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Conseil des droits del'homme: Réunion-débat sur la protection des droits de l'homme dans un contexte multiculturel

Arrière

29 Juin 2012

Conseil des droits de l'homme

MATIN 29 juin 2012

Le Conseil des droits de l'homme a tenu ce matin une réunion-débat sur la promotion et la protection des droits de l'homme dans un contexte multiculturel, notamment au moyen de la lutte contre la xénophobie, la discrimination et l'intolérance. La séance était présidée par M. Anatole Fabien Marie Nkou, ambassadeur du Cameroun et Vice-Président du Conseil.

Cinq experts ont ouvert les débats: M. Gurharpal Singh, Doyen à l'École des études africaines et orientales de l'Université de Londres, M. Alain Godonou; Directeur de la division des programmes thématiques pour la diversité, le développement et le dialogue à l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO); Mme Mouna Zulficar, membre du Comité consultatif du Conseil des droits de l'homme et du Conseil national égyptien pour les droits de l'homme; M. Doudou Diène, expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Côte d'Ivoire et ancien rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme; et M. Mario Marazitti, Journaliste et membre du Conseil de la Communauté internationale de Sant'Egidio. L'animateur du débat était M. Hisham Badr, ambassadeur de l'Égypte. Le cadre théorique et formel du débat a été présenté dans une déclaration faite au nom de Mme Kyung-wah Kang, Haut-Commissaire adjoint aux droits de l'homme.

M. Singh a expliqué que le multiculturalisme est une doctrine normative posant que les principes de la justice doivent respecter les identités culturelles des personnes, ajoutant que l'une des grandes difficultés à traduire les principes du multiculturalisme en politiques concrètes réside dans la «réinvention» perpétuelle de la xénophobie. M. Godonou a montré comment l'UNESCO inscrit son action normative et opérationnelle dans la défense et la promotion de la dimension créative de la diversité culturelle, qui génère une dynamique de changement ayant une influence sur la façon dont les groupes culturels se définissent eux-mêmes. Mme Zulficar a constaté que la révolution égyptienne illustre l'essence même du principe édicté par la Déclaration de Durban: à savoir que les lois seules ne peuvent garantir et protéger les droits de l'homme dans le contexte de la diversité culturelle mais que les valeurs de solidarité, de tolérance et de respect mutuel doivent exister dans un environnement démocratique afin de créer un terrain efficace favorisant la coexistence. M. Diène a préconisé un passage au pluralisme fondé sur la reconnaissance, le respect, la promotion et la protection de la diversité. M. Marazitti a souligné l'importance de combattre la marginalisation, car c'est elle qui concrétise la discrimination: il convient d'éviter de cataloguer, de classer les individus en fonction de leur origine ou de leur culture et mener une action sur le terrain visant à favoriser l'interculturalisme.

Plusieurs pays ont présenté les mesures qu'ils ont prises pour promouvoir le dialogue interculturel et lutter contre le racisme, la xénophobie et la discrimination au sein de leur société. La Norvège a pour sa part indiqué avoir choisi, après le massacre d'Utoya perpétré l'été dernier, de répondre à la haine du multiculturalisme par davantage d'ouverture et une intensification de la lutte contre les préjugés. Plusieurs délégations ont souligné l'importance de l'éducation dans la lutte contre les discriminations. Les délégations ont également insisté sur la nécessité de sanctionner toutes les agressions contre tous les groupes minoritaires. Il appartient aux États de promouvoir et protéger tous les droits de l'homme, y compris la protection contre la discrimination. Les délégations ont souligné qu'il fallait tirer parti du multiculturalisme pour promouvoir les droits de l'homme. Des délégations ont en outre souligné que la diversité culturelle ne doit pas être invoquée pour limiter les droits de l'homme; les droits de l'homme ne changent pas de sens selon les contextes. Certaines délégations ont pour leur part déploré la prolifération de partis racistes et xénophobes dans de nombreux pays européens.

Les États suivants ont fait des déclarations: Jordanie (au nom du Groupe arabe), Sénégal (au nom du Groupe africain), Chili, Égypte, Azerbaïdjan, Union européenne, Uruguay, Fédération de Russie, Australie, Autriche, Thaïlande, Argentine, Cuba, Croatie, Allemagne, Turquie, États-Unis, Chine, Indonésie, Norvège, Iran, Italie, Brésil, Maroc, Royaume-Uni, Pakistan et Venezuela. L'Organisation de la coopération islamique a aussi participé au débat, de même que les organisations non gouvernementales United Nations Watch, Tchad Agir pour l'Environnement et Nord-Sud XXI.

Le Conseil tiendra à 15 heures un débat général consacré aux organismes et mécanismes de protection des droits de l'homme.

Réunion-débat sur la promotion et la protection des droits de l'homme dans un contexte multiculturel

Déclaration liminaire

Dans une déclaration lue par M. Yuri Boychenko du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, MME KYUNG-WHA KANG, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, souligne que la diversité grandissante des cultures au sein des sociétés pose de grands défis aux États, aux responsables politiques, aux institutions nationales des droits de l'homme et aux acteurs de la société civile dans pratiquement tous les pays et dans toutes les régions du monde. Les migrations sous toutes leurs formes constituent le principal facteur de la diversification culturelle dans les pays. L'histoire montre que les sociétés ont largement tiré partie des mouvements de population pour assurer leur vitalité socio-économique et un enrichissement culturel. Pourtant, le discours public dominant au sujet de la migration est largement négatif, et les sentiments anti-immigrants et les pratiques discriminatoires sont en augmentation. La Haut-Commissaire a tiré la sonnette d'alarme à plusieurs reprises face à cette situation.

Pour progresser, il faut toujours s'inspirer de la Déclaration universelle des droits de l'homme selon laquelle tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Le Programme d'action de Durban adopté en 2001 appelle les États à faire en sorte que leur système politico-juridique reflète bien la diversité multiculturelle au sein de leur société. L'intégration effective, la diversité culturelle et un multiculturalisme authentique ne peuvent être atteints que par la promotion et la protection des droits de l'homme.

Exposés des panélistes

M. GURHARPAL SINGH, Doyen à l'École des études africaines et orientales de l'Université de Londres, a déclaré que le multiculturalisme est une doctrine normative posant que les principes de la justice doivent respecter les identités culturelles de chacun. Les tenants de cette doctrine s'inscrivent en faux contre ceux qui appellent à l'application universelle de règles identiques, une pratique qui nierait les identités culturelles et, en particulier, les traditions des groupes culturels minoritaires. Pour le multiculturalisme, la justice exige que soient protégées les cultures minoritaires, y compris par l'adoption d'actions affirmatives de la part des États. Il est clair qu'il est beaucoup plus facile d'adopter des politiques multiculturelles que des lois et règlements capables de lutter efficacement contre le racisme, la xénophobie, la discrimination et l'intolérance.

L'une des grandes difficultés à traduire les principes du multiculturalisme en politiques concrètes réside dans la réinvention perpétuelle de la xénophobie, du racisme et de l'intolérance, comme c'est le cas par exemple s'agissant de l'islamophobie. Le discours sur l'islamophobie coïncide avec l'identification de plus en plus fréquente de certaines communautés de migrants en Occident à des valeurs religieuses plutôt qu'ethniques ou culturelles. On peut soutenir que les identités religieuses méritent d'être protégées. Mais la nature et le degré de cette protection sont des notions très controversées car l'identité religieuse est souvent perçue, dans les pays occidentaux, comme contraire aux valeurs fondamentales de la liberté d'expression et de la laïcité. Dans les pays en voie de développement, cette position normative peut légitimer le soutien de l'État à une religion au nom du multiculturalisme et limiter fortement d'autres droits, notamment la liberté de religion et d'expression. La liberté d'offenser la religion se heurte très vite à des limites pratiques, on l'a vu ces dernières années.

Il importe de définir avec soin jusqu'à quel point protéger les sensibilités religieuses. Préserver les traditions religieuses de toute critique, raisonnable ou non, semble exagéré. D'ailleurs, la critique du multiculturalisme émane de certains groupes – femmes minorités culturelles et religieuses – qui craignent de voir leurs droits compromis par l'autorité confiée à certains responsables communautaires. Les tenants du multiculturalisme estiment qu'il est possible d'apaiser les tensions entre multiculturalisme et droits de l'homme non en imposant telle ou telle vision du monde, mais par le dialogue. Ils reconnaissent simultanément qu'il existe, de fait, non pas un modèle prescriptif du multiculturalisme, mais des multiculturalismes adaptés à des contextes différents. Le changement culturel doit donc être obtenu en soutenant des processus interculturels, plutôt qu'en cherchant la conformité à des normes déterminées.

M. ALAIN GODONOU, Directeur de la division des programmes thématiques pour la diversité, le développement et le dialogue à l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), a déclaré que la xénophobie, la discrimination et l'intolérance sont de puissants moteurs de conflits et de guerres. Dans ce contexte, l'UNESCO, depuis sa création, s'est donnée pour mission de construire la paix dans l'esprit des hommes et des femmes. Pour cela, elle dispose de plusieurs instruments politiques et juridiques de référence, dont la déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle, adopté en 2001 et la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de 2005. Par ailleurs, l'UNESCO, notamment sa branche culturelle, a toujours favorisé la protection et la sauvegarde de la riche diversité et des témoignages de la culture, qu'ils soient patrimoniaux, artistiques ou linguistiques. Remontant aux origines philosophiques du système international, M. Godonou a souligné que reconnaître que tous les hommes et femmes sont libres et égaux revient également à accepter de les recevoir dans la diversité de leurs cultures, croyances, identités et institutions. Pour autant, a-t-il poursuivi, l'appréciation des témoignages culturels, si elle a aidé à comprendre l'universalité des cultures et leur égalité, n'a pas suffi à exclure le racisme, la xénophobie, la discrimination et l'intolérance. Pour preuve, la destruction spectaculaire de biens culturels qui a émaillé ces vingt dernières années, a-t-il ajouté. C'est dans cet esprit, a-t-il indiqué, que l'UNESCO vient de déclarer la ville de Tombouctou patrimoine en péril, dans le contexte de crise que traverse le nord du Mali.

M. Godonou a ensuite souligné que les deux instruments normatifs susmentionnés établissent clairement un lien entre la défense des droits de l'homme et la diversité culturelle, ajoutant que la reconnaissance des droits culturels comme partie intégrantes des droits de l'homme constitue en soi une avancée considérable aux plans national et international. Mais en faisant tomber les droits culturels dans la sphère politico-juridique, la question de la diversité provoque au sein des États une double anxiété, a-t-il cependant reconnu. D'une part, cela alimente une inquiétude fondamentalement économique, car les pratiques et les références culturelles reconnues par un État peuvent se traduire par des revendications dans toute une série d'espaces et de pratiques institutionnelles, comme l'emploi, le logement, le crédit ou encore les avantages fiscaux et les bourses d'étude. D'autre part, en accordant la diversité culturelle, les contours de la citoyenneté nationale s'estompent et peuvent faire naitre l'idée que la diversité représenterait une menace pour l'identité, donc pour l'intégrité nationale. C'est conscient de cela que l'UNESCO a ancré son action normative et opérationnelle dans la défense et la promotion de la dimension créative de la diversité culturelle, a expliqué M. Godonou. Cette dernière génère en effet une dynamique de changement culturel qui influe invariablement sur la façon dont les groupes culturels se définissent eux mêmes. Il est donc fondamental de favoriser la libre circulation des idées et des œuvres, a conclu M. Godonou.

MME MOUNA ZULFICAR, membre du Comité consultatif du Conseil des droits de l'homme et du Conseil national égyptien pour les droits humains, a déclaré que la diversité culturelle était aussi nécessaire à l'humanité que la biodiversité l'est pour la nature. Elle a constaté que la récente révolution égyptienne avait illustré l'essence même du principe édicté par la Déclaration de Durban selon lequel les lois à elles seules ne peuvent garantir et protéger les droits de l'homme dans le contexte de la diversité culturelle, les valeurs de solidarité, de tolérance et de respect mutuel devant exister dans un environnement démocratique afin de créer un terrain efficace propice à la coexistence. Au cours de la révolution égyptienne, a poursuivi Mme Zulficar, le monde a vu des manifestations pacifiques massives auxquelles ont participé des Égyptiens des deux sexes, de tous âges, de milieux sociaux divers et de religions différentes. Mais, après le renversement du Président Moubarak, on a également assisté à une dégradation des structures sociales et communautaires qui avaient permis au peuple d'être uni, a-t-elle constaté. En outre, a-t-elle ajouté, les ambitions des forces cherchant à consolider leur hégémonie sur la majorité se sont intensifiées, ce qui a porté atteinte à la cohésion populaire. Ces dérives ont donné lieu à des violences et à des manifestations de discrimination, deux églises ayant même été incendiées avec un bilan de plusieurs victimes. De nombreux Égyptiens ont été horrifiés d'assister à une telle dégradation. En réaction, le Gouvernement a promulgué au mois d'octobre dernier une loi incriminant tout acte discriminatoire fondé sur le genre, l'origine, la langue, la religion ou la croyance. En conclusion, Mme Zulficar a souligné que la promotion de la diversité culturelle constituait une source de richesse renouvelable pour la vie personnelle et collective, à condition qu'elle puisse s'épanouir dans un environnement qui soit favorable aux droits de l'homme et qui préserve les libertés fondamentales.

M. DOUDOU DIÈNE, expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Côte d'Ivoire et ancien rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, a souligné un malentendu fondamental s'agissant du concept même de multiculturalité: cette notion, déclarée récemment comme «un échec», ne peut être «un échec» pour la bonne raison qu'elle reflète un fait: dans une société, il existe des communautés marquées par la diversité. La question est: que faire de cette diversité? Autre confusion au sujet de la culture: au Rwanda, Hutus et Tutsis partagent la même langue, la même culture et la même religion, ce qui n'a pas empêché les crimes que l'on sait: qu'est-ce donc au juste que la culture? Au cœur de la multiculturalité – c'est-à-dire dire le fait que de communautés se rejoignent dans un territoire – on trouve le problème central de la construction de l'identité communautaire et la manière –problématique – dont cette identité s'est imposée. Il faut à cet égard distinguer trois niveaux d'identité: l'ethnicité, la race et la religion ou la culture. Aucune société humaine n'échappe à la tension de la multiculturalité, a poursuivi l'ancien rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme. Sur le long terme, l'expert préconise un passage au pluralisme, c'est-à-dire la reconnaissance, le respect, la promotion et la protection de la diversité. M. Diène a aussi recommandé trois stratégies pour la préservation et la promotion des droits de l'homme dans un contexte culturel: le combat juridique contre toutes les formes de discrimination générées par la tension entre identité et diversité dans le processus multiculturel; la promotion politique et légale de l'égalité entre toutes les communautés; et la promotion politique et culturelle des interactions entre les communautés.

M. MARIO MARAZITTI Journaliste et membre du Conseil de la Communauté internationale de Sant'Egidio, a déclaré qu'en tant qu'Européens, la démocratie, le sécularisme, la tolérance sont imprimés dans les mémoires et le quotidien, autant que le sont l'intolérance, la haine, la Shoa ou l'extermination des Roms. Dans le même temps, il a souligné que l'Europe a reconnu le pluralisme comme que partie intégrante de l'identité européenne, notamment en 2000 avec l'adoption de la déclaration «Unité et diversité». Alors que le monde est tenté par le sectarisme, que la peur et l'incertitude sont endémiques dans les grandes villes d'Europe, que les chrétiens sont victimes d'attaques en Afrique ou en Asie, que l'islamophobie et le racisme gagnent du terrain, que les Roms sont l'objet de mesures discriminatoires, il semble que cette attitude de discrimination ne s'arrêtera jamais, a déploré M. Marazitti. Pour sa part, la Communauté de Sant'Egidio a toujours promu le dialogue interculturel entre chrétiens, musulmans et juifs du Moyen-Orient, de l'Iran à la Méditerranée. Que se passerait-il si l'on créait un observatoire européen pour examiner les problèmes du monde et les contrastes religieux, ethniques, raciaux et autres discriminations, s'est demandé le journaliste, soulignant aussi que cela ne serait pas un processus facile, mais qu'un tel mécanisme existe déjà en Italie, par exemple.

L'animateur de la réunion-débat, M. HISHAM BADR, Représentant permanent de l'Égypte, a souligné que le débat sur la question à l'examen de la présente réunion n'était pas nouveau. Il a rappelé que la Salle XX dans laquelle se réunit présentement le Conseil des droits de l'homme porte elle-même le nom de «Salle du dialogue entre les civilisations», a-t-il rappelé. La question se pose de savoir si les défis actuels dans la problématique à l'examen de la présente réunion-débat sont le résultat de lacunes du droit ou simplement d'une absence de mise en œuvre des textes existants, ou encore s'ils sont dus à une absence de dialogue, a poursuivi M. Badr. Accepte-t-on, écoute-t-on ce que les autres ont à nous dire, s'est-il encore interrogé? Tout le monde est présent sur les réseaux sociaux tels que Facebook et pourtant les problèmes d'incompréhension persistent en dépit de cette interconnexion universelle, a-t-il constaté. On entend des intellectuels défendre l'idée que le problème viendrait du multiculturalisme lui-même, voire de la religion. Une civilisation doit-elle l'emporter sur les autres, tout comme le capitalisme se targue d'avoir gagné la guerre froide, a demandé M. Badr? On évoque ce que pense la «majorité silencieuse» alors que les extrémistes ne cessent de se faire entendre, a-t-il constaté.

Débat

La Jordanie, au nom du Groupe arabe, a souligné l'importance du contexte dans lequel se tient se débat, la communauté internationale étant consciente de la nécessité de préserver non seulement la diversité culturelle mais aussi la diversité religieuse. Le Groupe arabe est très préoccupé par les préjugés, les discours extrémistes et les violences dont sont victimes les Arabes et les musulmans dans de nombreux pays. Le Sénégal, au nom du Groupe africain, a dénoncé le racisme qui s'exerce contre les migrants dans un contexte de crise. Le Groupe africain estime que le multiculturalisme doit s'inscrire dans une démarche de prévention et constitue un élément central de la lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée. L'Égypte a rappelé l'importance de la diversité culturelle et religieuse dans le monde. Personne ne doit prétendre exercer le monopole sur les droits de l'homme. L'Égypte est consciente de la nécessité de protéger la diversité culturelle pour mieux lutter contre la discrimination. Elle regrette que certaines cultures soient rejetées sur la base de préjugés racistes, qui doivent être combattus.

L'Azerbaïdjan a indiqué militer pour la promotion du dialogue interreligieux. La ville de Bakou accueillera bientôt le deuxième forum humanitaire mondial, qui sera l'occasion d'un dialogue approfondi entre les peuples.

L'Uruguay, pays fondé sur et nourri par l'influence des cultures qui le composent, déplore les discriminations dont sont victimes les personnes d'origine africaine. La démocratie est le seul système permettant de garantir la jouissance de tous les droits de l'homme et l'Uruguay a demandé aux panélistes s'ils pouvaient présenter des exemples de bonnes pratiques contre les régimes discriminatoires. Le Chili a pour sa part demandé aux experts comment concilier les notions de différence et de complémentarité.

L'Union européenne a fait part de son expérience du multiculturalisme, qui se constate tous les jours dans les villes du continent. L'Union européenne s'est dotée d'un cadre juridique solide pour combattre la discrimination et a fait de 2008 l'année du dialogue interculturel. Le message universel des droits de l'homme peut être adapté aux circonstances, mais les normes internationales sont claires: il appartient aux États de promouvoir et protéger tous les droits de l'homme.

La Fédération de Russie a regretté que l'on impose à la conscience collective des stéréotypes dangereux pour le maintien de la diversité culturelle. La compréhension de l'être humain et de sa dignité dépend du respect de ses valeurs. Pour aborder les droits de l'homme dans un contexte multiculturel, il faut tenir compte de la dimension morale et des valeurs traditionnelles de l'humanité.

L'Australie a déclaré que son expérience dans le combat contre le racisme et l'intolérance au sein de la population australienne a montré que les lois antidiscriminatoires permettent de faire d'importants progrès. L'Autriche a pour sa part mis en œuvre une série de lois pour combattre le racisme et l'intolérance qui y est associée et estime que la diversité est une chance pour le pays. En outre, l'éducation est une priorité pour le pays en raison de son importance pour lutter contre la discrimination. C'est dans ce cadre que l'Autriche accueillera le cinquième Forum annuel de l'Alliance des civilisations. L'Argentine, pays d'immigration qui condamne toute pratique discriminatoire, a elle aussi souligné l'importance de l'éducation. Un guide a été édité et distribué dans tous les établissements scolaires du pays pour apprendre aux jeunes à reconnaître le racisme et la discrimination et ne pas reproduire ces pratiques. La Croatie a pour sa part indiqué que les comportements discriminatoires ont été érigés en délits pénaux dans le pays.

L'Algérie a déploré la prolifération de partis racistes et xénophobes dans de nombreux pays européens, phénomène amplifié par les hommes politiques qui n'hésitent pas à parler d'identité nationale. Il faut combattre cette tendance et revenir aux valeurs de la Déclaration universelle des droits de l'homme. À cet égard, Cuba a demandé au panel ce qu'il pense de cette prolifération de partis politiques racistes et xénophobes et ce qu'il suggère pour lutter contre ce fléau. Pour la Thaïlande, la diversité est un atout, une force. Le Conseil ne doit pas relâcher son attention en ce qui concerne l'intolérance; dans ce combat, les médias ont un rôle majeur à jouer. Les leaders politiques quant à eux devraient s'abstenir de trouver des boucs émissaires et de tenir des discours haineux et discriminatoires. Ils doivent condamner et non justifier ou minimiser ces actes. Il ne faut en outre pas chercher à imposer certaines valeurs au détriment d'autres valeurs. Il faut renoncer à l'aliénation et à la ségrégation.

La Norvège a indiqué avoir choisi, après le massacre d'Utoya perpétré l'été dernier, de répondre à la haine du multiculturalisme par davantage d'ouverture et une intensification de la lutte contre les préjugés. L'Allemagne a fait valoir la diversité de sa société et a souligné que la diversité culturelle ne doit pas être invoquée pour limiter les droits de l'homme. Les droits de l'homme ne changent pas de sens selon les contextes; les États doivent poursuivre les auteurs d'actes xénophobes. Les autorités de la Chine prennent des mesures concrètes en faveur de l'harmonie et de la coexistence pacifique entre les communautés, religieuses, ethniques et culturelles, des objectifs que la communauté internationale devrait aussi poursuivre.

L'Organisation de la coopération islamique a insisté sur la nécessité de prendre des mesures concrètes pour lutter contre les manifestations d'islamophobie dans les sociétés occidentales et prévenir l'incitation à la haine contre les musulmans. Particulièrement préoccupant, à cet égard, est le massacre de musulmans commis actuellement au Myanmar. La Turquie a jugé essentiel que toutes les personnes vivant dans une même société puissent vivre pleinement leurs traditions si elles le souhaitent. La Turquie dénonce les attaques contre des lieux religieux et les discours politiques qui stigmatisent certaines personnes du fait, par exemple, de leur origine ethnique. L'Iran a regretté le débat malsain qui a entraîné l'échec du multiculturalisme dans les pays européens. La reconnaissance du multiculturalisme contribuera à assurer la coexistence pacifique des peuples au sein des sociétés. Le Pakistan a relevé que les appels au rejet du multiculturalisme ont conduit à des expressions croissantes de rejet. Les gouvernements doivent au contraire promouvoir ce multiculturalisme. Le Maroc a pour sa part déploré la prolifération de propos, comportements et partis ouvertement racistes et xénophobes en Europe. Au Maroc, la constitution affirme les valeurs de diversité et de respect.

Le Brésil a rappelé que la Déclaration et le Programme d'action de Durban ainsi que la Déclaration de Vienne soulignent l'importance de la diversité culturelle. En tant que pays multiculturel, un cadre politique et juridique fort a permis au Brésil de protéger cette diversité, y compris par le biais de la «discrimination positive». Société très diversifiée, l'Indonésie est d'accord avec les stratégies de promotion de la diversité à tous les niveaux préconisées par M. Diène.

L'Italie a déploré les violences sectaires commises contre des communautés religieuses partout dans le monde. Il faut à cet égard éduquer les peuples, les enfants en particulier.

Les États-Unis, pays d'immigrants, partent du principe que toutes les personnes doivent jouir d'une protection de leurs droits de l'homme grâce à la protection de la loi. La lutte contre la discrimination exige une protection égale de tous les citoyens, y compris les personnes homosexuelles. Il est indispensable de sanctionner toutes les agressions contre tous les groupes minoritaires. Le Royaume-Uni, observant que l'on encourage ici la diversité, s'est demandé si l'on ne peut en même temps avoir une approche sociétale, et se demander dans quelle société on souhaite vivre.

Le Venezuela a estimé que les systèmes juridiques doivent refléter la diversité et répondre aux problèmes d'exclusion des plus vulnérables. Le pays a adopté une série de mesures, dont la création d'une institution de lutte contre les discriminations, qui a pour but d'éradiquer totalement la discrimination conformément à la Déclaration et au Programme d'action de Durban. L'accent a été mis sur l'éducation.

L'organisation non gouvernementale United Nations Watch s'est dite préoccupée par le fait que les concepts de diversité et de multiculturalisme soient utilisés pour faire diversion et permettent aux gouvernements de maintenir une situation où il n'existe pas de protection contre la discrimination. Tchad agir pour l'environnement a interpellé le Conseil sur le sort des populations noires en Libye et sur les conséquences de la déstabilisation de cette région, indiquant que les Toubou, population à la peau noire, ont été victimes d'exactions meurtrières ces derniers temps.

Enfin, Nord-Sud XXI a déploré que le secrétariat ne reconnaisse pas les objectifs de la Déclaration et du Programme d'action de Durban en tant que cadre normatif négocié par la communauté internationale. Le Secrétariat a ainsi refusé de distribuer ce document aux délégations de la Conférence Rio+20. Il a été demandé au panel de dire de quelle façon ce document cadre peut être considéré comme cadre principal de lutte contre les discriminations et la promotion de la diversité multiculturelle, dix ans après son adoption.

Conclusions et commentaires des experts

M. SINGH a évoqué la tension entre droits de l'homme et multiculturalisme. Désormais, il convient, selon lui, de ne plus appréhender la religion en tant que foi mais plutôt en tant qu'identité sociale. Le multiculturalisme est qualifié d'échec par certains alors qu'il s'agit d'un fait: le monde est multiculturel et l'on constate les apports positifs du multiculturalisme en Europe même, a-t-il souligné. Il a indiqué qu'il venait de Leicester en Angleterre, ville souvent considérée comme l'une des capitales multiculturelles de l'Europe, ce qui n'est pourtant pas souvent mis en avant. L'expert a affirmé, en fin de séance, que le multiculturalisme, qui prend des formes multiples, fonctionne mieux dans certains pays dotés de structures juridiques fortes.

Rappelant que l'UNESCO avait fait de l'Afrique une priorité, M. GODONOU a souligné que les mosquées de Tombouctou et de Gao, au Mali, avaient été placées sur la liste du patrimoine en péril, à la demande du Gouvernement de Bamako lui-même. Cette mesure vise à empêcher, dans la mesure du possible, que les éléments du patrimoine qui pourraient être pillés ne puissent être négociés aisément sur le marché de l'art, en alertant les services douaniers du monde entier. Les inventaires du patrimoine – et leur promotion – reflètent la diversité culturelle des États, a poursuivi M. Godonou, ajoutant que c'est sur la base de ces inventaires que le travail doit être fait en direction des systèmes éducatifs. C'est de cette façon que les populations sont amenées à connaître le patrimoine d'autrui. L'expert de l'UNESCO a souligné que le multiculturalisme est un fait. Il a fait valoir que l'UNESCO promeut un système éducatif intégrant un enseignement sur cette question.

MME ZULFICAR a souligné qu'il existait deux types de lois: celles qui visent à ce que les auteurs d'infraction rendent compte de leurs actes répréhensibles et celles qui sont des outils dynamiques de changement culturel. Mme Zulficar a indiqué que c'est pour ces dernières qu'elle milite, dans le but de définir et de combattre la discrimination. Car la discrimination est cause de tous les maux; elle peut être beaucoup plus générale que le simple ciblage des minorités, a-t-elle souligné, insistant sur la nécessité de limiter les intrusions excessives de l'État. On doit pouvoir aussi rappeler à l'ordre telle ou telle institution qui met en œuvre des pratiques discriminatoires – ou bien telle entreprise qui n'emploie pas de femmes, par exemple, a poursuivi Mme Zulficar. Que le Conseil fixe une norme internationale au sujet des questions à l'examen de la présente réunion-débat serait une bonne chose; cela permettrait de fournir en quelque sorte un modèle type de législation à l'intention des États. Il s'agit de consacrer à la sauvegarde des cultures la même énergie que celle que l'on accorde au sauvetage des pandas, par exemple. Pour cette experte des droits de l'homme, le pluralisme culturel se superpose aux droits de l'homme, mais ne se substitue pas à la lutte indispensable pour le respect de ces droits. Le contexte des démocraties en transition doit aussi s'apprécier sous l'angle du multiculturalisme, a-t-elle souligné.

M. DIÈNE a souligné que tous les pays, sans exception, était multiculturels. Or, il existe une tension permanente entre l'État-nation et la diversité culturelle, tension susceptible de conduire à une exploitation politique particulièrement en vogue ces derniers temps. M. Diène a estimé que le moment était venu de passer du multiculturalisme à ce qu'il a appelé l'«interculturalité», ce qui exige d'agir notamment sur le plan législatif. Citant, pour conclure sur une note d'espoir, un proverbe africain qui dit que «dans la forêt, quand les branches des arbres se querellent, les racines s'embrassent», M. Diène a expliqué que si les branches étaient les nations, les racines représentent l'universalisme. L'expert de l'ONU a souligné en fin de séance que la question de la protection de la diversité se pose de manière très concrète, comme l'a montré le massacre commis en Norvège l'an dernier. Le pluralisme culturel et religieux doit être défendu, a-t-il insisté.

M. MARAZITTI a insisté sur la nécessité de se pencher sur la manière dont le monde s'efforce de mettre en œuvre sa bonne volonté telle qu'exprimée par un certain nombre de textes. En dépit de ces textes, a-t-il souligné, l'utilisation de la violence semble trop souvent prévaloir. Dans la pratique, a-t-il poursuivi, il faut combattre la marginalisation car c'est elle qui concrétise la discrimination. Il convient d'éviter de cataloguer, de classer les individus en fonction de leur origine ou de leur culture, a ajouté M. Marazitti. Quand tout va bien, cela ne pose pas de problème particulier; mais en cas de difficultés, ce genre de classification peut permettre de porter atteinte aux droits des personnes concernées, a-t-il souligné. L'Italie, il y a quelques années, avait entrepris de ficher les Roms – une politique sur laquelle le pays est heureusement rapidement revenu, a-t-il rappelé. Le journaliste a insisté sur l'importance d'une action sur le terrain visant à favoriser l'«interculturalisme».

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