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Le Comité pour l'Élimination de la discrimination raciale tient un séminaire de réflexion avec des représentants de la société civile

Arrière

23 Novembre 2016

Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale 

23 novembre 2016

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a tenu, cet après-midi, au Palais des Nations, une réunion avec les représentants de la société civile sur le thème: «Travailler ensemble pour mettre fin à la discrimination raciale». 

La réunion s’est articulée autour de deux grandes discussions portant successivement sur les problèmes fondamentaux et défis rencontrés par la société civile à travers le monde dans la lutte contre la discrimination raciale et sur les expériences et améliorations possibles dans l’interaction entre la société civile et le Comité. 

Le premier débat, relatif à l’état des lieux, a été introduit par M. Carlos Quesada, Directeur exécutif de l’International Institute on Race, Equality and Human Rights, et par Mme Sarah Chander, du Réseau européen contre le racisme (ENAR).  Mme Verene Albertha Shepherd, membre du Comité, a également fait un certain nombre d’observations liminaires.

Le second débat, relatif à l’interaction entre le Comité et la société civile, a été introduit par M. Taisuke Komatsu, Secrétaire général adjoint du Mouvement international contre toutes les formes de discrimination et de racisme (IMADR), et par Mme Claire Thomas, Directrice adjointe de Minority Rights Group International (MRG).  M. Nicolas Marugan, expert du Comité, a également présenté un certain nombre d’observations liminaires.

De nombreux représentants d’organisations non gouvernementales (ONG) sont intervenus dans le cadre de ces deux débats, à l’issue desquels les membres du Comité ont également fait part de leurs points de vues.

Il convient de faire revivre les engagements pris dans le cadre de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, a-t-il notamment été souligné.  L’attention a également été attirée sur la nécessité pour le Comité de conserver une perspective réellement mondiale et d’éviter de se focaliser sur certains sujets seulement.

A par ailleurs été soulignée l’importance de la source d’informations que constituent, pour le Comité, les ONG; si un débat a pu avoir lieu au départ quant à la fiabilité des informations fournies par ces organisations, cette interrogation appartient au passé, a assuré un membre du Comité.  «Nous attendons de vous un partenariat même si nos interlocuteurs principaux sont les États parties», a pour sa part déclaré la Présidente du Comité, Mme Anastasia Crickley, avant d’assurer de la volonté du Comité de persévérer dans son action.

Demain après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de l’Uruguay, qu’il achèvera vendredi matin.


Aperçu des débats

Ouvrant la réunion, MME ANASTASIA CRICKLEY, Présidente du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, a estimé que l’on faisait face à un déni des inégalités et du racisme, mais a néanmoins trouvé des signes d’espoir dans le nouvel accord de paix en Colombie et dans les positions prises par la Chancelière allemande Angela Merkel. Elle a rappelé que la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale offrait un cadre global et que les instruments juridiques ne manquaient pas pour combattre les inégalités.  La montée actuelle du racisme, qui s’accompagne d’autres phénomènes liés à la xénophobie, représente un défi immédiat pour le Comité, un défi que la société civile doit relever avec le soutien du Comité, a-t-elle indiqué.

Premier panel : problèmes fondamentaux et défis rencontrés par la société civile à travers le monde dans la lutte contre la discrimination raciale

M. CARLOS QUESADA, Directeur exécutif de l’International Institute on Race, Equality and Human Rights, a indiqué que son organisation à but non lucratif avait pour objectif de lutter contre la discrimination raciale envers les personnes d’ascendance africaine en Amérique latine, centrale et caribéenne.  Dans tous les pays des Amériques, les personnes d’ascendance africaine sont soumises à des discriminations de la part de la police, a-t-il relevé, avant de dénoncer les crimes de haine, particulièrement envers ces mêmes personnes mais pas uniquement.  Il est devenu presque normal, en effet, de faire preuve d’intolérance envers les minorités sexuelles et religieuses, a-t-il déploré.  De la même manière, il est apparemment devenu normal de faire des déclarations racistes en public, a-t-il observé.  La présence des personnes d’ascendance africaine dans les postes à responsabilité est très faible, a-t-il poursuivi.  M. Quesada souligné le rôle clé du Comité, mais s’est dit désolé de devoir constater que l’existence de cet organe, comme celle de la Convention, sont peu voire pas du tout connues.   

MME SARAH CHANDER, du Réseau européen contre le racisme (ENAR), a constaté la montée des discours et des violences racistes en Europe.  Elle a dénoncé la commission d’actes criminels islamophobes, particulièrement à l’encontre des femmes voilées, la majorité des personnes agressées étant noires ou asiatiques.  Elle a attiré l’attention sur la hausse de l’audience de l’extrême droite dans nombre de pays européens, soulignant que ce phénomène s’accompagne d’une hausse des actes de violence.  Le profilage racial dont souffrent les personnes d’ascendance africaine dans le système de justice, ou encore la suspicion envers les communautés musulmanes figurent parmi les phénomènes préoccupants observés à travers le monde, a-t-elle indiqué.  Le défi est de démonter les phénomènes de racisme institutionnalisé, a-t-elle déclaré.

MME VERENE ALBERTHA SHEPHERD, membre du Comité, a évoqué les réponses apportées par des organisations de la société civile s’agissant des principales difficultés rencontrées au plan national.  Outre la méconnaissance du Comité et de ses recommandations, elle a cité le rejet des minorités ethniques et religieuses et le refus de  préserver leurs coutumes, culture et langues.  Les ONG ont aussi déploré le manque de données relatives aux crimes de haine et la montée du discours suprématiste blanc.  La montée de l’islamophobie est aussi souligné par ces organisations, qui dénoncent l’intolérance envers certaines tenues vestimentaires, ainsi que les discours de haine dans les réseaux sociaux, a ajouté Mme Shepherd.  Le refoulement des réfugiés et demandeurs d’asile est aussi dénoncé par un certain nombre d’organisations.  Toutes les ONG déplorent un manque de financement pour celles d’entre elles qui sont engagées contre le racisme.    

Lors de l’audition de la société civile qui a suivi ces présentations, certains intervenants ont déploré la faible visibilité du Comité.  Cet organe doit faire en sorte d’être à la fois plus fort et mieux connu, a déclaré une organisation de la société civile italienne.  Une consoeur dominicaine a cité le cas de son pays qui reste sourd aux observations du Comité, s’agissant notamment des problèmes du déni du droit à la citoyenneté et de la discrimination envers les personnes d’ascendance africaine.  Une organisation péruvienne a fait observer que le Pérou ne disposait pas d’une législation réprimant la discrimination ethnique et raciale. L’État doit être conscient que le monde observe la situation qui est faite à certaines catégories de la population, alors que la pauvreté a souvent un visage de femme et même un visage de femme noire, a-t-elle souligné.  Alors que l’on fait grand cas des Objectifs de développement durable, ceux-ci ne prennent pas en compte les personnes d’ascendance africaine, les femmes noires en particulier, a également souligné une organisation de la société civile uruguayenne qui s’exprimait au nom d’un réseau de femmes afro-latino-américaines.  L’afrophobie doit être mieux définie, a quant à elle estimé une organisation allemande d’émigrés africains.

A également été déploré «l’enterrement» de fait et la «marginalisation» de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, comme l’illustrent, selon certains, la banalisation des discours racistes et sexistes, dont le mauvais exemple le plus récent a été donné lors de la campagne électorale ayant abouti à l’élection de Donald Trump aux États-Unis.

L’attitude de la police envers les minorités a aussi été mise en cause. Une ONG néerlandaise a ainsi dénoncé les violences policières commises contre les personnes d’ascendance africaine  et a appelé le Gouvernement de son pays à ordonner aux forces de l’ordre de faire preuve de retenue.  

Une organisation palestinienne, qui a mentionné la destruction prévue de deux villages arabes par l’armée israélienne, a rappelé que cela se faisait au mépris des nombreuses résolutions internationales, sans parler des Conventions de Genève, qui condamnent les déplacements de population.

Des représentants d’organisations non gouvernementales écossaise, irlandaise, russe, marocaine, indienne et britannique se sont aussi exprimés sur divers sujets relatifs, entre autres, aux discriminations linguistiques et fondées sur la caste, ainsi que sur le non-respect du droit de consultation préalable des peuples autochtones s’agissant des activités d’exploitation économique prévues sur leurs territoires.

Deuxième panel : expériences et améliorations possibles dans l’interaction entre la société civile et le Comité

M. TAISUKE KOMATSU, Secrétaire général adjoint du Mouvement internationale contre toutes les formes de discrimination et de racisme (IMADR), a insisté sur l’importance du Comité et sur les grandes attentes que suscite cet organe.  Il a déploré qu’un trop grand nombre d’États parties ne reconnaissaient pas la compétence du Comité pour recevoir et examiner des plaintes individuelles. L’IMADR a mené une enquête auprès de quelque 150 ONG dans les pays en développement  afin de les sonder sur leurs relations avec le Comité, dont il est notamment ressorti que bon nombre d’entre elles se heurtent à un manque de capacités qui les empêche de soumettre des rapports alternatifs aux organes conventionnels.  Des barrières linguistiques se posent aussi pour nombre d’entre elles, a fait observer M. Komatsu, déplorant en outre un manque de convivialité du site Internet du Haut-Commissariat aux droits de l’homme.  En règle générale, les ONG sont satisfaites des recommandations adressées par le Comité aux États où elles sont actives.

MME CLAIRE THOMAS, Directrice adjointe de Minority Rights Group International (MRG), a fait observer que le Comité pouvait être perçu dans le Sud comme un organe qui s’intéresse à certaines manifestations de racisme tout en en ignorant d’autres, plus subtiles, en Afrique ou en Asie.  L’effondrement de la société civile dans certains pays comme la Fédération de Russie est un grave sujet de préoccupation, a-t-elle ajouté.  Le Comité doit encourager les gens à venir le voir, a-t-elle en outre estimé.  Il doit par ailleurs y avoir davantage de communication transversale avec l’Examen périodique universel, a-t-elle poursuivi.  Le Comité devrait contacter les Rapporteurs spéciaux pour leur exposer ses observations finales s’agissant de tel ou tel pays lorsque ceux-ci prévoient des visites de terrain dans ces pays.  Mme Thomas a enfin dit craindre que l’ethnicité soit la grande oubliée des Objectifs de développement durable, dans lesquels cette question est à peine mentionnée.

M. NICOLAS MARUGAN, membre du Comité, a résumé les réponses apportées par des organisations de la société civile s’agissant de la question ici débattue.  Le renforcement de la visibilité du Comité, dans les médias en particulier, mais aussi sur les réseaux sociaux, permettrait non seulement de mieux le faire connaître mais aussi de diffuser ses observations finales et d’en renforcer le suivi.  Il conviendrait aussi de renforcer l’accessibilité du Comité en utilisant plus et mieux l’Internet.  M. Marugan a suggéré de créer un «forum virtuel» pour permettre aux acteurs de la société civile de communiquer avec les experts du Comité, y compris en dehors du processus d’examen des rapports de pays.  Il a aussi estimé que le Comité devrait porter une plus grande attention aux autorités locales et provinciales, les jugeant particulièrement sensibles à la pression internationale.

Lors de l’audition de la société civile qui a suivi ces présentations, ont notamment été évoqués les problèmes soulevés par la présentation de rapports d’Etats parties au Comité.  Une organisation de la société civile népalaise, qui a dénoncé le sort des dalits dans son pays, a fait observer que le Gouvernement de Katmandou n’avait pas soumis de rapport au Comité depuis 2002.  Une organisation autochtone russe a pour sa part dénoncé l’ethnocide dont la population autochtone qu’elle représente est, selon elle, victime du fait d’une surexploitation effrénée des ressources naturelles.  Évoquant le rapport – mensonger, selon elle – présenté par la Fédération de Russie devant le Comité, cette ONG s’est interrogée sur la manière dont le Comité vérifiait les informations qui lui sont communiquées par les États parties.

Parmi les suggestions faites par les intervenants, une ONG néerlandaise a recommandé au Comité et aux Nations Unies en général de promouvoir le terme d’«afrophobie».  Une organisation indiquant militer contre le racisme anti-Noirs en Suisse a déploré le manque d’intérêt de la société civile pour ce que fait le Comité; son représentant a par ailleurs souligné qu’il était malaisé d’avoir des échanges avec le Comité lorsque l’on ne résidait pas à Genève.  Une ONG a estimé que le Comité devrait faire une déclaration en faveur de la protection des défenseurs des droits de l’homme et a plaidé pour l’adoption par les États de lois nationales protégeant ces personnes.

Hier aurait pu être une «journée noire» pour l’ONU, alors que l’Assemblée générale des Nations Unies était saisie d’une tentative de suspendre la nomination d’un Rapporteur spécial sur les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées pourtant avalisée par le Conseil des droits de l’homme, a-t-il en outre été souligné.  Une association uruguayenne défendant les personnes LGBTI a rappelé que son pays allait être examiné cette fin de semaine par le Comité et a déploré que la loi uruguayenne ne permette pas de poursuivre facilement et à un coût abordable les auteurs de violences contre ces personnes. 

Si l’État cubain a fini par reconnaître que se posait un problème de discrimination dans l’île, les choses ne changent guère dans les faits, de par un manque de volonté politique, a pour sa part déclaré une ONG; les autorités cubaines persistent à prétendre que l’évocation d’un problème racial à Cuba risque de porter atteinte à la sécurité nationale, a-t-elle ajouté.  Une association de Bahreïn a attiré l’attention sur les pratiques discriminatoires de l’Iran qui violent les droits des minorités, particulièrement des sunnites.

Des représentants d’organisations non gouvernementales actives au Canada, à la Barbade et au Brésil se sont également exprimés sur divers sujets relatifs, notamment, à l’accès à la justice.

Intervention des membres du Comité

Une experte du Comité a déploré la trop grande discrétion des travaux du Comité, mais a néanmoins rappelé qu’il était le premier organe conventionnel à avoir établi un dialogue avec le Conseil des droits de l’homme.  

En réponse aux observations d’ONG, la Présidente du Comité a reconnu la difficulté qu’il y avait à maintenir des liens étroits avec la société civile, le Comité ne disposant pas des ressources nécessaires pour soutenir effectivement les organisations non gouvernementales.

Les lois contre la discrimination raciale ne doivent pas simplement adoptées ; elles doivent surtout être appliquées, a-t-il par ailleurs été rappelé.

Une experte, qui a précisé être originaire des États-Unis, a déclaré que «les forces populistes nous mettent au défi», situation à laquelle il va néanmoins falloir faire face, ce qui ne sera pas facile. 

Il convient de faire revivre les engagements pris dans le cadre de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, a souligné un expert.  Cet expert, qui a rappelé être de nationalité colombienne, s’est félicité de la bonne nouvelle que constitue la signature, prévue pour demain, du nouvel accord de paix dans son pays, rectifié avec les ajustements nécessaires par rapport à la version de départ rejetée par référendum.

Un autre membre du Comité a souligné l’importante source d’informations que les ONG constituent pour le Comité.  Si un débat a pu avoir lieu au départ quant à la fiabilité des informations fournies par ces organisations, cette interrogation appartient au passé, a-t-il ajouté.  La tâche du Comité est en effet de travailler avec les États, mais avec l’apport de la société civile.  

Remarques de conclusion

M. QUESADA a dit que les membres du Comité devaient persévérer dans leur travail, la société civile ayant absolument besoin de cet organe.

MME CHANDER a souligné l’importance de bien comprendre la nature du racisme structurel.  Elle a cité comme exemple de racisme structurel l’attitude de la police lorsqu’elle prétend contraindre des femmes à avoir telle ou telle tenue sur une plage.

M. KOMATSU a fait part de la disponibilité de la société civile à aider le Comité dans son travail.

MME THOMAS a souligné la nécessité pour le Comité de conserver une perspective réellement mondiale et d’éviter de se focaliser sur certains sujets seulement.

Enfin, la Présidente du Comité, MME CRICKLEY, a engagé les représentants de la société civile à venir à Genève, particulièrement lorsque le pays sur lequel ils travaillent est examiné par le Comité.  «Nous attendons de vous un partenariat même si nos interlocuteurs principaux sont les États parties», a-t-elle déclaré, avant d’assurer de la volonté du Comité de persévérer dans son action.

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