits des femmes d'Haïti, a tenu à exprimer sa gratitude au Comité pour la compréhension qu'il a manifestée en acceptant un report de la date de l'examen.  Elle a souligné «le travail combien remarquable réalisé au cours des trois dernières décennies par des féministes regroupées en associations ou en réseaux à travers le pays».  Depuis la présentation du premier rapport d'Haïti, en 2009, «aucun effort n'a été ménagé pour la mise en œuvre des différents champs d'action prévus par la Convention», a-t-elle déclaré.  La Constitution de 1987, amendée en 2011, «consacre l'égalité des sexes» en établissant le principe d'un quota d'au moins 30% de femmes dans toutes les activités de la vie nationale, notamment dans les services publics, a-t-elle rappelé. 

Le Gouvernement a adopté la première politique nationale d'égalité des sexes pour une période de vingt ans, de 2014 à 2034, qui est assortie d'un plan d'action pour les six premières années, a poursuivi Mme Brisson Gelin.  Le Ministère à la condition féminine et aux droits des femmes œuvre depuis sa création en 1994 contre les pratiques, les us et les coutumes revêtant un caractère discriminatoire à l'égard des femmes, a-t-elle souligné.  En 2007, a été lancée une campagne de sensibilisation sur le thème Respekte Kòm se diyitem (« mon corps, ma dignité ») qui est rééditée tous les trois ans et qui vise à combattre les discours, les images et les attitudes dévalorisant les femmes, a-t-elle indiqué.  Cette campagne cible principalement les opérateurs culturels, particulièrement lors des festivités de masse telles que le carnaval; si elle a contribué à l'atténuation des discours et des messages sexistes, on constate toutefois «une remontée spectaculaire des pratiques et des discours sexistes ces dernières années» et le Ministère «propose de redoubler d'efforts pour que cette campagne produise plus d'effets», a fait observer la Directrice générale du Ministère, avant de préciser que la troisième campagne sera lancée le 8 mars prochain à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes.

L'accès à la justice et l'élimination des violences faites aux femmes constituent une revendication récurrente des organisations de femmes et l'État en a fait une de ses priorités, a souligné la cheffe de la délégation haïtienne.  Un accompagnement juridique est offert aux victimes de violence, a-t-elle précisé.  En 2014, le Ministère de la justice a créé des bureaux d'assistance légale, ou BAL, qui sont fonctionnels dans plusieurs départements, a-t-elle indiqué.  En outre, dans le cadre de la réforme judiciaire en cours, un avant-projet de code pénal a été élaboré et soumis à l'exécutif.  Ce nouveau code, qui contient des mesures spécifiques et des sanctions sévères contre les agresseurs, est en attente d'être voté par le Parlement.  Par ailleurs, le Ministère a élaboré un projet de loi-cadre sur la prévention, la sanction et l'élimination des violences faites aux femmes, qui doit être soumis au Parlement, a ajouté  la Directrice générale du Ministère à la condition féminine et aux droits des femmes d'Haïti.

Mme Brisson Gelin a aussi signalé que le Ministère à la condition féminine mettait en œuvre le deuxième plan national de lutte contre la violence faite aux femmes qui se conclura en fin d'année.  Celui-ci tourne autour de trois axes principaux: le renforcement des services de prise en charge et d'accompagnement des victimes de violence; le renforcement du système de collecte et de gestion des informations sur les violences, à travers la mise en place d'une base de données qui est effective depuis la fin de l'an dernier et à travers également une campagne nationale pour la prévention des violences faites aux femmes; et enfin la connaissance par les victimes des recours existants.

Par ailleurs,  le Gouvernement a augmenté la capacité d'accueil de l'École de la magistrature.  Ainsi, la promotion 2014 est-elle composée de 33 femmes sur un effectif de 66 élèves magistrats, a fait valoir Mme Brisson Gelin.  En outre, des séances de sensibilisation sont organisées à l'École de la magistrature concernant les conventions internationales ratifiées par Haïti. 

Quant au Plan directeur décennal de santé, qui est en cours de mise en œuvre à l'horizon 2022, il accorde une place centrale aux droits sexuels et reproductifs.  Il s'agit de doubler le taux d'utilisation de la planification familiale, d'éliminer la transmission du VIH/sida de la mère à l'enfant et de diminuer de moitié la mortalité infantile.  La mortalité maternelle a fortement baissé, passant de 630 à 150 pour mille en dix ans.  En revanche, les risques de grossesse précoce et d'infection au VIH demeurent très élevés, a indiqué Mme Brisson Gelin.  Par ailleurs, «l'avortement, qui était sanctionné par l'ancien code pénal, est reconsidéré dans l'avant-projet du nouveau code pénal», a-t-elle précisé.

Le Gouvernement fait de l'éducation universelle et gratuite l'une de ses priorités et on constate, de fait, une amélioration de l'accès des filles et des garçons à l'éducation primaire et secondaire, a poursuivi Mme Brisson Gelin.  Cela est particulièrement remarquable pour les filles, dans la mesure où cela «marque une rupture très nette avec les traditions», a-t-elle souligné.  En matière de formation professionnelle, les femmes représentaient 42% des personnes bénéficiaires en 2013, a-t-elle ajouté.  «Cependant, leur choix est généralement orienté vers des filières traditionnelles réservées à leur sexe, le plus souvent peu adaptées aux besoins et aux opportunités du marché de l'emploi», a-t-elle reconnu. 

Des progrès considérables sont enregistrés en ce qui concerne la présence féminine dans les sphères du pouvoir, 38% des postes ministériels étant occupés par des femmes, a en outre fait valoir Mme Brisson Gelin.  Cela a été favorisé par le principe constitutionnel instaurant en la matière un quota d'au moins 30% de femmes, a-t-elle précisé, ajoutant qu'« un pas important a été également franchi avec l'élection d'au moins une femme sur les trois membres des conseils municipaux».  En revanche, aucune femme n'a été élue au Parlement, a fait observer la cheffe de la délégation, expliquant que les raisons en sont d'ordre économique, culturel et psychologique, sans parler de l'atmosphère de violence qui prévalait au cours du processus électoral. 

Mme Brisson Gelin a ensuite reconnu que la pauvreté s'était «considérablement aggravée» dans son pays.  Plus de la moitié de la population vit dans l'extrême pauvreté avec l'équivalent d'un dollar par jour, tandis que les trois quarts vivent sous le seuil de pauvreté avec deux fois cette somme.  Il est important de souligner la féminisation de la pauvreté en Haïti, car les femmes sont discriminées dans l'accès aux moyens de production, notamment la terre, ainsi que dans l'accès aux autres ressources essentielles, telles que le crédit et le prêt, a déclaré Mme Brisson Gelin.  Pourtant, les femmes occupent une place clé dans l'économie, bien que leur rôle soit généralement sous-estimé, a-t-elle poursuivi.  Ainsi, si elles représentent un fonctionnaire sur trois, sept pour cent seulement occupent des fonctions de haut niveau, a-t-elle indiqué.  En dépit du principe réaffirmé de l'égalité des chances, «il existe au sein de l'administration publique ce que les théoriciennes féministes appellent le plafond de verre», a expliqué Mme Brisson Gelin.  Tout cela a pour conséquence que les femmes sont majoritaires dans l'économie informelle.  L'État a pris des mesures visant à promouvoir la mixité des métiers et il prévoit la mise en place d'une système de sécurité sociale équitable, a indiqué la cheffe de la délégation haïtienne.  L'État a aussi commencé à mettre en œuvre dans certains départements du pays un programme de réintégration socioéconomique des filles-mères, programme qui sera généralisé à l'ensemble du territoire, a-t-elle ajouté.  Enfin, le Ministère à la condition féminine et aux droits des femmes prévoit l'adoption d'un plan d'insertion économique des jeunes filles au chômage, a-t-elle conclu.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Une experte a constaté que les femmes et les filles haïtiennes continuaient d'être victimes de discriminations et de violence, particulièrement celles vivant dans la pauvreté, autrement dit la majorité d'entre elles.  Sur les huit lois dont l'adoption avait été recommandée par le Comité lors de l'examen du précédent rapport d'Haïti, seules trois ont été adoptées, a-t-elle fait observer.  Elle a souhaité avoir un calendrier législatif comprenant les décrets d'application des textes devant être votés.  Une autre experte s'est étonnée de la lenteur du processus législatif, constatant elle aussi que certains projets de texte évoqués lors de l'examen du précédent rapport étaient demeurés à l'état de projet.  En outre, même une fois adoptées, les lois tardent à entrer en vigueur – et cela pendant plusieurs années. 

Par ailleurs, la plupart des femmes n'ont pas accès à la justice, alors qu'il y a une grande demande de la population en ce sens, a-t-il été souligné.  Qu'en est-il de l'aide juridictionnelle?  Une experte s'est enquise des mesures prises contre la corruption dans le système judiciaire.  Une autre experte a constaté que la langue de la justice était le français alors que 80% de la population ne maîtrise pas cette langue. 

Une experte a félicité le Gouvernement haïtien pour les mesures prises en faveur des personnes déplacées suite au séisme de 2010, avec l'assistance internationale.  Elle a noté que les femmes vivaient dans des situations extrêmement précaires dans les camps de personnes déplacées et a rappelé que la protection dans ce contexte s'appliquait à tous les stades de déplacement.  En outre, étant donné que ce sont les hommes qui, la plupart du temps, prennent les décisions, le Gouvernement veille-t-il à favoriser la participation des femmes déplacées dans les décisions qui les concernent, a-t-il été demandé?  Un processus d'enregistrement de toutes les personnes déplacées permet-il aux femmes de disposer de tous les documents dont elles peuvent avoir besoin, y compris pour voter?

Une experte a souhaité entendre les explications de la délégation haïtienne concernant la recrudescence des préjugés et attitudes sexistes. 

Une autre experte a abordé la question de la traite et de la prostitution, souhaitant savoir si des mesures étaient envisagées contre ces fléaux.

Existe-t-il un code de conduite des médias en matière de respect de l'image de la femme, a-t-il en outre été demandé?

Une experte a demandé à la délégation si elle disposait de statistiques sur la présence des femmes à tous les postes importants de responsabilité. 

Quelle action Haïti mène-t-il auprès de la République dominicaine en faveur des quelque 250 000 Haïtiens vivant dans ce pays qui sont menacés d'expulsion après que l'accès à la citoyenneté leur fut refusé?  Une experte a attiré l'attention sur l'absence de protection contre l'apatridie dans la Constitution haïtienne, notant qu'en Haïti même, un nombre non négligeable de personnes étaient dépourvues de documents d'identité.  Haïti n'a pas ratifié les deux instruments internationaux relatifs à l'apatridie, alors qu'il s'y était engagé lors de l'examen de son précédent rapport.  Un texte de loi est-il à l'étude pour faciliter le droit d'asile, alors qu'Haïti devient de plus en plus un pays de transit des victimes de la traite, a-t-il été demandé?

Une experte a félicité Haïti pour sa reconnaissance de la double nationalité, une mesure qui va dans le bon sens, en termes d'égalité juridique des époux dans le cas des mariages mixtes.  Une autre experte a demandé quelles mesures avaient été prises pour assurer la sécurité des défenseurs des droits de l'homme.  Elle a par ailleurs fait observer qu'un grand nombre de petites filles n'allaient pas à l'école, notamment pour des raisons financières.  Qui bénéficie de l'éducation gratuite, a-t-elle demandé?

Une autre experte a abordé le problème de la difficulté d'accès à la santé pour les femmes, particulièrement dans les campagnes, s'agissant aussi des personnes handicapées ainsi que des personnes lesbiennes, bisexuelles et transgenres.  Elle a aussi demandé des précisions sur la dépénalisation de l'avortement.  Le Comité est préoccupé par le nombre élevé de femmes porteuses du VIH/sida, a par ailleurs fait observer cette experte, souhaitant savoir si les traitements antirétroviraux étaient disponibles. 

Une experte a déploré la négligence des autorités en matière de droits des femmes au regard de l'énorme délai avec lequel les textes de loi sont amenés à être mis en oeuvre.

Relevant que la grande majorité des unions se faisaient en dehors du mariage, une experte a souligné la nécessité d'édicter un texte de loi réglementant la situation des couples non mariés, notamment en matière de succession ou de versement de la pension alimentaire.  Des mesures sont-elles envisagées pour obliger les pères séparés à verser une pension alimentaire?  Enfin, des mesures ont-elles été prises afin de contraindre les Casques bleus ayant eu un enfant avec des Haïtiennes à reconnaître leur paternité, a-t-elle demandé?  L'experte a suggéré «une inversion de la preuve» en la matière: il s'agirait plutôt de demander à l'homme de prouver son éventuelle absence de paternité lorsqu'il conteste l'affirmation d'une femme selon laquelle il est le père de l'enfant.

Réponses de la délégation

La délégation a assuré que le Gouvernement n'était pas sourd aux revendications des femmes, mais a souligné que des obstacles politiques pouvaient parfois empêcher l'adoption des textes de loi nécessaires.  La délégation a reconnu la lenteur extrême dans la promulgation des textes de loi.  Elle a souligné qu'une partie des parlementaires étaient bien conscients du problème.  S'agissant du retard de plusieurs années pris dans l'adoption du projet de loi-cadre contre la violence faite aux femmes, qui a commencé à être élaboré en 2009, la délégation a expliqué que les travaux associés à ce chantier législatif avaient été interrompus à la suite du séisme de 2010.  Ce projet de loi devrait toutefois être présenté dans un avenir proche au Conseil des Ministres avant d'être soumis au Parlement, où il devrait être appuyé par des députés, lesquels sont convaincus de l'utilité et de l'urgence de ce texte, a indiqué la délégation, avant de reconnaître qu'elle n'était toutefois pas en mesure de donner une échéance quant à son adoption.

Le nouveau code pénal haïtien est en attente d'être approuvé par le Parlement, a poursuivi la délégation.

Conscient du problème qui se pose en matière d'accès à la justice, le pays a mis en place une «justice itinérante», mais celle-ci ne répond pas pour autant réellement au problème, a d'autre part indiqué la délégation.  C'est d'ailleurs ce qui a conduit à la création des Bureaux d'assistance légale (BAL), a-t-elle expliqué.  Les magistrats étant majoritairement des hommes, la question s'est posée de savoir si ceux-ci n'avaient pas tendance à négliger les problèmes particuliers des femmes, a ensuite reconnu la délégation, précisant que sur les 874 juges du pays, 74 étaient des femmes, soit 8% du total.  Des mesures ont été prises pour que soient reçues les demandes des femmes en difficulté, qui se plaignaient que leurs plaintes n'étaient souvent pas retenues, a-t-elle indiqué.

S'agissant de la langue de la justice, Haïti étant un État officiellement bilingue – avec le français et le créole – les justiciables peuvent s'adresser au tribunal en créole s'ils le désirent, les avocats leur traduisant si nécessaire les questions et observations des magistrats faites en français.  La créolisation de la langue des tribunaux est un processus en cours, a indiqué la délégation. 

En matière de détention préventive, la situation s'est améliorée avec la construction d'une prison pour femmes dans l'ouest du pays, a en outre fait valoir la délégation. 

La délégation a reconnu que, même si son montant en valeur absolue était en hausse, le budget du Ministère à la condition féminine était en baisse dans les faits, à cause notamment de la forte chute de la monnaie nationale par rapport au dollar.

En ce qui concerne la politique d'égalité, qui est assortie d'un plan d'action comportant 139 mesures, une campagne d'information a débuté à Port-au-Prince et sera étendue à tout le pays, a par ailleurs indiqué la délégation.  Pour combattre les préjugés sexistes, notamment dans les manuels scolaires, une action a été menée auprès des maisons d'édition, a-t-elle précisé.  S'agissant de l'image de la femme dans la société, la délégation a reconnu que le corps de la femme n'était pas respecté, y compris dans les chansons et rengaines populaires.  Aussi, la nécessité s'impose-t-elle de relancer une campagne de sensibilisation des médias.  Il s'agira aussi de mettre en valeur les chansons qui mettent la femme en valeur et ne la déprécient pas en en faisant un simple objet de jouissance.

S'agissant de la représentation des femmes, pression a été faite sur les partis politiques afin qu'ils présentent au moins une femme sur leur liste, alors qu'ils ne respectaient pas le quota de 30% fixé par les textes.  Cela s'explique par le fait que la majorité des femmes ne souhaitent pas s'engager en politique, a expliqué la délégation.  En revanche, il n'existe pas de loi qui sanctionnerait les institutions lorsque les quotas ne sont pas respectés, a-t-elle reconnu. 

Il n'y a pas d'écart de salaires entre hommes et femmes dans la fonction publique, a par ailleurs assuré la délégation.  En revanche, il est fréquent qu'un diplôme élevé bénéficie plus couramment aux hommes pour accéder à des postes à responsabilité, alors que ce sera plus difficile pour une femme; en outre, il n'est pas rare pour une femme d'être dirigée par un homme moins diplômé qu'elle, a reconnu la délégation.

Pour résoudre le problème des personnes déplacées suite au séisme, qui ont été jusqu'à deux millions, des associations communautaires s'efforcent de repérer les femmes en difficulté afin de les aiguiller vers les services concernés, a indiqué la délégation. 

Les constructions dans les zones à risques sont nombreuses, a reconnu la délégation.  Il y a un laisser-faire de fait, les autorités ne souhaitant pas mécontenter les populations qui construisent sans permis.  En outre, les interdictions sont difficiles à faire respecter lorsqu'une décision de destruction ou d'interdiction de bâtir est décidée; cela nécessiterait une surveillance constante que l'État est incapable d'assurer et de faire respecter. 

Une loi de lutte contre la traite de personnes a été votée, tandis que le Gouvernement a mis en place un Comité interministériel chargée de lutter contre ce fléau, dont le Ministère à la condition féminine occupe la vice-présidence.

Le viol a été érigé en crime passible de quinze ans de réclusion, alors que précédemment il s'agissait d'un simple délit, a fait valoir la délégation.  Des ententes à l'amiable sont parfois conclues ou des indemnités en nature versées à la victime ou à ses parents lorsqu'un auteur de viol disposant de moyens économiques accepte de telles mesures de «réparation».  Cela peut aller jusqu'à un mariage arrangé, a reconnu la délégation.

En matière d'unions de fait et de mariage, la délégation a reconnu la difficulté de contraindre les maris à verser une pension alimentaire à leur conjointe en cas de séparation, la plupart des unions étant en dehors des liens du mariage.  Les enfants, en revanche, à condition qu'ils aient été reconnus et qu'ils aient un acte de naissance, peuvent bénéficier du versement de pensions alimentaires par décision de justice.  Il est extrêmement courant, toutefois, que les pères contestent leur paternité, la femme n'ayant la plupart du temps pas les moyens de payer un éventuel test génétique.  La femme peut néanmoins tenter d'obtenir des témoignages sur la communauté de vie passée du couple, ce qui ne constitue toutefois pas une preuve absolue de paternité, a ajouté la délégation.  En outre, il convient de souligner que de nombreux pères ne vivent pas nécessairement avec la mère de leurs enfants, dans la mesure où il est courant qu'ils vivent ailleurs avec une autre femme.  La réforme du code civil imposera de résoudre ces questions, a indiqué la délégation.  Quant aux Casques bleus et aux employés de l'ONU qui font éventuellement des enfants à des femmes dans les pays où ils sont déployés, cette question pose le problème de leur immunité qui leur permet d'éviter de prendre leurs responsabilités, a fait observer la délégation.  C'est une question qui devrait être traitée par l'ONU et les États membres concernés, a estimé la délégation.

Les personnes ne disposant pas d'acte de naissance ne sont pas considérées comme des apatrides, a souligné la délégation.  Il est en effet toujours possible d'obtenir un acte de naissance, même de manière tardive, a-t-elle indiqué, précisant que l'État avait organisé des «caravanes» itinérantes chargées de délivrer ces actes.  Il est même possible d'obtenir une carte d'identité en l'absence d'acte de naissance, la personne intéressée devant se présenter avec des témoins certifiant qui elle est, a ajouté la délégation.  Désormais, la majorité des nouvelles naissances donne lieu à la délivrance d'un acte dans la plupart des maternités, a toutefois fait valoir la délégation. 

Les étrangers épousant des ressortissants haïtiens peuvent obtenir la nationalité haïtienne, la loi reconnaissant la double citoyenneté, a rappelé la délégation.  Interpellée au sujet des personnes d'origine haïtienne vivant en République dominicaine mais dont la nationalité dominicaine n'est pas reconnue par les autorités de Saint-Domingue, la délégation a indiqué qu'une commission bilatérale est actuellement chargée du dossier.  Elle a précisé ignorer l'état d'avancement du règlement du contentieux entre les deux pays en la matière. 

En Haïti, le droit d'asile n'est pas régi par un texte de loi spécifique et Haïti n'a pas ratifié les deux conventions relatives à l'apatridie, ce que Port-au-Prince envisage néanmoins de faire très prochainement, a ajouté la délégation. 

Un secrétariat aux personnes handicapées a été créé il y a trois ans et la fonction publique haïtienne est tenu d'embaucher des personnes handicapées dans son personnel, a ensuite indiqué la délégation.  En Haïti, les enfants handicapés sont souvent mal vus et leurs parents les cachent car ils en ont honte, y compris lorsque le handicap résulte du séisme de 2010, a ajouté la délégation.

La délégation a ensuite indiqué que le Ministère à la condition féminine agissait pour inciter les femmes et les jeunes filles à s'orienter vers des professions d'où elles sont absentes – la construction ou le transport, par exemple, mais aussi la plomberie ou le carrelage, qui sont des professions rémunératrices et où les possibilités d'emploi existent.  On les incite à faire des stages, mais des obstacles psychologiques demeurent, les filles ayant tendance à choisir des professions féminines, comme la couture par exemple, a poursuivi la délégation.  L'économie repose en grande partie sur les femmes mais elles travaillent majoritairement dans le secteur informel, ce qui implique une absence totale de protection en cas de coup dur, a ajouté la délégation.  Le Ministère du commerce a lancé un programme de microcrédits, a-t-elle notamment fait valoir.

Il est difficile d'en finir avec le travail des enfants pour des raisons économiques, a par ailleurs souligné la délégation.   

En matière d'éducation, il n'existe pratiquement plus de disparités dans la scolarisation des garçons et des filles aux niveaux primaire et secondaire, a ensuite fait valoir la délégation.  Des autocars scolaires ont été mis en place dans certaines zones afin de permettre aux enfants vivant dans des zones trop éloignés de se rendre à l'école.  La création de cantines scolaires a aussi favorisé la scolarisation.  Il n'est pas rare cependant que les parents privilégient la scolarisation des garçons plutôt que celle des filles, a reconnu la délégation.

Des programmes d'éducation sur la santé sexuelle et reproductive sont menés dans un nombre de plus en plus important d'écoles, a d'autre part indiqué la délégation, avant de reconnaître qu'il pouvait certes s'avérer plus difficile de proposer ces programmes dans les écoles tenues par des religieux. 

D'autres programmes en direction des écoles, comme celui délivrant le label «École amie de l'hygiène», visent le respect de certains critères, tels que le nombre de toilettes disponibles. 

Il a été mis un terme à la violence entre les élèves d'établissements scolaires différents, qui était un problème récurrent, en imposant un uniforme unique à tous les élèves, quelle que soit leur école, a fait observer la délégation.  Cette mesure a été accompagnée d'une campagne intitulée «Nous sommes tous semblables». 

L'avant-projet de nouveau code pénal haïtien permettra de dépénaliser l'avortement alors que celui-ci est interdit dans l'actuel code pénal, a ensuite indiqué la délégation.  Cette dépénalisation prévoit que l'acte d'interruption de la grossesse doit être volontaire, le consentement de la femme enceinte étant impératif, a-t-elle précisé. 

S'agissant de la présence des femmes dans l'emploi, la délégation a indiqué que celles-ci représentent près de 33% de la fonction publique et 22% du secteur de la justice.  L'école de magistrature forme de plus en plus de femmes, a-t-elle ajouté.  S'il n'existe pas d'écarts de salaire entre hommes et femmes dans  l'administration publique, il n'en va pas de  même dans le secteur privé, a par ailleurs reconnu la délégation.

Haïti, qui importe 60% de son alimentation, est en état d'insécurité alimentaire, a souligné la délégation, avant de faire part d'un certain nombre de mesures prises par les autorités, comme la distribution gratuite de repas chauds ou encore la distribution gratuite de nouvelles semences aux paysans.  Le budget de l'État a été réorienté afin d'accorder la priorité à l'agriculture, a ajouté la délégation, précisant que 60% du budget est consacré à ce secteur.

Lorsqu'un défenseur des droits de l'homme s'estime menacé, il peut recevoir la protection de la police, a indiqué la délégation, assurant que l'État était très sensible à ce problème.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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