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Le Conseil des droits de l'homme examine des rapports sur le droit à la santé et sur les droits de l'homme des travailleurs migrants

Arrière

28 Mai 2013

Conseil des droits de l'homme
MATIN

28 mai 2013

Le Conseil des droits de l'homme a tenu ce matin un débat interactif avec le Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants, M. François Crépeau, qui a présenté hier une étude sur la gestion de la frontière extérieure de l'Union européenne et son impact sur les migrants, ainsi qu'avec le Rapporteur spécial sur le droit au meilleur état de santé possible, M. Anand Grover, qui a présenté hier des rapports sur le droit à la santé des travailleurs migrants et sur l'accès aux médicaments.

En matière de santé, des délégations ont relevé que la réalisation du droit à la santé reste un objectif éloigné compte tenu du coût qu'il comporte. Dans ce contexte, quelques-unes ont souligné l'importance d'une stratégie de production locale de médicaments, non seulement pour améliorer l'accès des médicaments mais aussi pour assurer une sécurité stratégique de l'accès et leur approvisionnement stable. Les États doivent promouvoir la recherche et le développement d'une industrie pharmaceutique dépendante du secteur public, a complété une d'entre elles. Alors qu'un tiers de la population des pays en développement n'a pas accès aux médicaments de base, il est nécessaire de mettre sur pied un ensemble de normes minimales, en conformité avec les droits de l'homme. Quelques délégations ont pour leur part souligné l'importance de la protection de la propriété intellectuelle pour la recherche médicale. Des organisations non gouvernementales ont alerté le Conseil sur des situations spécifiques de privation de droit à la santé, touchant notamment les femmes et les jeunes filles, les enfants vivants avec le VIH/sida ou les travailleurs du sexe.

En ce qui concerne les droits de l'homme des migrants, les délégations ont rappelé leur vulnérabilité face aux lois et pratiques des pays de transit et d'accueil. Un groupe d'États a appelé à réfléchir aux causes profondes des migrations, y compris illégales. Plusieurs délégation ont également fait part de leur préoccupation quant à la gestion des frontières extérieures de l'Union européenne et ce, en dépit des cadres normatifs adoptés. Une organisation non gouvernementale a estimé que les politiques migratoires fondées sur la dissuasion sont contraires aux objectifs même des politiques migratoires des États. En outre, l'initiative Frontex de l'Union européenne risque d'institutionnaliser le refoulement, pratique contraire au droit international. D'autres délégations se sont inquiétées de l'exploitation politique du sentiment anti-immigrés dans les pays de l'Union européenne, déplorant que rien ne soit fait pour y remédier. Dans ce contexte, elles se sont félicitées de l'organisation d'un dialogue de haut niveau sur la migration et le développement en marge des travaux de la prochaine session de l'Assemblée générale de l'ONU.

Les délégations suivantes ont participé aux échanges: Mexique (GRULAC), Brésil, Gabon (Groupe africain), Burkina Faso, Pakistan (OCI), Algérie (Groupe arabe), Argentine, Bahreïn, Union Européenne, Sierra Leone, Venezuela Thaïlande, Équateur, Arabie saoudite, Monténégro, Angola, Inde, Indonésie, Soudan, Éthiopie, Égypte, Portugal, Djibouti, Cuba, Chine, Norvège, Afrique du Sud, Belarus, Maroc, États-Unis, Paraguay, Syrie, Sri Lanka, Algérie, Saint-Siège, Côte d'Ivoire, Togo, UNICEF, Nigeria, Honduras, Philippines, Bangladesh, Uruguay, Bolivie. Ont également pris la parole plusieurs organisations non gouvernementales*.

Le Conseil examinera, à l'occasion d'une séance supplémentaire de la mi-journée, des rapports sur la traite des êtres humains et sur l'extrême pauvreté.

Droits des migrants

M. François Crépeau, Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants, a présenté hier après-midi son étude intitulée: «Étude régionale: la gestion des frontières extérieures de l'Union européenne et ses incidences sur les droits de l'homme des migrants» (A/HRC/23/46), ainsi que ses rapports de mission en Tunisie (A/HRC/23/46/Add.1 à paraître en français), en Turquie (A/HRC/23/46/Add.2), en Italie (A/HRC/23/46/Add.3 à paraître en français) et en Grèce (A/HRC/23/46/Add.4). L'Union européenne, la Turquie et la Tunisie sont intervenues hier en fin de journée.

Parties concernées

L'Italie a réitéré son engagement en faveur du respect des droits des migrants. Le Gouvernement s'est doté d'un Ministère de l'intégration et la coopération internationale, en 2011, et a adopté un accord d'intégration des primo-arrivants, en 2012. La délégation a souligné que l'Italie avait secouru 6700 migrants en mer en 2012 et qu'elle avait porté assistance à 17 600 migrants déjà entrés sur son territoire. L'Italie estime que le rapport du Rapporteur spécial aurait dû présenter de manière plus équilibrée le système d'accueil et d'assistance aux migrants, ainsi que l'importance accordée à la protection des droits de ces personnes dans la loi et les procédures administratives. La délégation a décrit les mesures prises en faveur des mineurs non accompagnés, mesures que la société civile a contribué à élaborer. La délégation a contesté par ailleurs le fait que M. Crépeau ait fondé ses critiques uniquement sur des témoignages oraux et qu'il ait mis en cause des Carabiniers, dont la réputation et le professionnalisme sont reconnus internationalement. Elle a noté que ce corps de police n'avait fait l'objet d'aucune plainte ni procédure pénale ou disciplinaire.

La Grèce a assuré que le respect de la dignité humaine et des droits fondamentaux de l'homme se trouvaient au cœur même de sa politique. Elle a évoqué les grandes lignes du «Plan d'action national sur la réforme du système d'asile et de gestion de la migration», en citant les principales mesures prises à ce jour. Ce Plan d'action est révisé régulièrement pour l'adapter aux réalités. Ainsi, l'Union européenne, les États membres et les organisations internationales compétentes, dont le bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés à Athènes, reconnaissent les progrès accomplis. La Grèce est convaincue que la mise en œuvre effective du Plan répondra à la majorité des préoccupations exprimées dans le rapport de M. Crépeau. La délégation a rappelé que la Grèce était un pays de transit pour les migrants et qu'elle continuerait à être confrontée à une forte pression migratoire en raison de sa position géographique à la périphérie de l'Union européenne, dans le voisinage immédiat des pays d'origine des migrants. Il ne fait pas de doute que cette situation impose un fardeau financier et administratif énorme à la Grèce, tout en constituant un défi pour la cohésion nationale, a conclu la délégation.

La Commission nationale des droits de l'homme de Grèce a déclaré que de nombreux progrès restaient à faire, en particulier s'agissant d'une approche européenne commune du droit des migrants. Elle s'est félicitée des conclusions et des recommandations du rapport, qui appelle à une plus grande solidarité entre les membres de l'Union européenne et un meilleur partage des responsabilités. Le système d'asile européen doit être repensé pour être axé sur la dignité humaine et les droits de l'homme, a souligné la Commission.

Débat interactif

Les délégations ont fait part de leur préoccupation quant à la politique de gestion des frontières extérieures de l'Union européenne. Tout en se félicitant de la prise en compte, par l'Union européenne, des droits de l'homme des migrants, particulièrement ceux en situation irrégulière, l'Angola a exprimé sa préoccupation de ce que cette politique ne soit pas toujours mise en œuvre dans certaines situations concrètes, du fait d'une pression migratoire massive et du débordement des capacités d'accueil. La Sierra Leone a noté que la sévérité des procédures de migration légale en Europe, en particulier pour la main d'œuvre peu qualifiée, engendre une prolifération de réseaux clandestins; les pays européens doivent envisager d'alléger les contraintes juridiques pour combattre l'immigration clandestine. Le Gabon, au nom du Groupe africain, s'est inquiété que la protection des droits de l'homme des migrants en Europe ne soit pas garantie sur le terrain. Le Groupe africain estime qu'il est impératif de traiter les causes profondes de la migration clandestine afin de juguler ce fléau. En outre, la gestion des politiques migratoires doit prendre en compte les réseaux clandestins. Le Bélarus s'est inquiété de la montée du sentiment anti-immigrés dans les pays de l'Union européenne et de son exploitation à des fins politiques.

Les États-Unis se sont pour leur part félicités des efforts consentis par l'Union européenne pour protéger les migrants en situation régulière, estimant qu'il faut toutefois en faire davantage pour les migrants en situation irrégulière, notamment afin de lutter contre leur exploitation. Le Nigéria s'est félicité des programmes et politiques migratoires instaurés par l'Union européenne tout en estimant que ceux-ci ne devraient pas se limiter aux migrants légaux. Il serait encore plus important que les migrants en situation irrégulière soient concernés. À l'instar de l'Uruguay, le Nigéria convient avec M. Crépeau qu'il s'agit là d'une des grandes faiblesses de la stratégie européenne dans le domaine. La Bolivie, qui a souligné que les migrants contribuaient à la prospérité économique de l'Europe, a déploré que certains pays favorisent la libre circulation des capitaux, mais nient cette liberté à des personnes selon leur origine géographique.

Le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique, a proposé la mise sur pied d'un organisme indépendant d'observation de la situation des migrants en Europe, pour évaluer les discriminations dont ils sont victimes. Un ensemble harmonisé de normes de traitement des migrants devrait aussi être adopté, a-t-il ajouté. Pour le Burkina Faso, une approche centrée sur les droits de l'homme doit prévaloir dans les décisions relatives à la gestion des migrants, notamment en ce qui concerne les clandestins souvent assimilés, à tort, à des délinquants et mis en détention dans des conditions inhumaines. La Côte d'Ivoire s'est dite préoccupée par la persistance des abus et violations massives subies par les migrants dans les pays d'origine, les zones de transit et les pays d'accueil, en particulier pour les migrants en situation irrégulière. Les pays d'accueil doivent renforcer leurs politiques d'intégration des migrants en situation régulière et développer des politiques de migration axées sur les droits de l'homme.

La Thaïlande a souligné que l'apport économique des migrants doit être reconnu par les pays d'accueil. L'Algérie, au nom du Groupe arabe, a elle aussi souligné que la contribution des immigrés dans le domaine économique et social est indispensable aussi bien pour les pays de destination que d'origine. Elle a noté que la crise économique a engendré une perception négative des migrants en situation irrégulière, en dépit de leurs droits fondamentaux. Une approche multilatérale innovante doit être adoptée pour lutter contre ces perceptions erronées et les réseaux clandestins qui tirent profit de ces flux migratoires. À l'instar de Sri Lanka, l'Algérie a appelé l'Union européenne à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Le Paraguay a relevé que le nombre de décès de migrants souligne l'importance d'une approche fondée sur les droits de l'homme en matière de migration. Il faut lutter contre la stigmatisation des migrants, qui participent à la prospérité des pays où ils se trouvent. Les États qui ont besoin de main d'œuvre devraient offrir des moyens légaux d'accès des migrants au travail pour lutter contre les réseaux clandestins et l'exploitation des travailleurs vulnérables.

L'Équateur a mis en avant ses programmes d'aide aux migrants mis en place par son Gouvernement, notamment à l'intention des Équatoriens qui choisissent de rentrer au pays. Le Honduras a souligné qu'un million de ses ressortissants sont partis en quête d'une vie meilleure à l'étranger. L'accueil dans les pays d'immigration est un défi non seulement pour ceux-ci mais pour l'ensemble de la communauté internationale. Le Honduras appelle les pays d'accueil à ratifier la Convention sur les droits des travailleurs migrants, la majorité d'entre eux ne l'ayant pas signée.

L'Éthiopie a fait part de sa préoccupation face au sort des migrants, dont la situation de précarité à tous les niveaux – conditions de travail, de logement, santé, discrimination – affecte leurs droits les plus élémentaires. Djibouti a demandé au Conseil d'accorder une attention particulière aux catégories de migrants les plus vulnérables, notamment les migrants peu qualifiés ou illettrés.

Le Monténégro a averti qu'avec l'adhésion de la Croatie, il s'attendait à un afflux de migrants désireux d'entrer dans l'Union européenne. Pour la Chine, il faut lutter contre les réseaux illégaux et sécuriser les voies de migration régulière. Le Portugal, en tant que pays d'accueil et de passage de migrants, a estimé que pour arriver à des réalisations concrètes sur la question des migrants, il faut passer par le dialogue, en raison des difficultés posées par la question migratoire.

Plusieurs délégations, dont celles de l'Égypte et de l'Angola, se sont félicitées de l'organisation d'un dialogue de haut niveau sur la migration et le développement sous les auspices des Nations Unies et de l'Organisation internationale des migrations, en octobre prochain, à New York, en marge des travaux de l'Assemblée générale de l'ONU. La Norvège a appuyé la recommandation du Rapporteur spécial visant à la suppression des tests de VIH et de grossesse imposés par certains pays aux migrants, parfois contre leur consentement.

Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) a souligné que des mineurs ne devraient jamais être détenus sous le prétexte qu'ils sont enfants de migrants irréguliers. Il a rappelé que le Comité des droits de l'enfant considérait qu'il s'agissait d'une violation de ces droits. Les politiques migratoires doivent faire en sorte que les enfants ne soient pas séparés de leurs parents, à moins que ce ne soit dans leur intérêt. L'UNICEF rappelle que la Convention des droits de l'enfant protège les droits de tous les enfants où qu'ils se trouvent et dans toutes les situations.

La Commission internationale des juristes a déclaré que les politiques migratoires fondées sur la dissuasion sont contraire aux objectifs des politiques migratoires elles-mêmes. L'initiative Frontex risque d'institutionnaliser le refoulement, pratique contraire au droit international. Worldwide Organization for Women a déploré que dans certains pays, l'expulsion de migrants soit devenue monnaie courante. Alors que l'on commémore les vingt ans de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne, il est temps de mettre en place une véritable réflexion sur les politiques migratoires.

Conclusion du rapporteur

M. FRANÇOIS CRÉPEAU, Rapporteur spécial sur les droits des migrants, a répondu à un certain nombre de questions posées par les intervenants lors du débat. Il a ainsi observé que si la directive de l'Union européenne sur les travailleurs saisonniers est intéressante, elle contient malheureusement des lacunes quant à la situation de leurs familles. Les événements récents en Suède, très inhabituels, soulignent la nécessité d'intégrer les migrants aux sociétés d'accueil. Le cadre des droits de l'homme s'applique à tous les migrants, qui disposent des mêmes droits fondamentaux que les citoyens, hormis le droit de vote et d'éligibilité. M. Crépeau invite tous les États à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles. Les migrants ne doivent pas vivre dans la crainte constante d'une expulsion. Les exemples de bonnes pratiques doivent être encouragés dans l'intérêt même des États.

Droit à la santé

M. Anand Grover, Rapporteur spécial sur le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé mentale et physique possible, a présenté hier après-midi son rapport sur le droit à la santé des travailleurs migrants (A/HRC/23/41 à paraître en français), ainsi qu'une étude sur l'accès aux médicaments (A/HRC/23/42 à paraître en français). Trois additifs (à paraître en français) concernent les missions du Rapporteur spécial en Azerbaïdjan (A/HRC/23/41/Add.1), au Tadjikistan (A/HRC/23/41/Add.2) et au Japon (A/HRC/23/41/Add.3).

Débat interactif

S'agissant du rapport sur le droit à la santé des travailleurs migrants, le Venezuela a relevé que les migrants en situation irrégulière, en particulier les plus pauvres, n'ont toujours pas accès aux médicaments essentiels. Des procédures doivent être établies pour garantir leur accès à la justice, a-t-il souligné. L'Indonésie a énuméré les mesures prises en faveur de la santé des migrants. Le Maroc a rappelé que l'accès aux soins pour tous, y compris les migrants en situation irrégulière, est une obligation internationale au titre de la Convention internationale pour la protection des travailleurs migrants et des membres de leurs familles.

La Libye a affirmé la nécessité d'assurer une couverture médicale universelle, y compris pour les migrants. Les Philippines ont constaté elles aussi que le droit à la santé des migrants était l'un des thèmes les plus négligés de l'agenda international. Les autorités philippines s'efforcent d'informer leurs ressortissants à ce sujet, notamment en matière de prévention du VIH/sida et des possibilités d'obtenir des soins à l'étranger. La délégation s'est félicitée des politiques d'intégration des droits impulsées par l'Union européenne, soulignant la concertation instaurée entre les Philippines et l'Union. Elle a déploré la coordination insuffisante dans les garanties minimales offertes par les États membres aux sans-papiers. Le Bangladesh a souligné pour sa part que les migrants irréguliers hésitaient souvent à se faire soigner par crainte d'être expulsés. Il a rappelé que les migrants doivent être traités avec dignité quel que soit leur statut légal. L'Algérie, au nom du Groupe arabe, a rappelé que les migrants subissaient nombre de discriminations, en particulier s'agissant de leur droit à la santé. Pour sa part, l'Uruguay a fait valoir que sa réglementation garantissait l'accès aux soins des migrants. Il a souligné que tout migrant pouvait obtenir un titre de séjour sur son territoire dans un délai de 48 heures.

Le Mexique, s'exprimant au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes, a relevé que la réalisation du droit à la santé reste un objectif difficile à atteindre compte tenu du coût qu'il implique. En outre, la question de l'accès aux médicaments est un élément essentiel du débat sur la responsabilité des États de fournir des médicaments sûrs et efficaces à leurs populations, pour garantir leur droit à la santé. À cet égard, il faut trouver des stratégies nationales et internationales pour régler la question du prix des médicaments. Pour la Libye, la question du prix des médicaments et de leur montant souvent exorbitant devrait être une des priorités de l'action internationale.

L'Afrique du Sud a déploré que le rapport de M. Grover n'évoque pas la question de la propriété intellectuelle, qui pour son pays revêt une importance capitale. Le Brésil et l'Argentine ont souligné que la protection de la propriété intellectuelle est importante pour la recherche médicale, mais qu'il faut également prendre en compte l'obligation des États de garantir l'accès aux médicaments. La production locale est primordiale pour garantir la disponibilité des médicaments essentiels, qui est assurée, en Argentine, par un plan national. Le Brésil a présenté un projet de résolution sur le droit à la santé, qui sera soumis au Conseil au cours de la présente session.

Les États-Unis ont rappelé que la recherche montre que de multiples obstacles se dressent face à l'accès aux médicaments, notamment en raison de règlementations étatiques. L'accroissement des droits de douanes pour renforcer la production locale de médicaments augmente les prix et ne constitue pas une bonne solution pour garantir l'accès aux médicaments, estiment les États-Unis. Sri Lanka, pour sa part, s'est inquiété du fait qu'un tiers de la population des pays en développement n'ait pas accès aux médicaments de base. Comme le dit le Rapporteur spécial, il faut changer de paradigme en la matière: abandonner l'approche fondée sur le marché et en adopter une nouvelle, basée le droit à la santé. Une politique nationale du médicament favorise l'accès aux médicaments essentiels.

Le Gabon, au nom du Groupe africain, a déclaré que le droit à la santé implique la garantie du droit à l'eau potable, à l'alimentation et à l'éducation. Il est nécessaire de mettre sur pied un ensemble harmonisé de normes minimales relatives à l'accès aux médicaments de base en conformité avec les droits de l'homme, a-t-il ajouté. La Sierra Leone a déclaré que les États doivent prendre en compte les questions de développement lorsqu'ils mettent sur pied des politiques en matière de santé. Une approche fondée sur les droits de l'homme contribue en effet à des gains de santé pour les femmes et les enfants. L'Égypte a rappelé qu'aux côtés du Brésil, de l'Inde, de l'Afrique du Sud et de la Thaïlande, elle avait lancé une initiative internationale pour l'accès aux médicaments. Le Soudan a critiqué les embargos unilatéraux imposés par certains pays, qui entravent l'accès aux médicaments. À l'instar de nombreuses délégations, l'Indonésie a souligné qu'il en allait de la responsabilité des États d'assurer le droit à la santé de leur population, y compris en assurant un accès abordable aux médicaments. Enfin, Bahreïn s'est félicité des recommandations contenues dans le rapport de M. Grover.

L'Inde est convenue, avec le Rapporteur spécial, que l'accès aux médicaments constituait une composante essentielle du droit à la santé, estimant qu'il était fondamental de favoriser la production locale. Il doit s'agir d'une stratégie à long terme, non seulement pour améliorer l'accès des médicaments mais aussi pour assurer une sécurité stratégique de l'accès et leur approvisionnement stable. Les États doivent promouvoir la recherche et le développement d'une industrie pharmaceutique liée au secteur public. La Thaïlande a souligné que le marché ne garantissait pas un accès correct aux médicaments. Par conséquent, une bonne gouvernance dans l'ensemble de la chaîne pharmaceutique est importante pour assurer un accès abordable et de qualité aux médicaments. Il faut particulièrement s'intéresser aux groupes vulnérables et aux personnes marginalisées, estime la Thaïlande. L'Arabie saoudite a mis en place un monopole chargé de la distribution des médicaments, l'objectif étant de contrôler les prix et de garantir l'accès universel à la santé.

La Chine a indiqué avoir adopté un programme social qui, aujourd'hui, lui permet d'obtenir une baisse de près de 30% du prix des médicaments. La Chine croit, en outre, en l'importance de la coopération internationale et le transfert de technologies. Cuba, ayant une expérience en la matière, est à la disposition d'autres délégations pour un échange de bonnes pratiques et souhaite savoir quel rôle peut jouer la coopération Sud-Sud dans ce domaine. Le Togo a indiqué s'être doté d'un Plan national de développement sanitaire pour la période 2012-2015. Celui-ci vise à rapprocher l'offre de soins des communautés, à renforcer l'utilisation des services, à améliorer la qualité des soins essentiels et à améliorer l'efficacité du financement de la santé. Cet engagement des pouvoirs publics a particulièrement été notable en ce qui concerne la lutte contre le VIH/sida. Plus de 27.000 personnes séropositives ou malades bénéficient d'un traitement gratuit.

La Syrie a indiqué être à la pointe en matière de production de médicaments dans sa région. Le pays comptait 70 usines de médicaments qui couvraient 93% de ses besoins jusqu'en 2012, mais des attaques ont été menées contre ces usines et certaines ont déménagé en Turquie en vue de briser l'industrie pharmaceutique syrienne. En outre, le transport des médicaments et des équipements hospitaliers est rendu très difficile par les terroristes. Ceci n'empêche cependant pas le Gouvernement de fournir des médicaments à tous les citoyens, sans distinction et gratuitement, en dépit des sanctions économiques injustes. La Syrie a invité le Rapporteur spécial à étudier la situation des populations vivant dans le Golan occupé.

De son côté, l'Union européenne a estimé que le droit à la santé doit être considéré de façon globale, l'accès aux médicaments n'étant qu'un aspect du problème. La qualité et l'utilisation rationnelle des médicaments sont également des questions importantes. Elle s'est interrogée sur le rôle et la participation de l'industrie pharmaceutique dans la réalisation du droit à la santé. Pour le Saint-Siège, la solidarité internationale est cruciale pour lutter contre les obstacles, notamment politiques, à l'accès aux médicaments. Faciliter l'accès aux médicaments est complexe, il faut adopter une approche globale dans ce domaine.

Plusieurs organisations non gouvernementales ont alerté le Conseil sur des situations spécifiques. Le Centre for Reproductive Rights et Action Canada pour la population et le développement ont souligné l'accès limité des femmes et jeunes femmes aux médicaments contraceptifs dans le monde. Cette situation est une violation des droits humains des femmes; les jugements moraux ou religieux ne doivent en aucun cas contraindre une femme à renoncer à son droit à la contraception. Le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples (MRAP) a évoqué la situation des réfugiés du camp d'Ashraf et de Camp Liberty. Les droits de base de ces personnes, dont celui à la santé sont quotidiennement violés, a poursuivi le représentant de l'ONG, appelant le Rapporter spécial à enquêter sur cette situation. Réseau juridique canadien VIH/sida pour le développement a attiré l'attention du Conseil sur la vulnérabilité des travailleurs du sexe, y compris des travailleurs transgenre. Ces personnes ne doivent pas être marginalisées en raison de leur activité ou de leur identité de genre, a plaidé l'ONG. Caritas Internationalis a déploré que plusieurs acteurs ne soient pas pris en compte dans l'élaboration des politiques d'accès aux médicaments. Dans ce contexte, Elizabeth Glaser Pediatric AIDS Foundation a demandé aux États de prendre en compte es besoin des enfants dans leurs programmes de santé, en particulier des enfants vivant avec le VIH/sida. Human Rights Now a déploré la faiblesse des mesures de protection des populations prises par le Japon après l'accident nucléaire de Fukushima-Daïchi. De nombreuses personnes, dont des femmes et des enfants vivent encore dans des zones très irradiées. Le Gouvernement du Japon doit tout mettre en œuvre pour que sa population vice dans un univers sains et sûre. En conséquence, le Japon doit revoir ses normes en matière de radiation et les conformer aux normes internationales, a ajouté Peace Boat, une ONG basée au Japon.

Conclusion du rapporteur

M. ANAND GROVER, Rapporteur spécial sur le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, a remercié les pays qui ont collaboré avec lui durant ses visites. Deux problèmes demeurent s'agissant du Japon: le gouvernement accorde une place excessive aux recommandations des experts, au détriment des opinions de la société civile. Il devrait organiser des consultations avec la société civile et les communautés concernées par l'adoption et l'application des politiques. Les points de vue des personnes vulnérables doivent aussi être pris en compte dans ces consultations. Il reste d'autre part des problèmes d'ordre technique à résoudre: qu'est-ce qu'une «dose sûre» de radiations? Ce n'est pas clair, les experts ne sont pas d'accord. Le nombre des cancers augmente de manière proportionnelle à cette dose. Pourquoi ne pas fixer, dans ces conditions, une limite basse? M. Grover a remarqué que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a déjà demandé au Japon d'adresser des recommandations claires à la population.

Le cadre du droit à la santé repose sur les droits de l'homme, le Rapporteur spécial étant à cet égard d'un avis opposé aux États-Unis. Les grands pays doivent maintenant opérer des transferts de technologie vers les pays pauvres, comme l'Inde l'a fait au profit de l'Ouganda, par exemple. L'accès aux médicaments s'inscrit dans la question plus vaste de la couverture de santé universelle, a relevé enfin M. Grover.

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Organisations non gouvernementales*: Commission internationale des juristes, Worldwide Organization for Women, Caritas Internationalis, Commission internationale de juristes, Action Canada pour la population et le développement, Elizabeth Glaser Pediatric AIDS Foundation, Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), Canadian HIV/AIDS Legal Network, Center for Reproductive Rights, Human Rights Now, Worldwide Organization of Women, Peace Boat.

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