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Organes conventionnels

Le Comité des droits de l'enfant examine le rapport présenté par l'Algérie au titre de la Convention

08 Juin 2012

8 juin 2012

Le Comité des droits de l'enfant a examiné, aujourd’hui, le rapport présenté par l’Algérie au titre de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Présentant le rapport de son pays, M. Boudjemâa Delmi, Représentant permanent de l’Algérie auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré que la protection des droits des enfants a été l'une des grandes priorités pour les gouvernements algériens successifs. Les pouvoirs publics, activement soutenus par tous les acteurs de la société, se sont très tôt engagés sur la voie de l’exemplarité en la matière, a-t-il souligné. Au plan international, a-t-il fait valoir, l’engagement de l’Algérie s’est consolidé par l’adhésion du pays – en 2006 et en 2009 – aux deux Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant.

S’agissant de la définition de l’enfant, les textes législatifs algériens sont conformes aux dispositions de l’article premier de la Convention, a poursuivi le Représentant permanent. Tout enfant né en Algérie est obligatoirement déclaré, dans les cinq jours qui suivent sa naissance, à l’officier d’état civil, a-t-il souligné. L’âge minimum du mariage, qui était de 21 ans pour l’homme et de 18 ans pour la femme, a été uniformisé et est désormais fixé à 19 ans minimum pour les personnes des deux sexes, a-t-il en outre indiqué. Par ailleurs, la mère algérienne peut désormais transmettre sa nationalité à son enfant, a-t-il fait observer. Le Représentant permanent a ensuite expliqué que les déclarations interprétatives de l’Algérie à l’égard de la Convention ne portent que sur trois points, jugés fondamentaux pour l'Algérie, à savoir les principes ci-après: l’enfant doit être élevé dans la religion de son père; il doit être éduqué selon les normes appropriées de la société algérienne ; et enfin, la liberté de l’information ne saurait s’étendre aux publications et messages qui pervertissent l’image de l’enfant.

La délégation algérienne était également composée de représentants des Ministères de l’éducation nationale, de l’emploi, de la santé, de la justice, de la famille et de la condition féminine, et de l’intérieur, ainsi que de plusieurs membres de la Mission permanente de l’Algérie auprès des Nations Unies à Genève et de représentants de la Sûreté nationale, de la Commission nationale consultative de promotion et la protection des droits de l’homme et de l’Inspection du travail. Elle a répondu aux questions du Comité portant sur la prise en compte de l’intérieur supérieur de l’enfant dans les procédures liées au droit de la famille; le statut de l’enfant né hors du mariage; les réserves et déclarations interprétatives de l’Algérie relativement à la Convention; les questions d'éducation et de santé; les disparités régionales; la justice pour mineurs; ou encore le travail des enfants.

Le rapporteur du Comité pour l’examen du rapport de l'Algérie – et par ailleurs Président du Comité –, M. Jean Zermatten, a souligné que depuis son dernier passage devant le Comité, en septembre 2005, l’Algérie a réalisé des progrès sur le plan des droits de l’enfant. Pour autant, il a relevé de fortes disparités régionales dans la distribution des services en Algérie. Une très forte discrimination pèse par ailleurs sur les enfants nés hors du mariage, a-t-il souligné. M. Zermatten a par ailleurs déploré la persistance de lois, dans les matières familiales, qui privilégient le père et pénalisent la femme, surtout dans les situations de divorce.

Présentant, en fin de dialogue, des observations préliminaires, la corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport algérien, Mme Hadeel Al-Asmar, a estimé que l'Algérie devra sans doute revoir certaines des réserves qu’elle a émises au sujet de la Convention. Elle a en outre invité les autorités algériennes à promouvoir l’intérêt supérieur de l’enfant dans toutes les relations familiales et à adopter des législations en faveur des enfants migrants. Il importe aussi que les enfants de moins de quinze ans ne soient pas astreints au travail, a ajouté la corapporteuse. Elle a enfin appelé l’Algérie à adhérer au troisième Protocole facultatif se rapportant à la Convention, qui instaure un mécanisme de plaintes individuelles. Auparavant, Mme Al-Asmar a fait observer qu'il reste un certain nombre d’enfants non enregistrés dans certaines régions du pays et a regretté la persistance de châtiments corporels à l’école, à la maison voire dans les centres de prise en charge de l’enfance.

Le Comité a procédé ainsi à l’examen du dernier des rapports périodiques qui figuraient à l’ordre du jour de la présente session. Il adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur l'ensemble des rapports examinés durant cette session – y compris celui de l’Algérie – et les rendra publiques à la fin de la session, le vendredi 15 juin prochain.

Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays (CRC/C/DZA/3-4), M. BOUDJEMÂA DELMI, Représentant permanent de l’Algérie auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré que la protection des droits des enfants a été l'une des grandes priorités pour les gouvernements algériens successifs. Les pouvoirs publics, activement soutenus par tous les acteurs de la société, se sont très tôt engagés sur la voie de l’exemplarité en la matière, a-t-il souligné. Au plan international, l’engagement de l’Algérie s’est consolidé par l’adhésion du pays – en 2006 et en 2009 – aux deux Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant. L'Algérie est aujourd’hui partie à huit instruments de droits de l’homme, qui ont la primauté sur les lois nationales et peuvent être appliqués directement par les juges, a indiqué M. Delmi. L’Algérie défend par ailleurs pleinement les activités des institutions internationales telles que le Fonds des nations Unies pour l’enfance et l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, a-t-il ajouté.

Au plan national, l’Algérie continue d’accorder toute son attention à la promotion et la protection des droits de l’enfant en tant que composante principale de la famille, cellule de base de la société algérienne, a poursuivi le Représentant permanent. S’agissant de la définition de l’enfant, les textes législatifs algériens sont conformes aux dispositions de l’article premier de la Convention, a-t-il assuré. Tout enfant né en Algérie est obligatoirement déclaré, dans les cinq jours qui suivent sa naissance, à l’officier d’état civil, a-t-il souligné. L’âge minimum du mariage, qui était de 21 ans pour l’homme et de 18 ans pour la femme, a été uniformisé et est désormais fixé à 19 ans minimum pour les personnes des deux sexes, a en outre fait valoir M. Delmi. Par ailleurs, la mère algérienne peut désormais transmettre sa nationalité à son enfant, a-t-il fait observer.

Le Représentant permanent a ensuite expliqué que les déclarations interprétatives de l’Algérie à l’égard de la Convention ne portent que sur trois points, jugés fondamentaux pour l'Algérie, à savoir les principes ci-après: l’enfant doit être élevé dans la religion de son père; il doit être éduqué selon les normes appropriées de la société algérienne ; et enfin, la liberté de l’information ne saurait s’étendre aux publications et messages qui pervertissent l’image de l’enfant.

Le cadre institutionnel de promotion de la famille et des enfants a été renforcé par la création de deux nouveaux mécanismes, a poursuivi M. Delmi : il s'agit du Conseil national de la famille et de la femme, créé en 2006, et du Centre national d’études, d’information et de documentation de la famille, de la femme et de l’enfant, mis sur pied en 2010. D'autre part, du point de vue opérationnel, un Plan national d’action pour l’enfance a été adopté pour la période 2008-2015, sous le thème « l’Algérie digne de ses enfants ». L’effort de lutte contre la violence à l’égard des enfants est inscrit dans une Stratégie nationale couvrant la période 2005-2012, a par ailleurs indiqué le Représentant permanent, précisant que les objectifs en la matière s’articulent autour de la prévention des différentes formes de violence, de la protection dans l’espace de vie (famille, école, espaces publics) ainsi que de la promotion d’une culture de la non-violence. Les initiatives menées par la société civile à cet égard méritent d’être signalées, comme par exemple le programme « Je t’écoute » du réseau Nada, consistant en la mise à disposition des enfants d’une ligne verte pour dénoncer tout acte de violence à leur égard. En tout état de cause, a également souligné M. Delmi, le Code pénal algérien réprime toutes les violences volontaires. Les châtiments corporels sont strictement interdits à l’école, au sein de la famille et dans tous les autres contextes et institutions, a-t-il ajouté.

Un contrôle strict est instauré pour prévenir et lutter contre le travail informel des enfants et leur exploitation économique, a en outre déclaré le Représentant permanent de l'Algérie. Le droit pénal algérien réprime la traite des êtres humains et l’exploitation de la prostitution d'autrui, a-t-il souligné. Il a rappelé que certaines dispositions pénales traitent spécifiquement de la répression d’actes concernant les mineurs. Les victimes d’exploitation sexuelle et de la traite ne sont, en aucun cas, traitées en délinquantes mais bien en victimes, a enfin assuré M. Delmi.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. JEAN ZERMATTEN, rapporteur du Comité chargé de l’examen du rapport de l’Algérie – et par ailleurs Président du Comité – a fait observer que depuis son dernier passage devant le Comité, en septembre 2005, l’Algérie a réalisé des progrès sur le plan des droits de l’enfant, notamment en adoptant la loi du 25 février 2009 qui incrimine la traite de personnes, en révisant son droit sur la nationalité de manière à permettre aux femmes algériennes de transmettre la nationalité (à certaines conditions) à leurs enfants et en facilitant l’enregistrement des naissances. L’Algérie a aussi créé un Conseil national pour la famille et les femmes et ratifié les deux Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention, a relevé M. Zermatten. Pour autant, il a également constaté que malgré la richesse de l’Algérie, on ne voit pas les budgets du pays consacrés à l’enfant se modifier: pour la période 1998-2008, les dépenses allouées à la santé, par exemple, ne représentaient que 4 % de toutes les dépenses publiques, alors que, dans le même temps, les dépenses militaires représentaient, elles, 17% des dépenses publiques. M. Zermatten a en outre relevé une grande disparité dans la distribution des services en Algérie, selon le lieu où l’on habite. Une très forte discrimination pèse par ailleurs sur les enfants nés hors du mariage, a-t-il souligné.

Du point de vue législatif, M. Zermatten a voulu savoir où en est le projet de code de protection de l’enfant que l’Algérie a mis en chantier en 2005. Il a par ailleurs déploré la persistance de lois, dans les matières familiales, qui privilégient le père et pénalisent la femme, surtout dans les situations de divorce.

S’agissant du Plan national d’action pour les enfants, des questions se posent quant à l'autorité qui s'est vu confier la gestion de ce Plan, ainsi qu'en ce qui concerne l'évaluation de ce Plan, sa dotation budgétaire et la coordination de sa mise en œuvre avec les autres plans sectoriels, a poursuivi le rapporteur. D'une manière générale, M. Zermatten a souhaité soulever la question de la coordination de l'ensemble des services de protection de l'enfance entre les autorités centrales, les wilayas (préfectures) et les municipalités. Il a en outre constaté que peu de progrès ont été réalisés depuis 2005 en ce qui concerne la récolte de statistiques coordonnée au niveau national de manière à assurer l'application d’une véritable stratégie en faveur des enfants. Enfin, le Comité constate que la Commission consultative pour la promotion et la protection des droits de l’homme n’a toujours pas de spécialisation « enfant » et n’est pas totalement conforme aux Principes de Paris.

MME HADEEL AL-ASMAR, corapporteuse du Comité chargée de l'examen du rapport de l'Algérie, a constaté que les taux de mortalité maternelle ont fortement baissé en Algérie. Elle s’est en outre félicitée de la participation de la société civile aux activités en faveur de la promotion et de la protection des droits de l’enfant. En revanche, il semble qu’une part importante de la population ne soit pas au courant de l’existence d’une politique publique en faveur de l’enfance, a-t-elle fait observer. Par ailleurs, il reste un certain nombre d’enfants non enregistrés dans certaines régions du pays, a-t-elle souligné. La corapporteuse a également regretté la persistance de châtiments corporels à l’école, à la maison voire dans les centres de prise en charge de l’enfance. La question se pose donc de la formation des personnels spécialisés aux dispositions de la Convention, a-t-elle indiqué. Mme Al-Asmar a en outre voulu savoir si la loi interdisant le mariage avant l'âge de 19 ans s’appliquait également aux mineurs vivant sous le régime de la charia.

Une autre experte a fait part de sa préoccupation face à la persistance de stéréotypes et de conceptions patriarcales quant aux rôles respectifs des hommes et des femmes dans la société algérienne, attirant l'attention sur les conséquences qui en découlent pour la jeunesse en termes, notamment, de vie professionnelle.

Un expert a salué l'augmentation du nombre d'organisations non gouvernementales en Algérie et s'est enquis de leur participation à l’élaboration du présent rapport de l'Algérie.

Relevant que l’Algérie a ratifié les principales conventions internationales relatives aux droits de l’homme, un expert a souhaité savoir s'il existait des cas précis où des tribunaux ont, dans leurs jugements, accordé la primauté à la Convention relative aux droits de l’enfant. La Convention s’applique-t-elle directement dans le droit interne, a-t-il demandé? Des préoccupations ont en outre été exprimées au sujet des réserves que l’Algérie maintient à l'égard des articles 13, 14 et 16 de la Convention, qui touchent tous aux droits civiques de l’enfant. Dans ces conditions, a-t-il été demandé, la jeunesse algérienne a-t-elle le droit de se réunir et d’exprimer ses opinions? Un expert s'est enquis des mécanismes existant pour recueillir l'avis des enfants.

Le droit à l’héritage ne fonctionne pas de la même manière pour les garçons et les filles, a déploré un membre du Comité.

Un expert a souhaité connaître la norme juridique précise qui interdit en Algérie les châtiments corporels dans les écoles et dans les institutions.

Un autre membre du Comité a voulu savoir si l’Algérie a progressé dans la formulation des critères de détermination de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Une experte s’est interrogée sur les raisons de l’important abandon scolaire enregistré au niveau du secondaire en Algérie. Elle s'est également enquise des mesures prises en matière de lutte contre la corruption des fonctionnaires en Algérie. Ont en outre été relevées les importantes disparités régionales qui existent en matière de taux de scolarisation.

Une experte a regretté que les enfants handicapés n’aient pas accès aux services publics, notamment à l’éducation, dans des conditions d’égalité et a souligné que les enseignants doivent aussi bénéficier d’une formation les mettant en mesure de répondre aux besoins de ces enfants. Si plus de 70 % des enfants sont accueillis dans le système préscolaire, la répartition des enfants pris en charge accuse des inégalités entre les régions, a poursuivi cette experte. Une autre experte a relevé que l’étude nationale menée en 2006 sur la situation de l’éducation en Algérie ne donne pas une image très positive de l’alphabétisation des jeunes filles, pour lesquelles, à l'âge de dix ans, le taux d'analphabétisme est le double de celui des garçons.

Certains membres du Comité ont fait part de leurs préoccupations concernant le travail des enfants en Algérie, en particulier dans les secteurs de l’agriculture et de la construction. Trois cent mille enfants travailleraient dans le secteur informel, en tant que domestiques en particulier, et des mineurs sont fréquemment exploités dans le secteur agricole, a-t-il été souligné. Quelles sont les mesures prévues pour faire respecter la loi interdisant le travail avant l'âge de 16 ans, tel que fixé par la loi?

L'Algérie a enregistré une diminution notable de la pauvreté, a relevé un membre du Comité; en revanche, il semble que 25 % du budget de l’État soient affectés à des transferts sociaux à court terme qui ne traitent pas des raisons profondes de la pauvreté. Quelles mesures structurelles les autorités prennent-elles en matière de lutte contre la pauvreté afin d’améliorer fondamentalement le niveau de vie?

Comment les autorités surveillent-elles la situation des enfants placés à l’étranger dans le cadre de la kafala, a-t-il également été demandé, un expert s'étant enquis de la proportion d’enfants ensuite repris par leurs parents biologiques ainsi que des mesures prises pour éviter les adoptions illégales? Des préoccupations ont été exprimées au sujet de l’augmentation des enlèvements d’enfants algériens par leurs parents. L'Algérie envisage-t-elle de ratifier la Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants? Le pays a-t-il passé des accords bilatéraux avec certains États dans ce domaine?

D’après les statistiques fournies dans le rapport, plus de 50 000 enfants ont été victimes d’abus sexuels en Algérie en 2010, a-t-il en outre été relevé. Or, on sait que de tels faits sont en général largement sous-rapportés, a souligné une experte. La délégation est-elle donc en mesure de donner une estimation de l’ampleur réelle des abus sexuels sur les enfants, a-t-elle demandé? Il semble que ce sujet soit tabou en Algérie et que les enfants victimes ne soient pas encouragés à dénoncer les abus dont ils sont victimes, a-t-elle ajouté.

La délégation a en outre été priée de confirmer que les enfants de moins de 18 ans ne peuvent être traduits en justice pour des faits de prostitution s’ils sont victimes de la traite de personnes.

Un expert a demandé à l’Algérie si elle comptait relever l’âge de la responsabilité pénale, qui est actuellement fixé à 13 ans. En quoi consistent les mesures de réinsertion à l'intention des délinquants mineurs? Un mineur âgé de 13 à 18 ans qui est condamné à une peine de prison est-il détenu séparément des adultes? Existe-t-il en Algérie des tribunaux pour mineurs, composés de magistrats formés à cette tâche?

En matière de santé, une experte a relevé que le taux d’allaitement maternel est relativement faible en Algérie, tandis que ce pays connaît un taux élevé d’obésité chez les enfants: se posent manifestement des problèmes en matière de nutrition des jeunes enfants, a-t-elle insisté. En outre, s'est-elle inquiétée, des études ont montré qu’entre 15 ans et 19 ans, peu de jeunes comprennent les tenants et les aboutissants du VIH/sida, ce qui appelle au renforcement de l'action d’information et de prévention dans ce domaine.

Un expert a voulu savoir si l’Algérie accorde un traitement spécial aux enfants migrants – en particulier ceux originaires de Libye – ayant été enrôlés dans des forces armées ou dans des groupes armés, étatiques ou non.

Les autorités algériennes se sont-elles dotées d'une stratégie visant à trouver une solution durable au problème des enfants des rues, a-t-il été demandé? Qu'en est-il en outre de l’ampleur de la traite des êtres humains, et singulièrement d’enfants, en Algérie?

Des questions ont également été posées sur l’harmonisation du régime juridique aux fins de l’application de la Convention; sur les causes de l’important taux de mortalité néonatale constaté dans les hôpitaux; sur la protection de l’intimité des enfants dans la vie privée et publique en Algérie; sur les difficultés rencontrées par les mères célibataires et leurs enfants; ainsi que sur les violences exercées contre les enfants par des groupes terroristes.

Réponses de la délégation

La délégation a indiqué que la manière dont sont formulées les réserves et déclarations interprétatives que l'Algérie maintient à l'égard de certaines dispositions de la Convention tient compte des objectifs fondamentaux de cet instrument au bénéfice de l’enfant et n’exclut pas que les articles concernés soient appliqués, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant. La porte reste ouverte à un examen des observations que le Comité pourrait être amené à faire s’agissant de ces réserves, a ajouté la délégation. Le Président du Comité, M. Jean Zermatten, a alors fait observer que les réserves de l’Algérie portent sur des articles qui régissent, précisément, l’intérêt supérieur de l’enfant, ce qui rend ces réserves difficiles à comprendre.

La délégation a indiqué que depuis l'examen du précédent rapport en 2005, le Code de la famille algérien a été modifié, en lien directement avec la notion d’intérêt supérieur de l’enfant. Ainsi le divorce est-il désormais moins facilement régi par la volonté unilatérale du mari, l’accord des deux époux étant désormais requis. L’épouse elle-même peut désormais invoquer dix motifs de divorce, au lieu de six auparavant, a précisé la délégation. Le nouveau Code permet à l’épouse de divorcer en en exprimant simplement le vœu, le juge n’ayant aucun pouvoir de contrecarrer cette décision, a-t-elle ensuite indiqué. Par ailleurs, a ajouté la délégation, les conditions de la polygamie ont été durcies, au point de le rendre parfois impossible; le consentement explicite des deux épouses est en effet exigé par le juge. D'autre part, les dispositions en matière de garde parentale de l'enfant répondent au principe de l’intérêt supérieur de l'enfant. Le père occupe désormais la deuxième place dans l’ordre normal de la garde de l'enfant alors qu'il était jusqu'ici le dernier de la liste. En pratique, a précisé la délégation, les enfants sont confiés d’abord à leur mère, même si celle-ci travaille. À ce stade du dialogue, un expert est intervenu pour souligner que l’intérêt supérieur de l’enfant s’accommode mal de l’attribution automatique de la garde à l’un ou l’autre des deux parents; le juge doit en effet indiquer comment l’intérêt supérieur de l’enfant a motivé sa décision. Une autre experte s’est demandée pourquoi l’Algérie n’interdit pas totalement la polygamie: l’expérience et la jurisprudence d’autres États montrent que cette pratique – outre qu’elle est emblématique d’une discrimination contre la femme – ne correspond pas à l’intérêt supérieur de l’enfant. La délégation a alors expliqué que les conditions de la garde des enfants évoluent et s’adaptent en fonction de l'âge de l'enfant, la situation n’étant jamais figée. C'est au juge, et non aux parents, qu'il incombe de préserver l’intérêt supérieur de l’enfant, a ajouté la délégation. Elle a en outre souligné qu'il ne faut pas exclure que certaines sociétés puissent adopter des formes d’union répondant à des besoins personnels précis. Quoi qu'il en soit, a-t-elle poursuivi, la polygamie est étroitement encadrée par la loi algérienne.

Le Code de la famille interdit encore à une femme musulmane d’épouser un non musulman, a par ailleurs indiqué la délégation. Les enfants nés de tels couples obtiennent au choix la nationalité du père ou de la mère, a-t-elle précisé. Une experte est alors intervenue pour relever, à ce propos, que les enfants issus de tels couples portent deux noms de famille, ce qui contribue à leur stigmatisation au sein de la société algérienne.

Un expert s'étant inquiété du fait qu'en Algérie, le statut de l’enfant né hors mariage ne soit pas, en droit, égal à celui de l’enfant né dans le mariage, la délégation a indiqué que la filiation est établie par le mariage ou, désormais, par la reconnaissance de paternité. Le test ADN peut aussi être pratiqué, a-t-elle ajouté. La mère peut donner son nom à l’enfant avant toute reconnaissance de paternité, a poursuivi la délégation. La reconnaissance de paternité conditionne, de fait, un certain nombre de droits, notamment en matière d’héritage, a-t-elle souligné. C'est au juge qu'il incombe de décider, en fonction de la situation, si l’enfant a le droit ou non de porter le nom de son père, a-t-elle précisé. La délégation a indiqué ne pas être en mesure de fournir des statistiques sur le nombre d’enfants nés hors du mariage, qui sont toutefois peu nombreux – a-t-elle assuré. Le Président du Comité, M. Jean Zermatten, est ici intervenu pour assurer que le seul souci du Comité est le bien-être des quelque cinq mille enfants concernés – sans aucune volonté de polémique. La délégation a alors précisé que le nombre de naissances hors mariage s'élève à environ 2000 par an depuis quelques années; elle a ajouté qu'entre les deux tiers et les trois quarts de ces nouveau-nés sont placés en adoption.

La délégation a fait savoir que le Code de protection de l’enfant est en voie d’approbation et que les magistrats sont en train d’être formés à son application. Le Président du Comité a d’ailleurs fait une conférence à l’École supérieure de la magistrature sur les nouvelles orientations de la justice juvénile, notamment la médiation et la justice réparatrice. L’Algérie s’achemine ainsi progressivement vers une déjudiciarisation de l'administration de la justice pour mineurs, a souligné la délégation.

En ce qui concerne la justice pour mineurs, la délégation a indiqué que l'âge de la majorité pénale est fixé à 18 ans (au jour de l’infraction). Le mineur de moins de 18 ans fait l’objet soit d’une mesure de protection, soit d'un placement en milieu surveillé ou thérapeutique, a-t-elle précisé. Le mineur de plus de 13 ans peut être placé dans un établissement correctif, mais il n’est jamais placé dans une prison pour adultes; le placement est prononcé exclusivement par l’une des sections pour mineurs relevant des juridictions de base. En effet, exceptionnellement, et sur décision dûment motivée, peut être infligée une amende ou une peine de prison à un mineur de plus de 13 ans, qui purgera alors sa peine dans un pavillon spécialisé pour mineurs (600 mineurs ainsi détenus à ce jour). Un mineur qui encourrait, pour un crime très grave, la peine de mort, serait condamné à une peine de vingt ans de réclusion, a ajouté la délégation. La mise en place de médiations entre les jeunes délinquants mineurs et leurs victimes est à l’étude, a-t-elle indiqué.

Le Conseil national de la famille a en charge l'élaboration et le suivi de l’application de plans et mécanismes de soutien à la famille, a poursuivi la délégation. Quant au Plan national d’action pour les enfants, il s’appuie sur une planification stratégique réalisée avec la participation d’enfants, a-t-elle indiqué. Ce Plan national est géré par un comité de suivi et d’évaluation, qui présente des rapports annuels et procède actuellement à une évaluation à mi-parcours. Le Plan national d'action pour les enfants est financé par le budget de plusieurs ministères, dont ceux en charge de la famille et de l’éducation, a précisé la délégation.

La délégation a en outre indiqué qu'un plan de communication avait été appliqué en 2009-2011 pour sensibiliser les journalistes et les éducateurs, notamment, aux droits de l’enfant.

Le Gouvernement algérien met tout en œuvre pour remédier aux disparités en matière d’éducation, a assuré la délégation. Plus de 40 % des ressources dévolues au développement du pays ces prochaines années seront consacrées au secteur de l’éducation, a-t-elle affirmé. En outre, plus de 1500 institutions de santé seront construites, a-t-elle ajouté. Ces chiffres montrent que le Gouvernement est soucieux de remédier aux difficultés des Algériens, a-t-elle souligné. Les mesures prises viseront en particulier à résoudre les problèmes d’accès aux infrastructures, particulièrement en termes d’éducation et de santé, a précisé la délégation.

La délégation a ensuite attiré l'attention sur un certain nombre de mesures prises pour prévenir et combattre la violence à l’école. Elle a notamment évoqué la création de commissions de lutte contre la violence dans les établissements scolaires et a souligné que les délégués de classe sont habilités à dénoncer tout abus dans le cadre de la vie scolaire.

Toujours en matière d’éducation, le Gouvernement insiste sur la coordination entre les institutions étatiques et non gouvernementales, a poursuivi la délégation. Les organisations non gouvernementales partenaires travaillent en collaboration avec le Ministère de l’éducation sur des projets axés sur la protection sociale ou le sport, par exemple, à la grande satisfaction des autorités, a-t-elle indiqué. Cette coordination existe depuis une dizaine d’années, a-t-elle précisé.

Le Ministère de l’éducation et le Ministère de la santé ont des protocoles d’accord concernant la prise en charge des enfants handicapés, a d'autre part fait valoir la délégation. Cinquante-sept classes «normales» sont ouvertes à 1150 enfants handicapés et 186 établissements spécialisés prennent en charge environ 16 000 enfants plus lourdement atteints : sourds-muets, aveugles ou souffrant de troubles mentaux. Les enseignants sont accompagnés par des médecins et psychologues scolaires capables de les aider dans leur approche pédagogique. L’État algérien ouvre actuellement des classes pour autistes et dyslexiques, a précisé la délégation.

A ce stade du dialogue, le Président du Comité est intervenu pour faire observer que, selon les chiffres donnés par la délégation, on compte en Algérie quinze fois plus d’enfants handicapés scolarisés dans des établissements spécialisés que dans des classes normales. Or, la Convention préconise l’intégration des enfants handicapés dans l’enseignement ordinaire, afin de diminuer la discrimination à leur encontre, a-t-il rappelé. La délégation a alors indiqué que l’Algérie entend précisément remédier progressivement à cette situation en réaménageant les écoles, en formant les maîtres et en sensibilisant les parents. Aucun enfant handicapé qui vient s’inscrire à l’école n’est rejeté, bien au contraire, a ajouté la délégation.

Pour éliminer les disparités régionales en termes de taux de scolarisation, le Ministère de l’éducation agit sur des facteurs tels que les cantines ou les transports scolaires, a d'autre part indiqué la délégation. Un budget colossal est dévolu par l’État à la prise en charge sociale et éducative des enfants, a-t-elle insisté.

Les autorités travaillent avec les organisations non gouvernementales à la lutte contre les châtiments corporels, a poursuivi la délégation. Elles s’attaquent également aux sujets tabous que sont l’éducation sexuelle ou encore la violence sexuelle contre les enfants, a-t-elle ajouté. L’Éducation nationale procède chaque année à un recensement des violences commises sur les enfants, a en outre précisé la délégation.

La délégation a ensuite indiqué que, selon les statistiques disponibles, 1500 enfants ont été victimes d’abus sexuels en 2010 en Algérie. Certes, tous les cas ne sont pas déclarés, a-t-elle admis. Les écoles organisent des campagnes de sensibilisation des enfants aux dangers qui les guettent, a-t-elle par ailleurs souligné. S’ils ont été victimes de mauvais traitement, les élèves peuvent se confier à leurs enseignants, a-t-elle poursuivi. Le dispositif légal de répression en la matière a été aggravé, la situation de vulnérabilité des enfants constituant désormais une circonstance aggravante, a-t-elle fait valoir. La responsabilité des auteurs de violence contre des enfants est retenue systématiquement, la notion de « crime d’honneur » ne constituant pas une exemption à cet égard, a ajouté la délégation. Les poursuites pénales sont déclenchées par le parquet dès la connaissance des faits et même en l’absence de plainte, a-t-elle souligné.

L’Algérie a toujours été une terre d’asile, a par ailleurs déclaré la délégation. Sa législation en la matière ne porte aucun préjudice aux réfugiés, ni à leurs enfants, a-t-elle assuré, rappelant que le pays est signataire de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Le Croissant-Rouge algérien est chargé de prendre en charge les besoins matériels des personnes réfugiées, a-t-elle précisé. Les enfants réfugiés dans la région de Tindouf bénéficient d’une gamme de prestations sociales, a-t-elle ajouté. L’Algérie est aussi partie à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles, a rappelé la délégation. À ce titre, les enfants migrants étrangers bénéficient des mêmes droits que les enfants algériens en matière de santé et d’éducation, par exemple.

Le Président du Comité s'étant enquis des mesures prévues aux fins de l’identification des mineurs non accompagnés sur le territoire algérien, ainsi que de l’assistance juridique et sanitaire prodiguée à ces enfants, la délégation a fait savoir que les mineurs non accompagnés algériens sont avant tout protégés par un dispositif complet relevant de la Sûreté nationale, du Croissant-Rouge et des services d’urgence, entre autres. Les enfants étrangers non accompagnés sont identifiés par les agents des postes de police aux frontières du pays, a-t-elle indiqué. Ces enfants sont pris en charge par les brigades de protection de l’enfance, a-t-elle ajouté, précisant que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance et le Croissant-Rouge interviennent également. Le rapatriement de ces enfants ne se fait qu’en consultation avec eux et avec leurs gouvernements respectifs, a assuré la délégation. Par exemple, a-t-elle poursuivi, l’Algérie est régulièrement confrontée à la présence de jeunes migrants maliens et nigérians sur son territoire; dans ce contexte, elle travaille donc avant tout avec les ambassades et consulats des pays concernés aux fins de l’identification de ces jeunes. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés peut alors ensuite aider au rapatriement de ces enfants chez eux. À défaut, les mineurs non accompagnés sont hébergés en attendant qu’une solution spécifique soit trouvée les concernant, a ajouté la délégation.

La traite des êtres humains est réprimée par la loi de 2011 sur la traite de personnes et le trafic illicite de migrants, a poursuivi la délégation. Des peines de prison sont prévues, aggravées si la traite porte sur des enfants, a-t-elle précisé. La personne objet de la traite est considérée comme une victime et bénéficie d’une assistance à ce titre, a-t-elle ajouté.

L’Algérie a ratifié plusieurs instruments internationaux relatifs au travail des enfants, lequel est interdit avant l’âge de 16 ans, a ensuite souligné la délégation. La protection des jeunes travailleurs âgés de 16 à 18 ans, notamment contre les travaux dangereux, est prévue par la loi, a-t-elle ajouté. Selon les rapports de l’Inspection du travail, le travail des enfants n’a jamais concerné plus de 1% des enfants en Algérie, a indiqué la délégation. Il est difficile de quantifier exactement le nombre d'enfants qui travaillent, mais le chiffre de 300 000 avancé par certains semble exagéré, a-t-elle déclaré. Depuis 2003, une commission interministérielle a été chargée d'opérer une veille stratégique concernant le phénomène du travail des enfants. Toute personne employant des enfants est passible de sanctions sous forme d'amende voire, en cas de récidive, d'une peine d’emprisonnement, a souligné la délégation. Les pires formes de travail de l’enfant ne se rencontrent pas en Algérie, a-t-elle assuré. L’Inspection du travail ne recense qu’un nombre très restreint d’enfants domestiques, a-t-elle en outre indiqué.

La délégation a expliqué que les solutions offertes aux enfants privés de leur milieu familial sont d’abord la kafalah (15 000 enfants concernés), puis l'accueil dans l'une des 47 institutions étatiques prévues à cet effet, puis le placement familial rétribué, l’adoption plénière étant inconnue en Algérie. La délégation a souligné que l’État accorde une aide financière et en nature aux mères célibataires afin, si besoin était, de les inciter à garder leurs enfants auprès d'elles. Le contrôle des enfants placés hors d’Algérie en vertu de la kafalah est assuré par les consulats algériens, a en outre indiqué la délégation.

S’agissant des questions de santé, la délégation a notamment souligné que les autorités algériennes s’efforcent de lutter plus avant encore contre la mortalité infantile durant les quatre premières semaines qui suivent la naissance. Elles ont, à cette fin, défini en 2006 un programme de réduction de la mortalité doté d’objectifs quantifiés, devant être atteints en 2012. Les autorités ont, simultanément, densifié le réseau de prise en charge en pédiatrie et en soins néonatals, tandis qu’une nouvelle structure centrale est chargée de superviser l’action de santé (au sens large) en faveur des jeunes. Une campagne de promotion de l’allaitement maternel a été réalisée après qu’une enquête a montré que cette pratique est en déclin, a en outre indiqué la délégation.

Le Président du Comité ayant exprimé le souhait que toute la lumière soit faite sur les événements de Hassi Messaoud (relatifs à des agressions et viols de femmes célibataires en 2000 et 2010), la délégation a assuré que les auteurs de ces faits ont été sanctionnés. La société algérienne, la presse en particulier, ont beaucoup insisté pour que la justice aille jusqu’au bout de cette affaire, a souligné la délégation.

Observations préliminaires

MME HADEEL AL-ASMAR, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de l'Algérie, a jugé enrichissante cette journée de débat sur la situation des droits de l’enfant dans un pays aussi complexe que l’Algérie. Ce pays devra sans doute revoir certaines des réserves qu’il a émises au sujet de la Convention et réviser les modalités d’application et de suivi de son Plan national d’action pour l’enfance, a-t-elle estimé. Elle a invité les autorités algériennes à promouvoir l’intérêt supérieur de l’enfant dans toutes les relations familiales et à adopter des législations en faveur des enfants migrants. Il importe aussi que les enfants de moins de quinze ans ne soient pas astreints au travail, a ajouté la corapporteuse. Elle a enfin appelé l’Algérie à adhérer au troisième Protocole facultatif se rapportant à la Convention, qui instaure un mécanisme de plaintes individuelles.

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