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LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME REJETTE UNE PROPOSITION DE TENIR UNE SÉANCE EXTRAORDINAIRE SUR L'IRAQ

27 Mars 2003



Commission des droits de l'homme
59ème session
27 mars 2003
Matin




Elle entend le Ministre irlandais des affaires étrangères
et le Directeur général des droits de l'homme du Conseil de l'Europe



La Commission des droits de l'homme a rejeté, ce matin, à l'issue d'un vote de 25 voix contre, 18 pour et 7 abstentions, une motion tendant à tenir une séance extraordinaire sur les droits de l'homme et la situation humanitaire en Iraq du fait de la guerre. Le vote a été demandé par l'Allemagne au nom du Groupe occidental. La Commission a par ailleurs entendu le Ministre irlandais des affaires étrangères et le Directeur général des droits de l'homme du Conseil de l'Europe.
Plusieurs pays ont pris la parole pour présenter leur position concernant cette proposition : Cuba, Arabie saoudite, Algérie, Libye, Zimbabwe, Syrie, Pakistan, Malaisie, Irlande (au nom des pays de l'Union européenne qui sont membres de la Commission et de la Pologne), Japon, Bahreïn, Brésil, Sri Lanka, Australie, Canada, Viet Nam, République de Corée, Venezuela, Inde, Thaïlande, Paraguay, Costa Rica, Chili, Chine, Kenya, Mexique, Afrique du Sud et États-Unis. L'Iraq a exercé son droit de réponse.
Ceux qui s'opposaient à la tenue de la séance extraordinaire ont souligné que le Conseil de sécurité est déjà saisi de la question et que les risques de voir une telle séance dériver sur un terrain politique inapproprié. Les partisans ont pour leur part souligné que la situation de souffrances dans laquelle se trouve actuellement la population iraquienne constitue un test pour la Commission à laquelle il incombe, selon eux, de réagir face à cette situation et de faire respecter le droit humanitaire.
En fin de séance, le Haut Commissaire aux droits de l'homme, M. Sérgio Vieira de Mello, a souligné que le débat sur la question qui s'est noué ce matin a montré une division au sein de la Commission mais aussi un souci commun de protéger le peuple iraquien. Il a demandé à toutes les parties de respecter les règles applicables aux conflits notamment en ce qui concerne la distinction qu'il convient d'établir entre combattants et populations civiles. Les États ne doivent pas utiliser des armes qui frapperaient indistinctement civils et militaires, a-t-il souligné.
Intervenant dans le débat général de la Commission, le Ministre des affaires étrangères de l'Irlande, M. Brian Cowen, a rappelé que le peuple iraquien a énormément souffert ces dernières années et a exprimé l'espoir que les épreuves qu'il subit cesseront bientôt. Toutes les parties au conflit doivent s'efforcer de préserver la population civile, a-t-il insisté, rappelant que le droit international humanitaire et les normes de droits de l'homme fixent aux actes des belligérants des limites claires qui doivent être respectées. M. Cowen a par ailleurs indiqué que l'Irlande a commencé ces dernières années à connaître des incidents à caractère raciste et qu'elle est déterminée à lutter contre ces manifestations. Il a en outre indiqué que le Gouvernement irlandais travaille avec les autorités britanniques et les parties favorables à l'Accord de paix du Vendredi-Saint à la restauration de la confiance qui permettra de rétablir prochainement l'Assemblée et l'Exécutif de l'Irlande du Nord.
Le Directeur général des droits de l'homme du Conseil de l'Europe, M. Pierre-Henri Imbert, a notamment déclaré que le terrorisme constitue une atteinte aux valeurs fondamentales que sont les droits de l'homme et a indiqué que le Conseil des ministres de l'Europe a adopté des lignes directrices sur le terrorisme et les droits de l'homme en juillet 2002. Il a également souligné que l'abolition de la peine de mort constitue une priorité pour le Conseil de l'Europe et qu'aucune exécution n'a eu lieu dans les pays du Conseil de l'Europe depuis 1997.
La Commission achèvera cet après-midi, à 15 heures, son débat sur le droit au développement avant d'entamer l'examen de la question de la violation des droits de l'homme dans les territoires arabes occupés. En tout début de séance, elle entendra une déclaration du Secrétaire d'État de la Norvège M. Vidar Helgesen.

Déclarations de personnalités de haut rang
M. BRIAN COWEN, Ministre des affaires étrangères de l'Irlande, a estimé que le fait d'appartenir à la Commission entraîne des responsabilités particulières dont les membres doivent s'acquitter. La Commission doit traiter, de façon impartiale et selon leurs mérites, des situations des droits de l'homme qui lui sont présentées; trop souvent dans le passé, elle a laissé des considérations politiques lui dicter ses actes et n'a donc pas correctement traité des situations où les droits de l'homme étaient violés en permanence. Tous les États doivent collaborer avec les Rapporteurs spéciaux et les autres mécanismes et procédures pour leur permettre de mener à bien leur mandat. Le monde surveille avec inquiétude l'évolution de la situation en Iraq, où des vies sont perdues, y compris celles de civils innocents. Le peuple iraquien a énormément souffert ces dernières années, et il faut espérer que les épreuves qu'il subit cesseront bientôt. Toutes les parties au conflit doivent s'efforcer de préserver la population civile. Le droit international humanitaire, ainsi que les normes et principes des droits de l'homme fixent des limites claires aux actes des belligérants et doivent être respectés.
Le racisme est un problème qui demande de prendre des mesures en permanence, a poursuivi le Ministre irlandais des affaires étrangères. Les principes d'égalité et de non-discrimination sont clairement posés par la Charte des Nations Unies, par la Déclaration universelle des droits de l'homme, les Pactes et Convention internationaux sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Et pourtant, partout dans le monde, des êtres humains souffrent de discrimination à cause de la couleur de leur peau, de leur appartenance ethnique, de leur pays ou région d'origine. Ces dernières années, qui ont vu l'Irlande devenir un pays d'immigration nette, ont aussi été l'occasion d'expériences et d'incidents à caractère raciste. Le Gouvernement de l'Irlande est déterminé à lutter contre ces manifestations. Des dispositions législatives complètes ont été prises contre la discrimination et l'incitation à la haine raciale. Un Comité consultatif national sur le racisme et l'interculturalisme a été établi par le gouvernement. Parmi d'autres mesures, l'Irlande poursuit son plan d'action national contre le racisme et augmentera encore sa contribution financière aux activités du Haut Commissariat aux droits de l'homme.
Le Gouvernement irlandais travaille avec les autorités britanniques et les parties favorables à l'Accord de paix du Vendredi-Saint à la restauration de la confiance qui permettra la restauration prochaine de l'Assemblée et de l'Exécutif de l'Irlande du Nord. Les discussions récentes comprennent des points en suspens relatifs aux dispositions de l'Accord qui touchent aux droits de l'homme et à l'égalité. Après la création et le travail des nouvelles Commissions des droits de l'homme dans les deux parties de l'île, le gouvernement est d'autant plus convaincu du caractère central des droits de l'homme pour le nouveau départ qui s'annonce pour l'île après les élections du 29 mai prochain.
M. PIERRE-LOUIS IMBERT, Directeur général des droits de l'homme au Conseil de l'Europe, a déclaré que le terrorisme n'a pas cessé d'être d'actualité depuis les événements du 11 septembre. S'il constitue une atteinte aux valeurs fondamentales que sont les droits de l'homme, la démocratie et le principe de prééminence du droit, et s'il doit pour cette raison être combattu avec la plus grande fermeté, cela ne doit cependant pas être au prix de ces valeurs. Le Conseil des Ministres de l'Europe a adopté des lignes directrices sur le terrorisme et les droits de l'homme en juillet 2002. Elles affirment entre autres l'obligation des États de protéger les droits de toute personne contre les actes terroristes, notamment le droit à la vie, l'interdiction de l'arbitraire, l'exigence de la légalité de toute mesure antiterroriste et l'interdiction absolue de la torture. L'Europe n'est pas à l'abri de ces situations; l'existence de foyers de crise sur le continent fait de cette question une préoccupation majeure pour le Conseil de l'Europe, notamment la Tchétchénie. Le Conseil, qui assure une présence sur le terrain avec des experts et des visites, a pu constater des efforts accomplis par les autorités russes. Il reste néanmoins à établir si les mesures prises sont réellement efficaces, l'inquiétude majeure restant l'impunité qui règne dans la région et la persistance du phénomène des disparitions.
L'abolition de la peine de mort est une priorité pour le Conseil de l'Europe, aucune exécution dans les quarante-quatre pays n'a eu lieu depuis 1997; en matière de lutte contre la torture, le Comité européen pour la prévention de la torture a examiné le traitement des personnes détenues au Royaume-Uni à la suite des mesures prises dans le cadre de la législation antiterroriste. La plupart des conflits que l'Europe a connus ces dernières années ont été marqués par la question des minorités. D'où l'importance de la Convention-cadre du Conseil de l'Europe pour la protection des minorités nationales, traité le plus complet en la matière. Dans ce domaine, il existe un fort potentiel de collaboration avec les Nations Unies, au vu de leur expérience découlant de leurs propres mécanismes conventionnels.
Les travaux du Conseil s'étendent cependant au-delà de ces thèmes, en direction par exemple de l'élaboration d'une Convention européenne contre la traite des êtres humains ou encore de la Charte sociale européenne, instrument essentiel dans l'architecture de protection des droits de l'homme en ce qu'elle concrétise, par la protection des économiques et sociaux, le principe fondamental de l'indivisibilité des droits de l'homme. Dans le même contexte, le Conseil salue et continuera à suivre avec intérêt les travaux des Nations Unies relatifs à une Convention internationale sur les droits et la dignité des personnes handicapées, domaine où une collaboration entre les deux organisations pourrait utilement se développer.

Explications de position sur une la motion demandant la tenue d'une séance extraordinaire sur la situation humanitaire en Iraq
Présentant des observations générales, le représentant du Cuba a dénoncé la guerre qui se déroule en Iraq, qui est d'ailleurs condamnée par les populations du monde entier, mobilisées pour faire entendre leur refus. Il a dénoncé le bombardement de villes par des armes dites «intelligentes», qui tuent les populations civiles. Ainsi, c'est à la destruction des villes et à la mort de nombreux civils que l'on assiste, alors que l'on nous annonce de Washington qu'on ne sait pas combien de temps durera cette guerre. Il est du devoir de la Commission de réagir face à la barbarie et pour défendre la paix, le droit international et les droits de l'homme. Il s'est déclaré d'avis que la Commission prenne une position claire et demande que cesse cette agression et que soit respectée la souveraineté et l'indépendance des tous les États de la région. Il a fait savoir que sa délégation se prononcerait en faveur de cette motion.
Le représentant de l'Arabe saoudite a déclaré que les forces armées de son pays ne participeraient en aucun cas à cette guerre contre son frère iraquien. Il a précisé que son Gouvernement avait déployé de grands efforts pour éviter le recours à la force. Il a fait savoir que sa délégation ne s'opposait pas à la tenue d'une séance extraordinaire sur la guerre en Iraq, à condition toutefois que le débat se limite aux conséquences de la guerre sur les droits de l'homme et à la situation humanitaire de la guerre, à la fois sur l'Iraq et ses voisins. Il s'est dit fermement opposé à toute politisation des débats, qui risquerait de porter atteinte à la crédibilité de la Commission dont les travaux souffrent déjà du climat qui y règne.
Le représentant de l'Algérie a rappelé qu'hier se posait un problème de légitimité de la demande (pour une réunion spéciale sur l'Iraq), problème soulevé par le Groupe occidental. L'Algérie a accepté que soit sollicité l'avis du Conseiller juridique «alors qu'il était clair que la Commission devait se saisir d'une situation qui nous interpelle tous». Il se trouve que la question des conséquences humanitaires est beaucoup plus développée dans les médias que dans les enceintes onusiennes dont c'est le rôle, a fait observer le représentant algérien. Il a indiqué que son pays avait accepté un moratoire de 24 heures pour amener le Groupe occidental à «converger vers nous». Aussi, ce matin, la demande de vote présentée par ce groupe étonne énormément l'Algérie. L'Algérie demande instamment à ses collègues du groupe occidental de bien vouloir retirer cette proposition et laisser la Commission discuter dans la clarté de tout ce qui peut aujourd'hui relever de sa compétence s'agissant du respect du droit international humanitaire. On nous avait dit que cette guerre serait propre et courte et ce n'est pas le cas, a souligné le représentant algérien.
Le représentant de la Libye a rappelé que l'Iraq est en train de faire l'objet d'une agression barbare illégitime. Il s'agit d'une guerre féroce dont les résultats peuvent être vus à travers les médias. Il s'agit donc ici d'un véritable test pour la Commission qui ne saurait regarder cela sans réagir ni prendre des mesures. Des milliers de manifestants se sont opposés à cette guerre à travers le monde, a rappelé le représentant libyen. Rappelant que la Libye et d'autres ont demandé la tenue d'une réunion spéciale sur cette situation, le représentant a affirmé que s'opposer à la tenue d'une telle réunion constitue une remise en cause de l'engagement en faveur des droits de l'homme. Aussi, faut-il espérer que cette demande sera soutenue par tous.
Le représentant de Zimbabwe a déclaré que son pays s'associe fermement à la déclaration du Royaume d'Arabie saoudite. Le Zimbabwe ne veut jeter le blâme sur qui que ce soit, il faut défendre la liberté de parole et de pensée. Une séance extraordinaire irait dans ce sens.
Le représentant de la Syrie a déclaré que la vérité est la première victime des guerres. Dans ce cas, ce sont les civils qui sont atteints, la guerre n'aide pas le peuple iraqien, la guerre ne vise pas la démocratie; tout ce qui a été dit s'est avéré faux. La Commission a une tâche principale : faire respecter les droits de l'homme. Elle ne peut donc ignorer ce qui se passe en Iraq. Le peuple iraqien souffre de la famine, du manque d'eau, une véritable catastrophe. Le Groupe occidental doit revenir sur sa demande de vote sur une session spéciale concernant l'Iraq, dont le sujet exclusif sera la réduction, la fin des souffrances du peuple iraqien. Ces atermoiements à la Commission ne font qu'augmenter le nombre de ces victimes.
Le représentant du Pakistan a regretté que malgré les efforts de son pays en vue de trouver une solution pacifique à la crise, la guerre ait été lancée contre l'Iraq. Il a souligné la responsabilité de la Commission qui se doit de faire respecter le droit international humanitaire, et de tout faire pour éviter les pertes civiles et la destruction de lieux de culte et du patrimoine culturel. Il a cité le Comité international de la Croix-Rouge qui a rappelé aux États leurs obligations au titre des conventions de Genève, qu'ils ont tous signés. Il a appelé les belligérants à restaurer entre autres, les conduites d'eau de la ville de Bassora. Il a insisté sur le fait que, quelle que soit la crise, les Conventions de Genève doivent être appliquées dans leur intégralité. Il a mis l'accent sur la responsabilité de la communauté internationale à l'égard du peuple iraquien, y compris son droit sur ses ressources. Il a appuyé la proposition ayant pour objectif de réunir une séance extraordinaire sur la situation humanitaire en Iraq. Il a insisté pour que l'objectif de cette réunion soit respecté.
Rappelant que son pays est coauteur de cette proposition, la représentante de la Malaisie s'est déclarée convaincue de l'illégalité de la guerre en Iraq, qui se déroule en violation de la Charte des Nations Unies. C'est pourquoi cette offensive armée a été vivement condamnée par le Parlement malaisien. La Malaisie demande instamment que l'on mette fin aux hostilités et achemine l'aide humanitaire en Iraq. S'appuyant sur les images de violence diffusées sur les grands réseaux télévisés mondiaux, elle s'est prononcée en faveur de la tenue d'une séance extraordinaire sur la guerre en Iraq et a estimé que si cela n'était pas possible, la Commission devrait sans doute envisager de clore cette session, faute d'avoir pu remplir son rôle.
Le représentant de l'Irlande (au nom des pays membres de la Commission qui sont membres de l'Union européenne et de la Pologne) a déclaré que l'Union européenne est disposée à parler de la situation en Iraq du point de vue des droits de l'homme et de la situation humanitaire. Il a exprimé l'espoir que ce conflit se terminerait au plus tôt et a appelé toutes les parties à respecter les Conventions de Genève. L'Union européenne estime néanmoins que le maintien de la paix et de la sécurité internationale relèvent au premier chef du Conseil de sécurité des Nations Unies et elle ne pourra donc pas appuyer cette proposition : elle votera contre.
Le représentant du Japon a déclaré que les questions relatives aux droits de l'homme dans tout pays préoccupent certes la communauté internationale et que son pays n'a pas d'objection de principe à débattre ici des droits de l'homme et de la situation humanitaire en Iraq. Il n'en demeure pas moins que la Commission ne devrait pas être utilisée pour promouvoir des questions politiques. En outre, le Conseil de sécurité est saisi de la question et la Commission ne doit pas préjuger de l'issue du débat au Conseil de sécurité. Il est de plus trop tôt pour procéder à une évaluation de la situation humanitaire en Iraq. C'est pourquoi le Japon votera contre cette proposition.
Le représentant de Bahreïn a déclaré que la position du Royaume est que s'il y a une séance extraordinaire, elle ne devra traiter que des questions humanitaires, les autres aspects, les questions de sécurité notamment, étant du ressort d'autres instances.
La représentante du Brésil a déclaré que sa délégation voterait en faveur de la proposition. La Commission manquerait à son devoir si elle ne traitait pas des aspects humanitaires de la guerre en Iraq. La Commission doit jouer pleinement son rôle de chef de file de la protection des droits de l'homme.
Le représentant du Sri Lanka a renouvelé ses préoccupations au sujet de la guerre en Iraq et les conséquences humanitaires de ce conflit qui aura des répercussions sur la paix et la sécurité internationales dans le monde entier et non seulement dans la région. Toutefois, il a estimé que les questions relatives à la paix et la sécurité internationales sont de la compétence du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale. Il a estimé que la Commission devait se limiter à son rôle en matière de protection des droits de l'homme. Dans le contexte actuel, il a jugé difficile voire impossible d'examiner la situation humanitaire et les droits de l'homme en Iraq sans tenir compte des causes sous-jacentes à cette situation. Estimant qu'il serait impossible d'éviter un débat politique sur la situation en Iraq, il a expliqué que sa délégation voterait contre la tenue de cette réunion extraordinaire.
Le représentant de l'Australie a expliqué que sa délégation voterait contre la tenue d'une réunion extraordinaire sur la situation en Iraq dont est toujours saisi le Conseil de sécurité. Il a considéré que les États ont eu maintes occasions de s'exprimer sur cette question dans toutes les instances des Nations Unies. Il a rappelé que la Commission n'avait pas jugé nécessaire de tenir une réunion extraordinaire lorsque l'Iraq a envahi le Koweït. Il a donc qualifié d'ironique la proposition faite aujourd'hui par un groupe d'États alors qu'une coalition s'emploie à désarmer l'Iraq et à mettre fin à un régime souvent condamné pour sa cruauté. Il a estimé qu'une réunion extraordinaire serait déséquilibrée et qu'il serait difficile d'évaluer la crise humanitaire en Iraq alors que les hostilités se poursuivent. Il a fait savoir que sa délégation voterait contre cette proposition.
Le représentant du Canada a déclaré qu'à l'instar du reste du monde son pays suit de près l'évolution de la situation en Iraq. Le Canada se félicite que le Conseil de sécurité est toujours saisi de cette question. La Commission, pour sa part, sera saisie de la question au titre de son point de l'ordre du jour consacré à la question de la violation des droits de l'homme où qu'elle se produise dans le monde (point 9). Le Canada ne voit pas en quoi une séance extraordinaire apporterait une contribution utile face à cette situation; une telle séance ne ferait que politiser la question. C'est pourquoi le Canada votera contre la proposition de tenir une séance extraordinaire.
Le représentant du Viet Nam a indiqué que son pays votera en faveur de la tenue d'une séance spéciale sur les droits de l'homme et la situation humanitaire en Iraq. La guerre actuelle en Iraq débouche sur d'innombrables souffrances humaines, a-t-il souligné. La Commission devrait être une instance de dialogue en vue de réduire les souffrances des populations civiles iraquiennes, a-t-il ajouté.
Le représentant de la République de Corée a déclaré que son pays est très préoccupé par le sort de la population iraqienne innocente; il faut envoyer de l'aide et des secours humanitaires en Iraq et dans les pays voisins. Cependant, la délégation n'est pas convaincue de la nécessité d'une séance extraordinaire, les problèmes pouvant être traités au titre des points pertinents de l'ordre du jour
Le représentant du Venezuela appuie la proposition syrienne, car quelles que soient les opinions sur les responsabilités dans cette crise, il faut admettre l'existence d'une crise humanitaire qui s'aggrave en Iraq. La Commission doit connaître les conséquences de ce conflit regrettable : on assiste à des déplacements massifs et à une crise sanitaire et humanitaire. La séance extraordinaire devrait traiter exclusivement des questions humanitaires.
Le représentant de l'Inde a exprimé sa vive préoccupation devant les événements qui ont conduit à l'ouverture des hostilités en Iraq et à leur évolution depuis le 19 mars. Il a rappelé que son pays avait condamné cette guerre, qui comme toute guerre a des conséquences désastreuses sur les populations. Il a déclaré que l'Inde était toujours favorable à la voie diplomatique. Il a reconnu que la gravité de la situation aurait pu justifier la tenue d'une séance extraordinaire, qui a trouvé un large écho à la Commission. Toutefois, il a insisté sur le fait que la discussion devait se limiter strictement à l'examen des droits de l'homme et de la situation humanitaire, respectant le domaine de compétence de la Commission. Dans ce contexte, il a réitéré la proposition faite par sa délégation lors des consultations, qui recommandait que la Commission se limite à une déclaration condamnant vigoureusement l'agression et exhortant les belligérants à respecter les droits de l'homme et le droit international humanitaire. Il a expliqué que sa délégation s'opposait à la politisation croissante des travaux de la Commission et qu'il condamnait la situation actuelle, qui avait eu pour conséquence de porter atteinte à la crédibilité de l'ONU tout entière et infligeait des souffrances odieuses au peuple iraquien. Cela étant, il a eu le regret d'annoncer qu'après mûre réflexion, craignant qu'il soit impossible d'éviter une politisation des débats, sa délégation avait décidé de s'abstenir.
Le représentant de la Thaïlande a déploré les pertes de vie dans les deux camps et a réaffirmé son attachement à la paix dans le monde. Toutefois il a estimé que l'impact humanitaire de la situation en Iraq suite à la guerre devrait être examiné par le Conseil de sécurité, qui est en mesure d'adresser un message plus vigoureux aux belligérants. Considérant que la situation humanitaire en Iraq devrait être traitée dans le cadre du point 9 de l'ordre du jour de la Commission, il a annoncé que sa délégation voterait contre la tenue d'une séance extraordinaire.
Le représentant du Paraguay a indiqué que son pays est favorable à la paix et à une résolution pacifique des différends. Le Paraguay est vivement préoccupé par les graves conséquences d'une guerre telle que celle en cours en Iraq, notamment du point de vue humanitaire, sans parler des effets collatéraux négatifs qu'une telle situation aura pour le Moyen Orient déjà fragilisé. Le Conseil de sécurité est actuellement saisi des questions soulevées par la situation en Iraq, a rappelé le représentant. Le Conseil de sécurité est en train d'examiner une résolution sur la situation humanitaire en Iraq, a-t-il insisté. Le Paraguay est préoccupé des risques de voir une séance spéciale au sein de la Commission déboucher sur un débat qui n'apportera pas de solution aux questions humanitaires soulevées. Le règlement final du conflit doit être repris en main dans le cadre adéquat c'est-à-dire par le Conseil de sécurité. C'est pourquoi le Paraguay ne votera pas en faveur de la proposition visant à convoquer une séance extraordinaire de la Commission.
Le représentant du Costa Rica a indiqué qu'un débat animé s'est noué au sein de sa délégation pour savoir s'il fallait refuser la possibilité d'examiner la situation humanitaire en Iraq et que toute évidence, si la question se posait en ces seuls termes, la réponse serait non. Mais le Costa Rica ne va pas voter en faveur de la proposition de convocation d'une séance spéciale car il y a un risque que la discussion qui s'y déroule ne dépasse la situation humanitaire en Iraq pour dériver sur le terrain politique, qui ne relève pas de la compétence de la Commission. Ceci est d'autant important, que nombreux sont ceux qui plaident pour une dépolitisation des travaux de la Commission, a rappelé le représentant. Le Costa Rica lance un appel aux États pour qu'ils respectent les droits inaliénables des populations, dont le droit à la vie. Une paix véritable en Iraq est le souci de tous et il faut tout faire pour atténuer les conséquences de cette crise, a souligné le représentant du Costa Rica. Il a indiqué que son pays promet son soutien à toutes les institutions spécialisées des Nations Unies qui œuvrent en faveur des droits de l'homme et du droit humanitaire.
Le représentant du Chili a déclaré que son pays se sent profondément ému par la tragédie en Iraq; en tant que membre élu du Conseil de sécurité, le Chili estime que tous les efforts ont été déployés pour aboutir à une solution pacifique au conflit. Plus que jamais, le respect du droit international est nécessaire. La situation humanitaire est grave. La session proposée est importante. D'un autre côté, le Conseil de sécurité vient de se lancer dans un examen de la situation. Le Chili s'abstiendra donc lors du vote sur cette question à la Commission.
Le représentant de la Chine a déclaré que les membres de la Commission avaient la chance de n'avoir à se battre qu'avec de mots, et pas avec des chars. La situation en Iraq est bien connue grâce aux efforts des médias, qui nous ont renseignés sur la «précision» des bombardements qui ont entraîné la mort de cent civils. La Chine estime qu'en ce qui concerne la guerre elle-même, personne ne peut changer de force la position d'un gouvernement. Selon l'avis juridique reçu, la Commission a le droit d'aborder cette question; si cette proposition est abordée et acceptée, la Chine limitera ses discussions dans ce contexte aux questions qui relèvent du mandat de la Commission.
La représentante du Kenya a rappelé que son pays avait exprimé à maintes reprises sa position sur cette guerre, à savoir que la guerre n'aurait dû être déclarée qu'avec un mandat du Conseil de sécurité, et a insisté sur le fait qu'il avait demandé à l'Iraq de désarmer. Elle a expliqué que son pays s'en tenait à la résolution 1441 (2002) du Conseil de sécurité et à la position exprimée par les gouvernements africains sur cette question. Elle s'est déclarée d'avis que la communauté internationale se devait d'enjoindre fermement les belligérants à respecter les Conventions de Genève. Réaffirmant l'attachement de son pays à la voie diplomatique, comme en témoigne son action de médiateur de paix dans sa région, elle a déclaré que sa délégation était favorable à la tenue d'une réunion extraordinaire.
Expliquant sa position après le vote, le représentant du Mexique a déclaré que son pays avait une vocation bien connue pour la paix et le respect du droit international et de la Charte des Nations Unies. Il a rappelé qu'il avait condamné l'agression armée contre l'Iraq et annoncé qu'il travaillerait aux côtés de la communauté internationale afin de veiller à ce que les conséquences de la guerre soient le moins pénible possible sur la population iraquienne. À l'instar du Haut Commissaire aux droits de l'homme, il a insisté sur la nécessité d'un strict respect des droits de l'homme, qui interdise toute attaque contre les civils et impose un traitement humain des prisonniers et des blessés. Il a déclaré que la Commission devait se garder de prendre position sur des domaines qui ne relevaient pas de sa compétence et a estimé que certains éléments laissaient penser que cette discussion ne se serait pas limitée au domaine de compétence de la Commission. C'est pourquoi le Mexique a voté contre cette proposition.
Le représentant de l'Afrique du Sud a déploré que, sur des questions ayant trait au droit à la vie, les représentants de la communauté internationale réunis ici n'aient pas réussi à prendre une position commune, pour la seule raison que les victimes de cette guerre ont la malchance d'être iraquiennes. Il a qualifié d'indicible la souffrance qui frappe les familles iraquiennes dans cette guerre et à qui cette Commission ne permet pas de se faire entendre. Il a dénoncé cette guerre qu'une minorité de pays prétend mener pour le bien du peuple iraquien et a fait valoir que le peuple iraquien, lui, aurait peut-être préféré une autre solution. Il a insisté sur le fait qu'une vie perdue ne peut jamais être remplacée et que le patrimoine détruit l'était à jamais et ne saurait être reconstruit. Il s'est déclaré convaincu qu'il était du devoir de la Commission d'adresser un message au peuple iraquien, nonobstant le refus de ceux qui invoquent le Conseil de sécurité ou d'autres instances. Si la Commission n'a pas pu décider de tenir une séance extraordinaire, il a néanmoins jugé indispensable qu'elle s'adresse à ceux qui ne savent pas s'ils pourront se réveiller demain matin.
La représentante des États-Unis a déclaré que son pays déplore lui aussi les conséquences de la guerre pour les civils iraquiens. Elle a ajouté que les violations des droits de l'homme auxquels étaient soumis le peuple iraquien ,attriste les États-Unis depuis longtemps. C'est d'ailleurs dans cette perspective que les États-Unis ont pris les mesures nécessaires pour envisager la reconstruction d'une nouvelle vie, dans la liberté, pour le peuple de l'Iraq.

Déclaration du Haut Commissaire aux droits de l'homme
M. SÉRGIO VIEIRA DE MELLO, Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, relevant que la Commission a décidé de ne pas tenir une séance extraordinaire sur les conséquences de la guerre sur les droits de l'homme et la situation humanitaire en Iraq, a souligné que le débat sur la question qui s'est noué ce matin a fait état d'une division au sein de la Commission mais aussi d'un souci commun de protéger le peuple iraquien. Il a rappelé qu'en tant que Haut Commissaire aux droits de l'homme, son premier souci est d'assurer le respect des droits de l'homme dans le monde entier. M. Vieira de Mello a de nouveau invité instamment les États à prendre toutes les précautions voulues pour protéger les civils, d'autant plus que ce sont eux qui continuent de supporter les principales conséquences de la guerre. Le Haut Commissaire a rappelé que les violations de droits de l'homme en Iraq n'ont pas commencé il y a une semaine. Les droits de l'homme des Iraquiens sont violés depuis plusieurs années. À cet égard, il a remercié M. Andreas Mavrommatis, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Iraq, d'avoir avancé son arrivée à Genève pour se mettre à disposition des membres de la Commission s'ils le souhaitent. M. Vieira de Mello a aussi rappelé que le peuple iraquien a également souffert du régime de sanctions imposé à l'Iraq.
Le Haut Commissaire a rappelé un certain nombre de principes qu'il convient de respecter absolument en toutes circonstances, notamment que personne ne doit être privé arbitrairement de liberté ni soumis à la torture. M. Vieira de Mello a demandé à toutes les parties de respecter les règles applicables aux conflits, notamment en ce qui concerne la distinction qu'il convient d'établir entre combattants et populations civiles. Les États ne doivent pas utiliser des armes qui frapperaient indistinctement civils et militaires, a-t-il souligné. De tragiques expériences ont montré que la précision des armes modernes n'est pas extrêmement fiable, en particulier dans des zones urbaines densément peuplées. Il ne saurait y avoir de représailles contre la population civile et l'assistance humanitaire ne doit pas être entravée, a également souligné le Haut Commissaire. Il a regretté que la dimension principale des droits de l'homme en Iraq n'ait pas reçu au fil des ans toute l'attention voulue au Conseil de sécurité. Il faut maintenant veiller à ce que le cœur du mandat de la Commission soit préservé, a-t-il affirmé.

Droit de réponse
Le représentant de l'Iraq a déploré ce jour sombre où la Commission a refusé de discuter de la situation humanitaire en Iraq. Il a dit au Haut Commissaire que des civils étaient tués tous les jours alors que l'Iraq subissait des attaques massives. Les enfants iraquiens dorment sous des tapis de bombes et personne ne se pose de questions sur les pratiques des États-Unis en matière de droits de l'homme, s'est-il indigné. Il a estimé que les pays des Nations Unies avaient le devoir de s'opposer et de condamner ces violations des droits de l'homme. L'heure n'est plus aux bonnes paroles, alors que les enfants vivent au son des balles et que les Américains se préparent à envoyer 30 000 soldats supplémentaires, s'est exclamé le représentant iraquien. Il est temps que la Commission dise clairement que ç'en est assez et cesse d'appliquer une politique de deux poids et deux mesures, a-t-il martelé.



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