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LA HAUT-COMMISSAIRE AUX DROITS DE L'HOMME S'ADRESSE AU COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

15 Mars 2002



CERD
60ème session
15 mars 2002
Après-midi






Elle lui demande de souligner que les normes internationales
n'ont pas changé après le 11 septembre;
le comité examine le rapport du Costa Rica



Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a entendu, cet après-midi, la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Mary Robinson, qui a notamment souligné que la question du maintien d'un équilibre entre mesures anti-terroristes et respect des droits de l'homme la préoccupe au plus haut point. Elle a invité le Comité à rappeler que les normes internationales n'ont pas changé suite au 11 septembre. Le Comité a également commencé l'examen du seizième rapport périodique du Costa Rica.

Mme Robinson a souligné le rôle essentiel joué par le Comité en matière de lutte contre le racisme et la discrimination raciale et a estimé que le Comité est particulièrement bien placé pour recueillir des informations sur la mise en œuvre, dans les différents pays, de la Déclaration et du Programme d'action adoptés lors de la Conférence contre le racisme qui s'est tenue à Durban du 31 août 8 septembre 2001. Il doit en outre surveiller la mise en œuvre des plans d'actions contre le racisme et la discrimination raciale adoptés au niveau national.

Présentant le rapport de son pays, Mme Nora Ruiz de Angulo, Représentante permanente du Costa Rica auprès des Nations Unies à Genève, a reconnu que les indicateurs de développement humain tépoignent de la nécessité de promouvoir encore davantage le développement des communautés nationales, en particulier dans les domaines de l'accès aux services publics, à l'éducation, au logement et aux infrastructures. Elle a toutefois fait valoir que les organisations non gouvernementales ont elles-mêmes reconnu qu'il n'existe pas, au Costa Rica, de politique étatique systématique de discrimination ou de violation des droits de l'homme.

La délégation costa-ricienne est également composée d'autres représentants du Ministère des relations extérieures et de la Mission permanente du Costa Rica auprès des Nations Unies à Genève.

Le Rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Costa Rica, M. Luis Valencia Rodríguez, a relevé que les réserves autochtones se trouvent généralement dans des lieux éloignés et que l'on y constate souvent des difficultés en matière d'accès aux services de santé et d'éducation. L'expert a par ailleurs souligné que les 22 réserves autochones représentent une superficie totale de 320 650 hectares dont 60% seulement appartiennent effectivement aux autochtones, le reste ayant été envahi par des entreprises – parfois transnationales – ou par des colons. L'expert a par ailleurs fait observer que les travailleurs migrants reçoivent des salaires inférieurs à ceux des autres travailleurs. À cet égard, il s'est dit particulièrement préoccupé par la double discrimination dont sont victimes les femmes migrantes.

Le Comité achèvera lundi matin, à partir de 10 heures, son dialogue avec la délégation du Costa Rica.


Présentation du rapport du Costa Rica

Présentant le rapport de son pays, MME NORA RUIZ DE ANGULO, Représentante permanente du Costa Rica auprès des Nations Unies à Genève, a mis l'accent sur le caractère multiethnique et pluriculturel de son pays, qui constitue le socle historique de son identité nationale. Lors du recensement de l'an 2000, sur une population totale de 3 810 000 habitants, un peu plus de 73 000 personnes ont déclaré appartenir à la culture afro-costa-ricienne, quelque 64 000 individus ont affirmé appartenir à la culture autochtone et quelque 8 000 personnes à la culture chinoise, a précisé Mme Ruiz de Angulo. Elle a ajouté que le recensement a établi à 300 000, soit 7,8% de la population totale, le nombre des étrangers dans le pays – 230 000 d'entre eux étant des Nicaraguayens. La prise en compte, dans le cadre du recensement, de l'identification culturelle de la population constitue pour le pays un pas important permettant d'assurer la l'identification des différents groupes ethniques, préalable indispensable à l'évaluation des besoins et à l'adoption des éventuelles mesures affirmatives nécessaires. Les données du recensement relative au travail et à l'emploi indiquent que la situation de ces groupes ne diffère pas beaucoup de celle du reste de la population, a indiqué la Représentante permanente. Elle a toutefois reconnu que les indicateurs de développement humain attestent de la nécessité de promouvoir encore davantage le développement des communautés nationales, en particulier dans les domaines de l'accès aux services publics, à l'éducation, au logement et aux infrastructures.

La représentante a déclaré que le gouvernement a procédé à un diagnostic approfondi de la situation de chacune des 22 réserves autochtones que compte le Costa Rica afin d'en déterminer les forces et les faiblesses et, partant, les besoins. Cette démarche a permis d'élaborer un premier plan national de développement des populations autochtones du Costa Rica intégré au Plan national de développement établi par le gouvernement. En octobre 2001, le Président de la République a confié à chacune des institutions officielles de l'État la tâche de créer un bureau chargé de veiller aux besoins des citoyens et associations de développement autochtones.

Mme Ruiz de Angulo a par ailleurs souligné que lors de la Conférence mondiale contre le racisme, le Président costa-ricien, M. Miguel Ángel Rodríguez, fut l'un des rares dirigeants du monde à présenter des excuses publiques pour les erreurs du passé vis-à-vis des afro-descendants costa-riciens.

Mme de Angulo a en outre indiqué que le Costa Rica entend rester un pays récepteur de migrants, non seulement par affinité culturelle avec les habitants de la région mais aussi en raison de ses caractéristiques géopolitiques et économiques et des conditions de vie que le pays offre à sa population, sans parler de l'esprit d'ouverture qui le caractérise. La Représentante permanente a par ailleurs fait valoir que les organisations non gouvernementales elles-mêmes ont reconnu de manière officielle qu'il n'existe pas, au Costa Rica, de politique étatique systématique de discrimination ou de violation des droits de l'homme. Le régime juridique costa-ricien permet d'apporter une réponse adéquate, tant du point de vue des procédures d'enquête que des sanctions, aux cas isolés qui peuvent se produire et dont des agents de l'État peuvent être tenus pour responsables.

La Représentante permanente du Costa Rica a souligné que son pays – en dépit des difficultés économiques auxquelles, contrairement à la plupart des pays récepteurs de migrants, il est confronté – garantit les services de santé et d'éducation indépendamment de l'origine nationale, à tous les migrants, illégaux ou non, et que l'individu cotise ou non à la sécurité sociale. Mme de Angulo a rappelé que trois amnisties migratoires (ayant permis la régularisation des immigrants illégaux) ont été décrétées au cours des douze dernières années. Dans le domaine de l'emploi, le gouvernement a pris une série de mesures visant à garantir la pleine jouissance, par les travailleurs migrants, de leurs droits, a-t-elle ajouté.


Le seizième rapport périodique du Costa Rica (CERD/C/384/Add.5) indique que l'article 7 de la Constitution prévoit que «les traités publics, les conventions internationales et les concordats dûment approuvés par l'Assemblée législative auront autorité supérieure aux lois dès leur approbation ou à la date indiquée». Le Code pénal établit que : «Sera puni d'une amende correspondant à une peine de prison de 1 à 60 jours la personne, le gérant ou directeur d'une institution publique ou privée, l'administrateur d'un établissement industriel ou commercial qui appliquera une mesure discriminatoire préjudiciable, fondée sur des considérations de race, de sexe, d'âge, de religion, d'état civil, d'opinion publique, d'origine sociale ou de situation économique. Le juge pourra en outre, comme peine accessoire, suspendre le récidiviste de son poste ou de ses fonctions publiques pour une durée comprise entre 15 et 60 jours». Il convient toutefois de préciser que la discrimination raciale n'est pas considérée comme un délit mais comme une infraction sanctionnée par une amende équivalant à des jours de prison, ce qui signifie que la législation nationale n'est pas conforme aux règles internationales relatives à ce domaine ou au génocide, puisque les peines prévues n'atteignent que les personnes de plus de 25 ans, indique le rapport. Le projet de nouveau code pénal commet la même erreur et prévoit également une sanction sous forme d'amende ou de peine de prison, reconnaît le rapport. Le rapport indique en outre que l'article 385 du code pénal prévoit une peine de 10 à 50 jours de prison équivalant à une amende «pour quiconque affichera dans des lieux publics ou fera connaître par voie de presse ou fera sciemment diffuser des écrits incitant à la haine contre une personne ou contre une institution».

En ce qui concerne les peuples autochtones, et sur le plan constitutionnel, l'une des réformes les plus importantes est celle qui a été approuvée le 27 mai 1999, portant sur l'article supplémentaire 76, qui définit la langue espagnole comme langue officielle et évoque les langues autochtones nationales en affirmant que «l'État veillera au maintien et à l'essor des langues autochtones nationales». La loi du 29 novembre 1977 relative aux affaires autochtones reconnaît non seulement le droit des peuples à leurs terres, mais également leur identité, leur organisation propre et toute une série de droits qui n'étaient pas reconnus par ailleurs dans le reste de l'appareil juridique national. Cependant, sur le plan pratique, les principes qui y sont inscrits ne sont pas réellement applicables: des problèmes se posent toujours au sujet de la propriété des terres et de leur pré-occupation illégale par des particuliers ou par de grands groupes non autochtones. En outre, pendant de nombreuses années, on a appliqué de mauvaises politiques intégrationnistes en vue d'assurer le contrôle politique et social de ces populations. Outre ces problèmes, il convient de signaler les difficultés que rencontrent toujours les populations autochtones pour obtenir des crédits publics.

En octobre 2000, précise le rapport, le Président de la République a mis en place une commission interministérielle afin d'étudier et d'élaborer, dans un délai de quatre mois, une politique de caractère institutionnel officiel en vue de l'élimination de toutes les formes de discrimination dans le pays. Un aspect positif du travail de cette commission a été l'élaboration du premier plan national de développement des populations autochtones au Costa Rica, qui devait être intégré dans le plan national de développement du gouvernement. Selon les données statistiques de la Direction générale des migrations et des étrangers, jusqu'en 1987, le flux migratoire le plus important provenait d'El Salvador; toutefois, on a noté, par la suite, un afflux massif de Nicaraguayens, dont l'ampleur est actuellement très discutée puisque certains chiffres la situent entre 500 000 et 700 000 personnes. On parle actuellement de huit ethnies ou peuples autochtones présents sur le territoire costa-ricien: les cabécares, les bribis, les ngöbes, les terrabas, les boroucas ou bronkas, les houetares, les malekous et les chorotegas. Les estimations provenant de différentes sources chiffrent à près de 42 000 pour 1999 le nombre de personnes appartenant aux populations autochtones contre un peu plus de 24 000 en 1988.


Examen du rapport du Costa Rica

Le Rapporteur du Comité pour l'examen du rapport costa-ricien, M. LUIS VALENCIA RODRÍGUEZ, s'est félicité de constater que les normes des traités internationaux ratifiés par le pays sont supérieures aux normes constitutionnelles, ce qui témoigne de la vocation du Costa-Rica à défendre les droits de l'homme.

L'expert a souhaité que le Costa Rica accorde une attention particulière à la nécessité de combler les lacunes constatées dans le domaine de la mise en œuvre des dispositions de la convention n°169 de l'OIT. Il faudrait par ailleurs s'assurer que les autochtones aient accès au crédit, a ajouté M. Valencia Rodríguez. Les réserves autochtones se trouvent généralement dans des lieux éloignés et l'on y constate souvent des difficultés en matière d'accès aux services de santé et d'éducation, a par ailleurs relevé l'expert. Il a recommandé au Costa Rica de prendre les mesures qui s'imposent afin de mettre un terme aux discriminations qui subsistent à l'encontre des populations autochtones.

L'expert a par ailleurs souligné que les 22 réserves autochtones représentent une superficie totale de 320 650 hectares (soit 6,3% du territoire national) dont 60% seulement appartiennent effectivement aux autochtones, le reste ayant été envahi par des entreprises – parfois transnationales – ou par des colons. Il faut donc faire en sorte que les autochtones récupèrent ces 40% de terres censés leur appartenir. Le taux de mortalité infantile au sein des populations autochtones est trois fois supérieur à la moyenne nationale, s'est en outre inquiété l'expert.

M. Luis Valencia Rodríguez a d'autre part recommandé au pays de faire en sorte qu'il soit mis fin aux manifestations de racisme et de discrimination qui, comme le reconnaît le paragraphe 136 du rapport, subsistent dans le pays.

L'expert a par ailleurs fait observer que les travailleurs migrants reçoivent des salaires inférieurs à ceux des autres travailleurs du pays. À cet égard, il s'est dit particulièrement préoccupé par la double discrimination patente dont sont victimes les femmes migrantes, dont 52% sont nicaraguayennes.

Sur la base d'information reçues de la CODEHUCA (Commission de défense des droits humains en Amérique centrale), un membre du Comité s'est inquiété des conditions de détention des immigrants clandestins au Costa Rica.


Déclaration de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme

MME MARY ROBINSON, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a souligné le rôle essentiel joué par le Comité en matière de lutte contre le racisme et la discrimination raciale, notamment pour ce qui est du suivi de la Conférence mondiale contre le racisme. Elle a pris note du fait que le Comité envisage, d'une part, de rédiger un paragraphe normalisé qui serait intégré dans toutes ses observations finales se rapportant aux rapports périodiques présentés par les États parties et, d'autre part, d'adopter une observation générale sur le suivi de la Conférence de Durban. Mme Robinson a souligné que le Comité est bien placé pour recueillir des informations sur la mise en œuvre, dans les différents pays, de la Déclaration et du Programme d'action de Durban. Le Comité doit également veiller à ce que les plans d'actions contre le racisme et la discrimination raciale adoptés au niveau national soient conformes non seulement au plan d'action de Durban mais aussi, bien entendu, à la Convention. En ce qui concerne l'Unité anti-discrimination créée au sein du Haut-Commissariat à l'issue de la Conférence de Durban, Mme Robinson a indiqué que des discussions sont actuellement en cours au sein de la Cinquième Commission de l'Assemblée générale concernant la dotation de cette Unité en personnel, sur le budget ordinaire de l'ONU.

S'agissant de la nécessité de maintenir un équilibre entre mesures anti-terroristes et respect des droits de l'homme, la Haut-Commissaire a indiqué que c'est là une question qui la préoccupe au plus haut point. Mme Robinson a par ailleurs fait savoir que lors des récentes visites qu'elle a effectuées dans plusieurs pays, notamment en Égypte, il lui a été demandé à plusieurs reprises si les normes internationales des droits de l'homme avaient changé depuis le 11 septembre dernier. Or, bien entendu, ces normes n'ont pas changé, a assuré la Haut-Commissaire. «Dans certaines régions, j'ai également constaté l'apparition de certaines réactions d'antagonisme racial», a-t-elle poursuivi. Le Comité doit donc rappeler que les normes internationales n'ont pas changé suite au 11 septembre, a-t-elle insisté.




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