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LA COMMISSION POURSUIT SON
DÉBAT SUR LE RACISME : LES
DÉLÉGATIONS APPELLENT À
L'ADOPTION DE MESURES
CONCRÈTES CONTRE CE FLÉAU

Arrière

30 Mars 1999

APRÈS-MIDI
HR/CN/99/13
30 mars 1999



Le Ministre des affaires étrangères du Nigéria demande à la Commission de prendre acte des progrès de son pays en matière de droits de l'homme

La Commission des droits de l'homme a poursuivi, cet après-midi, son débat sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et toutes les formes de discrimination. Elle a en outre entendu une allocution de M. Ignatius Olisemeka, Ministre des affaires étrangères du Nigéria, qui a demandé que la Commission des droits de l'homme prenne acte des progrès réalisés dans son pays depuis les dernières élections et l'entrée en fonction de l'actuel gouvernement, et qu'elle mette fin au mandat du Rapporteur spécial sur le Nigéria.

Le représentant du Cameroun a donné lecture d'un message du Ministre camerounais des affaires étrangères dans lequel il exprime le souhait que la communauté internationale aide plus vigoureusement au maintien de la paix entre le Cameroun et le Nigéria dans le strict respect des Conventions de Genève avant, pendant et après le verdict attendu de la cour internationale de justice que les deux pays devraient s'engager à respecter scrupuleusement.

Plusieurs intervenants ont réaffirmé leur préoccupation face aux nouvelles manifestations du racisme. De nombreuses délégations ont déploré la résurgence de ces phénomènes dans les pays développés et leur institutionnalisation par des lois restrictives en matière d'immigration. La Conférence mondiale contre le racisme doit être orientée vers l'action ont-elles souligné. L'accent a été mis, en particulier, sur l'importance de l'éducation dans la promotion d'une culture de la tolérance et l'éradication de la discrimination raciale.

Les représentants des pays suivants ont pris la parole: Hongrie, Turquie, Suisse, Nicaragua (au nom de six autres pays), République islamique d'Iran, Érythrée, Éthiopie, Zimbabwe, Algérie, Bélarus et Égypte. Le représentant de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) est également intervenu ainsi que les représentants des organisations non gouvernementales suivantes: Parti radical national, Association pour l'éducation d'un point de vue mondial, Christian Solidarity International, Organisation internationale pour le développement de la liberté d'enseignement, Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, Mouvement international contre toutes les formes de discrimination, Fédération mondiale des associations pour les Nations Unies, Conseil international des femmes juives, Interfaith International, International Institute for Non-Aligned studies, Association internationale contre la torture, December Twelfth Movement International Secretariat, Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, International Save the Children Alliance, Institut international de la paix, Fondation de recherches et d'études culturelles himalayennes.

La Commission poursuivra ses travaux ce soir jusqu'à minuit. Elle terminera son débat sur le racisme et entamera l'examen du point de son ordre du jour relatif au droit au développement.

Déclarations dans le cadre du débat général

M. IGNATIUS C. OLISEMEKA, Ministre des Affaires étrangères du Nigéria, s'est félicité de la création en juin 1998 de la Cour pénale internationale. Il a toutefois souligné que, malgré de grands progrès dans le domaine des droits de l'homme, une partie de l'humanité reste très pauvre et est privée des bienfaits du progrès technologique. Ce dénuement favorise l'apparition des instincts humains les plus vifs. Le Ministre a souhaité que cette contradiction soit résolue.

Le Ministre a déclaré que le Nigéria s'engage à respecter les instruments internationaux auxquels il est partie. Concernant la situation des droits de l'homme dans son pays, il a attiré l'attention sur les améliorations importantes qui sont intervenues depuis la précédente session de la Commission. En effet, depuis que l'actuel gouvernement est entré en fonction, il a pris de nombreuses mesures visant à développer l'économie, renforcer la cohésion nationale et créer un environnement favorable aux droits de l'homme. Des élections ont été organisées, la liberté d'association syndicale a été rétablie et un programme de transition organisé pour assurer la transition du pays de la loi martiale à la loi civile.

Le Ministre a également signalé l'annulation de décrets qui étaient en contradiction avec les libertés fondamentales. En outre, l'indépendance du pouvoir judiciaire a été renforcée, a-t-il déclaré. Le Ministre a enfin demandé que la Commission prenne acte des progrès effectués dans son pays et mette fin au mandat du Rapporteur spécial sur le Nigéria.

M. SAMUEL MVUNDO AYOLO (Cameroun), donnant lecture d'un message du Ministre camerounais des affaires étrangères, a souligné qu'à l'occasion de l'année des droits de l'homme (1998) le Cameroun a adopté et mis en oeuvre un vaste programme national de six mois pour célébrer le cinquantenaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme en prenant des mesures pour s'assurer de la participation la plus large possible de toutes les composantes de l'État et de la société civile.

Cette célébration a également permis au Cameroun d'évaluer le chemin qui reste à parcourir, poursuit le Ministre des affaires étrangères dans son message. Rappelant que tous les droits de l'homme sont universels, interdépendants et indissociables, il souligne que la pleine réalisation des droits civils et politiques est intimement liée à la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au développement. Le Cameroun souhaite que la communauté internationale mette un accent particulier sur la promotion conjointe de tous ces droits. Il a également souhaité l'avènement d'une cour internationale des droits de l'homme et des peuples à compétence générale, qui se placerait au-dessus de la mêlée et des passions, pour affirmer la primauté de la force du droit sur le droit de la force.

Dans le souci d'assurer une plus grande vulgarisation et un meilleur respect des droits de l'homme, le Cameroun milite en faveur de l'accroissement et du renforcement de l'assistance technique des services consultatifs des Nations Unies. C'est précisément pour encourager et développer la culture de la paix, de la démocratie et des droits de l'homme que le Cameroun a opté pour l'amélioration et la généralisation de l'introduction des droits de l'homme dans les programmes de l'enseignement supérieur, secondaire et primaire d'une part, et d'autre part la diffusion des droits de l'homme dans toutes les couches de la population par les moyens d'information et de formation modernes.

Enfin, le Ministre des affaires étrangères exprime le souhait que la communauté internationale aide plus vigoureusement au maintien de la paix entre le Cameroun et le Nigéria dans le strict respect des Conventions de Genève avant, pendant et après le verdict attendu de la Cour internationale de justice que les deux pays devraient s'engager à respecter scrupuleusement.

Suite du débat sur le racisme.

M. CSABA MOHI (Hongrie), en tant que représentant du pays qui préside actuellement le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, a déclaré que le Comité des Ministres a demandé au Secrétariat du Conseil de l'Europe d'entamer les travaux préparatoires de la contribution du Conseil de l'Europe à la Conférence mondiale des Nations Unies contre le racisme. Ces travaux préparatoires ont notamment pris la forme d'une Conférence européenne contre le racisme et la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui lui est associée. Cette initiative régionale démontre que la lutte contre le racisme et l'intolérance est une partie intégrante de la protection et de la promotion des droits de l'homme. Elle montre aussi que la lutte contre le racisme ne doit pas se faire par l'imposition de solutions mais en identifiant les moyens de coopérer. La lutte contre le racisme au niveau européen doit être fondée sur des initiatives locales et nationales et s'appuyer sur la société civile.

M. Csaba a indiqué que les préparatifs européens ont commencé en 1998 par le biais d'une consultation écrite menée auprès des organisations non gouvernementales et des organes spécialisés. En 1999, le Conseil de l'Europe a organisé une réunion ad hoc d'experts gouvernementaux afin de discuter des préparatifs européens pour la Conférence mondiale des Nations Unies, pour créer un groupe de travail technique et pour préparer les principaux objectifs, le format et la structure ainsi que l'emploi du temps de la Conférence européenne. Celle-ci devrait durer de deux à trois jours et être précédée par deux jours de travaux préparatoires pour les organisations non gouvernementales, a indiqué M. Csaba.

M. BULENT MERIÇ (Turquie) a souligné qu'une des formes contemporaines du racisme s'exprime dans la structure de l'emploi. Les travailleurs immigrants sont souvent installés définitivement dans certains pays et une troisième génération a commencé à entrer sur le marché du travail. Mais dans certains cas, les aléas du marché et les améliorations industrielles ont entraîné un chômage croissant. La compétition entre les travailleurs nationaux et les travailleurs étrangers sur le marché du travail est le principal facteur qui contribue au racisme aujourd'hui, a-t-il estimé.

Le représentant a fait valoir que le racisme contemporain n'existe pas seulement au niveau du public; la résurgence des partis d'extrême droite ne saurait être occultée. Elle se produit en réaction à la désintégration des États, pour défendre au niveau politique l'intégrité et l'unité ethnique d'un pays. Il faut donc garder à l'esprit la mise en garde du Rapporteur spécial sur la résurgence du néofascisme et du néonazisme. Un autre domaine de préoccupation est l'utilisation abusive de l'internet pour la dissémination de l'idéologie raciste. Le représentant turc s'est prononcé en faveur du développement d'une éthique pour l'utilisation de telles technologies qui ne soit pas en contradiction avec la liberté d'expression.

M. JEAN-DANIEL VIGNY (Suisse) a souligné que l'Europe se prépare déjà à la Conférence mondiale contre le racisme : la première réunion convoquée par le Conseil de l'Europe à cette fin vient de se tenir à Strasbourg. Il a précisé que les quarante pays membres du Conseil de l'Europe ont retenu quatre thèmes principaux au titre des objectifs de la Conférence, à savoir la protection juridique contre le racisme aux niveaux national, régional et international; les politiques et pratiques destinées à combattre le racisme au niveau national; la sensibilisation et l'éducation pour combattre le racisme aux niveaux local, national et international; l'information, la communication et les médias. Le représentant a indiqué que la Suisse envisage de prendre l'initiative de convoquer elle-même une conférence internationale sur la lutte contre les sites racistes et antisémites sur l'internet. L'objectif d'une telle réunion serait de préparer des mesures de lutte en la matière qui seraient ensuite soumises à la Confére
nce mondiale en vue de leur mise en oeuvre sur le plan universel.

Le représentant suisse a par ailleurs souligné que le sport peut jouer un rôle positif dans la lutte contre le racisme ou peut au contraire s'avérer négatif, notamment s'il est récupéré par l'État pour en faire un instrument de l'ethnonationalisme. Aussi, le sport, à travers une ou plusieurs de ses associations internationales, pourrait participer à la Conférence mondiale en tant que partenaire pour des actions communes contre le racisme et en tant que «sponsor» potentiel de la Conférence. La Commission fédérale suisse contre le racisme, qui est une institution indépendante de l'État, ne manquera pas de faire, sur le plan intérieur, de nouvelles propositions visant à mieux lutter contre le racisme en Suisse, a déclaré le représentant.

Le représentant du Nicaragua (au nom également du Costa Rica, d'ElSalvador, du Guatemala, du Honduras, du Panama et de la République dominicaine) a exprimé la préoccupation de ces pays face à la résurgence et à la consolidation de nouvelles formes de racisme, de discrimination raciale et de xénophobie à travers le monde. Il a affirmé que le nettoyage ethnique, les mesures tendant à faire coïncider les frontières politiques avec les frontières ethniques et la mise en oeuvre de politiques fondées sur la supériorité raciale, religieuse, ethnique, culturelle ou nationale, constituent un défi que la communauté internationale doit affronter en faisant preuve de responsabilité et de fermeté. Le représentant a exprimé sa préoccupation, en particulier, face aux manifestations de racisme, de discrimination raciale et d'intolérance dont sont victimes les personnes appartenant à des minorités et aux groupes vulnérables de nombreuses sociétés, parmi lesquels figurent souvent les migrants. Il a insisté sur la nécessité d'intensifier la lutte pour l'élimination inconditionnelle de ces formes d'intolérance.

Le représentant nicaraguayen a souligné le rôle important que peut jouer l'éducation pour que les nouvelles générations soient exemptes de tout préjugé à l'origine de ces phénomènes. Il a mis l'accent sur la nécessité de promouvoir des programmes nationaux orientés vers l'enseignement, à l'intention de tous les secteurs de la société, des valeurs énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. Le représentant a par ailleurs préconisé que les États passent en revue leurs politiques en matière d'immigration en vue d'éliminer toutes les pratiques discriminatoires à l'encontre des migrants qui ne sont pas compatibles avec les instruments pertinents des droits de l'homme.

M. ALI KHORRAM (République islamique d'Iran) a estimé que la Conférence mondiale contre le racisme offrait une occasion propice de s'attaquer à la résurgence alarmante du racisme. Elle doit marquer un tournant dans la lutte contre ce fléau, tant par la réaffirmation d'un engagement fort que par l'élaboration d'un programme d'action. Pour cela, a-t-il souligné, les objectifs de la Conférence doivent être orientés vers l'action. L'Iran, qui a proposé qu'une réunion préparatoire de la Conférence se tienne en Asie, tient à souligner l'importance des réunions préparatoires au niveau régional. Il faut aussi assurer leur financement, a ajouté M. Khorram.

Le représentant iranien a en outre souligné l'importance de trouver des voies et des moyens de promouvoir la tolérance. Il a ensuite exprimé sa vive préoccupation face au phénomène croissant d'«islamophobie», de discrimination et de violence à l'encontre des musulmans. À cet égard, il a estimé que ce phénomène devait être examiné tant par le Rapporteur spécial sur le racisme que par le Rapporteur spécial sur l'intolérance religieuse.

M. AMARE TEKLE (Érythrée) a affirmé que, si des progrès ont été enregistrés sur la voie de l'éradication du racisme, il y a également des reculs dans certaines régions du monde, notamment en Europe et en Afrique, en particulier dans la région des Grands Lacs et dans la région de la Corne de l'Afrique. L'Érythrée est l'un des pays victimes des politiques ethniques dans la région. Dans la Corne de l'Afrique, a poursuivi le représentant, des violations massives des droits de l'homme sont perpétrées sur la base d'une doctrine raciste. Le Gouvernement de l'un des pays de la région a fait de l'origine ethnique un critère autorisant à prendre pour cible une partie de la population pour arrêter, détenir, torturer, expulser et confisquer les biens.

À la base de cette politique d'État est l'organisation de ce qui a pu être qualifié d' «ethno-apartheid». Dans le cadre de ce système d'ethno-apartheid, la région abritant le groupe ethnique au pouvoir s'étend au détriment des autres régions et l'expansion territoriale se fait par le biais de la législation ou en ayant recours à la force. Le représentant érythréen a demandé à la Commission de prolonger le mandat du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme et de l'élargir afin qu'il inclue la discrimination ethnique et l'intolérance qui se manifestent dans la région de la Corne de l'Afrique.

M. SELESHI MENGESHA (Éthiopie) a évoqué la situation de milliers de personnes qui vivent dans des pays étrangers où elles souffrent tout particulièrement en tant de guerre. En effet, les gouvernements décident souvent l'expulsion des étrangers, leur mise à pied ou encore leur expropriation. Le représentant a aussi déploré les mesures de représailles envers les résidents étrangers que prennent les gouvernements agresseurs lorsqu'ils ont été défaits. Ces gouvernements disséminent une propagande de haine raciale.

À cet égard, les actes de barbarie et de haine que commettent les autorités érythréennes contre les ressortissants éthiopiens devraient être considérés comme des crimes de guerre et des violations massives des droits de l'homme. En outre, l'Érythrée a lancé une campagne de propagande qui prétend que l'Éthiopie viole les droits des Érythréens en Éthiopie. Le représentant éthiopien a appelé la communauté internationale à condamner l'agression commise par l'Érythrée et la propagande raciste que pratique son gouvernement.

M. T.J.B. JOKONYA (Zimbabwe) a déploré que la couleur de la peau soit, encore aujourd'hui un critère dans les sociétés soi-disant civilisées. Il a insisté sur la nécessité d'aller au-delà des mots dans le combat contre le racisme. En effet, la liberté et la justice sociale présupposent une transformation radicale des structures politiques et socio-économiques. Selon le représentant zimbabwéen, la réticence de la société civile à éliminer les sources du racisme tient au fait que l'on a pas été capable de faire accepter que les violations des droits de l'homme sont un sujet de préoccupation légitime de la communauté internationale dans son ensemble.

Les États doivent à cet égard prendre la responsabilité de promouvoir les valeurs essentielles de l'humanité et mettre en oeuvre effectivement des mesures pour combattre les préjugés raciaux. M. Jokonya a fait observer que des Pauline Hanson et des Jean-Marie Le Pen mènent des campagnes au moment même où la Commission dénonce le racisme. Il s'est inquiété, à cet égard, de l'aggravation de la discrimination et de l'intolérance manifestées à l'encontre des immigrés, parfois de façon institutionnalisée dans certains pays. Les lois sur l'immigration constituent un obstacle à la réalisation de l'égalité des droits pour tous et n'aident sûrement pas à contrer le racisme. Du côté de la société civile, a par ailleurs indiqué M. Jokonya, la bataille contre le racisme ne pourra jamais être gagnée si on ne promeut pas la tolérance dans les familles. La société devra changer les valeurs familiales si nous voulons éradiquer le racisme.

M. LAZAR SOUALEM (Algérie) a souligné que les communautés immigrées et les travailleurs migrants sont en général victimes des nouvelles formes de discrimination raciale et d'intolérance qui conduisent à l'exclusion de catégories entières d'êtres humains du fait de la couleur de leur peau, de leur race, de leur origine, de leur religion ou de leur culture. Ces personnes constituent pour les tenants de l'extrémisme des boucs émissaires et se voient imputer de façon simpliste la responsabilité de toutes les difficultés et les maux des pays hôtes. Certains responsables politiques ont édifié autour de cette peur de l'étranger des programmes politiques basés sur l'idéologie fallacieuse et pernicieuse de la préférence nationale, chargée de haine et d'exclusion, a rappelé le représentant algérien.

Le représentant algérien a demandé aux États qui ne l'ont pas encore fait de reconnaître la compétence du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale pour recevoir et examiner les communications de personnes ou de groupes de personnes relevant de leur juridiction qui se plaindraient d'une violation de l'un de leurs droits énoncés dans la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Cette protection internationale des droits des communautés immigrées et des travailleurs migrants est nécessaire pour compléter les dispositions existantes au niveau des législations nationales. Il est par ailleurs urgent que les réserves émises par certains pays à l'égard de certaines dispositions de la Convention soient levées car la communauté internationale ne saurait s'accommoder de l'idée selon laquelle le racisme ne constitue pas un délit mais une simple opinion.

M. DOUDOU DIENE, Directeur de la division des projets interculturels à l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco), a rappelé que l'Unesco a lancé en 1994, sur la demande des pays africains et des Caraïbes, le projet de dialogue interculturel «La route de l'esclave» afin de mettre fin au silence historique sur la traite négrière transatlantique. La traite négrière explique la prégnance du facteur racial qui continue de structurer la plupart des sociétés issues de la traite dans les Amériques et les Antilles, a-t-il déclaré. M. Diene a également indiqué que l'action de l'Unesco porte sur l'éducation, la recherche et l'enseignement afin de mettre en lumière l'universalité de la traite négrière.

M. SYARGEI MIKHNEVICH (Bélarus) a réaffirmé l'importance pour son pays des valeurs de paix sociale et d'entente nationale qui sont des valeurs politiques essentielles et étroitement liées aux intérêts nationaux. En effet, le Bélarus est composé de différentes nationalités qui vivent dans la paix. Pourtant, la composition pluri-ethnique d'un pays peut poser des risques de confrontation. Mais, au Bélarus, les tensions sociales entre les différentes nationalités n'ont jamais abouti à une confrontation. Les relations positives entre les différents peuples au Bélarus n'est pas seulement une valeur, mais une réalité, a indiqué le représentant citant pour exemple le nombre élevé de mariages mixtes.

Le représentant bélarussien a indiqué que son Gouvernement mène une politique ayant pour but d'assurer les bases juridiques d'une coexistence pacifique. Il a fait valoir que le Bélarus est l'un des rares pays où il n'y a pas eu d'effusions de sang à la suite de conflits ethniques ou raciaux.

M. MOUNIR ZAHRAN (Égypte) a souligné que la troisième Décennie de lutte contre le racisme et la discrimination raciale touche à sa fin sans avoir atteint les objectifs qu'elle s'était fixés. Il a mis l'accent sur les mauvais traitements infligés aux immigrés à travers le monde et a insisté sur la nécessité d'examiner cette question dans le cadre de la Conférence mondiale contre le racisme. Nombre de pays développés accusent les immigrés d'être la cause du chômage. Aussi, l'Organisation internationale du travail devrait-elle se pencher sur les violations du droit des immigrés dans le domaine du travail. M. Zahran a en outre souligné le rôle de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) en matière d'éducation et de promotion de la tolérance.

M. PAULO PIETROSANTI, s'exprimant au nom du Parti radical national et de l'Union internationale des Roma, a fait remarquer que les enfants des diplomates présents à la Commission sont scolarisés, quel que soit le pays où ils doivent vivre. Néanmoins, leurs parents préfèrent généralement qu'ils soient éduqués dans leur propre culture. De même, le peuple rom souhaite fournir à ses enfants une éducation reflétant sa culture car, bien que les Roms soient sédentarisés dans leur majorité, leurs enfants sont toujours scolarisés dans un système «étranger» à leur propre culture. Le représentant a souligné que la culture rom est plus vivante que jamais et a résisté aux vicissitudes de l'histoire. De ce fait, elle souhaite disposer d'écoles ou les enfants pourraient recevoir une éducation en langue rom, notamment. La nation rom ne souhaite pas devenir un État, a-t-il souligné. Elle veut obtenir un statut spécifique pour tous ses membres. L'exemple des chevaliers de Malte pourrait servir d'exemple au législateur, a-t-il suggéré. Le représentant a demandé la désignation d'un rapporteur spécial sur la discrimination contre les Gitans.

M. RENE WADLAW (Association pour l'éducation d'un point de vue mondial) a affirmé que la présence d'importantes forces de police autour du Palais des Nations rappelle constamment que la communauté internationale n'est pas parvenue à traiter de manière adéquate la question des Kurdes, ni celle du Kosovo, ni celle d'autres groupes de personnes qui ne sont pas en mesure de se rassembler sur la Place des Nations, a-t-il déclaré. À l'exception de la situation en ex-Yougoslavie, le rapport du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme et de discrimination raciale ne traite d'aucun des pays faisant l'objet d'un mandat de rapporteur spécial alors que les situations dans ces pays comportent incontestablement des éléments raciaux et ethniques. À l'exception de la Colombie, il ne traite pas non plus d'un seul autre pays couvert par des mandats de la Commission établis en vertu des services consultatifs et de la coopération technique. Le rapport fait néanmoins clairement référence, à travers les
réponses reçues des gouvernements, à des problèmes de discrimination structurelle qui méritent d'être traités en profondeur. Le Mexique et la Turquie font face au problème des travailleurs migrants en Amérique du Nord et en Europe et le Rapporteur spécial lui-même a affirmé qu'une attention devrait être accordée à la situation des Intouchables en Inde.

M. DAVID LITTMAN (Christian Solidarity International) a attiré l'attention sur les dangers de l'autocensure pratiquée aux Nations Unies et par certains rapporteurs. Il a en particulier dénoncé l'absence de mention, dans le rapport de cette année, de l'antisémitisme dans les pays arabes qui, selon lui découle de l'idéologie islamiste et dont on trouve des traces dans la Charte de l'Organisation pour la libération de la Palestine. À cet égard, il s'est étonné de l'absence de réaction de la communauté internationale face à certaines de ces affirmations. Faisant allusion à un projet de résolution présenté par certains États Membres, il a jugé que l'adoption d'un tel texte serait un désastre pour la Commission.

M. LUIS ARASANZ (Organisation internationale pour le développement de la liberté d'enseignement) a rappelé que les organisations non gouvernementales peuvent contribuer efficacement à la lutte contre le racisme. À cet égard, le Programme SERADE a pour mission principale de promouvoir les attitudes de responsabilité face au racisme parmi les jeunes d'Espagne et d'autres pays, ainsi que la connaissance et la promotion des droits de l'homme. Le programme de sensibilisation mené en Espagne par Cooperación Internacional a comme objectif principal de sensibiliser les jeunes espagnols aux problèmes actuels en matière de développement. Le programme est orienté vers les secteurs universitaires et scolaires. Ce programme prévoit des échanges avec d'autres pays de l'Union européenne. Les groupes de jeunes sont encadrés par des professeurs universitaires et ont un caractère interdisciplinaire. Certains groupes travaillent également avec des pays tels que le Kenya, la République Tchéque et la Croatie, et avec des migrants.

M. J.J. KIRKYACHARIAN (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), au nom également du Centre Europe tiers-monde) a déclaré que le racisme est un phénomène aussi ancien que l'ignorance et la pauvreté. Or, l'ignorance et la pauvreté sont exploitées par certains en faveur d'une démagogie raciste. En France et en Allemagne, des politiciens en principe «corrects» acceptent de se faire les relais de certains thèmes du racisme, a-t-il déploré. Le MRAP appuie la concertation et la coopération entre les organisations qui se définissent comme antiracistes et d'autres organisations sociales, en premier lieu les syndicats. Ainsi, il a contribué à la création du réseau antiraciste de l'Union européenne qui a vu le jour en octobre 1998. Les femmes de l'Océan indien viendront-elles encore longtemps travailler comme esclaves chez les riches en Europe ? Les Afro-Américains continueront-ils de peupler les couloirs de la mort dans les prisons des États-Unis ? Les Africains continueront-ils,
lorsqu'ils ne sont pas noyés avant d'y parvenir, à échouer sur les rivages du sud européen, s'est interrogé le représentant. Il faudrait que la communauté internationale lance des programmes volontaristes et finance des campagnes contre les propagandes racistes, xénophobes et néofascistes.

MME ATSUKO TANAKA (Mouvement international contre toutes les formes de discrimination) s'est félicitée de la proposition du Rapporteur spécial sur le racisme d'effectuer une mission dans les pays concernés par la discrimination à l'encontre des Dalits, ou «intouchables». À cet égard, elle a déploré la position de l'Inde qui considère que la Convention internationale sur l'élimination de la discrimination raciale ne s'applique pas à la discrimination contre les Dalits. Elle a en outre déploré les nombreux actes de violence à l'encontre les Dalits et, en particulier, des femmes. La représentante a vivement recommandé qu'une mission se rende en Inde et dans les autres pays de la région afin d'examiner le système des castes et d'élaborer des recommandations pour aboutir à une société sans castes. Elle a également souhaité que ce problème soit l'objet d'une attention spéciale lors de la Conférence mondiale sur le racisme. Les Nations Unies devraient tenir compte du fait que la discrimination raciale est souvent aggravée par la discrimination sexuelle, a-t-elle souligné, se félicitant de la proposition de certains membres du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale de soumettre une recommandation sur les aspects sexospécifiques de la discrimination raciale.

M. HORACE PERERA (Fédération mondiale des associations pour les Nations Unies) a fait remarquer que, 35 ans après son adoption, la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale doit encore être ratifiée par plus de vingt États et que 130 États parties n'ont pas encore reconnu la compétence du Comité à recevoir et examiner les témoignages individuels. En outre, le manque flagrant de participation au récent séminaire organisé par le Haut Commissariat aux droits de l'homme en 1997 prouve leur indifférence à ces questions. Le représentant a également rappelé que le corps enseignant dans sa totalité a la responsabilité de s'assurer que les moyens d'éducation sont utilisés pour lutter contre le racisme. M. Perera a souligné que l'efficacité du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale repose sur l'engagement et la coopération entre les gouvernements. Il a mis en garde la communauté internationale contre une focalisation excessive sur les droits des
femmes et des enfants. En effet, même si des progrès importants finissaient par être accomplis pour les femmes et les enfants, l'actualité démontre clairement que, le cas échéant, le facteur racial prend facilement le dessus et portera préjudice à certaines améliorations.

MME ANDRÉE FARHI (Conseil international des femmes juives) a déclaré que le révisionnisme et le négationnisme ne sont pas seulement effrayants par ce qu'ils signifient mais aussi parce qu'ils se répandent de manière exponentielle et s'internationalisent grâce aux nouvelles techniques multimédias. De plus en plus de réseaux répandent, sans craindre de sanctions, des théories fallacieuses et une propagande incitant à la discrimination raciale. Ces nouvelles tactiques racistes sont de plus en plus souvent utilisées, au-delà des mouvements et groupes d'extrême droite, nationalistes et antisémites habituels, par «des groupes non traditionnels tels que les islamistes dans les pays occidentaux». Mme Farhi en lancé un appel à tous les gouvernements pour qu'ils prennent en considération, pendant le processus préparatoire à la Conférence mondiale contre le racisme, la question du révisionnisme et du négationnisme. Il faut espérer que la question de l'éducation en matière de droits de l'homme et d'enseignement au respect d'autrui ainsi que la dimension sexospécifique de la discrimination seront au centre des préoccupations de tous les pays lors de la Conférence mondiale.

MME DEANNA PATTY (Interfaith International) a rappelé que la question du rapport entre religion et racisme est très complexe et qu'alors même que la plupart des religions prônent l'amour et la fraternité entre tous les hommes, les idéologies religieuses peuvent être des vecteurs d'intolérance et de racisme, particulièrement quand on sépare la religion de l'éthique sociale. Ainsi, la religion n'est pas une garantie contre le racisme, a estimé Mme Patty, alors que la science moderne a permis de nier les arguments des idéologies racistes en démontrant que nous étions tous issus d'une même race. Elle s'est félicitée que les Nations Unies aient accepté les résultats de la science, ce que ne font pas toujours les religions, en matière de racisme.

MME PRAMILA SRIVASTAVA (International Institute for Non-Aligned Studies) a souligné l'importance de l'éducation si l'on veut éviter que les générations futures adoptent des politiques marquées par la discrimination. En effet, la discrimination peut mener les hommes à s'en prendre aux femmes comme le font les Taliban en Afghanistan, elle peut démolir des nations et détruire l'harmonie des communautés. La xénophobie ne découle pas du retard en matière économique. En effet, ceux qui possèdent peu peuvent être beaucoup plus hospitaliers que les autres. En fait, la prospérité s'accompagne souvent d'un désir d'exclusivité qui se traduit par des politiques d'exclusion. Le rôle des immigrants dans la prospérité des sociétés contemporaines est souvent oublié, a-t-elle déploré. Elle a aussi fait remarquer que l'on encourage la circulation des ressources matérielles tout en entravant de façon artificielle la mobilité des ressources humaines. Les immigrants sont considérés comme une menace, a-t-elle regretté.


M. ROGER S. WAREHAM (Association internationale contre la torture, AICT) a affirmé que la Conférence mondiale ne pourra être un succès que si l'on parvient à dire certaines vérités. Ainsi, il faudrait commencer par reconnaître que le commerce des esclaves exige l'indemnisation des victimes de ce fléau. Les États-Unis, qui se sont toujours opposé à la tenue de la Conférence mondiale, devraient adopter une autre attitude et il convient de dénoncer leur tentative de faire en sorte que le bureau de la Conférence ne soit pas le même que celui de la Commission. L'AICT propose que le bureau du Groupe de travail sur cette question soit le bureau du processus préparatoire et de la Conférence elle-même. L'AICT estime en outre que la Conférence mondiale devrait se tenir au Brésil.

MME ANGELA MANGUM (December Twelfth Movement International Secretariat) a rappelé que le racisme a été profitable économiquement à ceux qui contrôlaient le système économique sur lequel il était fondé. L'éducation reste un élément clé, a-t-elle souligné, déplorant le manque d'éducation tant de ceux qui adhèrent aux idéologies racistes que des victimes de ce racisme. Elle a déploré le manque de volonté d'éliminer le racisme. Ainsi, la City University of New-York maintient un système d'accès injuste qui empêche l'accès aux étudiants pauvres, a-t-elle dénoncé. La tenue d'une Conférence mondiale est une nécessité absolue malgré l'opposition évidente des États-Unis qui font semblant de l'accepter, a-t-elle conclu.

MME DAWN PLUMMER (Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté) a déclaré que l'objectif premier de son organisation est de faire disparaître la guerre et de promouvoir une culture de la paix à l'échelle mondiale. Elle a attiré l'attention de l'Union européenne sur la nécessité d'examiner et de coordonner son action avec celle des institutions et mécanismes des Nations Unies. La représentante a également souligné l'importance d'une assistance financière en faveur des organisations non gouvernementales. La participation des organisations non gouvernementales est indispensable à tous les stades de préparation de la Conférence mondiale contre le racisme, a-t-elle souligné.

MME JULIA EKSTED (International Save the Children Alliance) a affirmé que la discrimination en matière d'éducation est l'un des phénomènes les plus dommageables pour les enfants. En Europe, notamment dans les parties centrale et orientale du continent, les enfants roms ne peuvent pas développer leur potentiel et les écoles hésitent souvent à les accepter. Ces enfants sont surreprésentés dans les orphelinats et dans les institutions pour handicapés. Les enfants roms sont souvent enlevés à leurs parents et placés dans des institutions en raison de la qualité insuffisante des installations sanitaires de leurs foyers. Il faut que les gouvernements éliminent toutes les formes de discrimination à l'encontre des enfants roms, en particulier en ce qui concerne l'accès à l'éducation et aux soins de santé.

MME TATIANA SHAUMIAN (Institut international de la paix) a déploré que les nations développées, qui devraient prendre la tête de la lutte contre l'intolérance et la discrimination, adoptent une attitude négative avec l'adoption de politiques restrictives en matière d'immigration et des attaques de plus en plus nombreuses contre les travailleurs immigrés. L'incapacité à accepter que l'humanité entière n'est qu'une famille est devenu le dernier prétexte des guerres et des destructions à l'oeuvre au Pakistan, en Afghanistan, ou au Cachemire. La faiblesse humaine est exploitée par les nations au service de leurs objectifs stratégiques et politiques. L'Afghanistan en est le meilleur exemple où les Taliban pachtounes cherchent leurs soutiens au Pakistan tandis que les chiites Hazaras regardent vers l'Iran. L'idée de la supériorité de l'ethnie pachtoune est largement diffusée dans les madrassas qui se sont multipliées au Pakistan. La discrimination raciale est également à la base des actions de groupes terroristes qui, se réclamant d'une religion, tentent de déstabiliser des sociétés où d'autres religions et cultures prédominent, a déclaré Mme Shaumian.

M. FRIDOUS SYED BABA (Fondation de recherches et d'études culturelles himalayennes) a attiré l'attention de la communauté internationale sur l'importance d'étudier les formes nouvelles et changeantes de xénophobie. Il a également souligné qu'il existe une distinction entre les attitudes de xénophobie fondées sur la culture, la religion ou l'appartenance ethnique. En effet, dans les sociétés multireligieuses, les populations sont parfois de même origine ethnique et culturelle. Le représentant a déclaré que des pays comme l'Afghanistan et le Pakistan font un usage abusif du terme de «djihad» car les abus des droits de l'homme commis au nom de la religion ne sauraient être désignés par ce terme. À cet égard, le Pakistan utilise la xénophobie comme méthode d'entraînement de groupes extrémistes dirigés notamment contre les peuples du Jammu et du Cachemire, a-t-il déclaré.
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