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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA
DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE
LE RAPPORT DE LA
RÉPUBLIQUE ARABE SYRIENNE

Arrière

11 Mars 1999



APRÈS-MIDI
HR/CERD/99/17
10 mars 1999



Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a entamé, cet après-midi, l'examen du rapport de la République arabe syrienne sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, M. Taher Al-Hussami, Représentant permanent de la République arabe syrienne par intérim auprès des NationsUnies à Genève, a souligné que «la théorie de la discrimination raciale est depuis toujours étrangère à la société syrienne». Il a insisté sur les efforts déployés par son pays pour prévenir toute discrimination à l'encontre des groupes les plus faibles de la société, à savoir les enfants, les femmes, les ouvriers, les agriculteurs et les étudiants. Il a dénoncé l'occupation militaire israélienne du Golan syrien, qui a empêché les citoyens syriens de cette région de jouir de leurs droits et libertés fondamentaux en les soumettant à des pratiques d'occupation coloniales fondées sur des croyances discriminatoires.

L'expert chargé de l'examen du rapport syrien, M. Agha Shahi, a rappelé que les invasions et les conquêtes ne favorisent pas la promotion des droits de l'homme. Il a demandé des renseignements sur la situation des Juifs, des Palestiniens et des Kurdes dans le pays. Il a rappelé que selon le recensement de l'État syrien lui-même, il y aurait 142000 personnes apatrides dans le pays. Il a fait état d'informations selon lesquelles des citoyens libanais et palestiniens continueraient de disparaître aux mains des forces de sécurité syrienne.

Les membres du Comité suivants sont également intervenus : M. Luis Valencia Rodríguez, M. Peter Nobel, M. Ion Diaconu, M. Régis de Gouttes et M.Ivan Garvalov.

Le Comité achèvera demain matin, à partir de 10 heures, l'examen du rapport de la République arabe syrienne.


Présentation du rapport de la République arabe syrienne

Présentant le rapport de son pays, M. Taher Al-Hussami, Représentant permanent de la République arabe syrienne par intérim auprès des NationsUnies à Genève, a indiqué que son pays croit profondément au texte et à l'esprit de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Rappelant que la République arabe syrienne a participé de manière constructive et efficace à la rédaction de quelques-uns des principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, il a souligné que «la théorie de la discrimination raciale est depuis toujours étrangère à la société syrienne». Il a notamment souligné que la Constitution syrienne garantit la liberté de croyance et le respect, par l'État, de toutes les religions. En outre, l'éducation est un droit garanti par l'État; elle est gratuite et obligatoire au niveau de l'enseignement primaire.

M. Al-Hussami a attiré l'attention du Comité sur les efforts déployés par le Gouvernement pour prévenir toute discrimination à l'encontre des groupes les plus faibles de la société, à savoir les enfants, les femmes, les ouvriers, les agriculteurs et les étudiants. «Notre religion et notre tradition protègent la femme et ses droits», a-t-il tenu à souligner afin de corriger une idée fausse parfois répandue.

M. Al-Hussami a attiré l'attention du Comité sur le fait que l'occupation militaire israélienne du Golan syrien a empêché les citoyens syriens de cette région de jouir de leurs droits et libertés fondamentaux en les soumettant à des pratiques d'occupation coloniale fondées sur des croyances et sur une idéologie discriminatoires. Il a ainsi dénoncé la politique israélienne de déracinement des citoyens syriens de leurs foyers et d'implantation de colonies qui a entraîné la destruction de tous les villages syriens du Golan à l'exception de cinq d'entre eux. Il a également dénoncé la mainmise israélienne sur la terre et les ressources en eau du Golan syrien occupé.

Les douzième, treizième, quatorzième et quinzième rapports périodiques de la République arabe syrienne, réunis en un seul document (CERD/C/338/Add.1/Rev.1), affirment que le phénomène de la discrimination raciale est inconnu dans l'histoire du pays et totalement étranger à la société syrienne, dans laquelle tout comportement ou tout acte entaché de racisme manifeste ou implicite est considéré comme hautement répréhensible. «C'est pourquoi le peuple syrien est engagé dans une lutte incessante contre les manifestations de racisme qui caractérisent l'idéologie israélienne», précise le rapport. Il affirme que l'absence de discrimination raciale dans l'histoire de la société syrienne explique pourquoi le législateur n'a promulgué aucune loi, aucun décret ni aucune directive judiciaire ou autre concernant ce phénomène. Néanmoins, poursuit le rapport, selon le Code pénal de 1949, tout acte, écrit ou propos visant à encourager les préjugés religieux ou le racisme ou à fomenter la lutte entre les divers groupes ou éléments de la nation est une infraction punissable. En outre, quiconque appartient à une organisation qui a des objectifs ou des idées de ce genre est également passible d'une peine. Le Code pénal prévoit la dissolution de ces associations et la confiscation de leurs biens.

En vertu des statuts du Parti socialiste arabe Baas, principal parti du Front progressiste national de la République arabe syrienne, «chaque citoyen vivant en territoire arabe et n'appartenant pas à un mouvement raciste a droit à la pleine citoyenneté», souligne le rapport. Il précise que les conventions internationales auxquelles la République arabe syrienne adhère deviennent partie intégrante de son droit interne et ont force obligatoire pour les autorités, judiciaires et autres, de l'État. Le Programme d'enseignement est axé sur la nécessité de lutter contre toutes les formes racisme et de sectarisme, de féodalisme et d'impérialisme international. Le Ministère de la culture encourage les expositions artistiques qui mettent en lumière les pratiques racistes, «notamment celles d'Israël à l'égard du peuple de Palestine et des territoires arabes occupés».

Le rapport affirme que «le prétendu problème kurde ne se pose pas en République arabe syrienne puisque tous les citoyens jouissent pleinement et sans restriction des droits civiques et ont les mêmes obligations». Les Kurdes ne constituent pas un groupement car ils sont disséminés dans tout le pays et font partie intégrante du tissu social. Ils occupent de nombreux postes politiques et administratifs importants dans le pays. «La question qui a été soulevé à tort porte en fait sur les réfugiés kurdes qui ont pénétré illégalement en République arabe syrienne en raison des persécutions dont ils étaient victimes dans les pays voisins», affirme le rapport. S'agissant des citoyens appartenant à la communauté juive, poursuit-il, l'État n'a jamais exigé d'eux qu'ils effectuent le service militaire et leurs déplacements à l'étranger ne font l'objet d'aucune restriction spéciale : «ces citoyens ont dans leur grande majorité quitté le pays d'eux-mêmes». En 1996, 351189 Palestiniens étaient immatriculés à l'Agence générale pour les réfugiés arabes de Palestine, précise par ailleurs le rapport. «Leur présence est temporaire et cessera lorsque leur problème sera résolu conformément aux résolutions pertinentes de l'ONU, en particulier celles relatives au droit au retour», affirme le rapport.


Examen du rapport de la République arabe syrienne

M. Agha Shahi, expert chargé de l'examen du rapport de la République arabe syrienne, a rappelé que les invasions et les conquêtes ne favorisent pas la promotion des droits de l'homme. Il a souligné qu'Israël a été impliqué dans quatre guerres avec la Syrie depuis l'indépendance du pays en 1946. L'annexion des hauteurs du Golan par Israël a été déclarée nulle et non avenue par les NationsUnies, a rappelé M. Shahi. En 1976, la Syrie est intervenue au Liban et plusieurs milliers de soldats syriens se trouvent toujours au Liban, a-t-il également souligné. M. Shahi a souligné qu'en vertu de l'état d'urgence, décrété en 1948, l'État syrien a été amené à exercer des pouvoirs extraordinaires, notamment à travers les tribunaux de sécurité. Aussi, a-t-il souhaité savoir ce qu'il en est actuellement de cet état d'urgence.

M. Agha Shahi a déclaré que le présent rapport de la République arabe syrienne est assez fragmentaire et n'est pas élaboré conformément aux directives du Comité. Il a en outre rappelé que la Convention n’est pas un traité auto-exécutoire; elle requiert, pour sa mise en oeuvre, l'adoption d'une législation particulière.

M. Shahi a par ailleurs jugé inacceptable l'explication fournie dans le rapport selon laquelle l'absence de discrimination raciale dans l'histoire de la société syrienne explique pourquoi le législateur n'a promulgué aucune loi concernant ce phénomène. Il a souhaité connaître la composition démographique de la population syrienne. Il s'est également enquis de la situation des Juifs dans le pays, rappelant qu'en 1991, la délégation syrienne devant le Comité avait déclaré qu'il n'y a pas de communauté juive en tant que telle en République arabe syrienne. S'agissant des Palestiniens, M. Shahi a souhaité savoir s'ils avaient des difficultés à obtenir les visas nécessaires pour voyager. Il a par ailleurs regretté que le présent rapport ne fournisse pas d'informations sur la situation des Kurdes qui représentaient pourtant 8% de la population syrienne, soit un million d'individus, en 1997. Il a notamment souligné que nombre de Kurdes se sont vus refuser la nationalité syrienne en 1963 et restent apatrides. Il a rappelé que selon l'État syrien lui-même, il y aurait 142000 personnes apatrides dans le pays.

Relevant qu'en 1995, une amnistie présidentielle a permis la libération de 1200 prisonniers politiques, M. Shahi a néanmoins souligné que, d'après le Département d'État des États-Unis, il restait en 1997 plusieurs centaines de détenus politiques, d’autres sources non gouvernementales faisant état de 2700 prisonniers politiques dans le pays. En outre, a poursuivi M. Shahi, il semblerait qu'un certain nombre de citoyens libanais et palestiniens continuent de disparaître aux mains des forces de sécurité syrienne. En 1998, 20 personnes ont été arrêtées en raison de leurs activités politiques, notamment à Alep, pour avoir mené des activités culturelles kurdes, a souligné l'expert. Certaines d'entre-elles ont été libérées par la suite. Selon certaines allégations, des prisonniers politiques restent détenus au-delà de l'expiration du délai légal de leur sentence, a noté M.Shahi.

Si la violence contre les femmes existe, il faut néanmoins rendre hommage aux efforts déployés par la Syrie en faveur de leur émancipation, a déclaré M. Shahi.

Un membre du Comité est intervenu pour rappeler que la société syrienne se distingue par sa tolérance et son absence de fanatisme. Cet expert s'est réjoui que les groupes kurdes et les citoyens de la communauté juive ne souffrent d'aucune politique discriminatoire. Il s'est prononcé en faveur d'un règlement rapide, juste et durable du problème des réfugiés palestiniens et a salué les efforts déployés par la République arabe syrienne pour assumer la charge supplémentaire que ces réfugiés, évalués à 350000 personnes, font peser sur le pays en matière de logement et d'emploi. Un expert a demandé à la délégation de lui confirmer s'il est exact que la religion n'est plus mentionnée sur le passeport des citoyens juifs syriens.

Un autre expert s'est félicité des informations contenues dans un rapport du BIT indiquant qu'il existe dans le désert syrien un grand nombre d'écoles primaires permanentes et mobiles destinées à la population bédouine. Il s’est enquis de la taille de la population bédouine. Cet expert a également fait état d'informations fournies par la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) indiquant que les Kurdes qui, selon le rapport syrien, ont pénétré illégalement en République arabe syrienne en raison des persécutions dont ils étaient victimes dans les pays voisins, seraient en fait les mêmes Kurdes qui ont été privés de leur citoyenneté syrienne en 1963. Un autre membre du Comité s'est enquis du statut accordé aux Kurdes réfugiés en République arabe syrienne qui proviennent des pays voisins.

Il a été rappelé que la République arabe syrienne comporte un grand nombre de communautés ethniques, parmi lesquelles on peut citer les Kurdes, les Palestiniens, les Druzes, les Alaouis, les Grecs orthodoxes et catholiques ainsi que les Arméniens, les Ismaéliens et d'autres.

La délégation syrienne a déclaré que, de par sa position géographique et son histoire, la République arabe syrienne est le point de rencontre d'ethnies, de races et de confessions variées. La coexistence de toutes ces cultures a engendré la société arabe syrienne telle qu'elle existe aujourd'hui, a souligné la délégation. La République arabe syrienne ne connaît pas de distinction fondée sur la race car tous les citoyens ont toujours vécu dans la fraternité. Néanmoins, le pays a pris en particulier dans son Code pénal, les dispositions nécessaires pour prévenir toute manifestation d'un quelconque phénomène de discrimination à l'avenir.

La délégation a affirmé que c'est en raison de l'agression israélienne que la République arabe syrienne a dû se concentrer sur les questions de sécurité et décréter l'état d'urgence.
L’état d'urgence est appliqué avec la plus grande prudence et dans des limites restreintes, clairement définies, a assuré la délégation. La Syrie souhaiterait être en mesure de mettre un terme, le plus rapidement possible, à cet état d'urgence. L'état d'urgence est essentiellement dissuasif, a ajouté la délégation.

La délégation a affirmé que la question des Kurdes a été exagérément amplifiée.
Il existe simplement en République arabe syrienne des citoyens syriens d'origine kurde qui jouissent des mêmes droits que les autres citoyens. La délégation s'est dit totalement incapable de donner la moindre évaluation du nombre de Kurdes qui vivent en République arabe syrienne. C'est sur un territoire réduit, le long des frontières avec la Turquie et l'Iraq, que s'est posé un problème dans les années 1950 dans la mesure où cette zone était devenue un lieu de passage transfrontière pour de nombreux Kurdes. Il a donc fallu évaluer qui était ou n'était pas syrien parmi les personnes qui se trouvaient dans cette zone. Pas une nation au monde n'accorde la citoyenneté à des personnes qui se sont infiltrées illégalement dans son territoire, a souligné la délégation.
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