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Le Conseil débat de la situation des droits de l'homme en Ukraine et en République démocratique du Congo

Arrière

27 Septembre 2017

Conseil des droits de l'homme
APRÈS-MIDI

26 septembre 2017

La situation dans les Kasaïs est l’une des pires crises des droits de l’homme dans le monde, affirme la Haut-Commissaire adjointe

Le Conseil des droits de l'homme a débattu cet après-midi, au titre de l’assistance technique et du renforcement des capacités, des situations en Ukraine et en République démocratique du Congo avec la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, Mme Kate Gilmore, qui a présenté des mises à jour concernant ces deux pays. Le Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Ukraine, M. Sergiy Kyslytsya, et la Ministre des droits humains de la République démocratique du Congo, Mme Marie-Ange Mushobekwa, ont fait des déclarations.

Selon les chiffres du Haut-Commissariat, plus de 2800 civils ont été tuées depuis le début du conflit en Ukraine, a indiqué Mme Gilmore.  Deux renouvellements du cessez-le-feu ont contribué à des réductions temporaires des hostilités et du nombre de victimes civiles; cependant, les cessez-le-feu n’ont pas toujours été respectés et quelque 26 civils ont été tués et 135 blessés entre le 16 mai et le 15 août 2017, ce qui représente néanmoins une baisse de 17% par rapport au précédent rapport trimestriel et montre qu’un cessez-le-feu s’il est strictement respecté peut avoir un impact positif sur le droit à la vie.  Le Haut-Commissariat a des preuves de l’utilisation continue de la torture et de mauvais traitements, y compris de la violence sexuelle, dans les centres de détention afin d’obtenir des aveux de la part des personnes détenues en rapport avec le conflit, des deux côtés de la ligne de contact, a ajouté Mme Gilmore.  Pour ce qui est de la situation des droits de l’homme dans la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol, elle a indiqué que le Haut-Commissariat y avait recensé de graves violations des droits de l’homme commises par les agents de l’État de la Fédération de Russie. 

Le Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Ukraine a déclaré que les deux rapports présentés ce jour prouvent que les principales causes de la détérioration significative de la situation des droits de l’homme dans les territoires ukrainiens temporairement occupés sont le fait de l’ingérence brutale de la Fédération de Russie.

Les délégations intervenues dans le cadre du débat sur l’Ukraine ont toutes condamné les violations persistantes des droits de l'homme commises en Ukraine, y compris dans l’Est du pays.  La  situation des groupes vulnérables et des minorités nationales, notamment des Roms et des Tatars a également maintes fois évoquée, des appels étant lancé aux autorités de facto pour qu’elles respectent les droits de ces minorités.

Le dialogue interactif renforcé que le Conseil a engagé s’agissant de la République démocratique du Congo a vu la participation du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies en République démocratique du Congo et chef de la Mission de l’ONU pour la stabilisation en RDC (MONUSCO), M. Maman Sidikou; du Commissaire aux affaires politiques de la Commission de l’Union africaine, M. Minata Samate Cessouma; et du Président de l’Association congolaise pour l’accès à la justice, M. Georges Kapiamba.

Mme Gilmore a rappelé qu’il y a une année, elle s’était adressée au Conseil immédiatement après l’action brutale et systématique de l’armée et de la police congolaises qui, une semaine auparavant, avait fait des dizaines de morts parmi les civils à Kinshasa et dans d’autres villes.  Elle a regretté qu’aujourd’hui, son exposé dépeigne un tableau tout aussi sombre dans lequel le système judiciaire n’a pas fait montre d’indépendance, l’impunité n’a pas été prise à bras le corps et la violence a été à nouveau perpétrée par les forces de sécurité à l’encontre de la population de la République démocratique du Congo. Mme Gilmore a affirmé que la situation dans les Kasaïs était « l’une des pires crises des droits de l’homme dans le monde », 5000 personnes ayant été tuées cette année.  Elle a déploré le manque de volonté politique d’appliquer l’Accord du 31 décembre.

La Ministre des droits humains de la République démocratique du Congo a assuré que l’accord du 31 décembre était en train d’être mis en œuvre.

Le Conseil conclura son dialogue renforcé sur la République démocratique du Congo demain matin, à partir de 9 heures, avant de se pencher sur l’assistance technique dans le domaine des droits de l'homme au Cambodge et en Somalie. 

Coopération avec l’Ukraine et assistance dans le domaine des droits de l’homme

Mise à jour orale

MME KATE GILMORE, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, a présenté au nom du Haut-Commissaire le 19e rapport trimestriel sur la situation des droits de l’homme en Ukraine pour la période du 16 mai au 15 août 2017, ainsi qu’un rapport sur la situation des droits de l’homme en Crimée et dans la ville de Sébastopol (Ukraine) couvrant la période du 24 février 2014 au 12 septembre 2017.

Mme Gilmore a expliqué, s’agissant du premier de ces deux rapports, que la situation des droits de l’homme pour les civils qui vivent dans la région touchée par le conflit continue d’être très sombre. Le nombre total de décès liés au conflit dépasse les 2800 morts depuis le début du conflit. Deux renouvellements du cessez-le-feu ont contribué à des réductions temporaires des hostilités et du nombre de victimes civiles. Cependant, les cessez-le-feu n’ont pas toujours été respectés. Quelque 26 civils ont été tués et 135 blessés durant la période couverte par le rapport, ce qui représente une baisse de 17% par rapport au précédent rapport trimestriel, ce qui montre qu’un cessez-le-feu s’il est strictement respecté peut avoir un impact positif sur le droit à la vie.

Le conflit a aussi un impact grave sur les infrastructures civiles comme les hôpitaux et les écoles, a poursuivi Mme Gilmore. Les zones de pompage d’eau sont toujours touchées par les bombardements dans la région de Donetsk, a-t-elle souligné.

Beaucoup de personnes ont traversé la ligne de contact, avec un record d’1,2 million de personnes l’ayant traversée en août ; il faut davantage de points de passage car les files sont longues, ce qui constitue un frein pour que les personnes âgées ou les personnes handicapées puissent retisser des liens familiaux et communautaires.

Le Haut-Commissariat a des preuves de l’utilisation continue de la torture et de mauvais traitements, y compris de la violence sexuelle, dans les centres de détention afin d’obtenir des aveux de la part des personnes détenues en rapport avec le conflit, des deux côtés de la ligne de contact, a poursuivi la Haut-Commissaire adjointe. La situation dans la zone contrôlée par les groupes armés est particulièrement inquiétante, a-t-elle indiqué. Durant plusieurs semaines, des personnes ont été détenues incommunicado dans des conditions déplorables, parfois confinées à l’isolement solitaire. Les familles ou les proches qui souhaitent avoir des informations sur le sort de leurs proches sont confrontés à des dénégations en bloc. Le déni continu d’accès pour permettre des entretiens privés avec les détenus est fort préoccupant.

Mme Gilmore a par ailleurs souligné qu’il n’y avait pas de reddition de comptes pour les assassinats et les morts violentes dans le contexte des rassemblements de masse en Ukraine. Plus de 3 ans après les événements de la place Maidan, seuls quelques membres de l’unité de police spéciale sont en détention en attendant un procès, a-t-elle indiqué.

La Haut-Commissaire adjointe a ensuite présenté le rapport sur la situation des droits de l’homme dans la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol en indiquant que le Haut-Commissariat y avait recensé de graves violations des droits de l’homme commises par les agents de l’État de la Fédération de Russie, y compris des cas de torture, de mauvais traitements, de disparations forcées, ainsi que des arrestations et des détentions arbitraires.  Certains résidents ont perdu leur emploi ou ont été déportés, a-t-elle poursuivi. Les violations du droit international humanitaire ont entravé gravement les droits fondamentaux, a ajouté Mme Gilmore. Les journalistes, les blogueurs, les activistes de la société civile, les membres du Mejlis et les représentants des Tatars de Crimée voient leurs droits à la liberté d’expression, d’association, de rassemblement pacifique et de mouvement affectés par des actes d’intimidation, des attaques physiques, des détentions ou des menaces, a ajouté la Haut-Commissaire adjointe.

Les dispositions du droit pénal de la Fédération de Russie relatives au terrorisme ont été utilisées de manière sélective en Crimée contre les dissidents et les Tatars de Crimée ont été particulièrement affectés par l’occupation, a ensuite souligné Mme Gilmore.  Elle a expliqué que des transferts de centaines de prisonniers avaient été organisés vers des lieux de détention en Fédération de Russie, ce qui est une pratique interdite par le droit international humanitaire.  La liberté de religion a aussi été mise en péril, a ajouté la Haut-Commissaire adjointe. Les témoins de Jéhovah ont été interdits en Crimée. Cette interdiction touche 8000 croyants.

Mme Gilmore a expliqué que les demandes du Haut-Commissariat pour avoir accès à la péninsule ont été vaines. Elle a souligné qu’il fallait que la Fédération de Russie assure un accès réel et sans entrave aux missions internationales de surveillance des droits de l’homme. L’Ukraine doit quant à elle utiliser tous les moyens diplomatiques pour garantir la jouissance des droits de l’homme en Crimée. 

Pays concerné

M. SERGIY KYSLYTSYA, Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Ukraine, a salué le travail de la Mission de surveillance des droits de l’homme des Nations Unies en Ukraine, tout en notant les efforts remarquables du Haut-Commissariat dans la préparation du rapport thématique sur la situation des droits de l’homme en Ukraine dans la République de Crimée et la ville de Sébastopol temporairement occupées.

En dépit des entraves persistantes imposées par la Fédération de Russie, la Mission de surveillance de l’ONU dispose de multiples sources d’information fiables pour mener un suivi qualitatif de l’évolution de la situation dans le domaine des droits de l’homme en Crimée occupée, a poursuivi le Vice-Ministre. Dans cette situation particulière, il existe une « dissonance cognitive » claire dans la position de Moscou : d’un côté, la propagande médiatique ne ménage aucun effort pour présenter les procès contre de nombreux militants Tatars de Crimée et Ukrainiens mais, d’un autre côté, la Fédération de Russie n’accepte pas les faits s’agissant de ces mêmes procès qui figurent dans le rapport et qu’elle nie totalement.  Le Vice-Ministre s’est dit découragé par les déclarations maintes fois prononcées par la Fédération de Russie devant le Conseil.  Il convient néanmoins de rechercher les voies et moyens d’influencer le Gouvernement russe afin qu’il agisse d’une manière responsable et respecte les conclusions et décisions des principaux organes des Nations Unies, a ajouté M. Kyslytsya.

Les deux rapports présentés ce jour prouvent que les principales causes de la détérioration significative de la situation des droits de l’homme dans les territoires ukrainiens temporairement occupés sont le fait de l’ingérence brutale de la Fédération de Russie: dans le Donbass, cet État fournit des combattants étrangers, des munitions et de l’artillerie lourde; et en Crimée, il se rend coupable de nombreuses violations du droit international et du droit humanitaire international.

Malgré l’agression étrangère, l’Ukraine demeure fidèle à la mise en place de réformes exhaustives, en particulier dans le domaine des droits de l’homme, a assuré M. Kyslytsya. 

Débat interactif

La Pologne a déclaré que, selon les éléments recueillis par la Mission de surveillance des droits de l’homme des Nations Unies en Ukraine, les hostilités ont continué dans ce pays en dépit des accords de cessez-le-feu signés entre les parties. La grande majorité des recommandations formulées dans les précédents rapports de la mission n’ayant pas été mises en œuvre, la Pologne, qui reste opposée à l’annexion illégale de la Crimée, estime que ces recommandations sont toujours d’actualité et doivent être appliquées.

La Fédération de Russie s’est dite très préoccupée par le degré élevé de violence à l’Est de l’Ukraine, notamment par les cas de torture et l’utilisation d’électrochocs, dans un climat marqué par l’impunité. La Fédération de Russie a aussi demandé que lumière soit faite sur les incidents entourant l’incendie de 2014 à Odessa.

Les États-Unis ont condamné les violations flagrantes des droits de l’homme par les autorités d’occupation russes en Crimée et les forces armées dans l’Est de l’Ukraine, saluant au passage le travail continu de la Mission de surveillance des Nations Unies et la coopération entre celle-ci et le Gouvernement ukrainien.

Les États-Unis se sont dits d’autre part alarmés par la sentence de 8 ans de prison prononcée contre le Vice-Président du Majlis des tatars de Crimée, M. Akhtem Chiygoz, pour des faits antérieurs à l’occupation russe. Les États-Unis ont dénoncé les restrictions draconiennes imposées aux membres de minorités religieuses, ethniques et nationales, ainsi que la répression féroce de toute expression d’opposition à l’annexion du territoire ukrainien. Ils ont également plaidé pour M. Volodymyr Balukh, condamné à quatre ans de prison pour avoir brandi le drapeau ukrainien.

Vu le nombre très élevé de pertes civiles – plus de dix mille personnes ont perdu la vie et un demi-million ont été déplacées par le conflit –, l’Allemagne appuie sans réserve les résolutions pertinentes des Nations Unies et appelle à un accès sans entrave des travailleurs humanitaire dans les zones touchées par le conflit. La France, qui condamne toutes les violations des droits de l'homme, y compris celles commises dans les territoires sous contrôle gouvernemental ukrainien, appelle la Fédération de Russie et l’Ukraine à œuvrer dans le sens de la dynamique positive de l’Accord de Minsk, seul cadre reconnu par l’ensemble de la communauté internationale pour parvenir de façon pacifique à la résolution de la crise.

Prenant note des mesures déployées par l’Ukraine pour assister les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays et enquêter sur les violences sexuelles commises durant le conflit, la République de Moldova s’est alarmée du rapport publié hier par le Haut-Commissariat sur la situation des droits de l’homme dans la péninsule de Crimée. La Norvège a souligné la responsabilité de la Fédération de Russie dans les violations des droits de l’homme commises dans la République auto-proclamée du Donbass.

La Slovénie et la Géorgie ont dit leur profonde préoccupation devant la situation des groupes vulnérables et des minorités nationales, appelant à un accès sans entraves à la Crimée et aux régions du Donetsk et de Louhansk. La Géorgie a aussi appelé au respect du cessez-le-feu et à la mise en œuvre, par la Fédération de Russie, de toutes les recommandations contenues dans les rapports de la Mission de surveillance.

La République tchèque a estimé que la solution au conflit en Ukraine passera inéluctablement par le respect de la souveraineté de l’Ukraine. Elle a appelé à la remise en liberté de tous les prisonniers criméens, notamment Ilmi Umerov et Emir Usein Kuku. L’Estonie a exhorté le Gouvernement russe et les séparatistes à battre en retraite et à assurer un accès sans entraves à toutes les organisations internationales.

La Lituanie a déclaré qu’après quatre années de conflit, la répression des libertés fondamentales était devenue la norme dans les régions occupées, surtout à l’endroit des médias, des représentants de la société civile et des défenseurs des droits de l’homme. La Fédération de Russie continue également d’attiser le conflit dans les régions de l’Est de l’Ukraine. L’Estonie a plaidé pour un accès sans entraves à ces régions.

La Croatie a jugé essentiel l’accès de la Mission de surveillance de l’ONU à la Crimée, de même que le respect de l’accord de cessez-le-feu. La Roumanie a plaidé pour l’application des Accords de Minsk. L’Albanie a salué la coopération de l’Ukraine avec le Haut-Commissariat. Elle a observé que la présence militaire dans des zones densément peuplées a des incidences psychologiques lourdes sur la population. L’Autriche a jugé très alarmante l’utilisation d’armes lourdes contre des zones résidentielles. L’Australie a invité toutes les parties à appliquer les Accords de Minsk et à retirer leurs forces et matériels loin de toutes installations civiles, des établissements scolaires et des hôpitaux en premier lieu.

La Lettonie, tout comme la Roumanie, la Norvège et Royaume-Uni estiment que la Fédération de Russie doit autoriser l’accès de la Mission du Haut-Commissariat en Crimée. La Lettonie s’est dite aussi très préoccupée par le fait que le droit pénal russe est appliqué de manière rétroactive et sélective en Crimée.

À l’instar d’autres intervenants, la Finlande a condamné les attaques indiscriminées et le pilonnage de zones civiles, de même que le ciblage des Tatars de Crimée et d’autres minorités. Elle a rappelé la nécessité de mener des enquêtes efficaces et de poursuivre les auteurs de violations des droits de l’homme.

La Suisse est préoccupée par les pratiques de torture, de mauvais traitements et par la violence sexuelle des deux côtés de la ligne de contact. Elle appelle de fait les parties à y mettre un terme. Elle demande aussi aux participants du groupe de travail humanitaire à Minsk de faire preuve de bonne volonté lors des négociations, afin de faciliter les échanges de détenus. L’Espagne a rappelé l’importance de bien appréhender la réalité sur le terrain par le biais d’observateurs neutres.

Le Suède a jugé préoccupant le recours à la torture et aux violences sexuelles par tous les belligérants. Le Luxembourg s’est dit préoccupé par les allégations de mauvais traitement de détenus de part et d’autre de la ligne de contact

Les Pays-Bas ont appelé les autorités ukrainiennes à abroger la loi sur les obligations fiscales des organisations non gouvernementales, qui n’est pas conforme aux droits de l'homme et risque de menacer les organisations qui travaillent sur le terrain.

La Hongrie et l’Irlande ont souligné que, dans les zones de conflit, la protection des civils – des femmes et des enfants plus particulièrement – revêt une importance particulière à l’approche de l’hiver. Elles ont exigé un accès libre et régulier à l’eau potable et aux ressources énergétiques. Un dialogue ouvert avec l’État concerné doit constituer la base de la coopération internationale, a recommandé la Hongrie, notant que l’Ukraine n’avait pas respecté ses obligations en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant.

La Turquie a dit vouloir assurer la protection des droits de toutes les minorités en Crimée. L’Azerbaïdjan a condamné toute forme d’extrémisme et de séparatisme agressif et a appelé à la coopération.

Plus d’1,7 million de personnes ont été déplacées par le conflit depuis 2014, a relevé la Nouvelle-Zélande, qui a appelé de ses vœux une solution politique durable, de même que la conduite d’enquêtes rapides et impartiales. La Slovaquie s’est déclarée effarée par le nombre de disparitions forcées, par les violences sexistes et sexuelles et par les tentatives de réduction de la marge de manœuvre de la société civile et de ses représentants. La violation du cessez-le-feu inquiète la Bulgarie, qui a noté un accroissement du nombre de blessés parmi les civils et espéré que les autorités ukrainiennes tiendraient compte des avis du Conseil de l’Europe sur les droits des minorités.

L’Islande a déploré elle aussi la persistance des violations des droits de l'homme contre les civils. Pays attaché à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, le Danemark estime que les observateurs internationaux doivent bénéficier d’un accès à la Crimée et autres Républiques auto-proclamées pour y surveiller la situation des droits de l'homme. Enfin, compte tenu de la stagnation de la situation en Crimée et dans d’autres régions, le Japon a souhaité savoir quelles questions devaient attirer l’attention de la communauté internationale à titre prioritaire.

Plusieurs organisations non gouvernementales ont aussi pris part au débat. Minority Rights Groupa constaté que les autorités ukrainiennes n’étaient pas à même de protéger les droits de la minorité rom, comme le montre l’expulsion de Roms de la localité de Laschinovska. Quant aux Tatars de Crimée, ils ne sont pas non plus à l’abri des violences des forces militaires pro-russes.

Human Rights Watcha observé que des projets de lois inquiétants sont adoptés en ce moment en Ukraine. L’organisation s’est dite préoccupée aussi par les menaces à l’encontre des défenseurs des droits de l'homme dans les régions sous contrôle des séparatistes.

La Fondation de la Maison des droits de l'homme a appelé le Gouvernement ukrainien à retirer son projet de loi sur la fiscalité des organisations non gouvernementales, qui peut être vue comme un moyen de contrôler les organisations qui travaillent sur les questions sensibles.

World Federation of Ukrainian Women's Organizations a demandé que toutes les armes explosives soient retirées des zones d’habitation. Elle a plaidé pour des mécanismes capables d’apporter une aide adéquate et rapide aux victimes civiles. La communauté internationale a été priée d’user de toutes les voies diplomatiques pour mettre fin aux hostilités et libérer les territoires occupés. La Confédération internationale d'organismes catholiques d'action charitable et sociale a observé enfin que 3,8 millions de personnes ont besoin d’une aide et d’une assistance humanitaire en Ukraine : il s’agit d’une véritable crise ignorée, a mis en garde l’ONG.

Réponses et conclusions de la Haut-Commissaire adjointe

MME GILMORE a estimé que, quoique modestes, les efforts consentis à ce jour avaient porté des fruits : elle en a voulu pour preuve la baisse du nombre des victimes grâce au cessez-le-feu. C’est pour cette raison que le Haut-Commissariat insiste auprès des parties pour qu’elles respectent le cessez-le-feu et appliquent l’Accord de Minsk. Le Haut-Commissariat, n’ayant toujours pas accès à la péninsule de Crimée, ne peut observer la situation que depuis l’Ukraine, a dit la Haut-Commissaire, appelant la communauté internationale à faire pression sur la Fédération de Russie pour qu’elle laisse entrer les travailleurs humanitaires, les agences des Nations Unies et la Mission de surveillance. Mme Gilmore a souligné la nécessité de porter les graves violations des droits de l'homme devant la justice, afin que leurs auteurs en soient punis. Le retrait des armes est la condition sine qua non de la paix, a conclu Mme Gilmore.

Assistance technique et renforcement des capacités en matière de droits de l’homme en République démocratique du Congo

Dans sa résolution 33/29, le Conseil des droits de l’homme a prié le Haut-Commissariat d’établir un rapport sur la situation des droits de l’homme en République démocratique du Congo dans le contexte électoral, et de le lui présenter à sa trente-sixième session, dans le cadre d’un dialogue interactif renforcé.

Compte rendu oral

MME KATE GILMORE, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, a rappelé qu’il y a une année, elle s’était adressée au Conseil immédiatement après l’action brutale et systématique de l’armée et de la police congolaises qui, une semaine auparavant, avait fait des dizaines de morts parmi les civils à Kinshasa et dans d’autres villes.  Elle a regretté qu’aujourd’hui, son exposé dépeigne un tableau tout aussi sombre dans lequel le système judiciaire n’a pas fait montre d’indépendance, l’impunité n’a pas été prise à bras le corps et la violence a été à nouveau perpétrée par les forces de sécurité à l’encontre de la population de la République démocratique du Congo.

Mme Gilmore a rappelé, dans ce contexte, que trois mois après le débat interactif de l’an dernier, décembre 2016 avait vu des massacres de grande envergure de civils par les forces de sécurité dans le cadre des manifestations – des massacres qui sont restés impunis.  Après les manifestations de septembre et décembre derniers et la répression brutale qui a suivi, les efforts extraordinaires de médiation de la Conférence nationale épiscopale ont abouti à un remarquable accord de consensus entre le Gouvernement et les groupes de l’opposition, censé préparer le terrain pour les élections présidentielles de 2017 et un transfert pacifique du pouvoir, a-t-elle poursuivi.  Cet accord du 31 décembre, qui contient des mesures concrètes, a suscité un espoir réel que le processus électoral puisse aller de l’avant et conduire à la stabilité politique, à un plus grand respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales et donc à une prospérité durable. Il s’agissait là d’un tournant critique et d’une véritable occasion offerte au peuple congolais, a insisté Mme Gilmore, avant de déplorer que ce qui advint finalement fut l’antithèse même des termes de cet accord. En effet, une interdiction générale a été décrétée contre toute activité de l’opposition et de la société civile. Les autorités ont également continué à cibler, sans relâche, les opposants politiques, les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes.  De plus, les mesures de mise en confiance stipulées dans l’accord du 31 décembre, notamment la libération des prisonniers politiques, n’ont pas été mises en œuvre.  Au contraire, au cours des douze mois écoulés, le nombre de prisonniers politiques et d’opinion a triplé, passant de 50 à 150, a regretté la Haut-Commissaire adjointe, ajoutant que le retard dans l’annonce de la date des élections occasionne instabilité et troubles.

Tout cela montre, à l’évidence, le manque de volonté politique d’appliquer l’Accord et révèle l’absence d’une tentative sincère de faciliter les processus démocratiques pacifiques qui devaient suivre, a déclaré Mme Gilmore.  Il est urgent de formuler une stratégie cohérente pour le processus électoral, pour le transfert pacifique du pouvoir et pour jeter les bases d’une justice plus robuste, a-t-elle ajouté.

Décrivant les divers événements ayant marqué la période couverte par son exposé, Mme Gilmore a indiqué que la conséquence première du conflit fait qu’environ 3,8 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays, soit le nombre le plus élevé en Afrique. Elle a en outre qualifié la situation dans les Kasaïs comme étant « l’une des pires crises des droits de l’homme dans le monde », 5000 personnes ayant été tuées cette année et les activités des milices et des forces de sécurité congolaises dans la région Kasaï ayant mené à une grave crise humanitaire dans une zone déjà gravement affectée par la pauvreté. En outre, plus de 100 villages ont été détruits et 1,6 million de personnes ont dû fuir la crise, dont 35 000 qui ont traversé la frontière avec l’Angola.

Après que le Conseil eut décidé, lors de sa dernière session, de mettre sur pied une équipe international d’experts, le Haut-Commissaire avait nommé, le 26 juillet dernier, M, Bacre Ndiaye, du Sénégal, M. Luc Côté du Canada et Mme Fatimata M’Baye, de la Mauritanie, membres de cette équipe. Tant les experts que le Secrétariat seront déployés en République démocratique du Congo dès que des visas leur seront délivrés, a indiqué Mme Gilmore.

En conclusion, la Haut-Commissaire adjointe a rendu hommage à toutes les victimes de la violence dans le pays, à leurs familles et à leurs proches. Elle a rendu en particulier hommage à la mémoire des personnels de l’ONU, Michael Sharp, Zaida Catalan et leur interprète, Betu Tshintela qui, aux côtés de trois autres Congolais, ont été brutalement assassinés en mars dernier alors qu’ils enquêtaient dans le Kasaï.    

Dialogue interactif renforcé

M. MAMAN SIDIKOU, Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies en République démocratique du Congo et chef de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation de la République démocratique du Congo, a déploré que, depuis son dernier exposé devant le Conseil en mars, les difficultés liées à la mise en œuvre de l’accord du 31 décembre persistaient. Le consensus atteint alors a volé en éclats et un climat d’incertitude politique a peu à peu émergé. Pourtant, la semaine dernière, lors d’une réunion convoquée en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies, les autorités de Kinshasa se sont engagées à respecter la Constitution. À cette occasion, les acteurs ont été pressés d’accroître leurs efforts pour préparer des scrutins présidentiel et législatif libres, équitables et crédibles, conformément à l’accord du 31 décembre. M. Sidikou a indiqué avoir systématiquement rappelé aux parties prenantes leur responsabilité à assurer le respect des droits et libertés dans cette période d’incertitude politique forte.

M. Sidikou s’est dit particulièrement préoccupé par l’intimidation, le harcèlement et la violence visant les journalistes, les opposants et les militants de la société civile. « De telles actions n’instillent pas la confiance dans le processus politique », a-t-il observé. Le Représentant spécial s’est dit également préoccupé par la situation sécuritaire dans certaines régions de l’ouest de la République démocratique du Congo, notamment dans le Kasaï, et « profondément choqué par la brutalité du conflit en cours et la nature des violations commises ». Il a condamné fermement les attaques de la milice Kamuina Nsapu, le recrutement d’enfants et le ciblage des écoles, des églises et autres sites protégés. M. Sidikou a aussi fait part de sa préoccupation devant les allégations d’usage disproportionné de la force et le ciblage délibéré des civils par l’armée congolaise. « Il n’y a pas de solution militaire à la crise dans le Kasaï et il faut mettre fin à la violence. Rien ne peut justifier la tragédie humaine qui se déroule sous nos yeux », a-t-il dit.

M. Sidikou, qui a souligné les efforts de l’ONU dans la lutte contre l’impunité, a reconnu les progrès accomplis par le Gouvernement de Kinshasa pour traduire les coupables en justice. Mais « des mesures fortes seront requises de la part du Gouvernement » à cet égard. Il a dit sa satisfaction que la Commission nationale des droits de l’homme ait été établie il y a plus de deux ans. Elle manque malheureusement des ressources nécessaires, a-t-il relevé. Le Représentant spécial du Secrétaire général et chef de la MONUSCO s’est enfin félicité de la mise sur pied, en juin dernier, du groupe d’experts chargé d’enquêter sur la violence dans les Kasaï. Il en appelé au déploiement de l’équipe complète dans les plus brefs délais.

M. MINATA SAMATE CESSOUMA, Commissaire aux affaires politiques de la Commission de l’Union africaine, a souligné que, bien que cette rencontre se déroule juste après la célébration de la Journée internationale de la paix – qui symbolise l’engagement de toutes les nations du monde pour le respect, la sécurité et la dignité de tous les êtres humains –, la paix n’est encore une réalité pour tous.

La situation politique et sociale en République démocratique du Congo est en effet délicate, a poursuivi M. Cessouma, en renvoyant aux difficultés rencontrées dans les négociations de paix et le processus électoral, qui sont au cœur des nombreux défis des droits de l’homme touchant aussi bien les droits civils et politiques que les droits économiques, sociaux et culturels. M. Cessouma a ajouté qu’au cours de la période de juillet à août 2017, de nombreux cas de violations des droits de l’homme ont été rapportés, notamment des violences sexuelles. La situation humanitaire reste également très difficile. Plus de 323 000 ressortissants de la République démocratique du Congo vivent actuellement dans des camps à l’extérieur du pays.

Le Conseil de paix et sécurité de l’Union africaine a exprimé pour sa part sa grave préoccupation face à la persistance des violations des droits de l’homme et de l’insécurité au centre et dans l’Est de la République démocratique du Congo. Le Conseil de paix et de sécurité a demandé aux autorités de poursuivre sa collaboration avec les experts internationaux chargés des enquêtes sur les assassinats dans le Kasaï, afin que leurs auteurs soient traduits devant la justice.

M. Cessouma a ensuite appelé les autorités congolaises au respect de l’état de droit, à la ratification et à la mise en œuvre effective des instruments relatifs aux droits de l’homme, avant d’insister sur le lien entre la paix, la sécurité, le respect des droits de l’homme et la lutte contre l’impunité. Il a jugé en outre indispensable de mettre l’accent sur la prévention et la sensibilisation, l’éducation et la formation sur les droits de l’homme.

La situation des droits de l’homme dans la République démocratique du Congo exige une synergie d’actions fortes de la part de la communauté internationale – y compris la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo, la MONUSCO – pour inciter les acteurs congolais au respect strict de leurs engagements internationaux et régionaux en matière des droits de l’homme, ainsi que des dispositions constitutionnelles pertinentes aux fins d’éviter toute escalade préjudiciable à la bonne tenue des prochaines échéances électorales, a conclu le Commissaire aux affaires politiques de la Commission de l’Union africaine.

M. GEORGES KAPIAMBA, Président de l’Association congolaise pour l’accès à la justice, a dit que la question de la justice se pose avec acuité en République démocratique du Congo.  La situation y est d’autant plus complexe que les acteurs principaux, en particulier le Gouvernement, ne montrent aucune volonté de s’engager. La répression exercée par le Gouvernement à la fois sur les partis politiques et la société civile en témoigne. Ainsi quatre militants de l’organisation non gouvernementale La Lucha sont-ils retenus depuis juillet pour avoir tenté d’enquêter sur les méthode d’enrôlement d’électeurs en République démocratique du Congo : le parquet leur reproche d’avoir voulu divulguer des secrets d’État... Cette arrestation fait suite à la vague d’arrestations qui a touché plus de 150 défenseurs des droits de l'homme, dont certains ont été condamnés pour avoir participé à des manifestations publiques. Des artistes et journalistes ont également été arrêtés après avoir manifesté devant le Ministère de l’intérieur, qui a abrégé la durée de validité des passeports biométriques, a relaté M. Kapiamba.

« La situation est ainsi en République démocratique du Congo, avec deux ou trois libérations par-ci, et cinq ou six arrestations par-là, à tel point que les Congolais n’osent plus contester les décisions du Gouvernement », a observé M. Kapaa, relevant que la police n’est plus la seule à procéder aux arrestations, puisque l’armée est aussi mise à contribution.  Le Gouvernement refuse d’autre part d’exécuter les décisions des instances des droits de l'homme, comme le Comité des droits de l'homme, qui lui avait demandé la libération d’un acteur politique, a ajouté M. Kapiamba : le Gouvernement n’a toujours rien fait et ne donne pas la moindre explication. 

Compte tenu de tous ces faits, la position de la société civile est de demander au Conseil des droits de l’homme et au Haut-Commissariat de rester saisis de la situation en République démocratique du Congo. La société civile demande aussi au Conseil des droits de l'homme de ne pas admettre pour l’instant ce pays en tant que membre, puisqu’il est candidat, a dit M. Kapiamba.

Pays concerné

MME MARIE-ANGE MUSHOBEKWA, Ministre des droits humains de la République démocratique du Congo, a estimé que le tableau brossé par les intervenants était tellement sombre que cela donnait « l’impression qu’il n’y avait plus d’espace pour respirer » dans son pays. « Et pourtant », a-t-elle ajouté, « on y respire, on exerce des activités économiques, les enfants vont à l’école, les ONG y exercent leurs activités, et même près de six cents partis politiques et une soixantaine de chaînes de télévision fonctionnent en toute liberté ».

L’accord du 31 décembre dernier est en train d’être mis en œuvre, a assuré Mme Mushobekwa. La Commission électorale nationale indépendante a déjà enregistré plus de 42 millions d’électeurs sur les 45 millions estimés. La Ministre a aussi assuré que « les élections auront bel et bien lieu (…) mais sans interférences étrangères (et que) seuls les Congolais choisiront leurs futurs dirigeants ».

La Ministre a évoqué la situation dans les provinces du Kasaï à la suite des exactions commises par le groupe terroriste Kamuina Nsapu. Mme Mushobekwa a précisé qu’une « conférence sur la paix, la réconciliation et le développement dans l’espace kasaïen » avait été organisée du 19 au 21 septembre. « La paix, comme la réconciliation, est un processus qui prendra du temps » a-t-elle reconnu. Seize suspects ont été identifiés, dont neuf avaient déjà été mis aux arrêts après l’assassinat des experts de l’ONU, Michael Sharp et Zaida Catalan, et de leurs accompagnateurs congolais, dont les corps n’ont toujours pas été retrouvés. « Je vous assure, au nom du Gouvernement, que quels que soient les titres et qualités des cerveaux moteurs de ces meurtres, ils répondront de leurs actes devant les juridictions congolaises », a affirmé Mme Mushobekwa.

Elle a ajouté que les autorités de Kinshasa seraient ravies d’accueillir, en octobre, l’équipe d’experts internationaux envoyée par le Conseil des droits de l’homme pour faire la lumière sur ce qu’il s’est passé dans les provinces du Kasaï. « Cela prouve que nous n’avons rien à cacher », a-t-elle souligné. S’agissant, enfin, des Congolais réfugiés en Angola, ils sont 33 000 et non pas un million, comme l’avait annoncé le Haut-Commissaire lors de la précédente session du Conseil : parmi eux, deux mille ont d’ores et déjà regagné la République démocratique du Congo, a précisé la Ministre.

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