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LE CONSEIL ACHÈVE L'EXAMEN DES RAPPORTS
SUR LA TORTURE ET SUR LA PROTECTION DES
DROITS DE L'HOMME DANS LA LUTTE
ANTITERRORISTE

Arrière

27 Mars 2007

Conseil des droits de l'homme
MATIN

27 mars 2007


Le Conseil des droits de l'homme a conclu, ce matin, son débat interactif avec les Rapporteurs spéciaux chargés respectivement de la question de la torture et de la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste, qui ont présenté leurs rapports hier après-midi.

Dans le cadre du débat sur la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste, plusieurs intervenants ont fustigé les pratiques de profilage sur des critères ethniques, raciaux ou religieux. Ces pratiques de profilage sont incompatibles avec le principe de non-discrimination et constituent une violation des droits de l'homme, ont-ils fait valoir, avant de souligner qu'elles s'avèrent, de surcroît, inefficaces, inadaptées et contre-productives. La majorité des délégations a insisté sur l'importance de lutter contre le terrorisme tout en respectant les droits de l'homme et sans miner les institutions démocratiques. Répondant à cet appel, le Rapporteur spécial est allé plus loin en soulignant que la promotion des droits de l'homme est un élément essentiel de toute stratégie viable de lutte contre le terrorisme.

En ce qui concerne la pratique de la torture, plusieurs délégations ont relayé l'appel du Rapporteur spécial sur l'obligation d'établir une juridiction universelle. La nécessité de pénaliser le crime de torture a en outre été soulignée, notamment par le Rapporteur spécial qui a regretté la réticence des États à le faire. Il a aussi été souligné qu'il est important d'assurer des réparations aux victimes de torture. Dans le cadre de ce débat, la question du rapport entre responsabilité individuelle et responsabilité de l'État a été soulevée, un intervenant préconisant à cet égard que les coûts de réhabilitation des victimes de tortures devraient être assumés par les auteurs individuels, leurs supérieurs et les autorités qui sont directement responsables.

Les délégations des pays suivants ont participé au débat: Cuba, Fédération de Russie, Cameroun, Maroc, Sénégal, Suisse, Autriche, Inde, Allemagne (au nom de l'Union européenne), Indonésie, Géorgie, Afrique Sud, Norvège, Népal, Nouvelle-Zélande, Finlande, Iraq, Pays-Bas, Mexique, Ouzbékistan, Iran, Costa Rica, Danemark, Mali, Kenya, États-Unis, République de Corée, Colombie, Canada, Paraguay, Brésil, Chili, Algérie, Nigéria, Pakistan (au nom de l'Organisation de la Conférence islamique) et Bangladesh .

Les représentants des organisations non gouvernementales suivantes se sont aussi exprimés:Conseil consultatif d'organisations juives; International Educational Development; Human Rights Advocates(au nom également de National Association of Criminal Defense Lawyers); Commission internationale de juristes; Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (au nom également de l'Union des avocats arabes et l'Union des juristes arabes); Défense des enfants - international; Foundation of Japanese Honorary Debts; Association pour la prévention de la torture (au nom également de la Fédération internationale de l'ACAT -Action des chrétiens pour l'abolition de la torture; Conseil international de réadaptation pour les victimes de la torture; et l'Organisation mondiale contre la torture); Fédération internationale islamique d'organisations d'étudiants; Mouvement international de la jeunesse et des étudiants pour les Nations Unies (au nom également de International Educational Development); et Asian Legal Resource Centre.


Le Conseil des droits de l'homme poursuivra ses travaux sans interruption jusqu'à 18 heures. Il entame vers midi l'examen des rapports sur la liberté de religion ou de conviction; sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression; et sur la détention arbitraire.


Fin du débat autour des rapports sur la torture et la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste

M. RODOLFO REYES RODRÍGUEZ (Cuba) a remercié les Rapporteurs spéciaux pour leurs travaux très importants et de qualité, abordant des questions intéressant tous les membres du Conseil. Le représentant cubain a en particulier jugé très pertinente la présentation de M. Martin Scheinin, sur les droits de l'homme et la lutte antiterroriste, qui souligne que le profilage ethnique est discriminatoire et inefficace. On pourrait d'ailleurs donner des exemples de terroristes ne correspondant pas du tout aux stéréotypes classiques, comme par exemple les membres de groupes agissant contre Cuba depuis les États-Unis, en général blancs et n'ayant rient à voir avec l'islam. Cuba demande au Rapporteur spécial, s'il peut enfin effectuer sa visite aux États-Unis, de s'occuper des groupes terroristes anticubains mais aussi de s'intéresser à la détention arbitraire des militants antiterroristes cubains emprisonnés de manière illégale aux États-Unis. Le Rapporteur spécial devrait aussi enquêter sur les activités illégales menées dans des centres de détention secrets un peu partout dans le monde, et même dans des avions de la CIA. Le représentant a aussi demandé à M. Manfred Nowak, Rapporteur spécial sur la torture, et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de donner son avis sur la loi d'octobre 2006 votée aux États-Unis et autorisant à qualifier de «combattant illégal» toute personne ainsi désignée par l'armée.

M. SERGEY CHUMAREV (Fédération de Russie), se référant au rapport de M. Scheinin, a reconnu que les actes terroristes doivent être jugés par la loi sans considérations discriminatoires. Il a relevé toutefois que les auteurs d'actes terroristes agissent souvent en relation avec des groupes religieux ou ethniques distincts. Il a exprimé, par ailleurs, son souci de ce que la protection et les droits des victimes des groupes terroristes ne soient pas suffisamment pris en compte dans le rapport. Il a enfin estimé que les acteurs terroristes non étatiques doivent être tenus responsables de leurs actes. Remerciant M. Nowak pour son rapport, il a insisté sur le fait que la Fédération de Russie considère le respect de la loi comme une condition sine qua non du respect des droits de l'homme.

M. MICHEL MAHOUVE (Cameroun) a notamment déclaré que son pays a ratifié la Convention contre la torture et en a incorporé les dispositions dans son dispositif législatif. Le Cameroun se refuse à être un potentiel refuge pour les auteurs de crimes qui heurtent la conscience humaine. Le représentant a également indiqué qu'au plan institutionnel, la Commission nationale des droits de l'homme et des libertés a vu un renforcement de ses capacités renforcées et l'autonomisation de ses moyens financiers et matériels par l'inscription de crédits spécifiques dans le budget de l'État. Un nouveau Code pénal est entré en vigueur en janvier dernier. Il se positionne comme un instrument de protection des droits de l'homme des personnes confrontées à une accusation pénale. Il répond en particulier aux normes d'équité énoncés dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Un Observatoire créé en janvier 2006 produira un rapport annuel, a en outre fait valoir le représentant camerounais.

M. MOHAMMED LOULICHKI (Maroc) a indiqué qu'une nouvelle loi contre la torture est entrée en vigueur au Maroc en février 2006, qui reprend intégralement la définition de la torture telle qu'elle figure dans la Convention contre la torture et prévoit des punitions sévères pour les violations de la loi. Il a aussi attiré l'attention sur l'Instance équité et réconciliation (IER) qui a instruit 16 861 dossiers et décidé des indemnisations financières en faveur de victimes, aisni que des mesures de réhabilitation. Il a réitéré, finalement, l'importance que le Maroc accorde à la ratification du Protocole facultatif à la Convention contre la torture, relatif à des visites préventives dans les lieux de détention.

M. CHEIKH TIDIANE THIAM (Sénégal) a indiqué que depuis le mandat confié à son pays par le Sommet de l'Union africaine pour juger M. Hissène Habré, plusieurs mesures ont été prises par le Gouvernement sénégalais dans la perspective d'un tel procès. Tout d'abord des projets de loi ont été adoptés modifiant les Codes pénal et de procédure pénale, avec en particulier l'incorporation de dispositions relatives au crime de génocide ou l'élargissement du champ d'application de la compétence universelle. Le Sénégal a ainsi comblé un vide juridique qui avait empêché ses juridictions, pour des raisons techniques, de connaître l'affaire Hissène Habré. L'adoption de ces textes se situe dans le prolongement de la ratification, en septembre 2006, du Protocole facultatif à la Convention contre la torture. Le représentant a également évoqué une seconde série de mesures touchant à la mise en œuvre du mandat de l'Union africaine au Sénégal pour faire poursuivre et juger, au nom de l'Afrique, M. Hissène Habré, mesures d'ordre aussi bien diplomatique, judiciaire, sécuritaire que financier.

MME ANNYSSA BELLAL (Suisse), s'adressant à M. Scheinin, a demandé comment le Rapporteur spécial qualifie juridiquement la pratique des «assassinats ciblés», parfois utilisée par les États afin de prévenir des actes de terroristes. Elle a aussi demandé comment répondre à l'argument parfois avancé par des États selon lequel le droit international des droits de l'homme ne s'applique pas de manière extraterritoriale et que, par conséquent, certains assassinats ciblés ne seraient pas interdits pour l'État qui les mène à l'extérieur de son territoire. Se référant au rapport de M. Nowak, elle s'est interrogée sur la manière de faire appliquer l'obligation des États à agir contre les auteurs d'actes de torture, en fonction du principe de compétence universelle.

MME ROXANE NOLAN (Australie) a insisté sur l'importance de garantir qu'il n'y ait pas d'impunité pour les auteurs de crimes graves. L'impunité doit être éradiquée au plus vite, a-t-elle souligné. À cet égard, elle a rappelé que son pays a joué un rôle clé dans la création de la Cour pénale internationale, qui, elle, peut jouer un rôle déterminant dans la lutte contre les crimes les plus abominables et contribue à punir leurs auteurs.

M. RAJIV CHANDER (Inde) a souligné que son pays a été une victime du terrorisme pendant deux décennies, un phénomène que constitue une menace pour la démocratie. Les terroristes s'en prennent à toutes les composantes de la société civile. Les États ont la responsabilité de protéger leurs citoyens. Mais toute mesure de lutte contre le terrorisme doit être fermement ancrée dans des dispositions légales conformes aux normes des droits de l'homme. Les efforts déployés par les États fondés sur le profilage devraient se baser sur l'analyse de comportements, et non pas sur des critères ethniques, a ajouté le représentant. L'Inde estime que des outils juridiques tels que l'entraide judiciaire et l'extradition sont des outils essentiels de la lutte antiterroriste. Elle préconise l'adoption d'une Convention internationale pour la lutte contre le terrorisme.

MME ANKE KONRAD (Allemagne, au nom de l'Union européenne) a souhaité avoir plus d'informations sur les visites prochaines du Rapporteur spécial sur la torture, rappelant que certaines visites prévues ont été supprimées et que celle en Indonésie devrait avoir lieu cette année. D'autre part, elle lui a demandé s'il est satisfait des mesures qui ont été prises suite à sa visite. Rappelant la situation qui a cours au Zimbabwe, elle a demandé au Rapporteur spécial s'il compte s'y rendre plus tôt que prévu au regard de la dégradation de la situation dans ce pays. S'intéressant à la question de la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, la représentante a insisté sur l'importance de mettre l'accent, à l'instar de l'Union européenne, sur les mesures contre le terrorisme sans miner les institutions démocratiques. Elle a souhaité avoir plus d'informations sur les visites que le Rapporteur spécial compte mener à l'avenir.

M. ADE PETRANTO (Indonésie), s'adressant à M. Scheinin, a demandé à ce dernier d'élaborer des recommandations relatives à l'autorisation de profilage dans certaines situations spécifiques. Se référant au rapport sur la torture, il a souligné l'importance de la sensibilisation pour la promotion des droits de l'homme. Il a indiqué que l'Indonésie a intégré la Convention contre la torture dans la législation nationale. Le représentant indonésien a encore informé le Conseil que son pays a invité le Rapporteur spécial et lui a demandé de préciser qu'elle est, selon lui, la meilleure manière d'aider les États à lutter contre la torture, sans porter atteinte à la souveraineté nationale.

MME TAMAR TOMASHVILI (Géorgie) a indiqué que son pays a adopté ces dernières années une série de mesures de lutte contre la torture et l'utilisation excessive de la force. En matière de lutte contre l'impunité, toutes les informations concernant les cas individuels ainsi que le nombre des personnes poursuivies sont disponibles sur le site Internet du Procureur général. La Géorgie a aussi décidé d'améliorer les conditions et le traitement des personnes privées de liberté, avec une insistance particulière sur le surpeuplement carcéral: les conditions de la garde à vue en particulier ont été améliorées, conformément à des recommandations du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, M. Manfred Nowak. Des codes déontologiques pour la police et la justice seront par ailleurs mis au point, a fait valoir la représentante.

M. PITSO MONTWEDI (Afrique du Sud) a assuré que son pays est convaincu que, dans la lutte contre le terrorisme, les droits de l'homme fondamentaux doivent être respectés. À cet égard, il s'est dit inquiet que certains groupes raciaux ou religieux soient ciblés au nom de la «guerre contre la terreur». Ces mesures sont déshumanisantes et contraires à l'égalité et à la dignité humaine, a-t-il souligné. Il a d'autre part fait valoir que son gouvernement a lancé une invitation ouverte à toutes les procédures thématiques et s'est réjoui de la visite prochaine du Rapporteur spécial sur la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste, du 16 au 27 avril de cette année. Nous espérons bénéficier de sa grande expérience, a-t-il conclu.

M. VEBJORN HEINES (Norvège) a félicité M. Scheinin de son analyse relative au profilage, estimant que son étude met en évidence les liens existant entre différents mandats. Y a-t-il une possibilité, a-t-il demandé, d'améliorer encore la coordination entre les détenteurs de mandats? Se référant à la juridiction universelle contre la torture, il s'est interrogé sur les moyens de la faire appliquer par des acteurs non étatiques.

M. BHARAT RAJ PAUDYAL (Népal) a remercié M. Nowak pour son rapport sur la torture. Le représentant a souligné que son pays a pris au sérieux toutes ses recommandations pour mettre un terme à la torture et garantir les droits de la population tels que définis par les pactes ratifiés par le Népal. Il a toutefois regretté que certaines des situations mentionnées dans le rapport ne sont pas vérifiées, ce qui confère une certaine ambiguïté à ce document. Le représentant a attiré l'attention sur les actions résolues menées par le Gouvernement contre ses propres agents impliqués dans de tels actes. La Commission nationale des droits de l'homme, le Comité international de la Croix-Rouge et le Bureau de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme ont accès à tous les centres de détention

MME NICOLA HILL (Nouvelle-Zélande) a dit partager le point de vue du Rapporteur spécial sur la torture lorsqu'il affirme que le suivi est un aspect fondamental de la prévention. Elle s'est réjouie de ce que son pays soit récemment devenu le 33ème État partie au protocole facultatif de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui prévoit des visites préventives dans les lieux de détention. Enfin, elle a souhaité savoir comment les travaux du Rapporteur spécial viennent compléter ceux du Comité contre la torture.

MME ANNA ESKO (Finlande), se référant à la stratégie de contreterrorisme mise en place à l'initiative des États-Unis, a demandé à M. Scheinin quelle approche il préconise pour lutter contre les conditions propices à l'extension du terrorisme, tout en se fondant sur la promotion et la protection des droits de l'homme.

M. YOUSSEF MOHAMMAD AZIZ (Iraq) a remercié le Rapporteur spécial sur les droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme, indiquant que son pays est lui-même confronté à une vague de terrorisme sans précédent. Cependant, tout le territoire n'est pas affecté de la même manière. La sécurité est encore précaire, compte tenu de la faiblesse de l'État de droit. Au Kurdistan, la situation s'améliore par contre tous les jours, grâce en particulier à l'adoption de lois antiterroristes et de lois protégeant les droits de l'homme.

MME SUZANNE DE GROOT (Pays-Bas), s'adressant au Rapporteur spécial sur la torture, a demandé des précisions sur les activités qu'il estime essentielles dans la coopération entre les organisations régionales et la lutte contre la torture. Puis, rappelant que le Rapporteur spécial a constaté que les États sont réticents à établir une juridiction universelle, elle a souhaité savoir quelles en sont les raisons et comment il est possible d'y remédier.

M. JOSÉ GUEVARA (Mexique) a exprimé sa préoccupation à l'égard de l'usage du profilage dans la lutte contre le terrorisme. Il a demandé à M. Scheinin de fournir des exemples de bonnes pratiques pouvant être utilisées en remplacement des pratiques de profilage. Il a aussi demandé au Rapporteur spécial d'élaborer ses recommandations relatives à la transparence. Il s'est interrogé, finalement, sur le rôle que le Conseil pouvait jouer dans l'application de la juridiction universelle à l'encontre des acteurs violant la Convention contre la torture.

M. AKMAL SAIDOV (Ouzbékistan) a indiqué que son pays a été le premier État de la Communauté des États indépendants à recevoir le Rapporteur spécial sur la torture. L'Ouzbékistan a mis en œuvre un plan d'action pour l'application de la Convention contre la torture. La loi et les autorités judiciaires sont armées pour la lutte contre ce phénomène, que les forces de l'ordre sont formées à combattre. Les auteurs de ces crimes sont systématiquement poursuivis et punis, a indiqué le représentant. Quant à l'organisation du système pénitentiaire, elle tient compte des avis des organisations non gouvernementales et des nombreuses délégations d'organisations nationales et internationales ayant effectué des visites. Le représentant ouzbek a regretté que le rapport de M. Nowak ne fasse pas état des nombreuses informations communiquées par son gouvernement. Le Rapporteur spécial devrait en outre indiquer quelle est sa définition de travail du terme «torture».

MME FOROUZANDEH VADIATI (Iran) s'est dite très préoccupée de l'utilisation abusive du profilage dans le cadre de la lutte antiterroriste, en particulier au Royaume-Uni, demandant au Rapporteur s'il a l'intention de visiter ce pays pour enquêter sur ces pratiques. Elle a aussi demandé à M. Scheinin d'exprimer sa position par rapport au havre que représentent pour les terroristes certains pays comme la France. Elle a aussi évoqué la coopération de pays européens, notamment la République tchèque, avec la CIA dans le cadre de déplacements de présumés terroristes.

M. LUIS VARELA QUIRÓS (Costa Rica) a relevé avec inquiétude que le Rapporteur spécial sur la torture avait envoyé, entre décembre 2005 et décembre 2006, 79 notifications de cas de torture à 35 gouvernements et avait lancé 157 appels urgents à 60 gouvernements concernant des personnes risquant d'être exposées à la torture et autres traitements dégradants. La torture est dans tous les cas une pratique répréhensible et contraire au droit. Il faut aider les organisations non gouvernementales qui œuvrent dans ce domaine et appuyer l'action du Rapporteur spécial, a souligné le représentant. Il a déclaré que son pays avait été l'un des premiers du continent à établir un mécanisme de prévention de la torture conforme aux principes du Protocole facultatif à la Convention sur la torture.

MME MARIE LOUISE OVERVAD (Danemark) a souhaité avoir des précisions sur le rapport existant entre responsabilité personnelle et responsabilité de l'État, s'agissant des actes de torture et du devoir de l'État d'assurer l'indemnisation des victimes. D'autre part, elle a rappelé que le Rapporteur spécial a souligné que les enquêtes pour cas de torture requièrent des visites impromptues et des entretiens individuels et qu'il rencontre des problèmes pour mener de telles activités. C'est une question de volonté politique, certes, mais avez-vous des propositions pour remédier à ce problème, a-t-elle demandé ?

MME FATOUMATA DIALL (Mali) s'est réjouie de ce que le rapport de M. Scheinin fasse état des progrès réalisés en Afrique dans la lutte contre la torture. Elle a mentionné, à cet égard, les mesures prises par le Mali pour lutter contre les pratiques de torture. Évoquant les passages à tabac systématiques qui sont pratiqués dans certains pays, elle a noté avec préoccupation que c'est le lot quotidien de beaucoup de femmes et d'hommes qui tentent l'aventure de l'immigration et a invité les pays hôtes à respecter leurs obligations. Elle a finalement préconisé de mettre d'avantage l'accent sur la prévention.

MME MARIA NZOMO (Kenya) a déclaré que son gouvernement, élu démocratiquement, est conscient de ses obligations en matière de lutte antiterroriste conforme à ses obligations au regard du droit international. Le débat sur la nécessité de parvenir à un équilibre entre le contreterrorisme et la promotion et la protection des droits de l'homme est engagé à tous les niveaux au Kenya. C'est la raison pour laquelle le projet de loi antiterroriste auquel le Rapporteur spécial sur la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste fait allusion dans son rapport n'a pu encore être adopté. Le débat sur ce texte concerne précisément le problème de la compatibilité entre les mesures antiterroristes contenues dans le projet de loi et les libertés fondamentales, dont certaines sont indérogeables, a rappelé la représentante. Concernant le rapport du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la représentante a notamment fait valoir que l'instance nationale de surveillance des activités de la police s'apprête à lancer des enquêtes impartiales et indépendantes concernant des policiers soupçonnés de torture. Par ailleurs des programmes de formation des policiers et gardiens de prison sont en train d'être mis en œuvre.

M. WARREN TICHENOR (États-Unis) a souligné l'importance pour les États d'établir une juridiction universelle s'agissant des actes de torture, rappelant, ainsi que l'a souligné le Rapporteur spécial sur la torture, que la mise en œuvre d'une telle juridiction peut contribuer à empêcher l'impunité. Il a à cet égard tenu à remercier le Rapporteur spécial d'avoir mis en évidence ce point. D'autre part, il a souhaité avoir plus de précisions sur l'invitation de visite qui aurait été faite par le Zimbabwe, surtout compte tenu des récents événements qui ont eu cours au Zimbabwe. Pour conclure, il a tenu à clarifier la mention du Patriot Act américain dans le rapport du Rapporteur spécial sur la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste. Notre constitution établit des limites claires et fermes sur les conditions de l'usage de la force et cela n'a en rien changé depuis le 11 septembre, a-t-il précisé.

M. PIL-WOO KIM (République de Corée), tout en accueillant avec intérêt la proposition de M. Nowak d'établir un fonds des Nations Unies contre la torture, a émis des doutes quant à la possibilité d'obliger les États violant la Convention à y contribuer, estimant que l'on ne peut attendre des gouvernements qu'un geste volontaire. Jugeant que les pratiques de profilage sont, non seulement contre-productives et incompatibles avec les droits de l'homme, mais très difficiles à utiliser, il a préconisé que toute mise en œuvre de ce type de pratique soit assortie de systèmes de surveillance de la police, sur le terrain.

M. TOMÁS CONCHA (Colombie) a rappelé que la Constitution de son pays interdit la torture et les disparitions forcées. La torture est punie de peines sévères. Pour sa part, le Gouvernement colombien prend les mesures pour garantir que ses agents se comportent de manière conforme au droit international, en collaboration en particulier avec le Comité international de la Croix-Rouge. Le rapport du «Défenseur du peuple» colombien fait état d'une diminution du nombre des plaintes de citoyens contre des membres des forces de l'ordre, a fait valoir le représentant. Les autorités pénitentiaires sont sensibilisées aux conditions particulières imposées par l'obligation de respecter les droits de l'homme, a notamment ajouté le représentant colombien.

M. TERRY CORMIER (Canada) a estimé que la proposition du Rapporteur spécial sur la torture, qui stipule l'importance de mettre en place des mécanisme destinés à tenir pour responsables les États lorsque des actes de torture sont systématiquement commis sur leur territoire, mérite une grande attention. De plus, il a rappelé que le rapport suggère que les coûts de réhabilitation des victimes de tortures devraient être assumés par les auteurs individuels, leurs supérieurs et les autorités qui sont directement responsables. Quels sont les obstacles que vous avez identifiés s'agissant des procès des civils auteurs de tels crimes, a-t-il demandé au Rapporteur spécial?

M. RIGOBERTO GAUTO (Paraguay) a fait valoir l'esprit de coopération dont le Paraguay a fait preuve lors de la visite du Rapporteur spécial contre la torture. Il a regretté que le Paraguay n'ait pas encore pu avoir accès au rapport du Rapporteur spécial en espagnol. Pour cette raison, il a demandé que les conclusions du rapport relatives à la visite du Rapporteur spécial au Paraguay ne soient pas rendues publiques avant que le rapport ait été traduit en espagnol.

M. MURILO VIEIRA KOMNISKI (Brésil) a rappelé que si les États ont le droit, et même le devoir, de prendre des mesures pour éliminer le terrorisme, ils doivent avoir conscience du fait que la manière de mener ce combat peut avoir des effets profonds sur le respect des droits de l'homme. Le Brésil estime que la législation en matière de droits de l'homme doit encadrer les mesures antiterroristes. Le représentant s'est félicité de l'analyse faite par le Rapporteur spécial, M. Martin Scheinin, de la notion de «profilage», dont l'application risque d'avoir des effets discriminatoires contre certains groupes d'immigrants, a mis en garde le représentant brésilien. Il a par ailleurs rappelé que son pays est activement engagé dans la prévention de la torture et des autres formes de traitements dégradants. Un plan d'action exhaustif a été adopté; un Comité national de prévention de la torture est chargé de superviser l'application au niveau national des dispositions du Protocole facultatif à la Convention contre la torture.

M. EDUARDO CHIHUALIAF (Chili) a tenu à assurer le Rapporteur spécial sur la torture de la ferme volonté de coopération de son pays. Il s'est en outre dit reconnaissant du rapport du Rapporteur spécial sur la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste, à une époque où la communauté internationale est plus que jamais confrontée à la menace du terrorisme. À cet égard, le représentant a insisté sur l'importance de veiller à ce que les mesures de lutte contre le terrorisme soient conformes aux droits de l'homme. Citant la Présidente du Chili, il a rappelé que le terrorisme doit être combattu dans le cadre de la démocratie. À chaque fois que nous enfreignons les garanties constitutionnelles et que nous cédons à la tentation de recourir à des mesures illégales pour lutter contre le terrorisme, ce sont les terroristes qui gagnent, a rappelé le représentant chilien.

M. IDRISS JAZAÏRY (Algérie), se référant au rapport de M. Scheinin, a souscrit à l'analyse du Rapporteur spécial qui souligne que la pratique du profilage fondée sur la religion, l'appartenance ethnique et autres est une pratique discriminatoire. Mais cette analyse pourrait conduire à une mauvaise interprétation et pourrait permettre à des Etats d’utiliser le profilage à mauvais escient, a estimé le représentant algérien. Se référant à la stratégie globale de lutte contre le terrorisme, il a rappelé que les causes du terrorisme peuvent se trouver dans des conflits qui perdurent et invité le Conseil à prévenir le terrorisme en veillant au règlement de ces conflits. Il a noté que les moyens utilisés pour lutter contre l'occupation ne peuvent être assimilés à des actes terroristes puisqu'ils constituent une défense du plus noble des droits humains: le droit à la liberté. Il a enfin proposé l'adoption d'une convention qui en tienne compte, espérant que la communauté internationale parvienne à un accord. Il faut, a-t-il dit, réconcilier la liberté et la sécurité, même dans le cadre de l'état de guerre.

M. FRANK ISOH (Nigéria) s'est dit satisfait de constater que le rapport de M. Nowak contient des recommandations utiles auxquelles son gouvernement accordera toute l'attention voulue. Le Nigéria collabore régulièrement avec le système de protection des droits de l'homme des Nations Unies, ayant accueilli quatre mandats en moins de trois ans. Cependant, le Nigéria doit exprimer son insatisfaction devant la manière dont le Rapporteur spécial s'est exprimé devant la presse lors de sa visite avant même la présente session du Conseil: la voie normale aurait dû être de commencer par soumettre son rapport au Conseil. Le représentant a souhaité dissiper l'impression donnée par le rapport que la torture est une pratique bénéficiant de l'impunité au Nigéria. Le gouvernement ne cautionne nullement de telles pratiques et il est en train de réorienter à cet égard l'attitude des forces de l'ordre, dont le zèle a parfois été excessif, a convenu le représentant. Il a également fait état de l'application progressive d'un système grâce auquel des avocats spécialisés enquêtent sur des violations présumées des droits de l'homme par la police. Plusieurs cas graves de torture ont déjà été poursuivis et jugés. Le représentant s'est enfin félicité de ce que M. Nowak a su prendre la mesure des difficultés que l'État doit surmonter, compte tenu de la taille du pays et de son importante population.

M. MARGHOOB SALEEM BUTT (Pakistan, au nom de l'Organisation de la Conférence islamique) a félicité le Rapporteur spécial sur la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste pour son travail. Il a attiré l'attention sur les pratiques de profilage sur la base de critère ethniques ou religieux. Ces pratiques de profilage sont incompatibles avec le principe de non-discrimination et constituent une violation des droits de l'homme, a-t-il insisté avant de rappeler que, de surcroît, ces méthodes s'avèrent inefficaces et inadaptées. Elles touchent des dizaines de milliers d'innocents et il faut y mettre un terme. Le représentant de l'OCI a en outre rappelé que ces pratiques ont des effets pervers par l'humiliation qu'elles génèrent, et notamment peuvent mener à un sentiment d'aliénation au sein du groupe visé. D'ailleurs, le Royaume-Uni a parlé de ces impacts négatifs, a-t-il souligné. Par conséquent, il s'est dit fermement convaincu qu'il faut éliminer ces pratiques de profilage, avant de rappeler que tous les êtres humains ont le droit de vivre dans un environnement de justice et de respect.

M. NAYEM AHMED (Bangladesh) a félicité le Rapporteur spécial M. Martin Scheinin de son analyse de la pratique du «profilage» dans le cadre de la lutte antiterroriste, une méthode qui, telle qu'appliquée depuis les attentats du 11 septembre 2001, entraîne un sentiment d'hostilité et de xénophobie. La lutte antiterroriste doit au contraire passer par la coopération et la confiance. Le rapport indique que la meilleure méthode serait de procéder à des contrôles universels ou aléatoires, mais cette proposition n'est accompagnée d'aucune indication pratique qui en faciliterait l'application, a déploré le représentant.

MME SARAH KAISER (Conseil consultatif d'organisations juives) s'est félicitée des critiques émises par le Rapporteur spécial contre le profilage basé sur la nationalité, la religion et l'appartenance ethnique, notant que le peuple juif était particulièrement opposé à cette pratique. Elle a demandé au Rapporteur de bien vouloir élargir son travail concernant ces pratiques.

MME KAREN PARKER (International Educational Development) a regretté que la visite du Rapporteur spécial sur la torture ait dû reporter sa visite à Sri Lanka. Les violations affectant les Tamouls sont assimilables à des crimes de guerre, a-t-il souligné, avant de déplorer que les autorités sri-lankaises aient refusé que cette situation soit évaluée par le Rapporteur spécial. La représentante a en outre estimé que le Rapporteur spécial pourrait s'associer au Rapporteur spécial sur les personnes déplacées ainsi qu'à celui sur le racisme, arguant que les plans fomentés par le Gouvernement contre les Tamouls contribuent largement à cette situation de génocide.

MME ELISABETH HANOWSKY (Human Rights Advocates, au nom également de National Association of Criminal Defense Lawyers) a souligné que l'essentiel des peines de mort soient prononcées dans quatre pays, les États-Unis, la Chine, l'Iran et l'Arabie saoudite. L'abolition de la peine de mort doit être une priorité pour les Nations Unies. Par ailleurs, la représentante s'est dite préoccupée de la persistance des violations de l'interdiction de la torture commises de manière indirecte dans le cadre de l'application de la peine de mort. De nombreux condamnés attendent parfois pendant des décennies leur mise à mort, ce qui entraîne des traumatismes graves. Il ne s'agit pas de militer pour l'application hâtive des sentences ultimes, mais de réclamer l'application des procédures dans des délais raisonnables.

M. GERALD STABEROCK (Commission internationale de juristes) a instamment invité les États à suivre les recommandations de M. Scheinin relativement au profilage. Il a noté que les services de renseignements sont souvent impliqués dans les pratiques dénoncées. Il a encore appelé le Conseil à porter une attention urgente aux cas de détentions illégales comme celles pratiquées par les États-Unis, notant que ce type de pratiques est assimilable à la disparition forcée. Il a invité le Conseil à faire pression et offrir son aide aux États-Unis pour fermer le centre de détention de Guantánamo.

MME HANAN SHARFELDDIN (Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, au nom également de l'Union des avocats arabes; Union des juristes arabes) a souligné que l'occupation étrangère est un acte majeur de terrorisme. L'occupation devient un acte de terrorisme total lorsque les droits de la population sous occupation dépendent des caprices de l'occupant, a-t-elle souligné. Rappelant que la résistance à l'occupation étrangère est un droit et qu'il exprime le droit à la légitime défense, elle a souligné que la résistance contre l'occupant n'est pas un acte de terrorisme. Il ne doit pas y avoir de confusion entre résistance et terrorisme, a-t-elle martelé.

MME JULIA D'ALOISIO (Défense des enfants - international) a regretté que le rapport de M. Nowak ne tienne pas compte de la torture infligée aux enfants privés de liberté, pratique qui entraîne des répercussions à long terme pour ces enfants. La représentante a rappelé qu'ils ont droit à une protection renforcée de la part de la communauté internationale, un fait reconnu dans de nombreux instruments internationaux, en particulier la Convention des droits de l'enfant. C'est pourquoi la représentante a demandé au Rapporteur spécial de se pencher désormais sur ce problème spécifique.

M. JOSÉ S.S.M. ADRIAANSEN-SMIT (Foundation of Japanese Honorary Debts) a rappelé que son organisation représente les anciens prisonniers de guerre et «femmes de réconfort» et plus généralement les victimes de l'occupation japonaise, durant la dernière guerre mondiale. Jusqu'à aujourd'hui, a-t-elle relevé, les autorités japonaises n'ont jamais fait amende honorable pour leur responsabilité dans l'utilisation des «femmes de réconfort» et cela malgré la pression exercée par d'autres pays. Le Japon souffre-t-il d'amnésie, a-t-elle demandé, invitant ce pays à présenter des excuses et indemniser les victimes.

M. EDOUARD DELAPLACE (Association pour la prévention de la torture, au nom également de la Fédération internationale de l'ACAT (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture); Conseil international de réadaptation pour les victimes de la torture; et l'Organisation mondiale contre la torture) a félicité le Rapporteur spécial sur la torture pour son travail. Rappelant que le Rapporteur spécial a insisté sur l'obligation des États parties d'établir une juridiction universelle suivant le principe aut dedere aut iudicare (extrader ou juger), le représentant a estimé que cette obligation reflète le droit coutumier et est, de fait, imposée à tous les États membres des Nations Unies -et pas uniquement ceux qui sont parties à la Convention-. D'autre part, elle a souligné que le Rapporteur spécial insiste sur l'importance de pénaliser les cas de torture et que le faire implique de définir la torture comme un crime spécifique. Le principe aut dedere aut iudicare est lié à la pénalisation de la torture, a-t-elle fait observer, avant de demander au Rapporteur spécial s'il pense que le Comité contre la torture devrait s'intéresser tout particulièrement à cette question.

MME ATIA ANWAR ZOON (Fédération internationale islamique d'organisations d'étudiants) a remercié le Rapporteur spécial, M. Manfred Nowak, pour son rapport srur la question de la torture. Elle a appelé la communauté internationale à ratifier la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La représentante a dénoncé les abus très graves commis par les autorités indiennes dans son occupation du Cachemire, ainsi que le confirme un rapport de Human Rights Watch publié en janvier. Tandis que le peuple cachemirien subit des crimes abominables, les auteurs de ces actes siègent au Conseil pourtant chargé de défendre les droits de l'homme. Le Rapporteur spécial doit se rendre au Cachemire et rendre compte du fardeau subi par la population, soumise quotidiennement à la torture et aux traitements cruels et dégradants.

M. MOHAMED CHEIKH MOHAMED (Mouvement international de la jeunesse et des étudiants pour les Nations Unies, au nom également de International Educational Development) a noté que ces dernières années ont constitué les années les plus noires pour le peuple sahraoui, celui-ci ayant subi de terribles violations des droits de l'homme sous l'occupation marocaine. Il a mentionné, entre autres violations, l'utilisation de l'arme alimentaire, les arrestations arbitraires, les assassinats. Devant l'extrême gravité de ces violations, le représentant a appelé le Conseil à désigner un rapporteur spécial pour enquêter sur les faits.

M. NORMAN VOSS (Asian Legal Resource Centre) s'est dit préoccupé par la prévalence des pratiques de torture et de l'impunité dont bénéficient leurs auteurs. La torture est la première méthode d'enquête dans nombre de pays d'Asie, comme le Bangladesh, l'Inde, l'Indonésie, le Pakistan, les Philippines et Sri Lanka, a-t-il fait observer, avant de souligner que l'idée de justice est ici sacrifiée sur l'autel de la brutalité et de la corruption. Il a souhaité savoir comment le Conseil pourrait aider le Rapporteur spécial dans son mandat et plus particulièrement s'agissant de la prévalence de ces pratiques dans la région d'Asie. Pour conclure, M. Voss a regretté la déclaration faite par le représentant du Népal, soulignant que, pour sa part, son organisation reçoit de nombreuses informations sur des pratiques de tortures. Le Népal semble mettre de côté les droits de l'homme au profit de considérations politiques, a-t-il regretté.


Conclusions des Rapporteurs spéciaux

M. MARTIN SCHEININ, Rapporteur spécial sur la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, a remercié l'Inde, l'Afrique du Sud et l'Iraq pour leurs déclarations. Il s'est réjoui de la coopération dont la Turquie a fait preuve jusqu'ici, mais a tenu à exprimer ses préoccupations s'agissant de la loi turque sur l'indemnisation. Il y a des bonnes pratiques, mais aussi des inégalités dans l'application de cette loi, a-t-il précisé. De plus, le Rapporteur spécial s'est dit en désaccord avec les prétendues racines du terrorisme dont parlait le représentant turc. Il faut comprendre les conditions, comme par exemple, les conditions du recrutement des terroristes; il y a des raisons, certes, mais il ne faut pas parler de racines, a-t-il estimé. Revenant sur une remarque faite par la représentante de la Finlande, il a expliqué qu'il ne s'agit pas de faire appliquer la loi suite à des actes de terrorisme déjà commis, ni d'engager des services de renseignements qui essayent d'empêcher des attentats individuels. Il faut une stratégie vaste, globale et à long terme. Même s'il n'y a pas d'excuse au terrorisme, il faut analyser les raisons, les causes, les conditions qui peuvent mener au terrorisme. Et la promotion des droits de l'homme est un élément essentiel de toute stratégie viable de lutte contre le terrorisme, a-t-il souligné.

S'agissant de sa visite prochaine aux États-Unis, le Rapporteur spécial a expliqué qu'elle est prévue pour la fin du mois de mai. «Les lieux et les personnes que je vais rencontrer sont encore à définir, mais je prends note des commentaires du délégué cubain», a-t-il précisé. À la question de la représentante suisse sur les assassinats ciblés, il a souligné que la situation doit être considérée comme un conflit armé et que la personne doit participer activement à ses activités. Ces circonstances sont très précises et très limitées, a-t-il insisté, avant d'ajouter que si elles sont remplies, le droit de la guerre, à savoir le droit international humanitaire, doit être respecté.

Répondant à une question posée par la représentante de l'Allemagne sur ses futures visites, le Rapporteur spécial a confirmé qu'il se rendra aux Philippines, en Espagne, aux États-Unis et en Israël cette année. Au représentant de la Norvège qui évoquait le problème de cohérence et de chevauchement entre les mandats des Rapporteurs spéciaux, il a assuré travailler à éviter les doublons. Pour qu'il n'y ait pas de chevauchement entre nos travaux, nous nous tenons au courant des avancées et, parfois, nous envoyons des lettres conjointes. Le niveau de chevauchement varie, a-t-il fait observer, avant de souligner qu'en l'occurrence son mandat couvre beaucoup d'autres domaines.

M. MANFRED NOWAK, Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, a répondu aux questions et commentaires des membres du Conseil. Il a remercié l'ambassadeur de la Jordanie pour la collaboration de son gouvernement, se félicitant de la fermeture de deux établissements carcéraux problématiques. La situation à Guantánamo est caractérisée par des détentions arbitraires et des conditions d'interrogatoire non conformes au droit international. Le Rapporteur spécial n'a pas reçu encore d'autorisation de se rendre sur les lieux. Il a dit apprécier l'idée d'un dialogue avec les autorités de la Russie. Cependant, le mandat du Rapporteur spécial n'est pas négociable: c'est à la Russie d'aligner ses lois, tant il est vrai que les visites impromptues et les discussions privées avec les détenus devraient aller de soi, a estimé M. Nowak. Le Rapporteur spécial s'est d'autre part dit satisfait de la collaboration du Sénégal. Les futures visites envisagées par le Rapporteur spécial seront Sri Lanka, le Togo, l'Indonésie, à terme peut-être la Russie. Le Rapporteur spécial a adressé des appels d'urgence au Gouvernement du Zimbabwe, qui a transmis des invitations officieuses seulement. La communauté internationale pourrait aider ces États, en particulier par des programmes d'aide à la formation des officiers de police et de mise à niveau des prisons.

M. Scheinin a remercié le Gouvernement du Népal, relevant qu'au moment de sa visite, il y a deux ans, la torture était bel et bien systématique. La situation a changé depuis et il faut en féliciter le Gouvernement actuel. Au chapitre de la rationalisation des travaux, le Rapporteur spécial a précisé qu'il s'efforce d'organiser ses missions conjointes avec les instances régionales de lutte contre la torture. Quant à la question de la définition de la «torture systématique», elle consiste en une véritable politique gouvernementale, rarement constatée d'ailleurs. Les États, devraient verser des contributions au fonds volontaire des Nations Unies pour les victimes de la torture. Le Rapporteur spécial a enfin rappelé que sa mission est impossible en l'absence de la possibilité de faire des visites de prison impromptues et d'y avoir des entretiens privés avec les détenus. M. Nowak s'est dit surpris de constater que très peu d'États criminalisent systématiquement la torture.




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