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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits de l'homme examine le rapport du Cameroun

20 Juillet 2010

Comité des droits de l'homme
20 juillet 2010

Le Comité des droits de l'homme a examiné hier après-midi et ce matin le rapport périodique du Cameroun sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Présentant le rapport de son pays, M. Anatole Fabien Marie Nkou, Représentant permanent du Cameroun au près des Nations Unies à Genève, a notamment souligné que son pays comptait plus de deux cents partis politiques et des milliers d'organisations non gouvernementales et d'associations particulièrement actives pour tout ce qui touche aux droits de l'homme. Le paysage médiatique ne compte pas moins de six cents périodiques, deux cents radios et une douzaine de chaînes de télévision. Depuis janvier 2007, un nouveau Code de procédure pénale est entré en vigueur qui améliore sensiblement les garanties en matière de droits de l'homme avant, pendant et au terme de chaque procès, prévoyant notamment l'inadmissibilité des aveux obtenus sous la torture. La Commission nationale des droits de l'homme et des libertés et le Comité international de la Croix-Rouge procèdent régulièrement à des visites dans les prisons et lieux de détention, notamment après les émeutes sociales de février 2008.

La délégation était également composée de M. Michel Mahouve, Directeur des droits de l'homme au Ministère de la justice; de Mme Anne Chantal Nama, Sous-Directeur des organes des Nations Unies au Ministère des relations extérieures; et de membres de la Mission du Cameroun à Genève. La délégation a répondu aux questions du Comité portant sur les attributions de la Commission nationale des droits de l'homme et des libertés, sur le rôle de la justice traditionnelle, sur la place des femmes dans la société camerounaise et la lutte contre la discrimination et les violences à leur égard, sur les activités des organisations non gouvernementales, sur l'exercice de la liberté de la presse, ou encore sur les conditions de vie en prison.

Les observations finales du Comité sur les rapports des pays examinés au cours de la session seront rendues publiques à la fin des travaux, le 30 juillet prochain.

Le Comité des droits de l'homme se réunira cet après-midi à 15 heures pour se pencher sur un projet d'observation générale portant sur l'article 19 du Pacte, qui concerne la liberté d'expression et d'opinion.

Présentation du rapport

M. ANATOLE FABIEN MARIE NKOU, Représentant permanent du Cameroun auprès des Nations Unies à Genève, a notamment relevé que son pays comptait plus de deux cents partis politiques, des milliers d'organisations non gouvernementales et d'associations particulièrement actives pour tout ce qui touche aux droits de l'homme. Le paysage médiatique ne compte pas moins de six cents périodiques, deux cents radios et une douzaine de chaînes de télévision. Le Cameroun a adopté toutes les grandes conventions qui visent la promotion et la protection des droits de l'homme, et notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il a également ratifié, en 2004, la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, ainsi que deux de ses trois Protocoles facultatifs. Depuis janvier 2007, un nouveau Code de procédure pénale est entré en vigueur qui fait la synthèse heureuse des systèmes germanique et anglo-saxon, améliorant sensiblement les garanties en matière de droits de l'homme avant, pendant et au terme de chaque procès. Ce Code prévoit notamment l'inadmissibilité des aveux obtenus sous la torture. Par ailleurs, le Code intègre, en les modernisant, les dispositions portant régime de l'extradition, en procédant à l'extension du champ matériel des motifs de refus de l'extradition les traitements cruels, inhumains ou dégradants dans l'État requérant. Cette mesure protège, désormais, contre des extraditions dont les motivations politiques, religieuses, raciales et tenant à la nationalité de la personne réclamée sont les véritables causes.

S'agissant des préoccupations exprimées antérieurement par le Comité au sujet du système de supervision des lieux de détention, le chef de la délégation a indiqué que l'Administration pénitentiaire était rattachée, depuis 2004, au Ministère de la justice, pour permettre un suivi plus cohérent de toute la chaîne pénale. De plus, toutes les organisations humanitaires qui en font la demande bénéficient d'accréditation leur donnant un accès libre aux prisons camerounaises. C'est ainsi que la Commission nationale des droits de l'homme et des libertés a effectué de nombreuses visites dans les lieux de détention, soit à la suite d'une requête, soit sur sa propre initiative. Le Comité international de la Croix-Rouge procède lui aussi régulièrement à des visites dans les prisons et autres lieux de détention, par exemple à la demande du Gouvernement après les émeutes sociales de février 2008. Dans ce domaine, l'avancée la plus significative est certainement la ratification du Protocole facultatif relatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, manifestation éclatante de la volonté politique du Gouvernement de mettre définitivement en place un filet de prévention définitif et efficace contre la torture, les traitements cruels ou dégradants, a fait valoir M. Nkou.

Le Représentant permanent a encore fait savoir qu'en 2010, trois importants textes de loi ont été adoptés qui, respectivement, confortent l'impartialité de l'organisme indépendant chargé de l'organisation et de la supervision du processus électoral, traitent de la promotion et la protection des personnes handicapées et précisent que les membres représentants les administrations publiques au sein de la Commission nationale des droits de l'homme et des libertés n'ont qu'une voix consultative, conformément aux Principes de Paris. S'agissant enfin de la protection de la liberté de la presse, on a assisté à la délivrance des premières licences aux entreprises privées de communication audiovisuelle. Il a par ailleurs été institué une Commission nationale d'examen des demandes de l'accès au bénéfice de l'aide privée à la communication qui siège chaque année. L'une des principales mesures en faveur de la liberté d'expression demeure la suppression de la censure administrative. Le représentant a toutefois ajouté qu'il fallait déplorer la fâcheuse tendance des journalistes camerounais à la publication de nouvelles erronées portant atteinte aux droits et à la réputation d'autrui.

Le quatrième rapport périodique du Cameroun (CCPR/C/CMR/4) indique notamment à cet égard que le défi que le Cameroun doit aujourd'hui relever, ce n'est pas tant la restriction de la liberté d'expression des organes de presse, ni la sanction des délits de presse mais bien la construction des capacités intellectuelles des journalistes. Les remarques suivantes, formulées par l'un d'eux en 1997 demeurent d'actualité: «Contrairement à ce que l'on voit dans bien des pays africains et ailleurs dans le monde, les journalistes camerounais font ce qu'ils veulent, quand la politique éditoriale de leur journal le leur permet. Chacun peut témoigner de ce fait. Pour s'en convaincre, il suffit de se rendre dans un ou deux kiosques et de lire un échantillon de journaux. Les nouvelles et commentaires publiés dans les journaux camerounais sont parfois faux, ce qui est contraire aux règles de déontologie. Dans certains cas, ces «informations» sont purement et simplement inventées par leur auteur. Le nombre croissant de procès visant les médias montre que les journalistes ne respectent pas toujours les lois et les règlements en vigueur. Le rapport ajoute que si les lois sur la presse étaient systématiquement appliquées, de nombreux journaux seraient sanctionnés et bien des publications n'existeraient plus de nos jours.

Le rapport camerounais indique en outre que le principe de l'égalité des sexes est garanti par la loi camerounaise et promu par la politique gouvernementale. Le principe de l'égalité des sexes s'applique également dans le domaine électoral, que ce soit en matière de droit de vote ou de conditions d'éligibilité. L'amélioration de la condition de la femme camerounaise, condition du développement durable, exerce une influence positive sur toutes les mesures prises en sa faveur. Malheureusement, des pratiques résiduelles contrecarrent les effets de ces efforts. Le Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté contient un engagement en faveur de l'amélioration des conditions de vie des femmes, du respect de leurs droits, de la reconnaissance de leur contribution au développement et de leur participation aux activités économiques lucratives. Par conséquent, comme le démontrent clairement la ratification de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes en avril 1994 et les progrès accomplis depuis les différents sommets consacrés aux droits économiques, sociaux et culturels en général, et à la promotion de ceux des femmes en particulier, les mesures publiques tiennent compte des disparités entre les sexes. La Cour suprême et les autres juridictions protègent les droits des femmes conformément aux principes constitutionnels. Tel est le cas depuis l'arrêt no 45 rendu en 1973 par la Cour suprême, qui a affirmé le droit d'une femme mariée dans une tribu autre que la sienne d'hériter des terres de son père..

Le droit d'être protégé contre les arrestations et la détention arbitraires est garanti par la loi camerounaise, fait valoir le rapport. Toute violation des libertés est interdite par le Code pénal et le Code de procédure pénale. L'habeas corpus est une procédure spéciale rapide introduite devant le tribunal compétent par laquelle il est statué sur les demandes de libération immédiate des personnes arrêtées ou détenues arbitrairement. Les décisions prises en application de l'habeas corpus abondent. Cependant, afin de protéger l'intérêt supérieur de l'État et d'assurer le maintien de l'ordre, le législateur a fixé certaines limites à ces libertés en accordant des pouvoirs spéciaux aux autorités administratives. A fortiori, s'agissant de poursuivre les délinquants, les pouvoirs conférés à la police judiciaire et aux autorités judiciaires restreignent encore plus ces libertés individuelles.

Examen du rapport

Le Cameroun a fourni des réponses écrites (document CCPR/C/CMR/4 /Add.1) aux questions figurant dans une liste des points à traiter qui lui avait été adressée au préalable par le Comité (CCPR/C/CMR/4).

Questions des membres du Comité

Un membre du Comité a relevé les défis que le Cameroun a su relever pour établir sa propre stabilité dans une région agitée. L'experte a cependant regretté que les réponses écrites aux questions du Comité ne traitent pas tous les sujets d'une manière adéquate. L'experte a ainsi relevé que les réponses aux questions écrites ne donnent qu'un seul exemple de l'invocation des principes dudit Pacte dans les procédures juridiques au Cameroun, ce qui est insuffisant. Le Comité entend aider le Cameroun à combler les lacunes qui demeureraient dans l'application des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, a rappelé l'experte. Il a été déploré que la délégation ne compte pas d'experts en droits de l'homme d'autres ministères.

Une experte s'est interrogée sur l'autonomie de la Commission nationale des droits de l'homme, présentée comme conforme aux Principes de Paris. Il faudrait absolument préciser à cet égard à quelle autorité supérieure la Commission fait rapport et dans quelle mesure elle est en mesure de critiquer l'action des autorités en matière de droits de l'homme. Une institution rendant compte à une autorité exécutive, ou devant répondre aux injonctions d'une telle autorité, ne jouirait d'aucune crédibilité, a mis en garde l'experte. D'autres attributs importants des institutions nationales de droits de l'homme sont la transparence et l'ouverture du mode de nomination de leurs membres, ainsi que leur indépendance financière à l'égard du budget de l'État. Un autre expert a observé que le rapport de la Commission n'est pas rendu public, sauf fuites dans la presse, et qu'aucune publicité n'est donnée à ses recommandations et décisions.

Un autre membre du Comité s'est dit conscient des difficultés que rencontre le Cameroun, une ancienne colonie confrontée à la nécessité de concilier des communautés relevant d'une très grande diversité culturelle. Cependant, de nombreuses informations font état de l'arbitraire des actes du Gouvernement en matière de liberté de la presse et de droit de réunion, tandis que des groupes ethniques ou religieux font l'objet de violences et de discrimination. Ces témoignages contrastent fortement avec les constatations du rapport du Cameroun.

Une experte a demandé si le Cameroun prévoit d'adopter une norme contre la discrimination contre les femmes, observant que les lacunes à cet égard sont probablement imputables à la coexistence de deux systèmes juridiques, un système coutumier et un système codifié. De fait, les femmes ne bénéficient pas des mêmes droits que les hommes au Cameroun, ainsi qu'il apparaît à la lecture du rapport et dans les nombreuses informations fournies par les organisations non gouvernementales. Cette lacune est très évidente dans le domaine du droit foncier, en matière d'accès des jeunes filles à l'éducation, dans l'accès au marché du travail ou encore dans le fait que les femmes mariées sont considérées comme la propriété de leur mari.
Un expert a par la suite a voulu savoir si une définition de la discrimination conforme aux définitions internationales serait adoptée par le Cameroun.

Une experte s'est interrogée aussi sur l'absence d'une loi autonome criminalisant les violences contre les femmes. Elle a demandé à la délégation de commenter le fait que la police ne donne que rarement suite aux plaintes pour viol marital, ainsi que l'inefficacité des peines sanctionnant les violences commises au foyer contre les femmes. Des statistiques ventilées à ce sujet devraient être communiquées, ainsi qu'au sujet des mesures de sensibilisation et de prévention que le Gouvernement a prises. Un autre expert a observé que 56% des femmes âgées de 16 à 45 ans disent avoir subi des violences de la part de leur conjoint.

Concernant les mutilations génitales féminines, un problème évoqué dans des rapports antérieurs, la délégation a été priée de donner des renseignements sur les recours juridiques disponibles aux victimes, sur les poursuites engagées pour ce motif et sur les sanctions infligées. D'autres demandes d'éclaircissement ont porté sur les conditions dans lesquelles se pratique de l'avortement, sur la possibilité pour l'auteur d'un viol d'échapper à une sentence en épousant sa victime, sur la conformité du régime tolérant la polygamie avec les dispositions du Pacte.

Un expert a observé que la lutte contre les stéréotypes machistes commence par la perception de la femme comme un sujet de droit, et non comme un bien qu'il faudrait protéger en raison de sa faiblesse. Il revient d'autre part à la loi et à l'État de protéger les femmes contre la violence familiale. La loi doit aussi sanctionner les auteurs de viol ou de torture, indépendamment du pardon octroyé ou non par les victimes.

Il a aussi été demandé quelles étaient les justifications juridiques et culturelles de la criminalisation de l'homosexualité. Il semble que le simple fait d'être homosexuel soit érigé en infraction par la loi du Cameroun, en contravention avec le principe de jouissance universelle des droits de l'homme, a observé un expert. Comment, dans ces conditions, faire passer des messages de santé publique, notamment?

Un membre du Comité a demandé quel délit au Cameroun était passible de la peine de mort, observant que cette sentence est assez souvent prononcée, même si la peine n'est plus appliquée depuis 1997. Est-il envisagé de formaliser ce moratoire? Les garanties juridiques existent-elles pour assurer que des mineurs ne soient jamais condamnés à mort?

Un autre expert a fait état de préoccupations émanant du Cameroun concernant des cas de torture en détention, ajoutant que le Comité contre la torture s'est inquiété du même problème. Certes l'aveu obtenu par contrainte n'est pas admissible, mais les accusés n'ont pas toujours les moyens de faire reconnaître les tortures dont ils ont souffert. L'expert a relevé la faiblesse des peines infligées aux auteurs de torture et déploré le faible nombre des enquêtes sur ces faits.

Un expert a relevé que les conditions et délais de la garde à vue et de la détention provisoire ne sont pas toujours respectés au Cameroun. Ainsi, seuls 15% des 3500 détenus de la prison centrale de Douala sont condamnés, la plupart des autres n'ayant jamais été entendus par un juge.

Des experts ont demandé des renseignements sur les initiatives prises en faveur de l'amélioration des conditions de détention, s'agissant notamment de la surpopulation carcérale.

Un expert a demandé quels sont les critères d'homologation des organisations non gouvernementales au Cameroun, observant que l'on n'en dénombre officiellement que seize. Un autre expert a rappelé que ces organisations jouent un rôle essentiel dans le domaine des droits de l'homme. Quelles mesures le Gouvernement prend-il pour garantir leurs activités ? Pourquoi aucune organisation non gouvernementale active dans le domaine des droits de l'homme n'est-elle inscrite au Cameroun? Des experts ont observé que le rapport du Cameroun n'est pas très explicite quant aux mesures de protection des membres des organisations non gouvernementales et des défenseurs des droits de l'homme. Un expert a noté que si les États ont la responsabilité essentielle de respecter les engagements internationaux en matière de promotion et la protection des droits de l'homme, il est vrai aussi que l'État n'est pas compétent pour juger de l'efficacité de son action dans ce domaine et que les organisations non gouvernementales jouent un rôle fondamental à cet égard.

Un expert a voulu savoir si le Gouvernement se préoccupe de la pratique des exécutions extrajudiciaires par des membres des forces de l'ordre, une pratique documentée par six cas précis dans le rapport parallèle rédigé par les organisations non gouvernementales du Cameroun. Plus généralement, dix-huit cas d'exécutions sommaires de délinquants sont enregistrés par les organisations non gouvernementales dans ce pays, soit beaucoup plus que l'indiquent les statistiques officielles. Les experts ont aussi relevé la clémence dont jouissent certains auteurs de telles violations des droits de l'homme.

D'autres questions ont porté sur la portée et les critères de l'aide juridique, sur les allégations de lenteur excessive de la justice et la subordination des tribunaux au Ministère de la justice, le rôle des tribunaux militaires, les droits populations autochtones dans le contexte de l'exploitation des ressources naturelles et sur les mesures prises par le Gouvernement pour faire respecter le droit de l'environnement, le fonctionnement de l'ELECAM (Institution nationale chargée de l'organisation des élections), notamment.

Réponses de la délégation

Le chef de la délégation du Cameroun a mis en garde le Comité contre certaines organisations non gouvernementales politisées, qui poursuivent des objectifs politiques sous couvert d'ouvrer é la protection des droits de l'homme; aussi le Comité ne doit-il pas en tenir grand compte.

En réponse à d'autres questions, M. Nkou a observé que l'homosexualité est contraire aux valeurs et coutumes du Cameroun et par ce fait inacceptable. D'autre part, on sait que la légalisation du phénomène passe en général par des personnalités politiques: on voit mal en l'état des hommes ou des femmes politiques défendre une telle plateforme, de la même manière qu'aucun d'entre eux ne partirait en campagne en faveur de la polygamie. En tout état de cause, cette question ne doit pas occulter les triomphes obtenus par le Cameroun dans sa lutte contre le sous-développement et pour l'instauration des fondamentaux d'une véritable démocratie, a estimé le chef de la délégation.

Le Cameroun évolue rapidement sur le plan de la loi et des textes. Les efforts normatifs consentis par le Cameroun dans le domaine des droits de l'homme ont été concrétisés récemment par la ratification du Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, relatif à la femme en Afrique, qui prévoit entre autres l'accès à l'avortement médicalisé et légalisé. Certes, un travail d'éducation des masses reste à accomplir pour assurer la mise en œuvre des dispositions adoptées, a admis la délégation.

S'agissant particulièrement de l'application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, il faut observer d'abord que le système juridique du Cameroun est axé sur la loi nationale, le juge ne faisant appel à la norme internationale qu'en cas de lacune ou de conflit au plan juridique interne. Les autorités veillent donc à améliorer la formation des magistrats dans le sens d'un dépassement du «réflexe législatif» et d'une meilleure prise en compte des normes internationales. Lorsque la loi est contraire à ces dernières, les juges sont incités à invoquer les dispositions internationales, comme il a été fait en matière de processus électoraux par exemple. On attend d'autre part des avocats qu'ils fassent preuve de pugnacité et sachent avoir recours au droit international.

La coexistence du droit coutumier avec le droit moderne s'inscrit dans le contexte d'une couverture judiciaire encore en retrait par rapport à la couverture policière et administrative, a-t-il été précisé par la délégation. Le Cameroun compte 422 arrondissements, chacun devant théoriquement être doté d'un tribunal de première instance. Or on ne compte aujourd'hui que 67 tribunaux de ce niveau. Les tribunaux coutumiers sont conçus pour combler les vides de la carte judiciaire; présidés pour la plupart par des magistrats professionnels, ils sont saisis de conflits mineurs. La loi d'organisation est cependant claire: une coutume contraire à la loi n'est pas applicable, a assuré la délégation.

En ce qui concerne plus particulièrement la discrimination contre les femmes, le problème réside dans la persistance de mentalités qui, surtout en milieu rural, considèrent encore les femmes la propriété de leur mari. Mais les efforts du Cameroun en matière d'éducation des filles, qui forment désormais la moitié des effectifs scolaires et maîtrisent leur sexualité, permettent de penser que les jeunes filles ne se laisseront plus prendre à ce piège. D'autre part, la loi permet à la femme de prendre un emploi sans autorisation du mari et de gérer son propre patrimoine. L'adoption de dispositions spécifiques contre la discrimination à l'égard des femmes est prévue dans le cadre de l'avant-projet de nouveau code pénal, qui reprendra les grandes dispositions du droit international dans ce domaine; il criminalisera par exemple les mutilations génitales féminines et les violences conjugales. L'uniformisation du Code civil est également en chantier. D'une manière générale, la femme camerounaise est protégée sa vie durant par les membres masculins de sa famille, a observé la délégation: un homme qui s'aviserait de frapper une femme «trouverait à qui parler». Le Comité devrait envoyer une mission d'observation au Cameroun pour y constater le statut privilégié dont jouissent les femmes du pays.

La discrimination contre les femmes touche à des faits sociaux mais aussi intimes, ce qui rend son traitement complexe. La ratification des conventions et l'action juridique devraient donc être accompagnées par une action sociale, une meilleure sensibilisation et l'éducation. Une femme formée sera d'autant plus capable de se défendre. Les mentalités des chefs communautaires et leaders d'opinion doivent être réformées dans le sens d'une plus grande tolérance, envers les femmes non incisées par exemple. À cet égard, les radios communautaires jouent un rôle important

Les crimes passibles de la peine de mort sont prévus par le Code pénal pour les crimes les plus graves: trahison contre la patrie, incitation à la guerre civile, crimes de sang ou encore vols commis avec violences ayant entraîné la mort. Les recours sont ceux du droit civil commun, jusqu'à la Cour suprême. Avant exécution de la peine de mort, le Président de la République est automatiquement saisi d'un recours en grâce. Un mineur de 14 à 18 ans ne peut être condamné à la peine de mort, le Cameroun étant partie à la Convention relative aux droits de l'enfant. La recommandation concernant le moratoire sera certainement étudiée par le Gouvernement camerounais, a assuré la délégation.

Le problème de la justice populaire a connu une résurgence en 2006, avec au moins sept cas qui concernaient, notamment, des bastonnades infligées à de prétendus malfaiteurs, ainsi que des lynchages. Le Gouvernement a rapidement pris la mesure de la situation et a engagé des poursuites contre les auteurs de ces faits. Les forces de l'ordre ont parfois le sentiment que la justice libère trop rapidement les malfaiteurs qu'elles arrêtent, a expliqué la délégation. Le principe de la présomption d'innocence est en train de s'imposer, a assuré la délégation.

Il arrive qu'une victime de viol pardonne à son bourreau et l'épouse de son libre consentement. Le viol conjugal est punissable selon les dispositions de la loi. La recrudescence des viols et des incestes a amené le Gouvernement à lancer une campagne de sensibilisation. Une aggravation des sanctions a aussi été décidée. Tout est fait pour défendre la femme au Cameroun, a insisté la délégation, assurant le Comité que les victimes de viols ne sont pas obligées de se marier avec leurs bourreaux. Cependant, même dans un tel cas, l'action publique n'est pas éteinte, a-t-il été précisé. Le Code pénal ne donne pas d'exemple d'infraction où le pardon de la victime exonérait le coupable. La justice traditionnelle agit dans la recherche d'un accommodement entre les parties. Ses compétences sont essentiellement résiduelles, en complément des juridictions civiles. La «chefferie traditionnelle», régie par une loi datant de 1977, est l'auxiliaire de l'administration débordée. Ses représentants ne sont pas à l'abri des sanctions de la justice pénale s'ils commettent des abus tels qu'arrestations et détentions arbitraires.

La délégation a indiqué que les mutilations génitales féminines sont inconnues dans la civilisation camerounaise: elles sont importées par des personnes réfugiées.

Les nominations à la Commission nationale des droits de l'homme et des libertés résultent de larges consultations, a précisé la délégation. Son statut est défini par la loi, et non par un décret. Le budget de l'institution est fixé dans le cadre de la loi des finances et dépend du Parlement. Les rapports annuels de la Commission sont diffusés auprès du public, bien qu'elle n'ait pas été en mesure de publier de rapports annuels dans les délais en 2003, 2004 et 2005. La délégation a montré les rapports des années suivantes. La Commission prépare aussi des rapports thématiques, sur les prisons par exemple, et transmet alors ses conclusions aux services concernés. Elle peut mener d'office des investigations et est habilitée à préconiser le dédommagement de victimes de violations de leurs droits. Une experte s'étant inquiétée de la procédure de nomination des membres de la Commission et du fait que ses rapport sont remis au Ministère de la justice au lieu du Parlement, la délégation a tenu à souligner que c'est bien le Gouvernement qui est fondamentalement chargé de défendre les droits de l'homme au Cameroun, et non la Commission. Cette institution est composée de représentants de la société civile, élus pour leur compétence. Elle n'a pas lieu de référer à l'Assemblée nationale, qui ne fait que refléter le parti majoritaire. La Convention de Paris a d'ailleurs «donné quitus au Cameroun pour l'action de la Commission», a fait valoir la délégation. Le Cameroun est bien pourvu en matière de protection des droits de l'homme, a assuré la délégation. Le fait que la direction de la Commission soit désignée par le Président ne compromet en rien son efficacité, a assuré la délégation.

Des consignes strictes sont données aux forces de l'ordre pour qu'elles ne pratiquent pas d'exécutions extrajudiciaires, des sanctions sévères étant prévues contre les contrevenants. Le Gouvernement ne saurait favoriser ces pratiques, a assuré la délégation.

Un expert ayant demandé des renseignements sur le «Bataillon d'intervention rapide» et l'«Unité spéciale des antigangs» mentionnés dans le rapport, la délégation a indiqué que les deux unités viennent au secours des citoyens victimes d'agression dans des situations urgentes. Leurs membres sont formés aux droits de l'homme et, en cas de débordements, sont des justiciables comme les autres. Les comportements regrettables, tels que les assassinats impliquant des forces de sécurité, donnent systématiquement lieu à des poursuites judiciaires, a assuré la délégation. Les organisations non gouvernementales qui auraient connaissance de tels faits ignobles sont invitées à dénoncer ces actes devant les tribunaux. De fait, il n'existe pas de mécanisme spécifique indépendant de poursuite de leurs auteurs: il pourrait en effet être judicieux de prévoir une autorité indépendante chargée des enquêtes contre des militaires ou policiers auteurs de violations des droits de l'homme, a reconnu la délégation.

L'usage excessif de la force par les agences de sécurité s'explique par la persistance, malgré les consignes et règlements, de comportements acquis, a expliqué la délégation. L'important est que les débordements sont systématiquement poursuivis par les autorités et sanctionnées au plan tant administratif que judiciaire.

Concernant la surpopulation carcérale, la délégation a fait observer qu'au Cameroun, pays pauvre, tout est prioritaire: entre la construction d'un hôpital et d'une prison de luxe, le choix est vite fait. Cependant le Gouvernement a pris des mesures pour alléger les conditions de vie carcérale. Mais il n'est pas possible de mettre un gardien derrière chaque prisonnier. D'autre part, les effets du nouveau Code de procédure pénale ne se sont pas encore fait sentir.

La lenteur de la justice s'explique par les contraintes matérielles et humaines auxquelles la justice du Cameroun est confrontée, a également expliqué la délégation en réponse aux questions des experts. Le pays ne compte ainsi qu'un magistrat pour vingt mille habitants, ce qui complique le travail de contrôle de l'application du droit. Des recrutements de nouveaux greffes sont prévus.

La délégation a assuré que la liberté de la presse est totale au Cameroun et que la liberté d'expression y règne. Le Gouvernement s'engage par ailleurs à travailler la main dans la main avec les organisations non gouvernementales, comme en témoigne la publication du Rapport sur la situation des droits de l'homme au Cameroun. L'État leur octroie une aide symbolique. Il faudrait cependant s'interroger sur les agissements de l'ACAT-Cameroun, qui a propagé des rumeurs injustifiées concernant des émeutes au cours desquelles des personnes ont trouvé la mort dans un mouvement de panique.

En réponse à d'autres questions, la délégation a notamment indiqué que le nouveau Code pénal était élaboré par un consultant; son adoption devrait intervenir dans les meilleurs délais. La promulgation du Code de la famille a aussi pris du retard, sans préjudice de la ferme volonté du Gouvernement de mener à bien ce chantier.

Conclusion

M. ANATOLE FABIEN MARIE NKOU, Représentant permanent du Cameroun auprès des Nations Unies à Genève, a remercié les membres du Comité de l'aide précieuse qu'ils ont apportée au Cameroun, dont la délégation a présenté les efforts en vue de la protection des droits de l'homme. Le Cameroun est tout à fait résolu à poursuivre ce combat perpétuel, a assuré M. Nkou, se félicitant de la qualité des échanges avec le Comité.

M. YUJI IWASAWA, Président du Comité des droits de l'homme, a remercié la délégation de son ouverture d'esprit et de sa franchise. Il lui a rappelé qu'elle pourra communiquer des réponses écrites aux questions encore restées sans réponse.

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