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LA COMMISSION DES DROITS
DE L'HOMME ENTAME L'EXAMEN
DES QUESTIONS RELATIVES AU
DROIT AU DÉVELOPPEMENT

Arrière

30 Mars 1999

SOIR
HR/CN/99/14
30 mars 1999

L'expert indépendant sur le droit au développement
présente un rapport oral préliminaire


La Commission des droits de l'homme a entamé, ce soir, l'examen des questions relatives au droit au développement en entendant les délégations des pays suivants : Allemagne, Chine, Colombie, Pakistan, Maroc, Madagascar, Norvège, Japon et Sri Lanka. L'expert indépendant sur le droit au développement, M.Arjun Sengupta, a suggéré que ses travaux portent en priorité sur la promotion du droit à l'alimentation, du droit à recevoir une instruction primaire et du droit aux soins de santé de base.

Plusieurs délégations ont souligné que la personne humaine doit être au centre du développement et que des améliorations dans ce domaine ne sauraient être atteintes sans la participation des pays développés. En outre, de nombreux pays en développement ont encore un niveau de vie en-deçà de leurs aspirations légitimes.

La Commission a aussi été saisie des rapports du Secrétaire général et du Haut Commissaire aux droits de l'homme sur le droit au développement.

Poursuivant par ailleurs son débat sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, la Commission a entendu les organisations non gouvernementales suivantes : European Union of Public Relations, Conférence asiatique des boudhistes pour la paix, Société pour les peuples en danger, Indian Movement Tupaj Amaru, Conseil international de traités indiens, Association américaine de juristes, International Educational Development. Certaines organisations non gouvernementales ont noté une augmentation des phénomènes de discrimination raciale et ont proposé d'examiner les formes contemporaines de racisme, notamment en ce qui concerne les travailleurs migrants.

Dans le cadre de ce débat, l'Éthiopie, l'Érythrée et le Soudan ont exercé leur droit réponse.

La Commission poursuit ses débats jusqu'à minuit sur les questions du droit au développement.

Suite du débat sur le racisme, la discrimination raciale et la xénophobie

MME HELGA JURT (European Union of Public Relations) a affirmé que l'Inde, bien qu'elle ait connu certaines manifestations d'intolérance entre les groupes qui composent sa population, a maintenu sa foi dans son cadre juridique et constitutionnel fondé sur les droits de l'homme et a cherché à se dissocier de ceux qui ne respectaient pas ce cadre. En revanche, le Pakistan, après le court intermède démocratique qui a suivi sa création, a sombré dans la dictature militaire. Des groupes armés fondamentalistes éduqués dans les écoles religieuses parcourent les rues du pays et menacent la vie même du Premier Ministre. La discrimination institutionnelle, constitutionnelle et juridique à l'encontre de certains groupes est courante au Pakistan. Le représentant a notamment attiré l'attention sur la situation des Mohajirs et des Ahmediyas dans le pays. La démocratie pakistanaise est un pouvoir militaire déguisé en pouvoir civil. Le terrorisme est encouragé par le Pakistan au Cachemire et prend la forme du nettoyage ethnique de la minorité indienne. Récemment, les femmes afghanes ont du adopter le voile. Les femmes pakistanaises vont bientôt devoir se battre pour leur liberté.

M.SHAHAB QARNI (Conférence asiatique des boudhistes pour la paix) a déclaré que, sans vouloir entrer dans le détail de la discrimination raciale contre les Mohajirs par les gouvernements successifs du Pakistan au cours des quatre dernières décennies, la discrimination raciale n'a pas disparu et a même plutôt été exacerbée ces dernières années. Afin de légitimer sa répression, le Gouvernement du Pakistan fait passer les Mohajirs pour des criminels et des terroristes. Il a réussi à créer ainsi un sentiment de haine et de discrimination à leur égard. Cette stratégie devient possible grâce à leur concentration géographique. Le représentant a demandé, compte tenu de la discrimination raciale exercée à l'encontre des Mohajir sur la base d'origines nationales et sociales, que cette dimension de la discrimination raciale soit prise en compte dans les délibérations menant à la Conférence mondiale contre le racisme.

M.PRIMO BURSICK (Société pour les peuples en danger) a déclaré que les autorités soudanaises se livrent à de nombreuses exactions sur les populations nuba. Ces populations sont en outre privées de leurs terres par la pose de mines anti-personnel. Le représentant a déclaré que la politique pratiquée par le Soudan est fondée sur le racisme profond de la junte militaire envers les groupes de population africains et son refus d'admettre que le Soudan est un pays à la fois musulman et Africain. M. Bursick a demandé à la Commission que soit nommé un représentant spécial chargé d'enquêter sur les violations des droits de l'homme commises contre les populations nuba. Il a également réclamé la suppression du blocus économique, afin d'éviter la mort de milliers de personnes.

M.LAZARO PARY (Indian Movement Tupaj Amaru) a déclaré que la Conférence mondiale contre le racisme devrait examiner les manifestations de racisme et analyser les racines de ce fléau. La Conférence devrait aussi étudier l'ampleur des formes contemporaines de racisme ainsi que les problèmes de l'exclusion et de l'immigration dans le contexte de la mondialisation des capitaux et des marchés ainsi que dans le contexte de la déréglementation du système financier international et du nouvel ordre économique international. La communauté internationale doit également procéder à un examen de conscience au sujet des facteurs qui empêchent d'atteindre les objectifs de la troisième Décennie de lutte contre le racisme et la discrimination raciale. La Conférence mondiale devrait en outre accorder une attention prioritaire à l'usage de l'internet à des fins de propagande raciste et à l'adoption d'un code de déontologie à l'intention des usagers et des fournisseurs de services internet.

MME FAITH GEMMIL (Conseil international de traités indiens) a remarqué qu'en dépit des normes existantes, les violations des droits de l'homme continuent de façon quotidienne dans le monde, et en particulier à l'encontre des peuples autochtones américains. En témoignent notamment les plans visant à enterrer des déchets radioactifs en Californie sur des terres considérées comme sacrées par les autochtones. Le racisme institutionnel est devenu une pratique courante aux États Unis. Cette forme de racisme passe par exemple par l'utilisation de noms indiens pour désigner des mascottes utilisées à des fins commerciales, ce qui favorise la création de stéréotypes ayant pour but de donner l'illusion que les indiens brandissent toujours leurs tomahawks en hurlant. Notre culture va s'éteindre dans quelques générations a-t-elle déclaré. Les Amérindiens figurent parmi les Américains les plus défavorisés. La cruauté raciale existe aux États Unis. La représentante a conclu en faisant une proposition pour que les indiens d'Amérique puissent jouir de leur identité et que leur culture ne soit pas utilisée à des fins commerciales.

MME MERCEDES MOYA (Association américaine de juristes) a déploré que des sociétés modernes et démocratiques continuent de fonctionner selon des principes discriminatoires contraires au droit au développement. Mme Moya a également regretté que la résolution sur les dommages causés au continent africain et à ses descendants afro-américains proposée par le groupe Africain lors de la précédente Commission ait été rejetée. Elle a déclaré que la réforme de la Constitution du Honduras va permettre à des sociétés nationales et internationales de s'ap1proprier les terres des populations d'origine africaine du Honduras. Au Brésil, des décrets en faveur de ces populations sont annulés par d'autres qui leur refusent la possession de leurs territoires traditionnels. En Colombie, il y a eu un début de reconnaissance juridique de la possession des terres communales mais le Président qui vient d'accéder au pouvoir en a limité la portée, a t-elle regretté.

M. S. K.KIRUBAHARAN (International Educational Development) a attiré l'attention sur la situation au SriLanka où le peuple tamoul subit l'oppression depuis de nombreuses années. Le peuple tamoul est devenu, par la force, une minorité ethnique au sein d'une île dominée par les Cinghalais. Les Tamouls se voient nier l'égalité d'accès à l'éducation et à l'emploi, a affirmé le représentant. Il a dénoncé les massacres dont sont victimes les Tamouls depuis de nombreuses années et a souligné que l'armée d'occupation au Nord de l'île est uniquement composée de Cinghalais qui ne parlent pas le tamoul, pourtant langue de la population tamoule de cette région. International Educational Development demande que ce problème soit résolu en reconnaissant le droit inhérent des Tamouls à déterminer leur propre statut politique.

Droit de réponse

Le représentant de l'Érythrée a déclaré, en réponse à l'Éthiopie, que c'est le problème de discrimination raciale en Éthiopie qui est à la source de violations des droits de l'homme. L'Éthiopie ne devrait pas voir de problème à une extension du mandat de rapporteur spécial dans la Corne de l'Afrique et devrait même appuyer cette proposition, a estimé le représentant érythréen.

Le représentant du Soudan a déclaré, en réponse à la Société pour les peuples en danger, que la Constitution du Soudan, nation multiethnique et multiraciale, interdit l'incitation à la haine fondée sur la différence ethnique. Il y a par ailleurs des partis politiques et une presse indépendante dans le pays. Selon lui, le représentant de la Société pour les peuples en danger a probablement été mal informé.

Le représentant de l'Éthiopie a rejeté la déclaration de l'Érythrée, et a dénoncé «les mensonges et les machinations de ce pays à l'encontre de l'Éthiopie». Il a prié la Commission d'empêcher cet État de poursuivre sa politique raciste et discriminatoire.

Le représentant de l'Érythrée a rappelé que la Présidente de la Commission avait souhaité que la session évite la polémique. Aussi, a-t-il souligné qu'il existe un point de l'ordre du jour consacré à la situation dans des pays particuliers; c'est donc dans le cadre de ce point que l'Érythrée prendra la parole.

Présentation de rapports au titre du droit au développement

M.ARJUN SENGUPTA, Expert indépendant sur le droit au développement, a pris note des évolutions importantes qui ont eu lieu dans le domaine du droit au développement. Il a déclaré que le développement existe au coeur même de la théorie économique. Il faut définir des concepts afin que tout le monde comprenne le sens de l'expression «voir le développement sous l'angle des droits de l'homme». M.Sengupta a déclaré vouloir lancer un processus de réflexion englobant les organisations non gouvernementales et les institutions internationales afin de créer un climat de confiance au niveau mondial.

M.Sengupta a souligné que le droit au développement ne peut être assuré que par une action collective de l'État, de la société civile et de la communauté internationale. Il faut préciser les responsabilités de l'État et de la communauté internationale, a t-il dit. L'expert indépendant a préconisé l'utilisation de l'aide publique au développement pour favoriser le flux de capitaux privés vers les pays démunis d'Afrique et d'Asie. Toutefois, les fonds publics doivent prendre en charge les couches défavorisées de la population qui n'ont plus accès aux services lors de privatisations, a t-il souligné.

M.Sengupta a proposé de mettre l'accent sur trois droits prioritaires: le droit à l'alimentation, à l'instruction primaire et aux soins de santé de base.

La Commission est également saisie d'une note du Secrétariat sur le programme de travail provisoire de l'expert indépendant sur le droit au développement (E/CN.4/1999/118) dans laquelle figurent les éléments à considérer, selon l'expert indépendant, aux fins de la mise en oeuvre de ce droit. Parmi ces éléments, l'expert indépendant, M.Arjun Sengupta (Inde) retient, conformément aux éléments constitutifs du droit au développement énoncés dans la Déclaration sur le droit au développement, l'essence du droit au développement, la responsabilité des États et la coopération internationale ainsi que l'élimination des obstacles au développement résultant du non-respect des droits civils et politiques et des droits économiques, sociaux et culturels.

Toute stratégie visant à mettre en oeuvre le droit au développement doit être fondée à la fois sur des mesures au niveau national et sur une action internationale cohérente qui prévoie une coopération entre les différents secteurs d'activité économique et entre les institutions. Il conviendrait de présenter au Groupe de travail à composition non limitée de la Commission des informations et des données qui lui permettent de faire des progrès concrets dans l'exécution de son mandat en relation avec la réalisation du droit au développement. Pour que ces informations puissent être préparées, l'expert propose d'établir des monographies consacrées aux pays qui ont été confrontés à des difficultés financières, économiques ou sociales et qui ont reçu de la communauté internationale une aide financière globale, en analysant l'impact de ces facteurs sur la réalisation du droit au développement. L'expert propose également d'inviter tous les gouvernements à fournir des informations sur les mesures concrètes qu'ils appliquent au niveau national pour mettre en oeuvre le droit au développement en tant que droit fondamental. Il propose en outre d'organiser une consultation, avec la participation de personnalités éminentes venues de toutes les régions du monde, pour examiner les réponses reçues des gouvernements et aider à préparer une analyse à l'intention du Groupe de travail. Une consultation sera également organisée avec les représentants des organismes du système des NationsUnies et des organisations internationales de financement et de développement en vue d'élaborer un rapport à l'intention du Groupe de travail. L'expert propose aussi de demander aux principales organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme dotées du statut consultatif auprès du Conseil économique et social de présenter des informations et des observations en relation avec l'élimination des obstacles au développement résultant du non-respect des droits civils et politiques et des droits économiques, sociaux et culturels.

Pour exécuter ce mandat, l'expert propose notamment, pour 1999, d'entreprendre des missions dans les pays suivants : Indonésie, République de Corée, Thaïlande, Malaisie, Bulgarie, Pologne, Fédération de Russie, Kazakhstan. Pour l'an 2000, il propose des visites en Argentine, au Mexique, au Brésil, en Guyana, en Afrique du Sud, au Ghana, en République-unie de Tanzanie et en Égypte.

Dans son rapport sur le droit au développement (E/CN.4/1999/19), la Haut-Commissaire aux droits de l'homme souligne qu'alors que les progrès techniques et la mondialisation déterminent dans une large mesure les conditions de vie de telle ou telle société, il importe au plus haut point que le secteur privé tienne compte, dans ses activités, de la dignité et des droits de l'être humain. Les organes et organismes des NationsUnies s'occupant des droits de l'homme n'ont cessé d'appeler l'attention des institutions financières intergouvernementales sur la dimension «droits de l'homme» du développement, rappelle le rapport. Tout en respectant les normes internationales relatives aux droits de l'homme, le secteur privé devrait également prendre conscience de son rôle dans la promotion, à l'échelle mondiale, d'un développement durable centré sur l'homme. Le Haut Commissariat est disposé à l'aider dans cette voie, indique le rapport.

En 1999, le Haut Commissariat envisage d'organiser deux séminaires régionaux sur le droit au développement, l'un en Amérique latine et l'autre en Afrique. Les séminaires pour les Caraïbes et l'Asie seront organisés en l'an 2000. L'Expert indépendant sur le droit au développement sera invité à prendre part à ces réunions. Au début de l'année 1998, le Haut-Commissariat et le PNUD ont signé un mémorandum d'accord qui servira de cadre de coopération entre les deux institutions. En marge du colloque organisé à Oslo en octobre 1998 sur les droits de l'homme et le développement humain, le Haut Commissariat a organisé une consultation informelle entre l'expert indépendant dans le domaine du droit au développement, le Rapporteur spécial sur la dette extérieure et l'expert indépendant sur la question des droits de l'homme et de l'extrême pauvreté, dont les mandats respectifs sont interdépendants.

Le rapport du Secrétaire général sur le droit au développement (E/CN.4/1999/20) a été présenté en application de la résolution 1998/72 de la Commission par laquelle elle lui a demandé de lui présenter à la cinquante cinquième session un rapport d'ensemble sur l'application des diverses dispositions de la résolution. Il contient le résumé des réponses de différents pays qui ont fourni des informations sur le suivi de la Déclaration sur le droit su développement.

La République islamique d'Iran a estimé qu'à l'heure actuelle, la réalisation du droit au développement est encore loin d'être une réalité, bien qu'il ait été reconnu et accepté en tant que droit universel et inaliénable et que sa mise en oeuvre connaisse une évolution rapide. Avec l'apparition de nouveaux obstacles, il est nécessaire que sa mise en oeuvre s'accompagne d'un processus de coopération internationale, en application de la Déclaration et Programme d'action de Vienne. La République islamique d'Iran s'est par ailleurs déclarée préoccupée par le fait que le respect des droits de l'homme devient une condition à laquelle sont subordonnés les prêts, l'assistance ou le commerce.

Le gouvernement libanais déclare respecter strictement le droit au développement tel qu'il est reconnu par l'Assemblée générale des Nations Unies; c'est un droit fondamental qui englobe les droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques de l'être humain. Le gouvernement met en chantier des projets de développement social et sanitaire en collaboration et en association avec les organismes publics et des municipalités, des associations, des clubs et organes locaux de manière à permettre aux communautés locales de participer à la planification, supervision et mise en oeuvre de ces projets à travers un comité mixte créé à cet effet.

Le Maroc a répondu en expliquant qu'en tant que pays en voie de développement ayant pour souci majeur la construction d'un État moderne et respectueux des droits de l'homme universellement reconnus, il adhère aux principes et actions relatifs à la réalisation du droit au développement tels que réaffirmés dans la résolution 1998/72 de la Commission des droits de l'homme. Le Maroc considère comme essentiel de tenir compte de ce que la mise en oeuvre effective du droit au développement soit sous tendue par une coopération internationale rénovée entre le Nord et le Sud, en particulier par l'allégement de la dette extérieure des pays en voie de développement.

Enfin, le Portugal a reconnu l'importance de la lutte contre l'exclusion sociale et la pauvreté.

Débat sur le droit au développement

M. SHIGEKI SUMI(Japon) a rappelé le caractère universel et inaliénable du droit au développement et a souligné que ce droit fait partie intégrante des droits fondamentaux. La responsabilité en matière de réalisation de ce droit incombe avant tout aux gouvernements, a-t-il affirmé. Il a toutefois souligné que le manque de développement ne saurait être invoqué pour justifier des infractions aux droits de l'homme internationalement reconnus. En tant que principal pays donateur, le Japon reconnaît l'importance d'une coopération internationale accrue et d'une élimination des obstacles au développement pour assurer la pleine réalisation du droit au développement. Dans le cadre de son aide publique au développement, le Japon accorde une grande importance à l'appui qui peut être apporté aux efforts nationaux en matière de réduction de la pauvreté, d'amélioration de la santé et du renforcement des ressources humaines. En octobre dernier, le Japon a accueilli, à Tokyo, la deuxième Conférence internationale sur le développement de l'Afrique à l'issue de laquelle a été adopté le programme d'action de Tokyo dont l'objectif est la promotion du développement dans certains secteurs clefs.

Le représentant japonais a souligné le nécessité, pour la communauté internationale, de définir le droit au développement et les éléments qui le constituent. Le Japon juge très judicieuse la démarche de M.Sengupta, expert indépendant sur le droit au développement, proposant que l'on aborde la problématique du droit au développement en commençant par le droit à l'alimentation, le droit à la santé primaire et le droit à l'éducation primaire. Étant donné le lien étroit qui unit le droit au développement et le développement économique, la réalisation de ce droit ne sera pas possible sans la coopération d'organes économiques tels que la Banque mondiale et les entreprises privées. Le Japon se réjouit de l'établissement d'un mécanisme de suivi qui, sous la forme d'un groupe de travail devant se réunir après la présente session de la Commission, serait chargé de faciliter la mise en oeuvre du droit au développement. Lors de la dernière session de l'Assemblée générale, les États ne sont pas parvenus à concilier l
eurs divergences de vue, a déclaré le représentant japonais, qui a formulé l'espoir qu'un consensus pourra être atteint au cours de la présente session de la Commission.

M.WILHEM HÖYNCK (Allemagne, au nom de l'Union européenne et des pays associés) a estimé que le droit au développement est un droit dynamique. Le manque de développement n'est pas une excuse pour nier les droits de l'homme et de la sorte minimiser toute perspective de vie meilleure. Si la démocratie et le respect de l'état de droit ne sont pas les seuls moyen pour atteindre et maintenir la bonne gouvernance, ils font partie des plus importants. Certains pays semblent défendre l'idée selon laquelle la réalisation d'objectifs strictement matériels devrait prendre le pas sur les droits de l'homme. Comme si les droits de l'homme étaient les ennemis du développement. Le représentant a mis en garde contre de telles idées, spécialement depuis que l'expérience ces dernières années a prouvé qu'elles étaient fausses.

Le représentant a accueilli avec satisfaction le fait que de plus en plus de plans et programmes de développement sont menés en tenant compte de la nécessité de réaliser les droits de l'homme et le renforcement des institutions. Il en résulte que le développement de la coopération contribue aussi à la réalisation du droit au développement. Cela ajoute aux ressources disponibles dans les programmes des Nations Unies sur les droits de l'homme, qui, quoi qu'il en soit, nécessitent d'être encore soutenus. En dépit de ces progrès, il continue à avoir de graves déficits dans la mise en oeuvre du droit au développement. Le représentant souhaiterait que les discussions futures sur le droit au développement puissent traiter des solutions complexes en rapport avec sa mise en oeuvre. Il a estimé qu'il serait en particulier plus intéressant que toutes les délégations puissent collaborer activement à l'élaboration de la résolution sur le droit au développement avec un système permettant à la Commission de l'adopter sans vote, car cela mettrait en lumière l'importance accordée au droit au développement par de nombreuses délégations, a-t-il conclu.

M. CAMILO REYES RODRIGUEZ (Colombie) a souligné que le dernier rapport sur le développement révèle notamment que 400 millions de personnes n'ont pas accès aux soins de santé de base. Bien que la situation du tiers monde soit dramatique, les pays industrialisés rencontrent aussi de graves difficultés comme le chômage endémique. À cette situation économique préoccupante s'ajoutent les problèmes écologiques. Dans une conception globale des droits de l'homme, le droit au développement revêt un caractère dynamique. Il exige la participation de l'ensemble des acteurs au niveau national et international, a souligné le représentant colombien. La libéralisation commerciale doit déboucher sur le bien-être général et favoriser la justice sociale. Le droit au développement est une cause commune de l'humanité, a conclu M. Rodriguez.

M.AKRAM ZAKI (Pakistan) a déclaré que les perspectives de mise en oeuvre du droit au développement s'améliorent car on assiste à une clarification des concepts qui devraient mener à une atténuation des polémiques en la matière. Malheureusement, les discussions sur les moyens permettant de mettre en oeuvre le droit au développement restent insuffisantes. À cet égard, le représentant pakistanais a jugé incohérente l'approche préconisée par l'expert indépendant qui a mis arbitrairement l'accent sur certains domaines particuliers d'action prioritaire. Selon le Pakistan, l'essentiel de l'attention devrait être consacré à la question fondamentale qui détermine la capacité des gouvernements à assurer la réalisation du droit au développement pour leurs citoyens, c'est-à-dire leur capacité à faire en sorte que les structures et les règles de l'économie mondiale conduisent à la réalisation de ce droit.

Les disparités de revenus entre les pays les plus riches et les pays les plus pauvres se sont considérablement creusées ces dernières années, a souligné le représentant pakistanais. Il faut assurer une gestion démocratique de la mondialisation. Le représentant pakistanais a regretté la résistance de certains à reconnaître que le droit au développement ne saurait se réaliser en dehors d'un contexte économique international favorable. Pour assurer la promotion du droit au développement, il faudrait établir un mécanisme de surveillance de l'application des engagements pris par la communauté internationale, en particulier par les pays développés, lors des récents sommets des NationsUnies. Il conviendrait aussi d'examiner l'existence de considérations d'équité dans le contexte du régime commercial international. Il faudrait en outre passer en revue les décisions prises par les institutions financières internationales ainsi que par les institutions internationales oeuvrant dans le domaine du développement, ai
nsi que leurs méthodes de travail, afin d'améliorer leur représentativité et leur responsabilisation. La Commission devrait recommander que les politiques de gestion de l'économie mondiale soient élaborées au-delà d'instances restreintes tels que le G7. La capacité du Haut Commissariat aux droits de l'homme à surveiller et analyser la situation économique internationale du point de vue de la réalisation du droit au développement devrait être renforcée.


M. NACER BENJELLOUNI TOUIMI(Maroc) a regretté le peu de progrès accompli en matière de développement, malgré certaines avancées encourageantes. La réalisation du droit au développement doit suivre une double démarche, à savoir, l'établissement d'un bilan objectif de la situation économique et sociale au niveau international et la définition et la mise en oeuvre d'une stratégie réaliste de promotion du droit au développement, a t-il préconisé.

Les indicateurs socio-économiques de la majorité des pays en développement continuent d'être négatifs. Ces pays ont un niveau de vie en-deçà des aspirations légitimes de leurs populations, a t-il déploré. Face à un tel constat, la mise en oeuvre d'une stratégie novatrice en matière de promotion du droit au développement s'avère nécessaire, a t-il souligné. Cette stratégie pourrait être axée autour de la création d'une synergie entre les instances internationales compétentes et de la mise en place d'un mécanisme de suivi permettant l'application de mesures concrètes, a déclaré le représentant du Maroc.

M.MAXIME ZAFERA (Madagascar) a déclaré que le droit au développement est un droit inaliénable de l'homme. Il a reconnu que le développement économique de chaque pays incombe en premier lieu aux responsables nationaux. Cela requiert des politiques de développement efficaces dont la mise en oeuvre suppose un parcours dépourvu d'obstacles; ces obstacles peuvent être de nature politique ou économique. Dans un certain nombre de pays comme Madagascar, victime tous les ans de cyclones tropicaux, d'inondations, de sécheresse, il est illusoire d'espérer que les seuls efforts de ces pays permettront d'aboutir rapidement à une pleine réalisation du droit au développement.

Il est difficile d'imaginer que le monde puisse vivre dans une paix véritable si une partie vit dans la prospérité et une autre dans la misère. L'élimination de la pauvreté est un préalable indispensable à une paix durable, a-t-il souligné. La notion de l'interdépendance des pays prend aujourd'hui tout son sens et implique plus que jamais une manifestation accrue de la solidarité internationale, surtout sur des questions aussi fondamentales que la charge de la dette, l'aide publique au développement, l'intégration au commerce international. La communauté internationale a la capacité d'éliminer la pauvreté et a les ressources nécessaires pour le faire. Il lui faudra relever ce défi, a conclu M.Zafera.

M.JANIS BJØRN KANAVIN (Norvège) a rappelé que le droit au développement n'est pas une question purement théorique. La promotion de ce droit peut même constituer une base d'action dans le domaine des droits de l'homme et du développement. Le représentant norvégien a indiqué que son pays est engagé dans le suivi du Colloque de haut niveau qui s'est réuni à Oslo il y a six mois et qui s'est penché sur la question des droits de l'homme et du développement humain.

Le représentant norvégien a souligné qu'il faut veiller à ne pas diluer la responsabilité qui incombe aux États en matière d'application des droits de l'homme. La Norvège, pour sa part, est prête à accepter son «devoir de coopération». Elle respecte l'objectif fixé par les NationsUnies pour ce qui est de l'aide publique au développement. Le fait que la Norvège soit favorable au principe énoncé dans l'initiative 20/20 (20% de l'APD et 20% des dépenses publiques du pays récipiendaire consacrés à la satisfaction des besoins sociaux essentiels) témoigne également de l'engagement de la Norvège en faveur du droit au développement. La Norvège se réjouit des efforts déployés par la Banque mondiale pour accorder une attention plus grande aux droits de l'homme. En conclusion, le représentant a souligné qu'il n'est pas approprié de porter devant la Commission des questions qui concernent d'autres instances.

MME RENUKA NAIKER (Afrique du Sud) a déclaré que l'État a un rôle central à jouer dans le cadre de la création de conditions favorables au développement. À cet égard, le gouvernement sud-africain a mis en oeuvre de nombreuses mesures de lutte contre la corruption au niveau législatif, administratif et financier. Le Gouvernement s'est également efforcé de réorienter les dépenses publiques vers les sphères les plus pauvres de la population.

Depuis les élections de 1994, d'importants progrès en matière de nutrition, d'accès aux sources d'énergie, en termes de scolarisation et d'accès aux soins de santé ont été réalisés en Afrique du Sud a souligné la représentante. La parité des entre les sexes a également été mise au centre des priorités du gouvernement, a t-elle déclaré. La représentante sud-africaine a indiqué que sa délégation donnerait la priorité aux actions internationales entreprises pour la promotion du droit au développement, notamment dans le cadre du groupe de travail à composition non limitée sur le droit au développement et en collaboration avec l'expert indépendant sur le droit au développement.

M.SHAMBHU SIMKHADA (Népal) a souligné l'indivisibilité, l'universalité et l'interdépendance des droits civiques, politiques, économiques, sociaux et culturels. La nouvelle constitution démocratique du Népal garantit les droits de l'homme et les libertés fondamentales de chaque citoyen. Pour un petit pays, sans littoral et faisant partie des pays les moins avancés, les défis sont manifestement plus difficiles à relever en raison du manque de ressources humaines, matérielles et techniques nécessaires pour répondre aux besoins de la population. Ce fardeau a été alourdi par la présence de nombreux réfugiés en provenance du Bouthan dans l'est du pays et par les actes de violence et de terrorisme dans d'autres parties du Népal. Ces éléments ont ajouté aux difficultés du gouvernement dans la mise en oeuvre du développement socio-économique devant lui permettre de satisfaire aux besoins de l'ensemble de la population népalaise.

En dépit de ces difficultés, le gouvernement s'est engagé dans la promotion et la protection des droits fondamentaux des citoyens et dans le développement socio-économique. Les plans de développement et les budgets annuels du gouvernement se sont orientés vers la protection des plus vulnérables. Dans ce cadre, le représentant népalais a souligné l'importance pour les États de respecter leurs obligations et le rôle primordial que doivent jouer les institutions internationales et les institutions de la société civile dans le développement dans les pays en voie de développement, et en particulier pour les pays les moins avancés.

M. H. K.SINGH (Inde) a souligné que la démocratie et une gestion transparente et responsable ainsi que la pleine jouissance des droits civils et politiques sont essentiels pour la réalisation du droit au développement. Seule la démocratie peut permettre aux individus de jouir de leur droit de participer au processus de développement et d'influencer son orientation. Il convient de reconnaître que la pauvreté ou le manque de développement sont des facteurs susceptibles d'empêcher les personnes les plus marginalisées de jouir de leurs droits de l'homme. Vaincre la pauvreté doit donc devenir une priorité. Rappelant que le droit au développement est un droit inaliénable, le représentant indien a estimé qu'il est urgent d'adopter une approche des droits de l'homme qui soit fondée sur le développement. L'Inde, pour sa part, a lancé une initiative de développement humain au niveau national qui met l'accent sur la sécurité alimentaire de la population, les soins de santé, l'éducation, l'emploi et le logement des groupes les plus pauvres et les plus vulnérables de la population.

M.Singh a rappelé que l'an dernier, la Commission avait adopté par consensus une résolution sur le droit au développement qui a établi un mécanisme de suivi consistant en un groupe de travail à composition non limitée assisté d'un expert indépendant. L'Inde estime que les éléments de fond contenus dans cette résolution ainsi que les dispositions de la Déclaration sur le droit au développement devraient fournir le cadre conceptuel du fonctionnement de ce mécanisme de suivi. L'Inde souhaiterait que soit rapidement désigné, par consensus, le président du Groupe de travail afin qu'il puisse engager des consultations informelles avec tous les États membres, les institutions des NationsUnies et les organisations non gouvernementales intéressées.

M. JORGE FERRER RODRIGUEZ (Cuba) a souligné la nécessité d'entreprendre une action concrète en faveur du droit au développement. Il a déploré l'augmentation des dépenses en armements dans un environnement mondial marqué par de nombreuses catastrophes, notamment dans le domaine de la santé. Le représentant a souligné que la personne humaine doit être placée au centre du développement. La volonté politique a dans ce domaine une importance primordiale, en particulier de la part des pays développés qui disposent de ressources accrues.

Le représentant de Cuba a également appelé à la démocratisation du système financier international. Il a déploré que peu de pays respectent leur engagement de consacrer 0,7% de leur produit national brut à l'aide au développement. En revanche, il a salué les États qui ont respecté cet engagement, et particulièrement la Norvège qui l'a même dépassé. Le représentant a déclaré que son pays, comme la France, a renoncé à recouvrer le service de la dette auprès des pays touchés par l'ouragan Mitch. Cuba a également envoyé gratuitement des médecins à Haïti, au Nicaragua et au Honduras afin d'apporter sa contribution à la préservation de vies humaines.

M. A.SAJ A. MENDIS(Sri Lanka) a déclaré que treize années se sont écoulés depuis que l'Assemblée générale a adopté la Déclaration sur le droit au développement. Pourtant, près de 1,2 milliard de personnes vivent toujours dans la pauvreté la plus absolue, ce qui représente un cinquième de la population mondiale. Pendant de nombreuses décennies, le Sri Lanka a investi de façon substantielle dans le développement humain, l'éducation, le bien-être social et le système de santé. Cependant, cet effort national ne peut être soutenu sans un environnement extérieur correspondant qui soutiendrait de tels engagements. Les mesures économiques libérales ne peuvent pas être mises en oeuvre au niveau national en l'absence d'un environnement économique favorable au niveau international. La mondialisation revêt une importance vitale en ce qui concerne la réalisation du droit au développement dans la mesure où une bonne stratégie de la mondialisation peut déboucher sur des résultats tangibles pour tous.

Selon le représentant, le Haut Commissariat pour les droits de l'homme a un rôle important à jouer dans la réalisation du droit au développement. Dans le but de l'accomplir, les infrastructures administratives et les ressources financières sont indispensables. Il serait également important de mener à bien cette tâche en coordination avec d'autres organisations nationales et internationales. Le représentant a émis l'espoir que la résolution sur le droit au développement de cette année pourra être adoptée par consensus.

M.REN YISHENG (Chine) a rappelé qu'un tiers de la population des pays les moins avancés meurt avant d'avoir atteint l'âge de quarante ans. Il a relevé que l'aide publique au développement des pays développés est loin d'atteindre l'objectif de 0,7% du produit national brut qu'ils se sont engagés à atteindre. Il a déclaré qu'une application efficace de la Déclaration sur le droit au développement exige la reconnaissance du droit au développement comme composante importante des droits de l'homme.

Le représentant chinois a regretté la tendance à privilégier les droits individuels au détriment des droits collectifs et à mettre davantage l'accent sur les droits civils et politiques que sur les droits économiques, sociaux et culturels ou le droit au développement. Aussi, serait-il nécessaire de redresser la balance entre ces deux catégories de droits. Le représentant a par ailleurs exprimé l'espoir que les obstacles à la réalisation du droit au développement seraient étudiés en profondeur lors des prochaines réunions du Groupe de travail sur la question. Si, pour réaliser le droit au développement, les efforts nationaux sont sans conteste très importants, un environnement extérieur favorable au développement et une coopération internationale accrue sur la base de l'égalité et du respect mutuel sont aussi indispensables.
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