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Le Comité consultatif des droits de l'homme examine un projet de déclaration sur l'éducation aux droits de l'homme

Arrière

25 Janvier 2010

Le Comité consultatif des droits de l'homme a poursuivi, cet après-midi, son débat sur l'éducation et la formation dans le domaine des droits de l'homme, en entendant plusieurs organisations non gouvernementales et institutions des droits de l'homme qui ont commenté le projet de déclaration des Nations Unies sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme, présenté ce matin par le rapporteur du groupe de rédaction chargé de la question, M. Emmanuel Decaux.

Ont pris la parole les représentants des organisations suivantes: Organisation internationale pour le droit a l'éducation et a la liberté d'enseignement - OIDEL (au nom également de Soka Gakkai International); Soka Gakkai International (au nom également de l'Organisation internationale pour le droit a l'éducation et a la liberté d'enseignement – OIDEL); Amnesty International; New Humanity; Forum européen pour les personnes handicapées; Indian Council of South America; et le Conseil mondial de la paix. Leurs interventions ont relevé un certain nombre de points et de difficultés, notamment s'agissant du lien entre l'éducation aux droits de l'homme et la diversité culturelle et religieuse: les droits de l'homme rassemblant les valeurs communes à toutes les cultures, leur enseignement doit être dispensé de manière tenir compte de cette diversité. D'autres difficultés et défis ont été soulevés, notamment le problème de la privatisation de l'éducation, le rôle des États dans cette éducation, notamment dans l'éducation aux droits de l'homme que l'État doit dispenser à ses fonctionnaires, l'articulation entre droits et devoirs en matière de droits de l'homme, la nécessité d'inclure les personnes handicapées dans le projet de déclaration, l'éducation aux droits des peuples autochtones, notamment. Le représentant des Philippines est également intervenu au cours de la séance de cet après-midi.

Répondant aux interventions qui ont été faites au cours du débat entamé ce matin, M. Decaux a affirmé que lorsqu'on tirait le fil des différentes interventions sur le projet de déclaration sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme, tous les problèmes du monde réapparaissaient. Il a souligné qu'il était important de savoir à qui l'on s'adressait dans cette déclaration: experts du comité, public, États, qui sont très divers, avec des traditions variées en matière d'éducation et de droits de l'homme. M. Decaux a rappelé le rôle des États en matière d'éducation aux droits de l'homme.

La prochaine séance plénière du Comité consultatif se tiendra demain, à partir de 10 heures, pour l'examen de la question de la l'élaboration des principes et directives concernant l'élimination des discriminations à l'encontre des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille.

Suite du débat sur la question de l'éducation et de la formation aux droits de l'homme

MME AMINA LEMRINI (Comité international de coordination des institutions nationales des droits de l'homme) a exprimé son soutien au processus d'élaboration de ce projet de déclaration sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme et à sa dernière version. Selon elle, l'éducation et la formation aux droits de l'homme sont indispensables au développement des droits de l'homme, c'est un levier. S'agissant du texte, elle a notamment préconisé de remplacer le verbe inculquer dans l'article premier - «inculquer une culture universelle des droits de l'homme» par «promouvoir». Mme Lemrini a déclaré qu'il était primordial que les parties prenantes s'impliquent dans des efforts concertés en se basant sur la déclaration cadre. Elle a rappelé le rôle des institutions nationales des droits de l'homme: ce dernier comprend de multiples facettes dont celle d'impulser des synergies entre parties prenantes, de développer des programmes propres à ces institutions comme composante de l'agenda au niveau international.

M. ALFRED FERNÁNDEZ (Organisation internationale pour le droit a l'éducation et a la liberté d'enseignement - OIDEL, au nom également de Soka Gakkai International) a noté que le nouveau projet du groupe de rédaction du Comité consultatif était très complet. Il a appuyé l'approche selon laquelle l'éducation aux droits de l'homme apparaît comme un droit de la personne humaine à part entière et la réaffirmation de l'interdépendance, de l'indivisibilité et de l'universalité des droits. Il a aussi salué le fait que le texte mette en évidence la participation des parties prenantes et particulièrement de la société civile dans la mise en œuvre de l'éducation et de la formation aux droits de l'homme. En effet, il a affirmé que l'éducation et la formation aux droits de l'homme ne bénéficient pas encore d'une volonté politique forte.

M. Fernández a noté que le groupe de rédaction a eu le souci d'intégrer le plus grand nombre possible des suggestions qui lui ont été adressées. Il a toutefois suggéré que quelques aspects du projet pourraient être mieux développés, notamment l'insertion de l'éducation aux droits de l'homme dans le droit à l'éducation; le lien entre l'éducation et la formation aux droits de l'homme d'une part et la diversité culturelle et religieuse d'autre part; et l'impact de l'éducation aux droits de l'homme sur le système éducatif tout entier. Concernant le premier point, il a noté que deux thèmes devraient être pris davantage en considération: la formation des enseignants, sans laquelle tout effort serait vain et le rôle des parents qui, selon les normes internationales, sont les premiers responsables de l'éducation des enfants. Il est important que dans le cadre de l'éducation et la formation aux droits de l'homme, les droits des parents, notamment leurs options éthiques, religieuses ou pédagogiques soient respectées. Sur le deuxième point, il a montré que le lien entre l'éducation et la formation aux droits de l'homme d'une part et la diversité religieuse et culturelle d'autre part figurait bien dans le texte mais a estimé que la formulation n'était pas suffisamment exigeante. Il a rappelé que les droits de l'homme rassemblaient les valeurs communes à toutes les cultures, religions et philosophies. Leur enseignement doit être dispensé de manière à bien mettre en lumière cette appartenance, a souligné le représentant, qui a rappelé que 2010 était l'Année du rapprochement des cultures. La Déclaration doit contribuer à rendre pleinement effective cette communauté de valeurs en permettant son apprentissage raisonné. Concernant le troisième point, l'éducation aux droits de l'homme exige une nouvelle démocratisation du système scolaire. Elle implique l'adoption d'une nouvelle approche fondée sur les droits de l'homme dans les politiques éducatives afin que ceux qui ont des obligations au titre du droit international puissent mieux s'en acquitter et que les bénéficiaires des droits puissent mieux les faire valoir. La nouvelle gouvernance du système éducatif, une gouvernance démocratique, impose une approche participative dans l'élaboration et l'exécution des politiques.

M. KAZUNARI FUJII (Soka Gakkai International, au nom également de l'Organisation internationale pour le droit a l'éducation et a la liberté d'enseignement – OIDEL) a estimé que le projet actuel de déclaration était meilleur que le projet préliminaire. Il a proposé une réorganisation des dispositions actuelles du texte et estimé que la formation aux droits de l'homme pouvait se faire de manière très diverse et pas forcément dans les écoles. En revanche, une éducation de qualité aux droits de l'homme nécessite une éducation générale de qualité d'où qu'elle vienne. M. Fujii a estimé que la déclaration concerne aussi bien le droit à recevoir une formation que le droit de fournir une éducation en matière de droits de l'homme. Il s'est dit déterminé à continuer d'examiner le projet actuel afin de veiller à ce qu'il atteigne vraiment son objectif.

MME AURORA SNEH (Amnesty International) a estimé que le projet de déclaration représentait une occasion bienvenue de réaffirmer et de renforcer les normes en proposant de nouvelles lignes directrices pour une mise en œuvre effective du droit à l'éducation aux droits de l'homme. Elle a demandé que la Déclaration soit pleinement conforme au droit actuel des droits de l'homme et s'en inspire, notamment en ce qui concerne le droit à l'éducation, l'obligation générale des États de faire connaître les dispositions relatives aux traités relatifs aux droits de l'homme et l'obligation de recourir à toutes les formes d'éducation, y compris en veillant à ce que le contenu de l'éducation soit opportun, ceci afin de combattre différentes formes de discrimination. Elle a dit apprécier que le projet de Déclaration comporte une définition et des principes pour l'éducation et la formation aux droits de l'homme et a souhaité que cette partie soit développée et laisse la porte ouverte à de nouvelles évolutions conceptuelles dans l'avenir. Elle a souhaité une claire distinction entre l'éducation et la formation aux droits de l'homme. La déclaration doit aussi insister sur le fait que l'éducation aux droits de l'homme vise à autonomiser les peuples et les individus et à renforcer leurs droits. Elle a insisté sur l'importance d'une obligation pour les États de former aux droits de l'homme leurs fonctionnaires ainsi que sur l'obligation qu'ont les États d'informer de leurs droits les titulaires de droits. Mme Sneh a dit apprécier que la déclaration reconnaisse que les éducateurs aux droits de l'homme soient des défenseurs de ces droits et a souhaitée l'adoption de formules qui protègent les doits de l'homme des enseignants qui ont été exposés à des violations graves des droits de l'homme. Elle a souhaité que certains points qu'elle a jugés peu clairs soient approfondis. Elle a souligné que le Conseil des droits de l'homme et son Comité consultatif devraient consacrer suffisamment de temps au projet de déclaration, afin que le processus soit réellement consultatif et a notamment souhaité la traduction des différents documents dans toutes les langues de travail.

M. JORGE M. DIAS FERREIRA (New Humanity) a salué le fait que le projet de déclaration souligne l'interdépendance entre le droit à l'éducation et l'éducation aux droits de l'homme. Comme l'affirme le Comité des droits économiques, sociaux et culturels dans son Observation générale numéro 13: «l'éducation est un droit humain intrinsèque et un moyen indispensable de réaliser les autres droits de l'homme». En ce sens, il serait opportun d'articuler l'éducation des droits de l'homme avec la notion de besoin d'apprentissage de base. L'éducation des droits de l'homme constitue une nécessité fondamentale de la personne, et cela pourrait être mentionné dans la déclaration. En second lieu, il a insisté sur la relation entre droits et devoirs. La Déclaration universelle des droits de l'homme souligne les devoirs de chacun à l'égard de la communauté. On ne peut omettre la notion de devoir dans le projet de déclaration. Selon M. Dias Ferreira, la liberté et l'égalité génèrent des droits alors que le principe de fraternité fait naître un devoir. L'apprentissage aux droits et le devoir de fraternité constituent des éléments indissociables pour que le processus d'éducation conduise au plein développement de la personne. Il faut montrer les droits en corrélation avec les responsabilités de la personne.

M. ESTEBAN TROMEL (Forum européen pour les personnes handicapées) a relevé qu'il n'y avait pas de référence aux personnes handicapées dans le projet de déclaration. Il a rappelé la requête faite par le Conseil des droits de l'homme au Comité consultatif d'inclure les personnes handicapées. Il a proposé d'ajouter la référence aux personnes handicapées au paragraphe 7 afin de s'assurer que leurs droits sont pris en compte dans les programmes d'éducation aux droits de l'homme et en conformité avec la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

M. RONALD BARNES (Indian Council of South America) a souligné que les peuples autochtones doivent être pleinement reconnus au sein de la famille des nations qui ont droit à un territoire, à ses ressources et à l'autodétermination, Il a rappelé que le Comité des droits de l'homme avait récemment demandé aux États-Unis de préciser la nature de leurs traités avec les nations primo-occupantes afin de reconnaître qu'ils on bien un caractère international et a apporté son soutien à cette demande. Poursuivant, le chef DALE AWASIS a déclaré que certains États tentent de remettre en cause leurs obligations en vertu de traités internationaux. Ainsi, au Canada et en Alaska, il existe un manque d'éducation sur les droits des peuples autochtones qui a pour conséquence une discrimination à l'égard de ces peuples.

M. LÁZARO PARY (Conseil mondial de la paix) a souligné l'importance d'éduquer les formateurs. Il a ensuite axé son intervention sur le contexte économique, plus particulièrement la mondialisation néolibérale à laquelle les peuples autochtones sont confrontés. Selon lui, le Comité consultatif devrait procéder à une analyse dans le contexte des phénomènes économiques et sociaux. Il a relevé les principaux défis comme la privatisation de l'éducation. Une étude devrait, du point de vue des peuples autochtones, prendre en compte le contexte de crise sociale et économique qui frappe les plus vulnérables. Il a évoqué le pillage auquel se livrent les entreprises transnationales du Nord, qui a pour corollaire la privatisation de l'éducation et de la santé. Il a rappelé que dans le cadre des programmes du Fonds monétaire international, l'éducation et la santé ont été privatisées, ce qui a eu des conséquences néfastes sur les peuples autochtones. À l'Organisation mondiale du commerce, des efforts sont menés pour tenter de libéraliser l'agriculture afin de satisfaire les multinationales. Le représentant a affirmé que l'éducation ne se réduisait pas à un investissement de capitaux pour former des ressources humaines. L'éducation vise à renforcer le respect droits de l'homme, le développement de relations d'amitié entre les peuples et les nations, le développement de la dignité de la personne humaine, le renforcement des capacités cognitives de l'homme, la prise de conscience, le développement de l'intellect et du génie qui permet de comprendre les objectifs des modes de production. Elle doit aussi promouvoir le respect de la nature qui a donné la vie. Enfin, le représentant a rappelé que les États n'avaient pas respecté le principe de l'autodétermination de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones et les a invités à le faire.

M. JÉSUS ENRIQUE G. GARCIA II (Philippines) a souhaité que certains points soient mis davantage en avant dans le projet de déclaration et s'est dit favorable au renforcement au concept d'institutions internationales des droits de l'homme. Il a par ailleurs estimé que certaines nuances du texte français du projet de déclaration semblaient ne pas avoir été correctement traduites en anglais.

Conclusion du débat

M. EMMANUEL DECAUX, rapporteur du groupe de rédaction du projet déclaration sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme, a déclaré que les interventions montraient l'intérêt des participants pour le projet. Il a souhaité que certaines des propositions présentées soient présentées par écrit.

M. Decaux a jugé fondamental de savoir à qui cette déclaration sera destinée: membres du Comité, spécialistes des droits de l'homme, grand public, États qui, a-t-il rappelé, sont eux-mêmes très variés. Toutefois, a-t-il observé, chacun reconnaît l'importance d'une déclaration au caractère pratique. Il a déclaré que le projet de déclaration n'ajoutait rien aux grands textes juridiques sur les droits de l'homme mais n'en retranchait rien non plus, y voyant un caractère essentiel de la «soft law».

Le rapporteur a rappelé qu'il existait une articulation complexe entre droit à l'éducation et éducation aux droits de l'homme, qu'il a jugés complémentaires. À propos des nouvelles technologies comme moyen d'éducation, il a estimé que les réseaux, s'ils ont des aspects dangereux, constituent aussi une chance pour les droits de l'homme, notamment au profit des jeunes. Il a rappelé que la définition de l'éducation aux droits de l'homme figurant dans le texte s'efforçait d'être la plus brève possible. Concernant les groupes vulnérables ou les peuples autochtones, il a reconnu que des références plus fortes pourraient être faites à certains textes internationaux. Il s'est dit très sensible à la question de la gratuité de l'enseignement aux droits de l'homme tout en précisant qu'il y avait parfois des coûts, ainsi qu'à la question de la privatisation. Il a déclaré que le suivi interne de la mise en œuvre de l'éducation et de la formation concernait tous les États. Tout en reconnaissant que ce n'est pas à l'État de fixer des directives aux organisations non gouvernementales dans ce domaine, il a néanmoins rappelé que c'est l'État qui a des responsabilités internationales et qu'il a aussi la responsabilité de contrôler la qualité des enseignements.

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