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Le Conseil des droits de l'homme tient son débat annuel sur l'intégration d'une perspective de genre

Arrière

26 Septembre 2016

MATIN

GENEVE (26 septembre 2016) - Le Conseil des droits de l'homme a tenu, ce matin, son débat annuel sur l'intégration d'une perspective de genre dans ses travaux et dans ceux de ses mécanismes, occasion d'analyser, sous forme de table ronde autour de quatre panélistes, les défis qui demeurent et les bonnes pratiques en termes de mise en œuvre, au niveau national, de ladite résolution 6/30 du Conseil et des recommandations qu'elle contient. 

La Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, Mme Kate Gilmore, a jugé que cet examen s'impose d'autant plus que les inégalités entre les sexes persistent et constituent autant de violations des droits humains.  «La masculinité et la féminité ne doivent plus constituer des prisons identitaires», a recommandé Mme Gilmore, plaidant au contraire pour la reconnaissance «de l'être humain et de ses droits».  La Haut-Commissaire adjointe a déploré que la résolution 6/30 du Conseil ne soit pas complétement respectée. 

Dans son exposé, le Représentant permanent de l'Algérie auprès des Nations Unies à Genève, M. Boudjemâa Delmi, a fait observer que ces trente dernières années, le législateur algérien avait procédé à une révision de la législation afin de modifier les lois qui étaient discriminatoires à l'égard des femmes, s'agissant plus particulièrement des questions de nationalité et de naturalisation.  Ainsi, l'une des évolutions de taille a constitué à permettre aux femmes algériennes de transmettre leur nationalité à leurs enfants, y compris si ces derniers sont nés de père étranger. 

Rappelant que l'intégration des politiques d'égalité hommes-femmes avait été inscrite en tant que stratégie mondiale lors de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes de Beijing en septembre 1995, la Directrice de la Division du soutien intergouvernemental à l'Entité des Nations Unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes (ONU-Femmes), Mme Christina Brautigam, a mesuré le chemin parcouru au sein du système des Nations Unies pour aboutir finalement à l'inscription de cette question en tant que dimension essentielle du Programme de développement durable à l'horizon 2030.  Elle a néanmoins constaté que la perspective de genre demeurait faible dans des domaines tels le désarmement, le droit international ou la lutte contre le trafic de stupéfiants.

Le Rapporteur spécial sur la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, M. Juan Ernesto Méndez,  a indiqué pour sa part qu'il avait axé son dernier rapport, présenté en mars 2016 à l'occasion de la Journée internationale de la femme, sur l'interdiction absolue de la discrimination et des mauvais traitements dans les centres de détention compte tenu des risques particuliers auxquels les femmes et filles détenues sont exposées dans les prisons, les centres de détention de migrants ou les établissements médicaux ou de réhabilitation.  M. Méndez a plaidé pour une prise en compte de leurs besoins spécifiques, en particulier pour ce qui a trait à la santé car certaines situations peuvent même s'apparenter à de la torture. 

Panéliste issue de la société civile suisse, Mme Aoife Hegarty, Chargée de programme à UPR Info, a pour sa part cité des exemples de résultats positifs de l'exercice de l'Examen périodique universel (EPU) au niveau national, soulignant par exemple que certains États, suite aux recommandations issues de l'EPU, avaient levé leur réserve à l'égard de certains instruments relatifs aux droits de l'homme.  Mme Hegarty a également illustré l'impact positif de l'EPU par les changements opérés au Cameroun et au Burkina concernant l'approche des mutilations génitales féminines.   

Bon nombre des délégations* intervenues dans le débat ont fourni un aperçu des mesures qu'elles ont prises pour appliquer la résolution 6/30 du Conseil, en particulier par une révision de leur législation, mais aussi par l'instauration de quotas, notamment dans le système électoral.  Elles ont également mis l'accent sur l'importance d'appliquer les recommandations issues de l'Examen périodique universel (EPU). 

Plusieurs délégations ont relevé la persistance d'un déséquilibre en termes de représentation des deux sexes dans les mécanismes du Conseil des droits de l'homme (procédures spéciales, notamment), ainsi qu'au sein des organes conventionnels.  Les intervenants sont tombés d'accord sur la nécessité, pour le Conseil, de prendre des initiatives favorisant la mise en œuvre des Objectifs de développement durable relatifs à l'égalité entre les sexes. 

 

À la mi-journée, le Conseil achèvera son débat sur la situation des droits de l'homme en Palestine et dans les autres territoires arabes occupés, afin d'engager son débat général sur le suivi et l'application de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne. 

 

Débat annuel sur l'intégration d'une perspective de genre dans les travaux du Conseil et dans ceux de ses mécanismes

Déclaration liminaire

MME KATE GILMORE, Haut-Commissaire adjointe des Nations Unies aux droits de l'homme, a jugé opportun de se pencher sur l'application, neuf ans après son adoption, de la résolution 6/30 par laquelle le Conseil réaffirmait – notamment – sa volonté d'«intégrer de manière effective les droits fondamentaux des femmes ainsi qu'une perspective sexospécifique dans ses travaux et ceux de ses mécanismes de manière systématique et transparente, y compris dans toutes les phases de l'examen périodique universel, les travaux du Comité consultatif et l'examen des mandats».

Cet examen s'impose d'autant plus que les inégalités entre les sexes persistent, a relevé Mme Gilmore, et constituent autant de violations des droits de l'homme.  Si les femmes et les filles en sont les principales victimes, les garçons et les hommes sont pour leur part victimes des concepts étroits de la masculinité, a poursuivi la Haut-Commissaire adjointe.  «La masculinité et la féminité ne doivent plus constituer des prisons identitaires», a recommandé Mme Gilmore, plaidant au contraire pour la reconnaissance «de l'être humain et de ses droits». 

Mme Gilmore s'est réjouie des progrès faits par le Conseil s'agissant de l'intégration des droits fondamentaux des femmes dans ses résolutions: en 2006, peu de textes adoptaient cette approche, alors qu'en 2015, 59 % des résolutions intégraient la perspective de genre – même s'il s'était agi surtout des résolutions thématiques et non des résolutions de pays, qui n'en tiennent pas toujours compte.  En ce sens, a regretté Mme Gilmore, la résolution 6/30 n'est pas complétement respectée.  Elle invité le Conseil à continuer sur la dynamique engagée et l'a assuré du soutien du Haut-Commissariat pour ce faire.

Exposés des panélistes

M. BOUDJEMAA  DELMI, Représentant permanent de l'Algérie auprès des Nations Unies à Genève, a analysé l'impact des instruments internationaux relatifs aux droits de la femme algérienne sur le droit à la nationalité.  Il a jugé intéressant l'exemple de son pays d'abord en raison des contraintes religieuses, historiques et sociales, ce droit ayant toujours été perçu à travers le prisme «égalité hommes-femmes»; puis parce qu'il remet en cause des certitudes et pratiques que certains partis politiques supposaient immuables. 

Le diplomate algérien a rappelé que les résolutions pertinentes du Conseil appellent les États à réformer les lois relatives à la nationalité qui sont discriminatoires à l'égard des femmes et de permettre à celles-ci de transmettre leur propre nationalité à leurs enfants.  En ce qui concerne l'Algérie, le principe d'égalité est consacré dans la Constitution, a indiqué M. Delmi, ajoutant que les conditions d'obtention ou d'octroi de la nationalité algérienne ont considérablement évolué au cours des trente dernières années. 

Selon la loi en vigueur, la nationalité est accordée aux enfants nés sur le sol algérien et de mère algérienne même si le père est étranger.  L'accès à la nationalité est reconnu aux enfants nés à l'étranger de mère algérienne et de père étranger.  La nationalité est également octroyée à un enfant né en Algérie de parents inconnus; et à un enfant né dans ce pays dont le père est inconnu, ce qui permet aux mères célibataires de faire reconnaître leur enfant et de transmettre leur patronyme. 

M. Delmi a souligné que ces changements au code de la nationalité, ainsi que d'autres liés à la naturalisation, ont été rendus possible grâce au rôle actif de la société civile et des médias en faveur d'un traitement égalitaire.  Ces efforts ont fini par vaincre la résistance des partis politiques de tendance islamiste qui, au cours des débats à l'Assemblée nationale, avaient exprimé des réticences à élargir les conditions d'octroi de la nationalité par filiation maternelle ou par les mères célibataires.

MME CHRISTINE BRAUTIGAM, Directrice de la Division du soutien intergouvernemental à l'Entité des Nations Unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes (ONU-Femmes), a rappelé que l'intégration des politiques d'égalité hommes-femmes avait été adoptée en tant que stratégie mondiale lors de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes de Beijing, en 1995.  Deux ans plus tard, le Conseil économique et social de l'ONU donnait une définition claire de ce qu'il convenait d'entendre par «intégration de la dimension de genre».  Le Conseil des droits de l'homme s'est saisi à son tour de cette question depuis dix ans.

Aujourd'hui, la prise en compte systématique des droits fondamentaux des femmes dans la mise en œuvre du programme de développement durable à l'horizon 2030 est considérée comme essentielle.  Quant à l'Assemblée générale des Nations Unies, depuis un certain nombre d'années, elle encourage ses organes subsidiaires, le Conseil économique et social et ses commissions à aller dans le même sens, a noté Mme BrautigaM.

L'experte a fait ensuite le bilan de l'intégration de la perspective de genre, relevant que celle-ci avait connu une lente mais constante montée en puissance, puisqu'elle est désormais mentionnée dans 42 % des résolutions de l'Assemblée générale.  Toutefois, «aucun progrès n'est linéaire», a averti Mme Brautigam, et l'attention aux droits fondamentaux des femmes est faible dans les domaines du désarmement, du droit international ou encore de la lutte contre le trafic de stupéfiants.

M. JUAN ERNESTO MÉNDEZ, Rapporteur spécial sur la torture et autres traitements inhumains cruels et dégradants, a observé que depuis l'adoption de la résolution 6/30, les procédures spéciales du Conseil ont été fortement incitées à intégrer la perspective des femmes dans leurs travaux.  M. Méndez s'y applique, comme les précédents titulaires du mandat, dans ses rapports de visites de pays et dans ses rapports thématiques, a-t-il assuré. 

Ainsi, son dernier rapport – présenté en mars dernier à l'occasion de la Journée internationale de la femme – se penche sur l'interdiction absolue de la discrimination et des mauvais traitements dans les centres de détention.  À cet égard, les femmes et filles détenues courent un risque particulièrement élevé de torture et de mauvais traitements, que ce soient dans les prisons, les centres de détention de migrants ou les établissements médicaux ou de réhabilitation.  C'est pourquoi leurs besoins en tant que femmes doivent pris en compte, a dit le Rapporteur spécial.  Or, les lieux de détention, généralement conçus pour la détention d'hommes, ne disposent pas toujours de moyens adéquats de répondre aux besoins spécifiques des femmes, notamment en matière de santé – certains n'ont même pas d'eau ni d'assainissement.  Ces situations peuvent relever de la torture, a mis en garde le Rapporteur spécial.

Le même rapport identifie, par ailleurs, un ensemble de situations hors du cadre judiciaire où les femmes et filles migrantes sont particulièrement vulnérables aux violences et à l'exploitation sexuelle, à la servitude domestique, au travail forcé, à l'esclavage ou même au trafic d'organes, a ajouté l'expert.  Le rapport relève que les femmes peuvent aussi être victimes de lois extrêmement restrictives en matière d'avortement, même en cas de viol, d'inceste ou de malformation fœtale.  Le rapport se penche enfin sur les pratiques fondées sur la culture et la religion et affectant particulièrement les personnes homosexuelles, bisexuelles, transgenres ou intersexes: certains pays ont recours à la stérilisation forcée, aux thérapies curatives et autres violences, des pratiques également comparables à de la torture, a dit M. Méndez. 

MME AOIFE HEGARTY, chargée de programme à l'organisation non gouvernementale UPR Info, a souligné l'importance des recommandations issues de l'Examen périodique universel, beaucoup de pays ayant décidé soit de lever leur réserve à certains instruments, soit de concevoir et d'exécuter des stratégies et plans visant à la parité entre les sexes.  Mme Hegarty a cité à titre d'exemples la définition du terme «genre» donnée par la Finlande après son examen périodique, une définition qui, selon l'organisation non gouvernementale, a «repoussé encore les limites de l'interprétation de l'égalité entre les sexes»; et le fait que la Belgique et l'Estonie ont, chacune, introduit une budgétisation paritaire dans la distribution de leurs allocations, tandis que Maurice a haussé le congé de maternité de 12 à 14 semaines. 

Mme Hegarty a aussi souligné le rôle de l'examen périodique universel dans la sensibilisation au problème des mutilations génitales féminines, qui ont fait l'objet de 211 recommandations lors du premier cycle de l'examen.  Au Cameroun, le Gouvernement a mis sur pied des comités de surveillance et formés les travailleurs communautaires, tout en aidant les exciseuses à trouver des moyens de subsistance alternatifs.  Le Burkina Faso a établi le Conseil national de lutte contre la circoncision féminine, ainsi que des cours sur cette question dans le primaire et le secondaire. 

Mme Hegarty a ajouté que lors du premier cycle de l'EPU, sur 50 000 recommandations, pas moins de 9 000 concernaient de près ou de loin la question de l'égalité entre les sexes, dont 85 % ont été acceptées.  Elle a cependant mis l'accent sur des lacunes en termes qualitatifs: les recommandations ne sont pas toutes très spécifiques, 28 % seulement étant orientées vers des actions.  L'experte a enfin invité les États à s'abstenir d'étiqueter les femmes parmi les groupes «vulnérables»: ce stéréotype fondé sur le sexe réduit l'efficacité des recommandations.

Débat

Soulignant les mesures prises au plan national, le Viet Nam, qui a affirmé que l'émancipation féminine était une des grandes priorités de son pays, a expliqué avoir intégré une perspective de genre dans nombre de ses politiques publiques et stratégies de développement.  Cela a entraîné par exemple une augmentation du nombre de femmes à l'Assemblée nationale, dans les institutions publiques et dans le monde des affaires.  Le Qatar, qui a souligné que sa Constitution reconnaissait l'égalité entre tous ses citoyens, a souligné le rôle de la femme qatarienne dans le développement de la société.  Ainsi, lors de son Examen périodique universel, le Qatar a accepté 36 recommandations sur 44 portant sur les droits des femmes.  Mais on ne saurait adopter un modèle unique s'agissant de ces questions, ce qui n'empêche pas de s'inspirer de l'expérience positive des autres pays, a souligné le Qatar. 

Le Royaume-Uni a pour sa part déclaré que les pays qui réussissaient le faisaient grâce à la participation des femmes.  Il a souligné que le nombre de femmes élues au Parlement de Westminster était le plus élevé de l'histoire du pays.  Le Royaume-Uni promeut  l'égalité et la participation des femmes dans ses actions internationales, a ajouté la délégation britannique.

Le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique (OCI), a rappelé que la Charte de l'ONU précisait qu'il ne saurait y avoir aucune restriction en matière d'éligibilité des hommes et des femmes à participer dans le système de l'ONU.  Or, le dernier rapport du Secrétaire général montre que le progrès est lent à cet égard, a fait observer la délégation pakistanaise.  L'Union européenne a relevé que l'expérience montrait qu'outre le poids des normes sociales, les inégalités avaient tendance à être aggravées lorsqu'existaient d'autres formes d'exclusion, fondées sur le handicap, l'appartenance ethnique ou encore l'orientation sexuelle, entre autres.  Dans les résolutions qu'il adopte, le Conseil doit se pencher de manière cohérente sur les lois, pratiques et coutumes discriminatoires.  La République dominicaine, au nom de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), a souligné le rôle important que pouvait jouer l'Examen périodique universel en matière de promotion de l'égalité.  Il est essentiel de mettre en place des mesures concrètes pour incorporer l'égalité entre les sexes en tant qu'axe central et transversal des politiques publiques. 

L'Autriche, au nom de plusieurs pays, a fait observer qu'en dépit de tendances encourageantes, un déséquilibre de genre perdurait dans les mécanismes du Conseil des droits de l'homme, ainsi qu'au sein des organes conventionnels et la responsabilité en revient d'abord aux États membres.  La Suède, au nom des pays baltes et scandinaves, est allée dans le même sens, estimant nécessaire qu'un plus grand nombre de femmes soient nommées aux postes de rapporteurs spéciaux et d'experts indépendants.  L'Irlande a pour sa part souhaité savoir comment mieux intégrer cette perspective de genre dans le cadre de l'Examen périodique universel, alors que commence le troisième cycle de l'EPU, a demandé la représentante.  Au cours des deux premiers cycles de l'EPU, la République de Corée a pour sa part intégré cette perspective sexospécifique dans la mise en œuvre des recommandations reçues et a toujours soutenu les résolutions du Conseil concernant les femmes.  La République de Corée se demande néanmoins comment mieux intégrer cette perspective dans la réalisation de l'objectif 5 du Programme de développement durable à l'horizon 2030, relatif à l'égalité entre les sexes.  En Equateur en tous cas, c'est la démarche transversale qui a été adoptée par les autorités afin de répondre aux défis qui se posent dans ce domaine.  Entre 2008 et 2012, pas moins de 80 lois ont été adoptées, dont 43 contiennent des principes pour mettre en œuvre l'égalité entre les sexes.  Les Palaos ont de leur côté accru le nombre de femmes à des postes de haute responsabilité.  Ainsi, sur les 9 magistrats de la Cour suprême, 7 sont des femmes, a précisé l'archipel.

Cuba considère comme prioritaire d'œuvrer à la ratification universelle de la Convention sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes.  Elle appelle les titulaires de mandats au titre des procédures spéciales du Conseil et les membres des organes conventionnels à redoubler d'efforts afin d'incorporer les droits des femmes dans l'exercice de leurs mandats respectifs.  L'Italie a souligné que les États membres partageaient la même responsabilité de traduire l'égalité des sexes dans la pratique.  À cet égard, le Conseil des droits de l'homme, ses mécanismes et le Comité consultatif doivent continuer à présenter des questions et des approches prenant en compte la problématique du genre dans l'élaboration des résolutions, recommandations et rapports.  L'Espagne a souligné l'importance du rôle de la société civile - associations de femmes et de défense des droits humains.  Elle a demandé aux panélistes s'il leur semblait envisageable de créer des mécanismes de concertation particuliers pour la société civile en lien avec l'inclusion d'une perspective de genre dans le fonctionnement du Conseil. 

Le Pakistan a déploré que seul un très petit nombre de résolutions et de recommandations du Conseil aillent au-delà des questions de violence sexuelle et de genre ou de la représentation égale des femmes.  Des mesures doivent être prises  pour y remédier, notamment en faisant en sorte que les États partagent mieux leurs bonnes  pratiques.  La Fédération de Russie, qui a constaté qu'il n'existait guère de  pays exempt de préjugés sexistes, a estimé que le Conseil ne saurait agir de manière isolée.  Elle a appelé à un renforcement de l'Entité des Nations Unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes (ONU-Femmes).  Celle-ci ne devrait pas avoir seulement une fonction de secrétariat et devrait impulser l'élaboration de rapports. 

L'Australie a pour priorité d'intégrer l'égalité des sexes dans ses politiques nationales.  Ainsi, le Bureau de la femme (Office for Women) est stratégiquement installé au sein du siège du Premier Ministre et de son cabinet, ce qui permet un accès facile aux décideurs et de faire avancer les grandes priorités pour les femmes au sein de l'ensemble du Gouvernement.  La Géorgie a quant à elle indiqué avoir adopté un plan d'action sur les femmes, la paix et la sécurité, inspiré de la résolution 1325 du Conseil de sécurité de l'ONU.  Malheureusement, dans les régions occupées du pays, les femmes souffrent de graves violations de leurs libertés et droits fondamentaux, notamment en matière de liberté de mouvement et de droit à l'éducation dans leur langue maternelle.

Le Bangladesh a rappelé que l'an dernier il s'était vu décerner la prestigieuse distinction du Forum mondial des femmes parlementaires pour son succès remarquable dans la réduction du fossé dans le domaine politique.  Le Bangladesh s'est en outre félicité du lancement de la première politique du genre à l'Office des Nations Unies à Genève, le 1er septembre dernier, louant les efforts sans relâche en ce sens du Directeur général de l'ONU, M. Michael Møller.  Le Brésil a fait part des mesures qu'il a prises afin d'éliminer la violence basée sur le genre sur son territoire.  Ainsi, depuis 2013, les hôpitaux publics se doivent de fournir des soins d'urgence et post-traumatiques aux victimes de violence sexuelle, a notamment précisé la délégation brésilienne.  Les établissements de santé se doivent de faciliter le signalement et la communications des cas dont ils ont connaissance aux autorités policières et judiciaires.  La Chine a quant à elle assuré que son Gouvernement avait toujours accordé une grande priorité aux droits des femmes.  Une fleur qui s'épanouit ne fait néanmoins pas le printemps, a-t-elle souligné.  

La promotion d'une égalité de fond est une nécessité dans le contexte d'une crise économique telle que celle que traverse la Grèce, a déclaré la délégation grecque, assurant de la détermination de son Gouvernement pour maintenir et poursuivre les mesures déjà prises pour combattre la vulnérabilité particulière des femmes en ces temps.  Les mesures doivent également tenir compte des femmes en situation de handicap et des femmes appartenant à des minorités, a ajouté la Thaïlande. 

Les femmes du Venezuela ont été parmi les premières de la région d'Amérique latine à obtenir le droit de vote et participent depuis la révolution bolivarienne à la vie politique du pays, a rappelé la délégation vénézuélienne, ajoutant que l'un des moyens de promouvoir leurs droits est d'accroître leur part dans les instances nationales et internationales de prise de décisions.  La Libye aussi croit en l'autonomisation des femmes, mais invite les délégations à éviter les questions controversées qui sont à chaque fois soulevées dans ce genre de débat.

La Convention d'Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique est le meilleur instrument pour lutter contre les discriminations qui touchent les femmes, a pour sa part estimé la Turquie, assurant de sa détermination à aider à sa mise en œuvre.   Avec toutes les mesures prises par leur Gouvernement, les Emirats Arabes Unis ambitionnent de figurer parmi les 25 pays pionniers en matière d'égalité entre les genres à l'horizon 2021, a déclaré la délégation des Émirats. 

La Croatie s'est enquise du rôle que peut jouer le Conseil pour la pleine réalisation des droits des femmes et des filles dans le cadre du Programme de développement durable à l'horizon 2030.

Au nombre des organisations non gouvernementales intervenues dans le débat, Global Initiative for Cultural and Social Rights, au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales1, a relevé que les femmes ne représentent que 37% des titulaires de mandats au titre des procédures spéciales du Conseil.  Elles ne sont par ailleurs que 31% parmi les membres des organes de traités.  Au lieu de faire des déclarations, il faut passer aux actes.  Le Conseil doit en effet aller au-delà de la mention «femmes» dans ses résolutions et s'assurer que les résolutions s'attaquent aux causes profondes des discriminations dont celles-ci sont victimes et promeuvent leur autonomisation, a dit Plan International, au nom également de Terre Des Hommes Fédération internationale; et Défense des enfants - international.  United Nations Watch a attiré l'attention du Conseil sur les cas de trois femmes violées respectivement en Arabie saoudite, au Qatar et aux Émirats arabes unis.  Après avoir porté plainte, ce sont elles qui sont accusées d'avoir provoqué ces viols et qui sont condamnées. 

Khiam Rehabilitatioon Center for Victims of Torture a indiqué que 63 femmes palestiniennes ont été exécutées par l'armée israélienne, qui en détient en outre 24 autres, dont des mineures, dans ses centres de détentions.  Elles y sont  torturées, a ajouté l'ONG.  Action Canada pour la population et le développement a rendu compte des nombres de femmes qui meurent de causes évitables, qui n'ont pas accès à la contraception et qui sont victimes de toutes formes de discriminations dans le monde, appelant le Conseil à œuvrer pour leurs droits.  L'Alliance mondiale des unions chrétiennes de jeunes filles a  rejoint cet appel, de même que Maarij Foundation for Peace and Development qui demande entre autres aux États de conduire des études sur ces problèmes, de ratifier tous les instruments relatifs à la lutte contre les discriminations à l'égard des femmes et de créer un prix qui récompenserait annuellement des initiatives favorables aux droits des femmes. 

Réponses des panélistes

M. DELMI a souligné que la participation des femmes aux processus de prise de décisions pouvait contribuer grandement à la sensibilisation aux droits de la femme.  Il en a voulu pour exemple l'institution d'un quota dans le système électoral en Algérie, ce qui a permis que davantage de femmes siègent au Sénat, à l'Assemblée nationale et dans les municipalités.  En écho à l'intervention des Palaos, le Représentant permanent de l'Algérie auprès des Nations Unies à Genève a par ailleurs jugé extrêmement importante la question de l'assistance technique aux petits pays insulaires et en développement. 

M. Delmi a convenu qu'il faudrait qu'il y ait davantage de résolutions au Conseil pour rappeler la responsabilité des États et, surtout, pour évoquer les inégalités dites «invisibles» qui stigmatisent certaines personnes, comme la violence faite aux femmes en leur imposant ou en leur interdisant une forme vestimentaire.  Il a ensuite insisté sur l'importance de l'éducation et de la participation de la femme à la vie économique, ainsi que de son inclusion dans la prise de décision. 

MME BRAUTIGAM a invité à faire le suivi de l'impact des activités mises en œuvre suite à des résolutions du Conseil ou de l'un ou l'autre de ses mécanismes.  Elle a rappelé que l'égalité entre les sexes est affectée de manière distincte d'un domaine à l'autre et qu'il existe désormais beaucoup de groupes d'informations sur la situation des femmes dans des domaines thématiques.  En outre, des données ventilées sont de plus en plus disponibles et il importe de suivre comment la situation évolue, a souligné la représentante d'ONU-Femmes.  Il reste essentiel que les femmes jouent un rôle phare, certes, mais aussi que les hommes eux aussi contribuent à l'autonomisation des femmes, car cela doit procéder d'un travail de l'ensemble de la société. 

Mme Brautigam a insisté sur la nécessité d'assurer le suivi et la reddition des comptes des mandats liés aux procédures spéciales du Conseil.  Elle a suggéré d'examiner les lacunes quantitatives pour savoir quel mandat n'accorde pas assez d'intérêt à la perspective d'égalité entre les sexes.  Elle a vigoureusement invité le Conseil à trouver les moyens d'encourager à la mise en œuvre des Objectifs de développement durable concernant l'intégration de la perspective sexospécifique. 

M. MENDEZ a renvoyé au Règles de Bangkok sur les conditions de détention des femmes en insistant sur l'importance de ces Règles.  Plus récemment, les Règles dites Mandela contiennent également des normes très spécifiques, a souligné le Rapporteur spécial sur la torture.  Concernant son mandat, il a fait état de difficultés liées aux visites de suivi.  Il faut notamment exhorter les États à réviser leurs normes et procédures pénales de manière à réduire le recours à l'emprisonnement, lequel ne devrait être qu'une mesure de dernier recours, notamment à l'encontre des femmes, des jeunes filles et des LGBTI.

M. Mendez a ensuite déclaré que les titulaires de mandat peuvent se faire aider par des experts spécialisés dans la thématique de genre.  Le Rapporteur spécial a affirmé que l'élimination de la violence à l'égard des femmes ne pourra voir le jour que si les efforts en ce sens s'accompagnent de démarches complémentaires à tous les niveaux, ainsi que d'une responsabilisation citoyenne.  Il a souligné, alors que son mandat arrive à échéance dans quelques semaines, qu'il avait énormément appris de ses collègues féminines, notamment en ce qui concerne l'indépendance des juges et des avocats ou encore la pauvreté extrême et les droits de l'homme.  Il a encouragé à envisager un processus de roulement afin de faire en sorte que certains mandats qui n'ont jamais encore été tenus par des femmes le soient à l'avenir. 

MME HEGARTY a jugé fondamental que chaque État examiné dans le cadre de l'EPU procède à des consultations nationales.  L'Examen périodique universel est conçu comme un processus intégré, a-t-elle insisté, encourageant à la création de mécanismes nationaux de suivi de l'EPU.  D'autre part, tout plan national de mise en œuvre de l'EPU doit inclure une perspective d'égalité des genres.  La représentant de UPR Info a appelé à l'inclusion systématique des Objectifs de développement durable et de leurs indicateurs dans le cadre de l'EPU.  Le processus d'examen desdits objectifs, basé à New York, pourrait grandement bénéficier de toutes les leçons tirées de l'EPU, a-t-elle en outre souligné. 

Mme Hegarty a jugé encourageant que l'approche sexospécifique se retrouve dans toutes les recommandations issues de l'Examen périodique universel.  Elle a insisté auprès des États pour qu'ils maintiennent cette dynamique et redoublent d'efforts pour, notamment, présenter un rapport à mi-parcours et partager les meilleures pratiques.  Elle a également plaidé pour que la société civile se fasse également entendre dans le cadre du processus de l'EPU, de façon à s'assurer que la voix des femmes et des filles soit entendue au plus haut niveau. 

MME MANI a souligné, à l'instar de l'Autriche, le pouvoir des États d'avoir un effet sur les résultats.  Au niveau mondial, en dépit de progrès dans certains pays, on assiste à un recul dans l'élection des femmes au niveau parlementaire, a-t-elle fait observer.  Il faut aussi s'intéresser aux petits garçons et aux hommes pour faire avancer l'ensemble de la société sur la question de l'intégration de l'égalité des sexes; certains États ont mis en exergue la résistance de certains acteurs en la matière, d'où la nécessité d'un plaidoyer constant, a-t-elle insisté.  Aucune crise ne saurait remettre en cause l'intégration de l'égalité des sexes, a d'autre part souligné Mme Mani, appelant à une coopération permanente entre États et organisations non gouvernementales. 

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* Les délégations suivantes ont pris la parole dans le cadre du débat: Vietnam, Qatar, Royaume-Uni, Pakistan (au nom de l'Organisation de la coopération islamique – OCI et en son nom propre), Union européenne, République dominicaine (au nom de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes), Autriche(au nom d'un groupe  du Liechtenstein(aude la Slovénie et de la Suisse), Suède (au nom des pays baltes et scandinaves), Irlande, République de Corée, Équateur, Palaos, Cuba, Italie, Espagne, Fédération de Russie, Australie, Géorgie, Bangladesh, Brésil, Chine, Grèce, Thaïlande, Venezuela, Libye, Turquie, Émirats Arabes Unis, Croatie.

* Les organisations non gouvernementales suivantes ont pris la parole dans le cadre du débat: Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights (au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales1); United Nations Watch; Plan International (au nom également de Terre Des Hommes Fédération internationale; et Défense des enfants – international); Khiam Rehabilitation Center for Victims of Torture; Action Canada pour la population et le développement; Alliance mondiale des unions chrétiennes de jeunes filles; et Maarij Foundation for Peace and Development.

1 Déclaration conjointe: Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights; Service international pour les droits de l'homme; Franciscain international; Mouvement international contre toutes les formes de discrimination; Amnesty International; et l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT).

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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