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Le Comité consultatif des droits de l'homme examine le projet de principes et directives sur les personnes touchées par la lèpre

Arrière

26 Janvier 2010

Le Comité consultatif des droits de l'homme a examiné, ce matin, un projet de principes et directives concernant l'élimination de la discrimination à l'égard des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille.

Lors de sa session de l'automne dernier, le Conseil des droits de l'homme s'était félicité que le Comité consultatif lui ait rapidement soumis le projet de principes et directives, et avait prié le Haut Commissariat aux droits de l'homme de recueillir les vues des acteurs concernés au sujet de ce texte et de communiquer ces vues au Comité consultatif. Le Conseil a également prié le Comité consultatif de mettre la dernière main au projet de principes et de directives, en tenant pleinement compte des vues des acteurs concernés, afin de le lui soumettre d'ici à sa quinzième session, à l'automne prochain.

L'expert chargé de la rédaction de ce projet de principes et directives, M. Shigeki Sakamoto, a notamment annoncé que suite à la demande du Conseil de recueillir les vues des parties prenantes, douze gouvernements, une institution spécialisée - l'Organisation mondiale de la santé - et neuf organisations non gouvernementales avaient présenté de telles contributions, qui absorbent notamment la question de la terminologie discriminatoire concernant les personnes touchées par la lèpre ainsi que le problème de l'isolement des malades.

Plusieurs experts ont pris la parole suite à cette présentation: M. Dheerujlall Seetulsingh, M. Emmanuel Decaux, M. Vladimir Kartashkin, M. Shiqiu Chen, Mme Mona Zulficar, Mme Chinsung Chung, M. José Antonio Bengoa Cabello, M. Bernards Andrews Nyamwaya Mudho et Mme Halima Embarek Warzazi. Le représentant de la Fédération internationale des associations de lutte contre la lèpre (ILEP) ainsi que le représentant du Japon se sont également exprimés.

La question de l'isolement des personnes touchées par la lèpre a été largement débattue. Certains experts ont estimé que la formulation du texte sur cette question était imprécise et ont demandé que le texte demande clairement aux États de procéder à la fermeture progressive des léproseries. Des mesures de réintégration des personnes vivant dans les léproseries, voire de réparations, devraient aussi être envisagées. La question du suivi des mesures mises en place par les États a également été soulevée, ainsi que la question du contrôle international. Bien que ce texte n'ait pas le statut d'un traité international, il a été souligné qu'en l'absence de mesures un tant soit peu contraignantes, le document perdrait de sa valeur; cela pourrait prendre la forme d'un mécanisme permettant de recueillir des informations sur l'application par les États des principes et directives. La question de l'obligation pour les États de fournir des médicaments contre la lèpre gratuitement et le problème des terminologies discriminatoires ont également été soulevés. Le représentant de la Fédération internationale des associations de lutte contre la lèpre a ainsi demandé que des terminologies moins discriminatoires soient mises en place de manière plus contraignante.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité consultatif doit se pencher sur la question des meilleures pratiques face au problème des personnes disparues.

Élimination des discriminations à l'encontre des personnes touchées par la lèpre

Présentation de la question

M. SHIGEKI SAKAMOTO, membre du Comité consultatif chargé de l'élaboration du projet d'ensemble de principes et directives en vue d'éliminer la discrimination à l'égard des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille, a rappelé que le Comité consultatif avait déjà adopté ce texte le 7 août 2009, pour examen par le Conseil des droits de l'homme, en même temps qu'une recommandation. Le 1er octobre, 2009, le Conseil a ensuite adopté sa résolution 12/7 sur l'élimination de la discrimination à l'égard des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille, par laquelle il prie le Haut Commissariat aux droits de l'homme de recueillir les points de vue des différents acteurs avant le 30 novembre 2009. Douze gouvernements, une institution spécialisée - l'Organisation mondiale de la santé - et neuf organisations non gouvernementales ont présenté des contributions dans ce cadre, a annoncé M. Sakamoto. Beaucoup de ces commentaires traitent de la question de l'isolement des personnes touchées par la lèpre, a-t-il relevé, alors même que cet isolement ne présente aucun intérêt sur le plan sanitaire, comme l'indique le Directeur général adjoint de l'Organisation mondiale de la santé, M. Hiroki Nakatani. Rappelant que plusieurs gouvernements et organisations non gouvernementales avaient demandé de supprimer les paragraphes relatifs à l'isolement, M. Sakamoto a déclaré qu'il en tiendrait compte en préparant son projet final de principes et directives.

M. Sakamoto a ensuite fait état de commentaires et suggestions qu'il a recueillis, notamment la suggestion de la Serbie d'insérer un article interdisant la «victimisation», afin que les personnes ne subissent pas de discrimination de fait qu'elles soient ou aient été touchées par la lèpre. L'expert a également déclaré qu'il envisageait de modifier la terminologie utilisée au paragraphe 9 sur le langage discriminatoire, comme l'ont demandé plusieurs organisations non gouvernementales. Il a en revanche fait remarquer que la demande de la Fédération internationale des associations de lutte contre la lèpre (ILEP) concernant un langage plus contraignant faisant référence à l'article 25 de la Convention sur les droits des personnes handicapées ne pouvait être acceptée, du fait que certains membres du Conseil des droits de l'homme ne sont pas parties à cette Convention et pourraient éprouver des difficultés à soutenir des principes et directives qui y feraient directement référence. Il a en revanche annoncé qu'il ajouterait une référence à la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Débat

M. DHEERUJLALL SEETULSINGH, expert du Comité consultatif, a demandé si M. Sakamoto était revenu sur le principe 4 qui concerne la citoyenneté. Au lieu d'affirmer que la citoyenneté devrait être «pleine et entière» (full citizenship), qui est une expression ambiguë en anglais, il a suggéré une reformulation pour indiquer que ces personnes ne pouvaient pas être privées de leur droit à la citoyenneté. En effet, dans certains pays, ces personnes peuvent être considérés comme n'étant pas des citoyens à part entière. L'expression full citizenship est trop floue en anglais, a estimé l'expert. Concernant le principe 2, le principe d'isolement, le texte dit que les États doivent identifier les malades de la lèpre qui vivent de manière isolée. Or selon lui, il faut savoir si l'État doit prendre des mesures pour que cet isolement cesse ou s'il doit juste les identifier sans mettre fin à cet isolement. Toujours concernant l'isolement, le paragraphe 7 stipule que l'État doit encourager le travail indépendant, notamment la constitution de coopératives. Or certaines organisations non gouvernementales ont signalé qu'il faudrait insister sur des mesures incitatives sur le marché général de l'emploi. En outre, dans la directive 12, il est proposé une pension de l'État aux lépreux, et M. Seetulsingh a souhaité savoir s'il s'agit bien d'une pension ou d'une prestation sociale. De plus, la directive 14 propose que les États créent un comité pour tout ce qui à trait aux droits de l'homme de ceux qui vivent avec la lèpre. Selon lui, on pourrait désigner autrement cet organe.

M. EMMANUEL DECAUX, expert du Comité consultatif, a estimé que la méthode de travail employée pour le projet de directives sur les personnes touchées par la lèpre était une bonne méthode. En effet, un rapporteur porte le projet qui le texte fait la navette entre le Comité consultatif et le Conseil des droits de l'homme; il y a une interaction entre le Comité et le Conseil et le fait de passer en revue les suggestions des parties prenantes est une étape indispensable. «Il faut laisser du temps au temps» pour ensuite prendre la décision et parvenir à un texte consolidé, a-t-il estimé.

M. VLADIMIR KARTASHKIN, expert du Comité consultatif, a souligné la qualité du document, estimant toutefois qu'il pouvait encore être améliorer car de nouveaux problèmes se posent; le droit international et les relations internationales évoluent. Sur le premier principe, on ne peut pas, selon M. Karthashkin, se limiter aux instruments internationaux qui y sont énoncés. Qu'en est-il de la Convention relative aux droits de l'enfant et des instruments relatifs à la discrimination, a-t-il demandé. Il a remarqué que tous les principes énoncés concernent chacun un point concret: soit on demande aux gouvernements de prendre des mesures, soit on attire l'attention sur les droits des personnes touchées par la lèpre. Mais les points 8 et 9 sont rédigés de manière plus générale et n'impliquent aucun devoir ni ne donnent aucun droit. Leur formulation n'est pas très concrète. Il a jugé insuffisantes les mesures de suivi concernant l'élaboration et la mise en œuvre des activités des États. C'est insuffisant pour permettre que les États appliquent de façon réelle les normes du document. Il est noté dans le document que l'État doit créer un comité à cet effet: «Mais après ? Quel est le rôle de la communauté internationale pour vérifier l'application de ces principes?». S'il n'y a rien sur le contrôle international, ce document perdra de sa valeur. Certes, le texte n'est pas un traité international, mais la pratique du droit international évolue dans le sens d'imposer des obligations aux États en vertu de textes qu'ils ont adopté. Compte tenu du statut juridique du texte, il ne peut être exigé des États des rapports complets, mais il pourrait leur être demandé de fournir des informations sur l'application de ces directives et principes. M. Kartashkin a suggéré qu'il soit demandé aux États de consacrer à la question des personnes touchées par la lèpre une partie des rapports qu'ils présentent aux différents organes conventionnels. Cela ne représenterait pas une obligation supplémentaire pour les États.

M. SHIQIU CHEN, expert du Comité consultatif, a rappelé que, lors de la session précédente, le Comité consultatif estimait déjà son projet de principes et directives relativement complet. Faisant observer que la résolution du Conseil des droits de l'homme oblige le Comité à demander l'avis des différents acteurs pertinents, il a estimé que les réponses fournies permettraient d'améliorer encore le texte. Mais nous devons présenter un projet final lors de la quinzième session du Conseil (septembre 2010), a fait remarquer M. Chen, ce qui signifie qu'il faut parvenir à un projet final lors de la prochaine session du Comité consultatif. Or, a fait remarquer l'expert, le Comité n'a reçu à ce stade de réponses que de 12 gouvernements. Il faut donc essayer de recevoir le nombre maximum de réponses de toutes les parties concernées, mais notamment des gouvernements, a-t-il souligné.

MME MONA ZULFICAR, experte du Comité consultatif, s'est dite d'accord avec M. Sakamoto pour supprimer plusieurs des références faites à l'isolement dans les principes et directives, tout en proposant que soit ajoutée en note de bas de page le commentaire de l'Organisation mondiale de la santé sur l'inutilité médicale de l'isolement, commentaire que l'experte a jugé très utile du fait de l'autorité de l'OMS. Pour les personnes qui ont fait l'objet d'isolement, elle a suggéré qu'on ajoute à la nécessité d'un soutien social une référence à leur réintégration. Il faut tenir compte de la réalité des mesures d'isolement pratiquées jusqu'à présent, a jouté Mme Zulficar. À l'instar de M. Kartashkin, elle a suggéré la création d'un mécanisme permettant de recueillir des informations sur l'application par les États des principes et directives.

MME CHINSUNG CHUNG, experte du Comité consultatif, a rappelé que des personnes affectées par la lèpre au Japon et dans son pays et qui avaient été placées en isolement ont intenté des actions en justice contre leur gouvernement. Elle a proposée que soit inscrite dans les directives la possibilité d'une forme de «justice de transition» ou de mesures de réparation. Elle a par ailleurs estimé qu'il faudrait interdire toute discrimination en matière d'emploi, et donc renforcer la formulation de la directive 7.

M. JOSÉ ANTONIO BENGOA CABELLO, expert du Comité consultatif, s'est dit d'accord pour que le document vise la fermeture des léproseries; cela doit être l'objectif central du document. Il a toutefois estimé que le paragraphe 5.4 était ambigu dans la mesure où il permet qu'on laisse les léproseries ouvertes. Il n'y a aucune directive claire exigeant que l'on ferme ces léproseries. Si on ne les ferme pas, d'autres personnes y vivront. Il faut réfléchir davantage à ce paragraphe. Il a proposé la formulation suivante: «les États doivent se doter de politiques visant à fermer progressivement les léproseries».

M. BERNARDS ANDREWS NYAMWAYA MUDHO, expert du Comité consultatif, a relevé qu'il n'avait pas été demandé au Comité consultatif de réviser le document mais de solliciter l'avis des différents acteurs. Or, le nombre de réponses d'États et autres parties prenantes est faible, a-t-il constaté. Il s'est dit d'accord avec nombre des propositions d'améliorations avancées, mais a souhaité une approche beaucoup plus volontariste. Il a aussi souligné l'importance d'insister sur le fait que l'isolement des malades n'apportait rien.

MME HALIMA EMBAREK WARZAZI, Présidente du Comité consultatif, a estimé que les paragraphes sur les femmes, les enfants et autres groupes vulnérables touchés par la lèpre devraient être modifiés pour refléter avec davantage de force que les groupes mentionnés sont déjà marginalisés et que les États devraient donc le reconnaître. Elle s'est demandé pourquoi, au paragraphe 6, il faudrait «prendre des pincettes» pour demander aux États d'accorder aux personnes frappées par la lèpre le droit de vote. Les États doivent accorder ce droit, a-t-elle affirmé. Elle a également souhaité que les États aient l'obligation de fournir l'égalité d'accès à l'éducation. Elle a en outre rappelé qu'elle avait déjà insisté par le passé sur l'obligation qu'ont les États de mettre fin au fléau de la lèpre et pas simplement de «réduire le taux d'incidence» de la maladie, comme mentionné au paragraphe 11.1.

M. DOUGLAS SOUTAR (Fédération internationale des associations de lutte contre la lèpre) s'est félicitée du processus consultatif pour la rédaction de ces principes et directives. Il a rappelé qu'il n'y a pas de justification du point de vue des droits de l'homme ou de la santé publique pour maintenir l'isolement. S'agissant du paragraphe 9 concernant l'utilisation de terminologies discriminatoires, le représentant a estimé que les États devaient être encouragés ou forcés à prendre des dispositions dynamiques pour mettre fin à ces terminologies. Il a émis le souhait d'une terminologie plus contraignante, comme c'est le cas pour les instruments internationaux qui imposent des obligations aux États. Il ne souhaitait que ces obligations puissent constituer des obstacles qui viennent entraver l'adoption de la résolution, mais a estimé que certaines dispositions pourraient être plus contraignantes pour que les États soient conscients qu'ils sont censés agir pour faire cesser la discrimination envers les lépreux.

M. AKIO ISOMATA (Japon) a déclaré que son pays avait reçu des commentaires sur les projets de principes et de directives. Il a rappelé la résolution 12/7 qui a été adoptée par le Conseil des droits de l'homme pour assurer davantage de transparence dans les procédures. Selon lui, il est logique de demander au Comité consultatif de se retourner vers les acteurs concernés pour obtenir leur point de vue. Il a souligné que M. Sakamoto s'était déjà attelé à cette tâche et a constaté que les membres du Comité consultatif étaient favorables à une amélioration du texte. Le Japon soutient ces efforts pour que le texte soit terminé à brève échéance afin que le Conseil puisse l'adopter avec le soutien des parties prenantes.

M. JOSÉ ANTONIO BENGOA CABELLO, expert du Comité consultatif, a suggéré de fusionner les articles 11-1 et 11-3, jugeant fondamental que les médicaments destinés aux malades soient gratuits, faute de quoi on ne pourra pas lutter contre le fléau, puisque les personnes touchées sont souvent issues de milieux très démunis. Il a insisté pour que le texte impose une obligation aux États de fournir gratuitement les médicaments aux personnes touchées par la lèpre. La notion de «prix accessible» n'est pas du tout de mise ici, a-t-il estimé, demandant que la prochaine version du texte soient plus coercitive, afin que les positions du Comité consultatif soient bien clairs: le but ultime est de mettre fin à des pratiques discriminatoires, a-t-il rappelé.

Conclusion

M. SHIGEKI SAKAMOTO, expert du Comité consultatif chargé de la question des personnes touchées par la lèpre, s'est félicité des échanges et s'est engagé à en prendre note dans sa prochaine version du projet de principes et lignes directrices. Il a estimé qu'il devrait faire face à deux exigences différentes: maintenir un texte déjà adopté après un étude approfondie et faire preuve de souplesse pour tenir compte du plus grand nombre possible de commentaires et suggestions. Il s'est engagé à présenter au plus tôt sa prochaine version du texte.
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