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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA
DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LA
SITUATION EN RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DE
YOUGOSLAVIE

Arrière

08 Mars 1999




MATIN

HR/CERD/99/12
8 mars 1999


Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, ce matin, la situation en République fédérative de Yougoslavie en application de sa procédure d'action urgente. Le Comité avait demandé à ce pays, en août1998, de lui présenter un rapport spécial.

Le document, présenté par M.Redzep Hodza, Vice-Ministre fédéral de la justice, porte sur la situation actuelle au Kosovo-Metohija et les mesures prises pour parvenir, grâce à un dialogue constructif avec les représentants politiques de la minorité nationale albanaise, à un règlement politique.

M.Hodza a déclaré que les États-Unis et d'autres membres du Groupe de contact créent délibérément la confusion en proclamant notamment que suite à Rambouillet, l'accord politique n'a plus qu'à être signé le 15 mars. Le Vice-ministre a rappelé qu'il ne saurait y avoir, pour le Kosovo-Metohija, ni indépendance, ni statut de république fédérée. L'essentiel est désormais de parvenir à un accord politique sur l'autogestion et l'autonomie pour toutes les communautés nationales au Kosovo-Metohija. La Yougoslavie ne saurait en aucune façon accepter la présence de troupes étrangères sur une partie de son territoire souverain.

La délégation de la République fédérative de Yougoslavie est également composée de M.Bratislav Djordjevic, Directeur de la Division des organisations internationales au Ministère fédéral des affaires étrangères, ainsi que de membres de la Mission permanente à Genève.

M.Peter Nobel, expert du Comité chargé de l'examen de la situation en Yougoslavie, a affirmé que s'il est évident que de graves violations des droits de l'homme ont été commises par les Albanais du Kosovo, il est troublant que le présent rapport ne contienne aucune information sur les violations commises par les forces de l'ordre. On peut donc en conclure que ce rapport est très «unilatéral», a affirmé M.Nobel. Les membres suivants du Comité sont également intervenus : M.Ion Diaconu, M.Theodoor van Boven, M.Yuri Rechetov, M.Ivan Garvalov, MmeGay McDougall, M.Michael Sherifis, M.Mahmoud Aboul-Nasr.

À 15 heures, le Comité doit terminer l'examen de la situation en République fédérative de Yougoslavie avant d'entamer l'examen du rapport de l'Italie (CERD/C/317/Add.1).


Présentation du rapport de la République fédérative de Yougoslavie

M.REDZEP HODZA, Vice-Ministre fédéral de la justice de la République fédérative de Yougoslavie a présenté le document contenant les renseignements complémentaires que le Comité avait demandés, le 17 août 1998, à la République fédérative de Yougoslavie concernant la situation actuelle au Kosovo-Metohija et les mesures prises pour parvenir à un règlement politique grâce à un dialogue constructif avec les représentants politiques de la minorité nationale albanaise. Il a expliqué que la présence de la délégation yougoslave devant le Comité témoigne de l'importance que son Gouvernement attache à la recherche d'une solution politique pacifique à tous les problèmes au Kosovo-Metohija sur la base du respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la République serbe et de la République fédérative de Yougoslavie ainsi que sur la base de l'égalité de toutes les communautés nationales vivant au Kosovo-Metohija.

Composée de 26 minorités nationales et groupes ethniques différents et pays d'accueil de 700000 réfugiés provenant de Croatie et de Bosnie-Herzégovine, la République fédérative de Yougoslavie maintient la primauté du droit et continue de respecter les droits de l'homme et les droits des membres des minorités nationales, a affirmé M.Hodza. Les personnes appartenant à ces minorités se voient garantir tous les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, sans aucune restriction ni discrimination, a-t-il insisté, précisant que la République fédérative de Yougoslavie a ratifié le 3 décembre 1998 la Convention-cadre du Conseil de l'Europe pour la protection des minorités nationales bien qu'elle ne soit pas membre du Conseil de l'Europe.

Au cours de l'année 1998, 453699 titres de voyage ont été délivrés en République fédérative de Yougoslavie dont 22,1% en faveur des citoyens du Kosovo-Metohija. Seul 0,01% des demandes de circulation ont été rejetées, ce qui prouve qu'aucune discrimination n'est exercée en ce qui concerne l'exercice du droit d'obtenir des documents permettant de circuler ou de traverser la frontière. En outre, une éducation est dispensée aux membres des minorités ethniques au Kosovo-Metohija en langues albanaise, turque et rom, a affirmé M.Hodza.

Toutefois, a poursuivi le Vice-Ministre, en raison de pressions exercées par les terroristes et les séparatistes albanais, des membres de la minorité nationale albanaise au Kosovo abandonnent le système normal d'éducation publique. Les séparatistes albanais abusent de la liberté d'information en vue d'attiser la haine interethnique, a-t-il ajouté. Il a également déclaré que la liberté religieuse au Kosovo-Metohija a été violée par les séparatistes et terroristes albanais qui ont attaqué le clergé et les lieux de culte orthodoxes. Dans un certain nombre de cas, ils ont même attaqué des lieux de culte musulmans, a-t-il ajouté.

Une analyse objective de la situation montre que la partie de la minorité albanaise au Kosovo-Metohija qui appartient au mouvement terroriste et séparatiste «ne souhaite pas l'exercice par la population de ses droits et libertés», a affirmé M.Hodza. Ce mouvement est une organisation fasciste par nature et la plupart des membres de la minorité nationale albanaise au Kosovo-Metohija ne soutiennent pas ses activités. Toutefois, par crainte de représailles de la part des terroristes séparatistes, «ils n'utilisent pas leurs droits et libertés».

M.Hodza a affirmé que plus de la moitié des victimes des séparatistes et terroristes au Kosovo-Metohija appartiennent à la minorité albanaise. Entre 1991 et le 31 décembre 1998, les terroristes et séparatistes albanais ont perpétré 2018 actions terroristes, tuant 327 personnes dont 199 civils, a indiqué le Vice-Ministre de la justice. Au cours des deux premiers mois de l'année 1999, ils ont mené 390 actions dont 208 attaques contre des policiers entraînant la mort de onze policiers. Le sort des deux policiers enlevés reste inconnu. En outre, ils ont perpétré 182 attaques contre des civils, tuant 72 personnes (15 Serbes, 33 Albanais, 8 Roms et un citoyen britannique). Trente-deux personnes ont été enlevées (16 Serbes et 16 Albanais), dont quatre ont été tuées. Le sort de neuf autres reste inconnu.

L'organisation terroriste appelée «Armée de libération du Kosovo» maintient des liens directs avec des terroristes radicaux provenant de certains pays islamiques dont ils reçoivent des ressources financières pour l'acquisition d'armes et d'équipement militaire.

M.Hodza a affirmé que la République de Serbie a offert, à plusieurs reprises, aux représentants politiques de la communauté nationale albanaise, ainsi qu'aux représentants d'autres communautés nationales au Kosovo-Metohija, de participer à un dialogue constructif. Au cours de l'année 1998, le Président de la République de Serbie, M.Milan Milutinovic, les a conviés à un tel dialogue à trois reprises mais les dirigeants des parties séparatistes albanaises n'ont pas répondu : ils ne veulent pas d'un dialogue ni d'un règlement mais seulement la violence et les crimes.

Le Kosovo-Metohija fait partie intégrante de la République de Serbie, a rappelé M.Hodza. Les problèmes actuels sont d'ordre interne et ne peuvent être réglés que par un accord entre les représentants des communautés nationales vivant dans la province, a-t-il insisté avant de préciser qu'il ne saurait y avoir de solution imposée de l'extérieur. À cet égard, l'Accord en onze points auquel sont parvenus le Président Milosevic et l'Ambassadeur Richard Holbrooke constitue un bon point de départ en vue d'identifier une solution durable aux problèmes du Kosovo-Metohija, a déclaré le Vice-Ministre de la justice. Il a ajouté que le Projet d'accord conjoint sur le cadre politique d'un régime autonome au Kosovo-Metohija, qui date de novembre 1998, précise les solutions envisagées dans l'Accord Milosevic-Holbrooke. En outre, la République de Serbie a accepté les dix principes pour un règlement politique au Kosovo-Metohija adoptés par le Groupe de contact.

La délégation de la République de Serbie a pris part à la réunion qui s'est récemment tenue à Rambouillet en pensant que cette réunion se pencherait essentiellement sur un accord en vue d'un règlement politique au Kosovo-Metohija, a indiqué M.Hodza. Après 17 jours, les pourparlers de Rambouillet ont été temporairement suspendus sans aucun résultat concret, a-t-il rappelé avant de souligner que chacun sait qu'un accord politique n'a pas été conclu et que cet accord est loin d'être signé. Une série de dispositions capitales a été introduite de manière unilatérale. Un travail difficile reste donc à accomplir pour parvenir à un accord politique.

Quelques heures seulement avant la fin des pourparlers de Rambouillet, une tentative a été faite de distribuer les documents qui n'avaient pas encore été discutés par le Groupe de contact, a affirmé M.Hodza. «Il s'agit des prétendues annexes 2 et 7, traitant des questions de police et des troupes étrangères» a-t-il précisé. Malheureusement, ces derniers jours, on entend de faux rapports sur ce qui a été fait et ce qui a abouti à Rambouillet, a déclaré M.Hodza. «Les États-Unis et d'autres membres du groupes de contact créent délibérément la confusion en proclamant que les pourparlers sont parvenus à un stade qu'ils n'ont en fait pas atteint et en prétendant que l'accord politique a pratiquement été adopté et qu'il n'a plus qu'à être signé le 15 mars avant que ne s'engagent des pourparlers sur son application. Par «accord politique», ils entendent le texte de l'accord dans son ensemble, en incluant les chapitres sur la police et les troupes étrangères, c'est-à-dire précisément le texte qui n'a pas du tout
été discuté, a expliqué M.Hodza, estimant qu'une telle approche peut difficilement mener à un accord politique adéquat. Avant la fin de la réunion de Rambouillet, il a été spécifié aux Coprésidents qu'une large autonomie pour le Kosovo-Metohija doit aussi inclure le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la République de Serbie et de la République fédérative de Yougoslavie, a dit M.Hodza. Il a également été souligné qu'il ne saurait y avoir, pour le Kosovo-Metohija, ni indépendance, ni le statut de république.

La communauté internationale, en particulier le Groupe de contact, doivent donc créer les conditions adéquates pour la reprise des pourparlers. «Les négociations et la paix sont toujours, en particulier dans ce cas, préférables à une guerre sans précédent qui pourrait embraser la région entière», a déclaré M.Hodza. L'essentiel est désormais de parvenir à un accord politique sur l'autogestion et l'autonomie pour toutes les communautés nationales au Kosovo-Metohija, a-t-il estimé. La mise en oeuvre d'un tel accord est une autre question qui devra être traitée après la conclusion de l'accord. Ce qui est certain, c'est que la Yougoslavie ne saurait en aucune façon, sous le couvert de quiconque ou d'une quelconque structure, accepter la présence de troupes étrangères sur une partie quelconque de son territoire souverain.

Le rapport spécial de la République fédérative de Yougoslavie (CERD/C/364), rappelle que la région où réside le plus grand nombre de personnes appartenant à des communautés nationales ou ethniques différentes en République fédérative de Yougoslavie est la province autonome de Voïvodine. Outre les Serbes et les Monténégrins, elle compte notamment parmi ses habitants des Hongrois, des Roumains, des Ruthènes, des Slovaques, des Ukrainiens, des Roms, des Croates, des Bunjevci. Dans la province autonome du Kosovo-Metohija, les personnes appartenant à des communautés nationales ou ethniques autres que les communautés serbe et monténégrine (Albanais, Turcs, Roms, Goranci, Égyptiens, Musulmans) sont moins nombreuses. Dans la région appelée Serbie centrale vivent notamment, à part les Serbes et les Monténégrins, des Bulgares, des Roumains, des Albanais, des Roms. La République du Monténégro est, elle, peuplée notamment de Monténégrins, de Serbes, d'Albanais et de Musulmans. «Les opérations terroristes de l'«Armé
e de libération du Kosovo» sont financées au moyen des contributions exigées des quelques 800000 Albanais du Kosovo-Metohija qui travaillent à l'étranger ou reçoivent une aide sociale en se prétendant demandeurs d'asile», affirme notamment le rapport.

Examen de la situation en République fédérative de Yougoslavie

M.Peter Nobel, expert chargé de l'examen de la situation en République fédérative de Yougoslavie, a rappelé que, dans sa décision 3/53 adoptée le 17août 1998, le Comité avait fait par de sa profonde préoccupation face aux violations des droits de l'homme au Kosovo-Metohija et à l'utilisation disproportionnée de la force dans cette région de la part des forces de l'ordre. Le Comité avait donc demandé à la République fédérative de Yougoslavie de lui fournir des renseignements sur la situation actuelle au Kosovo-Metohija et sur les initiatives et mesures prises pour parvenir, grâce à un dialogue constructif avec les représentants politiques de la minorité nationale albanaise, à un règlement politique, a ajouté M.Nobel.

Relevant que la délégation de la République fédérative de Yougoslavie affirme que 453699 titres de voyage ont été délivrés en République de Serbie, M.Nobel a rappelé que selon les informations publiées dans la presse, les délégués albanais à la Conférence de Rambouillet n'ont obtenu leur titre de voyage qu'au dernier moment. Il est évident que de graves violations des droits de l'homme ont été commises par les Albanais du Kosovo, a ajouté M.Nobel, mais il est troublant que le présent rapport ne contienne aucune information sur les violations commises par les forces de l'ordre. On peut donc en conclure que ce rapport est très «unilatéral», a estimé M.Nobel. L'expert du Comité a également regretté que le rapport ne fasse pas état de la lenteur de la mise en oeuvre des droits culturels au Kosovo-Metohija.

Selon le rapport du Département d'État des États-Unis, la répression policière se poursuit au Kosovo contre les minorités ethniques, ainsi que contre des détenus et des citoyens ayant manifesté une attitude hostile au Gouvernement. Amnesty International pense que de nombreuses exécutions extrajudiciaires se produisent dans la région, a poursuivi M.Nobel. Il a également fait état d'informations selon lesquelles auraient été découverts des charniers contenant des cadavres de personnes qui auraient été tués par l'Armée de libération du Kosovo. Certaines informations indiqueraient que cette Armée contrôle 40% du territoire du Kosovo et aurait enlevé une centaine de personnes, y compris des réfugiés serbes du Kosovo.

Selon un rapport publié en janvier dernier par le Centre humanitaire de Belgrade, la situation des droits de l'homme s'est dégradée en République fédérative de Yougoslavie en 1998, année au cours de laquelle plus de 2000 personnes, la plupart des civils, sont mortes au Kosovo. Ce rapport mentionne également un certain nombre de violations du droit à un procès équitable ainsi que de nombreuses disparitions forcées. M.Nobel a par ailleurs indiqué que le Comité a reçu, récemment, une lettre du Président du Comité d'Helsinki bulgare attirant l'attention sur la situation de la minorité bulgare, estimée à 25000 membres, en République fédérative de Yougoslavie.

M.Nobel a rappelé que, selon le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, plus de 315000 habitants du Kosovo ne sont pas revenus dans leurs foyers. Une grande partie d'entre-eux son des déplacés à l'intérieur du Kosovo même.

Un membre du Comité a jugé indispensable, pour le Comité, de prendre des mesures pour limiter les violations des droits de l'homme les plus fondamentaux qui se produisent au Kosovo et pour s'assurer que tous les coupables de ces violations seront punis. Il est très difficile de dire aujourd'hui quel sera le futur statut du territoire du Kosovo mais il est clair qu'il faut parvenir à un accord assurant la bonne entente entre les diverses communautés du Kosovo. Le Comité n'est pas favorable au séparatisme ni aux sécessions, ont rappelé plusieurs experts. Il est regrettable que le rapport présenté ce matin par la République fédérative de Yougoslavie rejette tout le blâme sur une seule partie, ce qui n'est pas favorable à l'établissement d'un règlement de la question, ont souligné nombre d'experts.

Un expert a affirmé que la République fédérative de Yougoslavie serait bien avisée de manifester un plus grand désir de parvenir à une solution pacifique. Il a été affirmé que l'interprétation de la notion même de «solution juste et équitable» constitue un obstacle à l'établissement d'une telle solution.

Un autre membre du Comité a souhaité que la délégation de la République fédérative de Yougoslavie précise pourquoi elle n'a pas veillé au suivi des conclusions de la mission que le Comité avait envoyée il y a quelques années au Kosovo. Le Comité se doit d'intervenir, non pas dans une perspective préventive, puisqu'il est trop tard, mais en vue de favoriser une cessation des activités violente et d'assurer réparation tout en préparant l'avenir, a affirmé cet expert. D'autres membres du Comité ont rappelé l'importance de garantir le droit des réfugiés au retour et à une indemnisation.

La délégation de la République fédérative de Yougoslavie a affirmé que la prétendue Armée de libération du Kosovo devrait être inscrite sur la liste des organisations terroristes et que ce qui se passe au Kosovo-Metohija n'est pas un conflit armé.

Le Président du Comité, M.Mahmoud Aboul-Nasr, s'est dit alarmé de constater que la délégation de la République fédérative de Yougoslavie ne considère pas ce qui se passe au Kosovo et Metohija comme constituant un conflit armé.
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