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Le Conseil des droits de l'homme tient une réunion-débat sur les effets du terrorisme sur la jouissance des droits de l'homme

Arrière

30 Juin 2015

Conseil des droits de l'homme
MI JOURNÉE   

juin 2015

Le Conseil des droits de l'homme a tenu, à la mi-journée, une réunion-débat sur les effets du terrorisme sur la jouissance par toutes les personnes des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 

La réunion était animée par un panel de trois experts: M. Ben Emmerson, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste; M. Steven Siqueira, Directeur adjoint du Centre des Nations Unies pour la lutte contre le terrorisme chargé de la mise en œuvre de l'Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme; et M. Mauro Medico, Chef de la section de soutien au Département de la prévention du terrorisme de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime.

Dans une déclaration liminaire, la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, Mme Flavia Pansieri, a rappelé que les victimes du terrorisme devaient être reconnues comme telles et pouvoir obtenir des réparations.  Elle a rappelé que, par le biais de la Stratégie mondiale contre le terrorisme adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies, les États s'étaient engagés à lutter de manière efficace contre le terrorisme dans le respect des droits de l'homme et de l'état de droit, mais certains États ont adopté des mesures de lutte contre le terrorisme très larges, qui continuent de susciter de graves préoccupations concernant le respect des droits de l'homme.  Les mesures prises doivent être nécessaires, spécifiques, efficaces et proportionnées et conformes au principe de légalité.  Pour la Haut-Commissaire adjointe, l'expérience montre que la protection des droits de l'homme au niveau national et le respect de l'état de droit contribuent à la lutte contre le terrorisme.  Il est donc temps de mettre fin aux politiques fondées sur une dichotomie entre sécurité et droits de l'homme, alors que ces deux objectifs sont complémentaires, et de prendre des initiatives qui renforcent tous les droits, civils et politiques mais aussi économiques, sociaux et culturels. 

M. Emmerson a lui aussi rappelé que le respect de l'état de droit devait être placé au cœur de la lutte contre le terrorisme.  Il a en outre souligné qu'en dépit de la multiplication des instruments internationaux relatifs au terrorisme, il n'existe toujours aucun accord négocié qui s'intéresse aux droits des victimes.  Il a par ailleurs contesté la position de certains États pour lesquels seuls les États peuvent violer les droits de l'homme, estimant que les atteintes aux droits de l'homme pouvaient être commises aussi par des groupes armés non étatiques.  M. Siqueira a estimé que les réponses apportées au défi du terrorisme avaient souvent été disproportionnées et ont alimenté les groupes terroristes en suscitant de la haine.  Il a plaidé pour que la lutte contre le terrorisme intègre une protection des acteurs humanitaires, estimant que c'était là un des rôles de l'Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme.  M. Medico a souligné que la sécurité ne doit pas être perçue comme contradictoire avec la notion de droits de l'homme.  Le droit à la sécurité des personnes est un droit fondamental.  Dès lors, l'assistance technique et le renforcement des capacités dans la prévention du terrorisme deviennent fondamentaux et l'ONUDC joue dans ce domaine un rôle important, notamment en aidant les États à enrayer la propagation des idées haineuses sur Internet.

Au cours du débat, les délégations* ont appuyé les propos de la Haut-Commissaire adjointe et des conférenciers sur la nécessité vitale pour la lutte contre le terrorisme de respecter les droits de l'homme et les libertés fondamentales.  Certaines délégations ont tenu à rappeler que tous les États subissent les affres du terrorisme, lequel n'a ni religion ni pays d'origine, tandis que d'autres insistaient sur la nécessité de ne pas se servir du terrorisme pour délégitimer ou étouffer le droit à l'autodétermination des peuples, lequel est une cause légitime.  Enfin, certaines délégations ont dénoncé la mutation de la «lutte contre le terrorisme» en une idéologie de peur et de répression et en moyen de pression sur certains États.

 

Cet après-midi, à partir de 15 heures, le Conseil examinera, au titre de l'assistance technique et du renforcement des capacités, la situation en République centrafricaine et en Côte d'Ivoire.

 

Réunion-débat sur les effets du terrorisme sur la jouissance par toutes les personnes des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Déclaration liminaire

MME FLAVIA PANSIERI, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a déclaré que le terrorisme déstabilise les gouvernements, sape les sociétés, menace la paix et la sécurité ainsi que le développement économique et social, ce qui a des incidences importantes et graves pour la jouissance des droits de l'homme.  Les actes terroristes nous rappellent quotidiennement les conséquences directes de ce fléau sur les droits de l'homme.  Les actes terroristes concernent des victimes directes mais aussi indirectes - les parents et les communautés auxquelles appartiennent les victimes - a rappelé Mme Pansieri.  Les victimes du terrorisme doivent être reconnues, ainsi que leurs droits à réparation, à la vérité et à la justice et le droit de vivre sans peur.  Les victimes doivent aussi bénéficier d'un accès à la justice.

Il faut mieux comprendre les causes du terrorisme, a poursuivi la Haut-Commissaire adjointe, ce qui implique d'évaluer les liens entre ses causes et l'absence de respect des droits de l'homme, d'état de droit, de développement ou de perspectives d'avenir.  Le terrorisme prend ses racines dans des situations de conflit armé et de violations des droits de l'homme systémiques, ainsi que dans l'instabilité chronique: exclusion de la vie politique et sociale, marginalisation économique, entre autres. 

Par le biais de la stratégie mondiale contre le terrorisme adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies, les États se sont engagés à lutter de manière efficace contre le terrorisme dans le respect fondamental des droits de l'homme et de l'état de droit, a rappelé Mme Pansieri.  Or, ces engagements ne se sont pas matérialisés de manière uniforme et certaines mesures adoptées par des États continuent de susciter de graves préoccupations concernant le respect des droits de l'homme.  De telles mesures doivent être nécessaires, spécifiques, efficaces et proportionnées.  Or, certains États ont adopté des mesures de lutte contre le terrorisme très larges, qui présentent des dangers du fait qu'elles donnent des définitions trop vagues des actes de terrorisme, en contradiction avec le principe de légalité, qui favorisent les discriminations et les abus. 

Mme Pansieri a également dit sa préoccupation face au recours à la peine de mort dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, surtout contre des actes terroristes définis de manière vague.  Certains États s'efforcent de contourner la justice pénale en recourant à la détention administrative ou sans respecter les garantie offertes par le droit international en matière de détention.  Parfois, la lutte contre le terrorisme a servi de prétexte pour réprimer d'autres activités et personnes, notamment des journalistes et des défenseurs des droits de l'homme, ou encore des adversaires politiques ou des groupes minoritaires.

Les libertés d'expression et d'opinion sont fondamentales et toute restriction à ces libertés doit être définie de manière très restrictive et répondre au triple critère de légalité, de proportionnalité et de nécessité, a rappelé Mme Pansieri. 

L'expérience a montré que la protection des droits de l'homme au niveau national et le respect de l'état de droit contribuent à la lutte contre le terrorisme, en particulier lorsqu'est créé un climat de confiance entre l'État et ceux qui sont sous sa juridiction et qu'est soutenue la résilience des communautés face aux menaces du radicalisme violent.  À l'inverse, faire des compromis avec les droits de l'homme a démontré sa nocivité.  Il est donc temps de mettre fin aux politiques fondées sur une dichotomie entre sécurité et droits de l'homme, alors que ces deux objectifs sont complémentaires.  Il faut prendre des initiatives qui renforcent tous les droits: civils et politiques mais aussi économiques, sociaux et culturels.  Ces programmes peuvent se révéler particulièrement utiles quand ils visent les jeunes ou des groupes marginalisés. 

Exposés

M. BEN EMMERSON, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, a pleinement souscrit aux observations de Mme Pansieri.  Il a rappelé que le respect de l'État de droit devait être placé au cœur de la lutte contre le terrorisme.  En dépit de la multiplication des instruments internationaux relatifs au terrorisme, il n'existe aucun accord négocié qui s'intéresse aux droits des victimes, a-t-il noté à son tour.  Les atteintes aux droits de l'homme peuvent être le fait non seulement des États mais de groupes armés non étatiques, a-t-il relevé, constatant toutefois que certains États s'inscrivaient en faux contre cette position puisque, selon eux, seuls les États peuvent violer les droits de l'homme.  Cette position ne fait pas sens, a-t-il estimé.  «Si vous demandez au commun des mortels si des exactions subies par des groupes armés non étatiques constituent on non des violations des droits de l'homme, il ne fait aucun doute que l'on vous regardera d'un air perplexe», a-t-il observé.

Les États qui combattent Daech en Iraq et en Syrie doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour limiter le nombre de victimes civiles, a-t-il poursuivi.  Le Rapporteur spécial a fait part de sa conviction que certains crimes – contre les Yézidis par exemple - commis par Daech constituent de graves violations des droits de l'homme, certaines étant susceptibles de relever de crimes contre l'humanité.  Les États doivent reconnaître ce fait, a-t-il conclu.

M. STEVEN SIQUEIRA, Directeur adjoint du Centre des Nations Unies pour la lutte contre le terrorisme, chargé de la mise en œuvre de l'Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme, a déclaré que le terrorisme était en train de mettre en pièce le cadre et le système des droits de l'homme, avec une ampleur jamais vue depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale.  Mais les réponses ont souvent été disproportionnées et ont donné lieu à des abus et une absence de protection des civils et des infrastructures, fournissant ainsi aux groupes terroristes «du carburant pour plus de haine».  Cela exige aujourd'hui que la lutte contre le terrorisme intègre une protection des humanitaire, a-t-il dit, ajoutant que c'est le rôle de l'Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme d'aider les gouvernements à cette fin, notamment par le biais de la formation.  Pour ce faire, l'équipe dispose de 11 groupes de travail, dont un sur les droits de l'homme et l'état de droit. 

M. Siquiera a également indiqué que le Secrétaire général lancera bientôt le plan d'action sur la prévention de la violence extrémiste, dont le but sera de présenter des mesures concrètes sur la manière dont le système des Nations Unies et ses membres peuvent adopter les meilleures approches pour lutter contre ce phénomène.  Les récentes attaques terroristes en Tunisie, au Koweït et en France montrent à quel point il est important pour les État de respecter leur obligation de respecter les droits de l'homme et notamment la sécurité de leurs citoyens.  Il faut également penser aux victimes, a-t-il dit, ajoutant que l'assistance aux victimes du terrorisme fait également partie du cœur de métier du Centre, qui dispose à cet effet d'un portail internet dédié.  

M. MAURO MEDICO, Chef de la section de soutien au Département de la prévention du terrorisme de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a exprimé ses condoléances aux pays qui viennent d'être victimes d'attaques terroristes.  La priorité de l'ONUDC est ainsi d'aider les États à prévenir les actes de violences, à y réagir et à en protéger les victimes.  Ce faisant, l'Office estime que les impératifs de la sécurité et de la protection des droits de l'homme ne sont pas antagonistes mais complémentaires.  Malheureusement, la sécurité est souvent perçue comme contradictoire avec la notion de droits de l'homme.  Il importe dès lors de cesser de considérer que la sécurité est un tabou: le droit à la sécurité des personnes est, en effet, un droit fondamental, consacré par l'article 3 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.  Dans le contexte actuel, le rôle de l'assistance technique et du renforcement des capacités dans la prévention du terrorisme devient fondamental.  L'ONUDC joue à cet égard un rôle important pour aider les États à traduire les auteurs d'actes terroristes en justice tout en garantissant le droit à la sécurité des personnes.

Mais la lutte contre le terrorisme, et contre la haine et l'intolérance qu'il propage, exige de nouvelles méthodes, surtout dans le domaine de la prévention.  L'ONUDC aide pour cela les États à enrayer la propagation des idées haineuses sur Internet notamment.  De grandes difficultés demeurent en ce domaine, surtout s'agissant de l'incrimination des crimes commis sur la toile.  Parallèlement, les États commencent à tenir compte des besoins des victimes du terrorisme.  Dans tous les cas, il importe de renforcer la capacité des États de lutter contre le terrorisme dans le respect des droits de l'homme.  Pour l'Office, «plus que les missiles, c'est la bonne gouvernance qui viendra à bout du terrorisme».

Débat interactif

L'Arabie saoudite au nom d'un groupe d'États a déclaré que tous les États subissent les affres du terrorisme.  Il n'a ni religion ni pays d'origine, a dit le représentant, appelant à une coopération internationale renforcée.  L'Arabie saoudite pour sa part le combat par la prévention, la répression, mais aussi la déradicalisation et la lutte contre les sources de financements, a-t-il dit.  L'Égypte au nom d'un groupe d'États a observé que le terrorisme ne visait pas un État ou une région en particulier, même si la région arabe pâtit en premier de ce fléau.  Mais il ne faut pas trouver de lien entre ce terrorisme et l'Islam, religion de paix, de tolérance et de dignité; la seule manière de combattre ce fléau est de s'attaquer à ses causes profondes par le biais de la coopération internationale.  L'Algérie, s'exprimant au nom du Groupe africain, a également déclaré que l'on ne saurait lier le terrorisme à une religion.  Elle a en outre observé que les groupes terroristes coopèrent avec des groupes de criminalité organisée, ce qui a pour conséquence de décupler les conséquences négatives sur les droits de l'homme. 

Rechercher, analyser et comprendre les causes de l'extrémisme sont une bonne mesure de prévention, a ajouté l'Albanie au nom d'un groupe d'États.  Le Pakistan a ajouté que l'on ne pourra pas en effet lutter efficacement contre le terrorisme sans examiner ses causes profondes.  Mais il faudra faire une différence entre les causes légitimes qui ne doivent pas être considérées comme des activités de terroristes et ne pas se servir du terrorisme pour délégitimer ou étouffer le droit à l'autodétermination des peuples.

La Suisse, au nom de trente-deux États, a rappelé que la lutte contre le terrorisme devait respecter les droits de l'homme et les libertés fondamentales.  Toute limitation doit être conforme à un cadre juridique transparent, auquel doivent obéir aussi les services de renseignement.  Les mesures prises doivent en effet respecter le droit, éviter des mesures discriminatoires et garantir la reddition de compte en cas d'abus, a dit le représentant de l'Équateur.  Comment s'assurer alors que les lois antiterroristes n'empiètent pas sur les droits de l'homme, a demandé aux panélistes la délégation de l'Union européenne.  Comment le Conseil des droits de l'homme peut encourager les États, à respecter les droits de l'homme dans le cadre de cette lutte, a demandé au nom d'un autre groupe de trente-deux États, la Hongrie

Il n'y a qu'une réponse adéquate au terrorisme et il ne s'agit pas de rétablir la peine de mort ou de recourir à la torture, a dit le Danemark, au nom du Groupe des pays nordiques, plaidant au contraire pour une pleine application des droits de l'homme.  Lorsque les États bafouent les droits de l'homme dans la lutte antiterroriste, ils ne font le lit du terrorisme, ont déclaré les États-Unis.  Mais la lutte contre le terrorisme implique aussi la lutte contre le terrorisme d'État, a ajouté Cuba

Le Conseil de l'Europe a souligné que la lutte contre le terrorisme ne saurait se limiter à son volet sécuritaire: il faut veiller à ne pas stigmatiser des communautés entières et ni à porter atteinte aux valeurs démocratiques.  L'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a rappelé, pour sa part, que le terrorisme était «un mal absolu qu'il fallait combattre de toutes nos forces» dans le respect des principes fondamentaux du droit.  Pour être efficace, la lutte contre le terrorisme ne peut se dispenser, cependant, d'une approche globale qui prenne en considération l'ensemble des dimensions du phénomène.  Dans ce cadre, et en plus des actions menées par les forces de défense et de sécurité, il paraît fondamental de recourir à des «armes de construction massive», vecteurs de la paix, de la sécurité et de la stabilité sur le long terme que sont l'éducation, la formation, la sensibilisation et le développement, estime l'OIF. 

La Belgique a souligné que les mesures antiterroristes et la prévention du terrorisme doivent être ancrées sur les droits de l'homme, notamment le respect de la Convention contre la torture.  L'Irlande a assuré que son gouvernement avait une approche antiterroriste globale et respectueuse des droits de l'homme.  Le Saint Siège a condamné aussi bien les actes terroristes commis au nom de la religion que l'utilisation de la lutte contre le terrorisme comme prétexte pour prendre des mesures de répression. 

L'Égypte a constaté qu'aucun pays n'était épargné par le terrorisme, rappelant qu'un procureur égyptien avait été assassiné hier.  Pour l'Égypte, la lutte contre le terrorisme et la protection des droits fondamentaux sont complémentaires.  Le Koweït, victime d'un attentat très récent contre une mosquée, a souligné que le terrorisme constituait une menace à la réalisation de tous les droits de l'homme.  Il a souligné la nécessité de lutter contre les idéologies extrémistes en adoptant les instruments internationaux de référence. 

La Namibie s'est dite préoccupée par la multiplication des résolutions sur le terrorisme, au Conseil et dans d'autres instances.  Le Conseil, quant à lui, devrait s'intéresser aux droits fondamentaux qui sont de son ressort, tels que le droit à l'eau ou l'alimentation, et se pencher sur «les causes plutôt que sur les effets».  Inversement, l'Autriche a estimé qu'il incombe au Conseil de réaffirmer que la lutte antiterroriste doit se faire dans le plein respect des droits de l'homme.  Il est préoccupant de constater les limitations aux libertés sous couvert de lutte antiterroriste, quand il ne s'agit pas de prétexte pour museler l'opposition.  Les terroristes sont des criminels et doivent être traités comme tels. 

Face au défi terroriste, la Sierra Leone a estimé que la communauté internationale devait parler d'une seule voix.  Le Niger a rappelé qu'il accueillait plusieurs milliers de réfugiés victimes du terrorisme, ce qui exerce de fortes pressions sur ses propres infrastructures sociales et économiques.  Le Niger juge indispensable une réaction concertée de la communauté internationale, sur le modèle de ce qu'il se passe dans les pays du Sahel. 

Pour la République islamique d'Iran, la soi-disant «guerre contre le terrorisme» s'est muée en une idéologie de peur et de répression, en un moyen de pression sur certains États.  L'Iran en a appelé aux organes internationaux des Nations Unies pour qu'ils jouent un plus grand rôle. 

La Hongrie a rappelé qu'il fallait garder à l'esprit que l'État est le premier garant des droits fondamentaux et de la responsabilité de protéger.  Le Maroc a rappelé que chaque État devait s'engager dans la lutte contre le terrorisme en favorisant la coopération internationale et régionale, dans le respect des droits de l'homme.  Le Maroc promeut un art de vivre commun et un islam modéré afin de combattre le «takfirisme» et autres radicalismes, y compris en formant des imams modérés. 

Le Viet Nam a demandé aux États de ne pas tolérer la présence sur leur territoire de groupes terroristes.  Le Viet Nam préconise un renforcement équilibré des lois nationales et des mesures de contrôle de l'immigration, afin de garantir le respect des droits de l'homme de tous.  La Chine a souligné être, elle aussi, victime d'activités terroristes.  C'est pourquoi elle a adopté une législation antiterroriste inspirée des textes en vigueur dans d'autres pays, reposant sur un socle juridique très solide prenant en compte les droits fondamentaux. 

Bahreïn a rappelé que le terrorisme ébranlait la stabilité et la sécurité des pays affectés.  La Jordanie a constaté que le terrorisme prenait sa source non seulement dans le vide sécuritaire mais aussi dans le sous-développement économique. 

L'Estonie a jugé essentiel que tous les États mettent en commun leurs ressources et outils pour assécher le financement des activités terroristes.  Les Pays-Bas ont rappelé leur rôle actif au sein du Forum mondial de lutte contre le terrorisme, leur participation à la coalition contre Daech et le fait qu'ils accueillent, à La Haye, le Centre international de lutte contre le terrorisme.  Les Pays-Bas rappellent que toute mesure de lutte contre le terrorisme doit respecter le droit international, qu'il s'agisse du droit humanitaire, des droits de l'homme ou du droit des réfugiés, et demandent une nouvelle fois le renvoi de la situation en Syrie devant la Cour pénale internationale. 

L'Inde a dit partager les préoccupations des conférenciers concernant les menaces que le terrorisme fait peser sur l'état de droit.  Elle estime qu'il faut élargir la portée des instruments juridiques pour s'assurer que les acteurs non étatiques sont poursuivis.  L'Inde a demandé l'avis des panélistes sur l'attitude à adopter face aux États qui soutiennent ou financent le terrorisme. 

Enfin, la République arabe syrienne a dénoncé une absence de volonté réelle de lutter contre le phénomène terroriste, ainsi que l'attitude ambivalente de certains États qui financent des organisations terroristes.  Le fait d'interviewer, à la télévision, le chef du front Al-Nosra, pourtant dénoncé par l'ONU, ne revient-il pas à appuyer ce genre de mouvement ?

Le Conseil national des droits de l'homme du Maroc s'est dit préoccupé par le projet de loi marocain sur le terrorisme et ses lacunes en termes de définitions et de proportionnalité des peines encourues.  La loi pourrait par exemple considérer comme délit et non comme un crime la tentative de rejoindre un groupe terroriste. 

S'agissant des organisations non gouvernementales, Human Rights Watch, au nom également du Service international pour les droits de l'homme et la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme – FIDH, a dénoncé les abus dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, notamment en Égypte, où le Gouvernement a accusé l'ONG d'être promoteur de terrorisme, au Kenya où des défenseurs des droits de l'homme ont été arrêtés, aux États-Unis où la torture est employée mais aussi en Éthiopie.  AlSalam Foundation a également dénoncé le détournement des lois antiterroristes, notamment à Bahreïn, où un individu peut être placé jusqu'à six mois en prison ou torturé en détention préventive avant procès.  En Arabie saoudite, la détention peut durer jusqu'à un an avant de comparaître devant un juge. 

CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens a condamné sans réserve les attaques terroristes de vendredi dernier.  L'organisation a applaudi la prise de position de la Haut-Commissaire adjointe et des conférenciers: la lutte contre le terrorisme est un combat qui doit respecter les droits de l'homme et non les miner.  Malheureusement, les lois antiterroristes ne sont pas seulement utilisées contre les terroristes mais aussi, souvent, pour museler les journalistes, les défenseurs des droits de l'homme ou d'autres acteurs de la société civile.  Civicus a cité des mesures ou tendances inquiétantes à cet égard en Éthiopie, en Espagne et au Royaume-Uni. 

Comité consultatif mondial de la Société des amis – Quakers, au nom également de Amnesty International, a elle aussi relevé le caractère «dangereusement vague» des lois antiterroristes qui bafouent les principes de l'état de droit.  Dans de telles circonstances, certains États et organisations internationales se montrent complices d'autres États qui commettent des violations des droits de l'homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.  L' Organization for Defending Victims of Violence a, quant à elle, dénoncé la violence des attaques commises par Daech et regretté que les États manquent toujours d'autorité pour protéger leur population.  L'ONG exhorte les Nations Unies et la communauté internationale à aider l'Iraq et la Syrie dans la lutte contre le terrorisme de Daech.  La Commission arabe des droits de l'homme a observé que les États-Unis ont eu recours à la torture, ce qui a poussé d'autres pays à agir de même.  La Commission a souhaité qu'on l'éclaire sur le laxisme de la communauté internationale face à l'occupation israélienne, une situation qui alimente le terrorisme.

Enfin, Amuta for NGO Responsibility a souligné que l'incapacité à s'attaquer aux causes réelles du terrorisme constituait un véritable problème.  Ainsi de quel droit parle-t-on lorsque certains pays expriment leur intention «d'effacer» un autre État de la carte ou qu'ils estiment légitimes de tirer plus de quatre mille roquettes contre des objectifs civils ? L'antisémitisme, qui est le moteur de certains mouvements terroristes, doit aussi être pris en compte dans la réflexion. 

Réponses et conclusions des panélistes

M. EMMERSON a insisté sur la nécessité d'obliger les agents de l'État coupables de violations des droits de l'homme dans le cadre de la lutte antiterroriste à rendre compte de leurs actes devant la justice.  Les États doivent simultanément poursuivre les acteurs non étatiques responsables d'actes de violence.  S'agissant de la lutte contre Daech ou de la situation en Syrie, il faut bien admettre que le Conseil de sécurité ne s'est pas montré à la hauteur de sa tâche, a constaté le Rapporteur spécial.  Ses États membres sont responsables au premier chef de l'inaction de l'institution.  Le moment est donc venu de reconnaître que ces États doivent s'abstenir de recourir au veto lorsqu'il s'agit d'empêcher que des crimes atroces ne soient commis.

Le Rapporteur spécial a rappelé que son prédécesseur avait établi une compilation des mesures que les États peuvent prendre ses pour améliorer leur capacité à mettre en œuvre les engagements en matière de droits de l'homme.  Tout cela doit se faire dans le cadre de la Stratégie mondiale contre le terrorisme, qui a certes désormais dix ans mais qui reste inégalée.  Le terrorisme ne sera pas vaincu seulement par des moyens policiers ou militaires.  L'ensemble de la Stratégie mondiale est sous-tendue par le respect et la promotion des droits de l'homme, du droit international humanitaire, du droit des réfugiés.  Un des aspects de la Stratégie qui a peu été mis en application pendant longtemps concerne les conditions essentielles à établir pour supprimer les causes fondamentales du terrorisme.  Il est intéressant de voir comment ce pilier, longtemps un peu délaissé malgré le consensus obtenu en 2004, a été promu comme une priorité, depuis deux ou trois ans et c'est encourageant.  M. Emmerson a enfin proposé à la Chine d'examiner son projet de loi contre le terrorisme et d'évaluer sa compatibilité avec les normes internationales. 

M. SIQUEIRA a indiqué que le Centre des Nations Unies pour la lutte contre le terrorisme est en train de créer des modules de formation à la lutte contre le terrorisme.  L'expert a observé que le renforcement de la capacité des États s'accompagne d'un risque d'érosion de la légitimité de l'État s'il agit contre le terrorisme sans s'entourer des précautions juridiques indispensables, notamment au regard du respect des droits de l'homme.  Le Centre poursuit sa collaboration avec l'Union africaine et d'autres instances régionales pour coordonner l'action contre le terrorisme, notamment s'agissant du tarissement des ressources financières du terrorisme.  Il importe de donner à la société civile l'espace dont elle a besoin pour collaborer à la lutte antiterroriste.

Le Directeur de la lutte contre le terrorisme a lui aussi estimé que la Stratégie antiterroriste mondiale, qui s'était longtemps consacrée à la coopération technique, se porte depuis quelque temps sur le respect des droits de l'homme et les conditions à même de supprimer les causes fondamentales du terrorisme.  Il a par ailleurs rappelé que le Secrétaire général des Nations Unies continuait de combattre l'imposition de la peine de mort en toutes circonstances.  Il a par ailleurs rappelé que la Stratégie antiterroriste mondiale accordait de l'importance des victimes et aux mesures leur permettant d'être informées et de faire valoir leurs droits.  

M. MEDICO a déclaré que l'ONUDC considère essentiel le renforcement des capacités des États pour mener la lutte contre le terrorisme dans le respect du droit, l'objectif devant être d'éviter la radicalisation des communautés et des personnes.  L'efficacité de la prévention du terrorisme passe notamment par la mise à disposition d'orientations, de «bonnes pratiques» en matière de justice pénale.  Les aspects opérationnels, qui reposent sur le renseignement et la recherche de preuves, doivent eux aussi être régis par les principes de légalité et de proportionnalité.  L'ONUDC a élaboré un manuel recensant des pratiques optimales dans tous ces domaines. 

Le représentant de l'ONUDC a déclaré que l'on était convaincu dans son organisation qu'il était possible de renforcer encore la coopération entre les différentes entités concernées par la lutte contre le terrorisme.  Les terroristes, eux, sont solidaires ou s'autoradicalisent et une attention croissante du Conseil des droits de l'homme sera nécessaire.  Il faudrait appuyer le travail de l'ONUDC, notamment en ce qui concerne la prévention du recrutement de combattants étrangers.  Il a également cité comme moyens de lutter contre le terrorisme la lutte contre la radicalisation des détenus, la protection des témoins ou l'utilisation de sources issues du renseignement dans le cadre des procès. 
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*Déclarations faites dans le cadre du débat interactif sur les effets du terrorisme sur la jouissance par toutes les personnes des droits de l'homme et des libertés fondamentales: Arabie saoudite (au nom d'un groupe d'États), Égypte (au nom d'un groupe d'États), Algérie, s'exprimant au nom du Groupe africain), Albanie (au nom d'un groupe d'États), Pakistan, Suisse (au nom de trente-deux États), Équateur, Union européenne, Hongrie (au nom d'un autre groupe de trente-deux États),  Danemark (au nom du Groupe des pays nordiques), États-Unis, Cuba, Conseil de Europe, Organisation internationale de la Francophonie, Belgique, Irlande, Saint Siège, Égypte, Koweït, Namibie, Autriche, Sierra Leone, Niger, République islamique d'Iran, Hongrie, Maroc, Viet Nam, Chine, Bahreïn, Jordanie, Estonie, Pays-Bas, Inde, République arabe syrienne, Conseil national des droits de homme du Maroc, Human Rights Watch (au nom également du Service international pour les droits de l'homme et la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme – FIDH), Alsalam Foundation, CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens, Comité consultatif mondial de la Société des amis – Quakers (au nom également de Amnesty International), Service international pour les droits de l'homme, Organization for Defending Victims of Violence, Commission arabe des droits de l'homme, et Amuta for NGO Responsibility.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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